« La marche de l’histoire est parfois facétieuse. Le contexte donne un parfum particulier à cet évènement participatif » confirmait le producteur Philippe Collin, lors de sa présentation au public. Né de l’enregistrement d’un podcast original de France Inter, écrit et raconté par le producteur avec Charles Berling dans le rôle de Léon Blum, le spectacle met en scène la production radio et son ballet de signes (Violaine Ballet) commentée par les dessins effectués en direct par Sébastien Goethals. Après Toulon et avant Marseille la saison prochaine,Aix a invité lecteurs, danseurs et choristes de chaque territoire à participer à une expérience, où le public est impliqué activement : dans des discussions avec l’historien Nicolas Rousselier, lors d’un bal et d’un banquet républicain partagés dans les grandes tablées installées à l’extérieur du théâtre.
Bref, la conception même de l’évènement qui dure de 14 à 23 heures fait vivre intensément les aspirations démocratiques et populaires, rappelant l’effervescence des « grèves joyeuses » qui ont suivi l’élection de la coalition du Front Populaire de 1936. À 23 heures, on restera encore à discuter, lire dans un coin la tribune d’Ariane Mnouchkine tout juste parue dans Libération… Le théâtre est une agora, un mouvement choral vivant, puissant, et jamais populiste.
Un peu d’histoire
En cinq temps de récit, entrecoupés par des chants et des bals populaires, est retracée la vie de Léon Blum et tout un panorama de son époque, de la fin du XIXe aux années 50. On le suit, brillant, lettré, nourri de l’esprit de justice par son éducation, ayant pour modèles les héros de Stendhal, auxquels il sera souvent comparé, ses amitiés, son essai Du mariage… À son Panthéon brille aussi l’étoile de Barrès avec lequel il rompra au moment de l’affaire Dreyfus C’est alors qu’il prend vraiment conscience de ce qu’est l’injustice. Ce qui compte pour lui c’est la résistance, que ce soit pour Dreyfus ou plus tard dans l’après-Vichy. Sa rencontre avec Jean Jaurès sera déterminante. Homme de l’union et du consensus, il se présente pourtant au congrès de Tours comme le « gardien de la vieille maison », refusant en bloc les 21 mesures de la 3e internationale bolchévique, ce qui amène à la scission SFIO (socialiste), SFIC (communiste), alors majoritaire .
Des parallèles glaçants
Bien sûr, le public est particulièrement attentif à l’élection du Front Populaire : ce gouvernement d’union qui n’a duré qu’un an et a pourtant apporté les congés payés, les 40 heures… plaçant l’État comme arbitre du contrat social. « La réforme est révolutionnaire, la révolution est réformatrice » affirme celui qui scande : « Il y a quelque chose qui ne me manquera jamais c’est la résolution, c’est le courage, c’est la fidélité ».
Des analogies s’instaurent avec notre temps présent : aujourd’hui, les forces de gauche se rassemblent sous le nom de Nouveau Front Populaire. Mais en 36 les droites étaient divisées, ce qui n’est plus le cas en 2024 soupire l’historien qui précise la différence entre la démocratie présidentielle actuelle, concentrée autour d’un chef suprême et celle parlementaire de 36 où les assemblées contrôlent l’essentiel du pouvoir législatif et dominent l’action du gouvernement…
Aux lendemains de la guerre de 39-45, selon Blum, le programme du CNR n’allait pas assez loin. C’était pour lui le moment d’installer un socialisme humaniste permettant à chacun d’oser l’aventure d’être soi-même. Quel écho aujourd’hui ?
MARYVONNE COLOMBANI
Léon Blum, une vie héroïque s’est donné le 15 juin au Bois de l’Aune, Aix-en-Provence