Le Festival international de musique de chambre de Provence a un talent bien à lui de nous emmener en voyage. Les compositeurs joués ne sont pas parmi les plus connus, et pour les plus célèbres, les œuvres choisies ont toujours une particularité attachante et neuve, que ce soit par leur histoire ou les instruments parfois inattendus qui leur sont dédiés.
C’est l’été, la légèreté est de mise, les programmes des concerts sont harmonieusement concoctés : variété des pièces, des univers, en un dosage de haute gastronomie, rien de trop, rien d’inutile, et une envie de revenir goûter aux délices à venir. La soirée intitulée Promenades d’après le titre de la première pièce du concert, Promenades de Bohuslav Martinů, invitait à suivre Jacques Ibert, Florent Schmitt, Max Bruch, Johannes Brahms et Felix Mendelssohn. Avouez que la célébrité de ces musiciens est assez inégale !
La série de petites pièces ciselées qui constituent l’ensemble Promenades de Martinů était jouée avec une fine élégance par Bilal Al Nemr (violon), Emmanuel Pahud (flûte) et Orlando Bass (piano). Les trois interprètes rendirent la diversité des sensations que peut éprouver le promeneur en ses déambulations qui le mènent à découvrir cafés ou bouquinistes le long de la Seine. On baroquise un peu, les phrasés se mêlent, se croisent, se répondent, c’est spirituel, imagé, délicat et prépare aux charmes contrastés de la Sonatine opus 85 de Florent Schmitt où la clarinette de Paul Meyer vient remplacer le violon. La combinaison des trois voix instrumentales tisse un filet sonore brillant où les émotions se déploient dans toute la richesse de leurs nuances. On retrouvait le violon aux côtés du piano et de la flûte pour Deux Interludes de Jacques Ibert et un détour par une Espagne fantasmée aux lignes mélodiques flamencas. Quatre des Huit pièces (Acht Stücke) que Max Bruch écrivit en pensant probablement à son fils, clarinettiste, rassemblaient autour de Paul Meyer l’altiste Lilli Maijala et le pianiste Frank Braley. La finesse des trois chambristes et leur complicité servit la profondeur et l’intensité de ces tableautins rondement menés. La seconde partie convoquait les plus célèbres, Brahms pour son Trio opus 114 pour piano, clarinette et violoncelle (respectivement Frank Braley, Paul Meyer, Claudio Bohórquez) et Felix Mendelssohn dans son Trio n° 1 en ré mineur opus 49 pour flûte, violoncelle et piano (Emmanuel Pahud, Claudio Bohórquez, Éric Le Sage). La clarté du jeu, la finesse des interprètes, l’évidence avec laquelle ils abordent les traits les plus virtuoses, la sensibilité de leur approche, leur talent à partager une palette vibrante de couleurs avec leur public, dessinaient les élans les plus échevelés et les variations les plus fantasques avec un bonheur rare. « Ce soir, c’était vraiment pour ceux qui aiment la musique, confiait Paul Meyer en souriant. »
MARYVONNE COLOMBANI
Concert donné le 31 juillet, cour du château de l’Emperi dans le cadre du festival international de musique de chambre de Provence