Sur le plateau du Grand Théâtre de Provence, c’est avec vivacité que Jean-François Roth ouvre le concert avec la Symphonie n° 35 en ré majeur de Mozart – il paraîtrait que le ré majeur était à la mode à Salzbourg et que le compositeur aurait été contraint de suivre cette injonction du temps avec agacement. Puissance du thème principal donné à l’unisson dans l’Allegro con spirito, alternance de gammes ascendantes survoltées qui laissent place au calme de l’Andante dont l’élégance prépare au Menuetto et un Presto qui dissimule l’Air d’Osmin de L’Enlèvement au sérail, un personnage de « méchant » que Mozart associait dit-on au prince de Salzbourg…
Un air arménien
La Symphonie Jupiter (n° 41 en ut majeur cette fois !) donnée en fin de programme apportait son équilibre majestueux et sa puissance digne d’un opéra, jouée par un orchestre aux couleurs et aux phrasés somptueux. Bouleversant l’ordre donné par la feuille de salle, le Concerto pour violon en ré majeur (décidément !) opus 61 de Beethoven (le seul que le maître de Bonn écrivit pour cet instrument) s’insérait entre les deux symphonies mozartiennes. Œuvre tenue par les violonistes comme la plus parfaite du répertoire, ce concerto, reflet d’une des périodes les plus heureuses de la vie de Beethoven, résonnait comme un chant d’amour universel, (celui du compositeur s’était alors cristallisé sur Thérèse de Brunswick à qui il était secrètement fiancé), porté par la violoniste Chouchane Siranossian, étoile de la scène classique et baroque actuelle. Le dialogue entre l’orchestre et le violon se moirait de transparences. La partition soliste venait ourler les lignes mélodiques orchestrales en une complicité harmonieuse. À cette poésie pure répondait en bis, écho à la situation terrifiante dans laquelle se trouve l’Arménie actuelle, l’interprétation bouleversante d’un air traditionnel arménien du XIe siècle, avec ses doubles notes, son bourdon continu et sa fluidité mélodique.
MARYVONNE COLOMBANI
Concert donné le 17 octobre au Grand Théâtre de Provence, Aix-en-Provence