dimanche 28 avril 2024
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ÉDITO : Le fantasme répressif au pouvoir

Il existe quelques avant-signes nets, répertoriés, des dérives totalitaires où se fourvoient les démocraties, juste avant de céder le pas à un régime autoritaire. L’un d’entre eux consiste à prendre des mesures répressives contre une partie de la population, alors même que ces mesures vont à l’encontre, avec évidence, de l’intérêt national de tous, mais aussi des intérêts économiques particuliers, y compris des patrons. 
Lorsque ces lois idéologiques sont votées, la république est en danger.

La loi dite « immigration », que Gérald Darmanin défend à l’Assemblée nationale, est clairement de celles-là : le danger que représenterait pour les Français la fin de l’accès aux soins pour les étrangers en situation irrégulière est patent, les virus, épidémies et pandémies ne s’arrêtant pas aux barrières de nationalité. Mais si l’article 3 est une aberration, l’article 2b est une infamie : en retirant aux enfants nés en France de parents étrangers le droit automatique d’être Français, l’article revient sur notre héritage républicain et révolutionnaire, le droit du sol de 1804. Il introduit une différence notable entre ceux qui doivent montrer patte blanche pour devenir Français, et ceux qui le sont de naissance. Une discrimination d’État.

Idéologie de la peur

Le fait de devoir demander sa nationalité française a été testé en France du temps de Charles Pasqua. Résultat : les plus pauvres et les filles ont nettement moins demandé la nationalité à laquelle iels avaient droit, alors qu’iels avaient 5 ans pour le faire (de 16 à 21 ans). L’intégration a marqué un coup d’arrêt, l’extrême droite a commencé son irrésistible ascension. Or l’article 2b de la loi « immigration intégration asile » prévoit deux ans seulement : dès 18 ans les jeunes filles à peine majeures ne pourront plus devenir françaises, même si ce sont leurs parents qui les ont retenues. Aucune campagne d’information n’est prévue dans les lycées…

Or il est un fait historique, scientifique, établi ; la répression globale, en démocratie, ne fait pas reculer l’insécurité. Seules l’information, la culture, la formation, la circulation des idées et des mémoires peuvent construire une société apaisée et résiliente. Comment ne pas le mesurer quand on se souvient du 17 octobre 1961, où le meurtre en masse de centaines d’Algériens a été dirigé par un certain Maurice Papon ? Que ferions-nous sans les historiens, les documentaristes, les artistes qui révèlent ces béances de l’histoire et font vivre la parole des victimes ? 

La mise en danger par les choix de l’État et des collectivités d’une association comme Ancrages, les attaques répétées contre le régime des intermittents qui permet notre vie culturelle, la présence de plus en plus pesante et coûteuse de mesures sécuritaires dans les événements culturels, vont à l’encontre de l’intérêt national. Ils attisent les tensions, contrecarrent les processus d’intégration, l’émancipation de tous·tes et la reconnaissance de la valeur culturelle de chacun·e. La peur et la rancœur, sidérées et arrogantes, détruisent les républiques.

AGNÈS FRESCHEL

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