Voilà plus de trente ans qu’Akos Verboczy a quitté Budapest pour Montréal. Parti à l’âge de onze ans sous l’impulsion de sa mère, et en compagnie de sa sœur, c’est aussi et surtout son père et sa patrie qu’il laisse alors derrière lui. Déjà explorée dans l’essai autobiographique Rhapsodie québécoise : itinéraire d’un enfant de la loi 101, paru en 2016 et se concentrant sur son arrivée au Canada, c’est de nouveau de cette rupture entre deux continents et deux pans de son identité qu’il est question avec La Maison de mon père, sa première incursion dans le genre du roman encore très teintée d’intime.
L’exil en héritage
Le Québec deviendra, on le devine, le lieu choisi par la branche maternelle, famille juive contrainte à plusieurs reprises à l’exil pour échapper aux vagues successives de persécution. Tandis que la Hongrie du père, issu d’une lignée aristocratique peu à peu décimée, semble appartenir au domaine de l’imaginaire et du fantasme révolu. Volage, alcoolique, endetté, irresponsable, le père n’aura pourtant pas laissé que des souvenirs amers à son fils, avant sa mort une douzaine d’années plus tôt. Non sans émotion, l’alter ego d’Akos Verboczy se lance à la recherche de cette « maison où le grenier est au rez-de-chaussée », comme il la qualifiait dans une de ses rédactions d’écolier, en compagnie de son ami d’enfance. Sur son chemin, l’enfant devenu quadragénaire s’affaire à retrouver différents membres de sa famille, et même son premier amour. L’occasion pour l’auteur au style tendre et lyrique de se frotter à une langue qu’il n’a jamais oubliée, et se révèle lourde de sens. Ainsi la « pótmama », se traduisant du hongrois en « mère suppléante », occupe-t-elle dans ses souvenirs une place bien à part ; ou le « haza » désignant à la fois la maison, la patrie et le foyer. Et de conserver de ce pays une douce mélancolie.
SUZANNE CANESSA
La Maison de mon père, de Akos Verboczy
Bruit du Monde - 21 €