mercredi 1 mai 2024
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Grotte Cosquer : une merveille désengloutie

Un an après son ouverture, la reproduction de la grotte Cosquer a convaincu ses visiteurs ainsi que le Conseiller régional délégué au patrimoine et à la mémoire, Richard Strambio qui fait le bilan de cette première année

Le parcours reproduisant la grotte Cosquer au sein de la villa Méditerranée a fêté son premier anniversaire en juin. Un voyage immersif en préhistoire (de -33 000 jusqu’à -19 000 ans avant notre ère), qui retrace la découverte du site, faite par Henri Cosquer,  et reproduit tous les symboles laissés par l’Homme à cette époque. Un site qui, au long de cette première année, a accueilli plus de 800.000 visiteurs, et devrait approcher le million d’ici la fin de sa deuxième saison estivale.

Immersion en paléolithique supérieur

La visite débute par une descente virtuelle, en ascenseur, à -37 mètres sous le niveau de la mer, et  se poursuit ensuite par un parcours à bord d’un wagon dans une réplique des profondeurs de la grotte.  Prouesse technique, le parcours concentre les dessins et gravures reproduits à l’échelle dans un espace assez réduit, et  balade ainsi le visiteur jusqu’aux moindres recoins de la réplique. L’histoire de la découverte de la grotte sous marine ainsi que le commentaire des nombreuses traces humaines sont susurrés dans des « audio casques ». Et le  sens artistique de ces humains d’un autre âge, si proches de nous dans leurs aspirations et leurs questionnements, est terriblement émouvant.

Le travail apporté aux détails est titanesque, chaque peinture de main ou d’animal, chaque gravure, chaque reproduction de stalactites, de stalagmites ou autre concrétion atypique est au plus proche du réel. « La réplique est tellement pointilleuse, on se prend au jeu » affirme, Richard Strambio, Conseiller régional délégué au patrimoine et à la mémoire. « On est à la pointe de la technologie et si notre imaginaire prend le dessus, alors à ce moment-là l’effet de réel fonctionne ».

Chaque jour, depuis le début de l’été, les visites sont complètes dès la matinée. « Je pense qu’il y a un engouement pour la préhistoire, pour nos origines, dans une époque qui manque de sens » confie, Richard Strambio, « Comprendre le passé, c’est comprendre le présent et éclairer l’avenir ».

A la suite de cette immersion au sein de la réplique, un court-métrage d’une dizaine de minutes est projeté dans l’amphithéâtre, qui retrace la découverte de la grotte par Henri Cosquer, la curiosité qui l’a poussé à tenter cette exploration à cinq reprises avant d’arriver au cœur de la grotte… ainsi que tous les risques bravés lors de cette aventure ! Une obstination qui aurait pu lui coûter la vie, ou condamner définitivement l’entrée de la grotte par exemple…

Fragilité humaine

La dernière partie de la visite, dans le porte-à-faux de la Villa Méditerranée, présente des reproductions grandeur nature des animaux évoqués, en peinture ou gravure, dans la grotte et sa réplique. Que cela soient des prédateurs maintenant disparus ou des animaux pacifiques, la qualité du détail est une nouvelle fois bluffante, et leur taille impressionnante : la fragilité des humains, dominés par ces animaux d’antan est ainsi mise en perspective sensible, en particulier grâce à la reproduction à l’échelle d’une femme enceinte, enveloppée de fourrure.

Notre proximité avec ces humains du paléolithique supérieur apparaît aussi avec la reproduction de divers bijoux, simples et beaux, et d’instruments de musique, percussifs, vents ou cordes, devenus universels, comme une constante de notre humanité, à l’égal des dessins ornementaux.

Préhistos bord de mer

Mais c’est une barque qui occupe la majeure partie de la salle, rappelant la spécificité de la découverte de Cosquer par rapport aux grottes Chauvet, ou à Lascaux : si l’occupation du site Cosquer qui fut très longue, correspond à la fin de Chauvet (-33000 ans) et se poursuit au-delà de Lascaux (- 21000 ans), sa spécificité, outre ces millénaires d’occupation, est sa situation maritime. La barque en bois permettait d’accueillir, par exemple, de nombreux chasseurs partis en quête de nourriture.

La découverte de cette grotte révèle donc un écosystème et un mode de vie unique : les peintures attestent, par exemple, qu’il y a eu des pingouins en Provence ! Et les concrétions rocheuses produites au fil du temps, notamment ces « lustres »reproduits dans la réplique, doivent leurs formes au sel marin.

L’exposition dans le porte-à-faux se conclut par différentes cartes et animations démontrant le niveau de la montée des eaux qui ne cesse de s’accélérer au fil du temps et qui était déjà, au temps d’Henri Cosquer, une préoccupation centrale lors de ses explorations.

« L’accélération de cette montée des eaux, le réchauffement climatique est la problématique majeure de notre temps. On touche du doigt quotidiennement ce défi avec la grotte Cosquer, qui finira malheureusement engloutie par les eaux » affirme Richard Strambio.

De l’audace, toujours de l’audace

Ainsi, cette reconstitution de la grotte Cosquer est un travail qui a demandé plusieurs années de préparation jusqu’à sa finalisation le 4 juin 2022. De la déclaration d’une grotte faite par Henri Cosquer en 1991, à son authentification par Jean Courtin et Jean Clottes, puis à sa reproduction au sein de la Villa Méditerranée aujourd’hui, il aura fallu attendre certains progrès techniques, ou les provoquer, afin d‘analyser chacune des traces laissées par l’Homme sur les murs de la grotte, comprendre comment les conserver au mieux, puis comment les retranscrire sur les murs artificiels de la réplique.

« Je considère ce projet comme une prouesse de conception dans tous les sens du terme, un mélange de prouesse et d’audace » s’enthousiasme, Richard Strambio. « Henri Cosquer a eu l’audace d’enlever son scaphandre autonome, puis il y a l’audace de penser à faire cette réplique, l’audace architecturale sur ce surplomb, l’audace finalement de la restitution ».

« L’amateur d’histoire en moi est satisfait, les représentations de ces mains dans la grotte est capitale, c’est un symbole du passage de l’Homme on ne peut plus clair, nous approchons des 900.000 visiteurs et ça le mérite largement, au vu des moyens employés ».

« J’estime que Marseille n’est pas souvent prise au sérieux alors qu’avec cette découverte, nous sommes dans l’un des premiers sites de grotte orné d’Europe et du monde » s’emporte,  enthousiaste, Richard Strambio. « Nous avons aussi eu la visite du Président de la République dernièrement, ce qui nous permet de nous rendre compte de la pertinence de ce lieu » ajoute-t-il. « Sans oublier le Mucem qui fait rayonner cette ville au niveau international » conclut-il.

Un succès touristique souligné jusque dans les revues américaines !

Baptiste Ledon

grotte-cosquer.com

Un partenariat public privé réussi 

La Grotte Cosquer, ainsi que toutes les données recueillies depuis sa déclaration au DRASSM (Département des recherches archéologiques, subaquatiques et sous marines) par Henri Cosquer en 1991, appartiennent à l’Etat. Elle est menacée, à court terme sans doute, de disparition sous les eaux.

La Villa Méditerranée, beau geste architectural de Stefan Boeri, construite par la volonté de Michel Vauzelle alors Président de la Région PACA, appartient à la Région Sud aujourd’hui présidée par Renaud Muselier. Elle peinait à trouver une destination et est restée longtemps sous-employée, ou fermée.

Kleber Rossillon, société privée qui gère avec succès 12 sites touristiques et culturels sur le territoire français  (du Site de Waterloo au Château de Langeais en passant par le Train de l’Ardèche ), avait à son actif la réussite de la gestion de la Grotte Chauvet, remarquablement restituée et gérée.  Remportant l’appel d’offre régional en 2019, la société a su en deux ans réaliser un exploit scientifique et technique, avec la restitution et l’ouverture de Cosquer Méditerranée.

Grâce à 9 millions d’investissement de la Région Sud, Kléber Rossillon exploite donc le site avec un succès qui dépasse les prévisions, qui étaient de 700000 visiteurs par an. Inauguré après plus d’un an d’existence par le Président Macron le 23 mai 2023, il comptait déjà plus de 800000 visiteurs.

Pas de tarification sociale

L’attractivité touristique du site est indéniable même s’il n’entre pas dans le cadre du City Pass mis en place à Marseille. Mais les visiteurs locaux sont aussi au rendez-vous : le Pass culture, régional et/ou national ouvre la porte aux lycéens et aux plus de 14 ans, les ateliers et les expositions attirent les scolaires et les familles.

On peut cependant déplorer, sans s’en étonner, que les prix d’entrée restent ceux des attractions privés : 16 euros pour les plus de 18 ans, 5 euros à partir de 6 ans, 10 euros à partir de 10 ans. Et une absence de tarification sociale.

Les bénéficiaires de l’AAH, du RSA et les chômeurs, les moins de 18 ans, les étudiants de moins de 25 ans… entreront gratuitement dans les expositions et événements du Mucem, juste à côté, ou dans les musées de Marseille… Culture publique oblige !

SUZANNE CANESSA

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