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FESTIVAL DE MARSEILLE : la puissance des Mère(s)

Avec 90 personnes sur scène, le projet participatif record de la compagnie Organon va envahir La Criée pour six représentations

Elle est comédienne, chanteuse, metteure en scène. Il est dramaturge, scénographe, compositeur et metteur en scène. Ils sont aussi frère et sœur. Valérie Trébor et Fabien-Aïssa Busetta dirigent ensemble Organon Art Compagnie, une association qui aime les projets participatifs, le lien, le jeu, la vidéo, la radio. L’indiscipline et l’interdisciplinaire. Ils jouent six fois à La Criée et débattent au Conservatoire

Zébuline. Après plusieurs étapes de travail vous présentez Mère(s) à La Criée. Pouvez-vous en raconter la genèse ? 

Fabien-Aïssa Busetta. Le spectacle est né à la fin des Suppliantes qu’on avait joué à La Criée aussi [Lire ici]. Farida, une des participantes, m’a dit « je me rends compte que je peux soigner au théâtre, je veux continuer ». Elle, elle se bat pour son fils, elle s’est politisée pour cela, elle voulait parler de ça. Bien sûr ça m’a fait penser à la pièce de Brecht La Mère, que j’avais travaillée en 2002 comme acteur. On a multiplié les mères, et Pélagie Vlassova est devenue Farida. 

Vous avez donc réécrit Brecht.

Oui, on s’est réapproprié le personnage, avec l’idée qu’on ne naît pas forte, on le devient. Toutes les femmes sur le plateau sont mères. Cela peut être réactionnaire, une mère qui défend son enfant contre les autres. Ça devient libérateur quand son combat englobe son enfant plus les autres. Dans nos quartiers les enfants sont élevés en commun, il y a des groupes de mamans élargis, se battre pour son enfant devient vite collectif.

La Mère de Brecht, inspiré du roman de Gorki, raconte la Révolution de 1917, mais aussi le trajet d’une mère célibataire analphabète. Elle contient une flopée de slogans marxistes. Votre adaptation reste-t-elle révolutionnaire ?

Brecht lui-même n’était pas d’accord avec l’utilisation de sa pièce pour la propagande soviétique. Après deux étapes de travail, nous avons réécrit la pièce, et cela continue. Les causalités, on les a déconstruites en racontant le trajet à l’envers, de 1917 à 1905. Cela raconte comment une femme distribue des tracts pour que son fils – plus les autres – n’en prenne pas le risque. Elle voit qu’on arrête les gens pour ça, elle veut apprendre à lire ce qu’elle distribue, puis apprendre à lire aux autres. Mais avant la lecture, il y a la soupe. C’est par la soupe qu’elle entre en politique, comme à Marseille aujourd’hui où les femmes s’investissent dans des cantines solidaires. C’est politique, mais très concret, très direct.

© Thibaut Carceller

Sur scène il y a donc l’orchestre, les mères, des enfants… vous êtes très nombreux. 

Oui, 90 personnes sur scène. Les 38 musiciens du Conservatoire qui forment l’orchestre à plectres de Vincent Beer-Demander. C’est lui qui a composé les musiques en s’inspirant des songs utilisées par Brecht, et a orchestré deux de mes chansons. Devant, il y a les acteurs, les chanteurs, et les mères. Et les enfants. Cette fois nous avons inclus les enfants des actrices, ils forment un cabaret junior de 5 à 13 ans. Il y a aussi 10 élèves de l’école primaire National qui font un travail de marionnettes…

Comment on gère 90 personnes sur scène ?

On fractionne ! Et on passe du temps à gérer la nourriture ! Il faut être très flexible et à l’écoute. Être sur la scène de La Criée, c’est être dans le lieu de l’esthétisation des problématiques, avec des publics qui ne sont pas sensibilisés aux mêmes choses. Certains ne savent pas ce que c’est qu’une OQTF, les autres ne savent pas qui est Brecht. Valérie et moi, on est né sous la passerelle de Plombières, d’une mère qui faisait du music-hall. Entre deux mondes, un pied à La Criée, un pied à Plombières. On est persuadés que ces deux mondes ont besoin l’un de l’autre : nous avons besoin d’une structure publique pour être audibles, mais la Criée, le théâtre, a aussi besoin de nous. Et de poser la maternité comme un sujet politique, avec les habitants.

Vous organisez une table ronde à ce sujet au Conservatoire. 

Oui, avec Hanane Karimi, qui est chercheuse et dramaturge, Kathrin-Julie Zenker, Eva Doumbia, Faïza Guène, et des participantes du projet. C’est une assignation de dire que les mères sont l’espoir politique, les trois figures les plus réactionnaires en Europe sont des mères. La puissance politique d’une mère pour protéger son enfant est une idée à déconstruire. Pour cela il faut remettre en cause la hiérarchie « mes enfants mes neveux la famille les voisins et les autres ». Réfléchir, encore, à ce que l’on reçoit comme infériorisation quand on est une fille. Dès la naissance, où on dit « félicitation » pour une fille, « bravo » pour un garçon. Nuance de taille. La fille, dès la naissance, n’a pas gagné, les mères le savent, et reproduisent, ou pas. C’est politique, parce que c’est un travail profond à faire. 

ENTRETIEN REALISE PAR AGNES FRESCHEL

Mère(s)
Du 13 au 17 juin
La Criée, Centre dramatique national de Marseille
Regards croisés sur mère(s)
16 juin
Conservatoire Pierre Barbizet, Marseille

Retrouvez nos articles Scènes ici

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