Zébuline. Après avoir créé et fait tourner Meurice 2022 à partir de 2021, vous voilà en tournée pour Meurice 2027. Avez-vous pour autant beaucoup remanié, voire réécrit ce spectacle ?
Guillaume Meurice. Énormément, oui ! Il se passe deux-trois trucs dans l’actualité, tout de même [rires]. Mes chroniques à France Inter me forcent à garder le nez dedans, et je m’en sers pour nourrir et réécrire le spectacle, y compris sur les différentes dates de la tournée. Si je rejouais tout le temps la même chose, je finirais certainement par m’ennuyer. Je me permets aussi de rajouter des trucs en fonction des dates et surtout des lieux où je joue. À Marseille, il y a de quoi faire ! Je balaye un peu toutes les thématiques : économie, écologie, justice, police… et la réforme des retraites, évidemment.
Dans votre Petit Eloge de la médiocrité, vous préconisez une grève des femmes, y compris dans le travail dit du quotidien – soin, cuisine, ménage… Est-ce une chose que vous aimeriez voir advenir en cette période de mobilisation qui coïncide avec la journée internationale des droits des femmes ?
Ça serait intéressant, ça, une vraie grève ! Du travail domestique, des tâches ménagères, à l’échelle du pays. On verrait réellement la différence de traitement entre les hommes et les femmes, elle sauterait aux yeux. Je rêve même d’une grève des bénévoles. Que tous les gens qui bossent gratuitement arrêtent de travailler quinze jours, trois semaines… Pour constater dans quel état ça laisserait le pays.
Vous dites également dans ce livre que le talent n’existe pas, et qu’il est toujours le produit de beaucoup de travail. Mais également qu’on ne maîtrise pas toujours ce qu’on crée, ce qu’on découvre : que l’art est souvent le produit d’accidents. Qu’en est-il de ce que vous créez ?
Il y a toujours de l’imprévu, évidemment ! Je n’ose pas appeler ce que je fais « travail »… Je ne me lève pas à cinq heures du mat’ pour vider des poubelles ou torcher le cul des vieux. Je suis un mec qui fait des blagues, je trouverais indécent de me comparer à ça. Samah Karaki, qui est neuroscientifique a sorti un bouquin hyper intéressant – plus que le mien ! – quasiment en même temps que moi sur ce sujet, Le talent est une fiction. Elle montre à quel point le contexte, et même le hasard, font beaucoup plus dans la réussite d’un projet que le talent, ou cette idée de quelque chose d’inné, qui tomberait du ciel. Elle prend l’exemple de Mozart, ce petit gamin dont des étincelles seraient sorties dès la première fois qu’il aurait été face à un piano. Ce n’est évidemment pas ça du tout : son père lui en a fait bouffer matin, midi et soir. Tout le monde ne deviendrait pas Mozart avec ce traitement, évidemment, mais on ne peut pas nier que ça a joué ! Mais c’est au fond un mythe fondateur du capitalisme : en travaillant, si on s’y met vraiment, on peut y arriver… C’est nier le contexte économico-social dans lequel on grandit. L’idée, c’est évidemment de faire croire que la responsabilité dans l’échec est individuelle. Les structures ne perdureraient pas autant si on admettait que tout cela n’est qu’un immense mensonge !
Depuis que votre chronique sur France Inter est devenue bi-hebdomadaire, on vous voit vous impliquer de plus en plus dans la vie militante et politique. Ne rêveriez-vous pas d’un destin à la Zelensky ? Ou devenir le Zemmour de la gauche…
On ne peut pas savoir ce que le destin nous réserve. Il ne faut pas insulter l’avenir ! Zelensky a commencé sa carrière en jouant du piano avec sa bite sur scène, et il va peut-être obtenir un prix Nobel de la paix. Il y a une jurisprudence Coluche en France qui n’a pas très bien tourné… Mais pour l’instant ce n’est évidemment pas d’actualité. J’ai tout de même obtenu six parrainages en 2022. À 494 près, ça aurait pu le faire ! Je m’y prends plus tôt que la dernière fois, en 2021, donc tous les espoirs sont encore permis.
ENTRETIEN RÉALISÉ PAR SUZANNE CANESSA
Meurice 2027
10 mars
Silo, Marseille
cepacsilo-marseille.fr