Une étude hilarante est parvenue aux journalistes, classant Marseille en dernière position des villes festives de France. La raison ? Son taux très bas de casinos au kilomètre carré. Les foules rassemblées à l’arrivée de la flamme ou devant la scène sur l’eau ? Les plages animées, les paysages uniques, les visages heureux malgré les rues sales et les transports bondés ? Les touristes venus de toutes les banlieues et de tous les pays qui kiffent la ville, promettent qu’ils reviendront très vite ? Les nouveaux habitants qui ne cherchent pas que le soleil mais une convivialité différente ? Non, l’étude le prouve, en l’absence de tripot officiel : Marseille n’est pas festive.
Il faut préciser que « l’étude » est produite par la société Top 10 des casinos, dont l’objet est « d’examiner et évaluer de manière indépendante les meilleurs casinos ». Cette insulte du réel est reprise pourtant dans la presse régionale, en particulier dans les villes classées parmi les premières, de Montpellier à Villeurbanne.
Mais qu’est-ce donc qu’un casino ?
Assimiler la fête à ces lieux où l’argent circule avec l’excitation et la détresse, c’est nier les ravages que le jeu produit chez ceux qui perdent compulsivement dans les maisons de jeu, et chez ceux qui tous les jours, en ligne ou au tabac, misent des sommes qu’ils n’ont pas en rêvant de sortir de la misère. Jean-Claude Gaudin rêvait d’un Casino sur le J4, voulant profiter du succès naissant du Mucem pour installer à ses côtés son entreprise de racket institutionnel. La Région Sud a préféré la Grotte Cosquer, privilégiant la culture scientifique à l’exploitation de la misère. Peine perdue ? Pendant ce temps l’État a privatisé la Française des Jeux qui génère 450 millions de bénéfices annuels, avec chaque année plus de 25 milliards de mise par les Français. Et les victimes des addictions aux jeux d’argent ont augmenté exponentiellement, générant des drames humains mal dénombrés. Vous avez dit festif ?
Sophismes et manipulation
Les techniques de manipulation des médias et des citoyens sont devenues hallucinantes. Il suffit de communiquer bien fort, longtemps, pour imposer aux esprits des torsions inimaginables. Heureusement, les arts contemporains aiguisent en nous le doute, questionnent nos points de vue, tandis que les films et les livres de cette rentrée rectifient avec force les récits dominants.
Nous avons besoin de ces mises en doute des discours manipulateurs, dans un pays où le chef de l’État continue lui aussi d’insulter le réel et de consulter sans fin. Comme si la consultation par excellence qu’il a provoquée, nommée « élections », n’avait pas été claire, rejetant sa politique. Le réel distordu d’une France, si riche, qui ne pourrait pourtant survivre qu’en détruisant les services publics et les recettes fiscales, continue de contaminer les esprits et les discours. La prospérité des entreprises s’impose comme une nécessité pour tous. Mensonge aussi hallucinant que celui d’une cité au succès indéniable, classée dernière des villes festives françaises.
AGNÈS FRESCHEL