Zébuline. Soutenez-vous la cause des intermittents du spectacle dans les négociations qui se tiennent actuellement dans le cadre de la convention d’assurance chômage ?
Jean-Marc Coppola. Oui, et je me suis déjà exprimé publiquement à ce sujet début novembre. Mon soutien n’est d’ailleurs pas nouveau parce que je suis élu à la culture ; je me suis toujours engagé à leurs côtés, dans leurs batailles, pour défendre leur statut d’exception efficace.
À votre avis, pourquoi l’accord du 27 octobre a-t-il été rejeté ? Vous semblait-il un bon accord ?
Il faut d’abord rappeler que cet accord a été signé entre les organisations syndicales représentatives des professions du spectacle, et la fédération des employeurs du spectacle. Il avait donc permis de trouver un équilibre entre les intermittents et leurs employeurs. Il est regrettable que le Medef l’ait rejeté, du fait de son objectif de réduire de 15 % les dépenses des intermittents pour 2026. Cet accord n’apportait certes pas des solutions à toutes les difficultés rencontrées par les intermittents, car il devait être complété par des mesures pour défendre leurs droits, par exemple en ce qui concerne l’amélioration de l’indemnisation des arrêts maladie, et pour continuer à travailler en faveur de l’emploi stable et durable dans le secteur, notamment en luttant contre l’auto-entreprenariat forcé et le recours abusif au CDD. Pour autant cet accord présentait des avancées certaines. Il garantissait notamment le maintien des droits des intermittents, et proposait aussi des avancées, telles que la revalorisation de l’allocation plancher pour les techniciens, la prolongation des droits en cas d’arrêt maladie, et la prise en compte des congés paternité.
En quoi ce régime est-il nécessaire, selon vous, aux professions du spectacle ?
Le maintien et l’amélioration de ce régime est important sous deux aspects.
Le premier est bien sûr celui de la protection des travailleurs intermittents du spectacle. C’est une profession dans laquelle il y a beaucoup de précarité, et le recours massif et parfois abusif à des contrats à durée déterminée d’usage (CDDU) ou à temps partiel contribue à la précarité de l’emploi. La cause des intermittents doit être une cause commune : nous nous devons de soutenir les revendications des intermittents pour un meilleur régime, pour leur garantir des conditions de travail dignes et épanouissantes, qui sont essentielles à tout travailleur ; c’est un combat qui nous concerne tous, car il rejoint celui contre toutes les régressions sociales et contre la casse de l’assurance-chômage. Par ailleurs, nous nous devons tout particulièrement de soutenir ceux qui créent, les artistes, et ceux qui mettent en valeur leurs créations, car si l’on veut des citoyens capables de penser par eux-mêmes, ça commence par le respect des droits culturels ; sans intermittents, il n’y a plus de spectacle vivant, plus de cinéma, donc plus de culture, et sans culture, nous étouffons. Nous avons besoin d’imaginaire, besoin de rêver dans les lieux de culture qui sont des lieux de respiration.
Dans le cadre de la réforme de l’assurance-chômage, la mobilisation des intermittents est naturellement tournée vers la ministre de la Culture, puisque c’est l’État qui arbitrera in fine. J’espère qu’elle saura soutenir l’amélioration de ce statut unique au monde. La réponse ne peut en tout cas pas être la répression, comme celle dont a été victime récemment un comédien syndiqué à Nantes lors d’une manifestation pour la défense des droits des intermittents.
Les syndicats du spectacle observent tous un appauvrissement des salariés et un recul du nombre de spectacles. Comment cela se traduit-il à Marseille ?
Les difficultés auxquelles le monde du spectacle fait face aujourd’hui sont le résultat d’une crise à la fois conjoncturelle et structurelle. Si l’on prend l’exemple du spectacle vivant, la crise est structurelle, parce que déjà, 40 ans en arrière, on a commencé à demander aux responsables des scènes publiques de rechercher des mécènes pour pallier les baisses des subventions publiques, et de justifier d’un certain remplissage pour bénéficier de celles-ci.
Actuellement, l’inflation, l’augmentation des coûts de l’énergie par exemple, pèse lourdement sur les lieux de spectacle. La situation économique pèse aussi sur les sorties et les pratiques culturelles du public. Dans ce contexte contraint, la Ville de Marseille soutient comme jamais dans le passé le monde de la culture et les artistes, pour accompagner les acteurs culturels à faire face à ces difficultés, mais même si le montant total des subventions est en augmentation, elles ne peuvent pas contrer complètement les effets délétères de l’inflation.
Les structures marseillaises connaissent sur la question de l’emploi les mêmes difficultés que les structures nationales, avec des salaires peu attractifs, des emplois précaires (emplois aidés, CDD, CDDU, temps partiels aussi). Pour le nombre de spectacles, à partir de la prochaine saison, le monde du théâtre s’interroge en effet sur le nombre de productions et envisage moins de levers de rideau.
Cela dit, l’atout vraiment significatif de la scène marseillaise, c’est son incroyable richesse, diversité, créativité et énergie. Le point d’espoir, c’est la jeune génération, qui aborde différemment la question économique, et pour laquelle la question de la solidarité et de la mutualisation est importante. Mais pour préserver et continuer à développer cette richesse et cet élan, il faut que l’État soutienne plus fortement le monde de la culture, en augmentant les budgets, et qu’il cesse de transférer aux collectivités des charges sans leur donner les moyens de les assurer. Il est temps de revoir la décentralisation culturelle qui a 40 ans pour favoriser l’émergence de nouveaux créateurs et créatrices, de nouvelles esthétiques et pratiques.
PROPOS RECUEILLIS PAR NICOLAS SANTUCCI
Nicole Joulia au soutien des intermittents
Vice-Présidente du département 13 en charge de la Culture, adjointe à la Culture de la Ville d’Istres et Présidente de Scènes & Cinés, Nicole Joulia a tenu à apporter son soutien aux intermittents du spectacle dans un communiqué. Rappelant que l’accord signé le 27 octobre dernier « maintient les droits des intermittent·te·s, technicien·ne·s et artistes, et les améliore. Il ouvre la discussion à des sujets de fond majeurs, tels que la lutte contre le travail illégal, l’auto-entreprenariat forcé et le recours abusif au CDD, et l’amélioration de l’indemnisation des arrêts maladie. » Et d’ajouter que le rejet de cet accord pourrait créer « un durcissement des conditions d’accès à l’intermittence« . N.S.