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La démocratie culturelle en danger

« La culture serait donc un monopole intouchable ? » demande Christelle Morançais, présidente de la Région Pays de Loire qui vient de couper drastiquement son budget culturel, anéantissant le travail d’opérateurs historiques, dénonçant des conventions en cours, annihilant l’avenir du tissu associatif culturel et détruisant des centaines d’emplois. 

« J’assume, et cette question je la pose clairement », rajoute-t-elle. La culture doit « changer de modèle », puisqu’ « elle n’est pas viable sans argent public ». Les hôpitaux, les écoles et la police aussi ? 

Tout aussi clairement, nous pouvons lui répondre que se retirer brutalement et unilatéralement de financements publics, sans qu’il y ait défaillance des opérateurs, n’est pas une option dans notre République. L’argent public n’appartient pas aux présidents des collectivités, qui en ont la gestion redistributive, et non la discrétion. Le fait que les associations culturelles soient parfois « très politisées » comme le dénonce Christelle Morançais, est pour elle un argument pour « arrêter les subventions ». Cela s’appelle, tout simplement, de la censure, le refus du pluralisme et des conventions internationales. 

En effet les décisions publiques doivent être prises en accord avec le bloc constitutionnel sur lequel se fonde notre République, en particulier sur les droits culturels, ratifiés par la France, tels qu’énoncés par l’Unesco en 2001. Dont voici quelques extraits.

« Les droits culturels sont partie intégrante des droits de l’homme.

  • La diversité culturelle est, pour le genre humain, aussi nécessaire que l’est la biodiversité dans l’ordre du vivant. 
  • Le pluralisme culturel est indissociable d’un cadre démocratique. 
  • La liberté d’expression, le pluralisme des médias, le multilinguisme, l’égalité d’accès aux expressions artistiques […] sont les garants de la diversité culturelle.  
  • Tout en assurant la libre circulation des idées et des œuvres, les politiques culturelles doivent créer les conditions propices à la production et à la diffusion de biens et services culturels diversifiés.
  • Les seules forces du marché ne peuvent garantir la préservation et la promotion de la diversité culturelle, gage d’un développement humain durable. Dans cette perspective, il convient de réaffirmer le rôle primordial des politiques publiques. »

On ne peut donc pas affirmer n’importe quoi, et encore moins faire n’importe quoi, quand on est un élu de notre République. Ces attaques inédites contre le principe même d’une culture de service public s’ajoutent à l’appropriation violente des médias par des milliardaires d’extrême droite ou de droite extrême. L’entreprise de propagande de Robert Ménard à Béziers avec son journal municipal (que dénonce le réalisateur Daniel Kupferstein, voir page 4), le monopole à deux têtes de Hachette et Éditis sur l’édition grand public (auquel les éditions MultiKulti s’opposent, voir page 9), le rachat de l’École supérieure de journalisme de Paris par les propriétaires de presse que sont Bolloré, Saadé ou Arnault sont les signes que la guerre culturelle s’exerce désormais directement contre l’éveil de l’esprit critique, comme dans les pires des dystopies. 

D’ailleurs, dans la région on connaît bien le nouveau président de l’ESJ Paris : Vianney-Marie Audemard d’Alançon, condamné pour avoir procédé à des aménagements illégaux pour son Rocher Mistral, actuellement en appel. Il affiche un déficit de 6,81 millions d’euros en 2023 malgré les subventions publiques qu’il reçoit. 

Comme quoi, contrairement à ce qu’affirme Christelle Morançais, il est courant que des entreprises culturelles « vivent d’argent public » alors même qu’elles ne sont « pas viables économiquement » ! 

Agnès Freschel

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