Zébuline. D’abord, qu’est-ce que la FNCC ?
Frédéric Hocquard. C’est une fédération qui existe depuis 1960, et regroupe des élus à la culture, de différentes collectivités, beaucoup de communes, mais aussi des départements, des régions, des intercoms, des métropoles… C’est une fédération pluraliste sur le plan politique, donc avec des élus de différentes sensibilités politiques. Ces élus réfléchissent autour des questions culturelles et cherchent à trouver une parole collective autour des grands sujets qui concernent la culture.
Pourquoi était-ce important d’organiser un congrès maintenant, sept ans après le précédent ?
Les collectivités territoriales contribuent pour deux tiers des financements publics dans le domaine de la culture, et on est aujourd’hui à un croisement en termes de politiques culturelles. Certaines sont à bout de souffle, d’autres demandent à être changées, redynamisées. On est à un point où il y a besoin de retrouver un nouveau pacte entre les collectivités territoriales et l’État, qui coconstruisent les politiques culturelles. Ce pacte se défait petit à petit à cause des problèmes de financement et du manque d’intérêt. On a une valse des ministres de la Culture depuis des années, on voit bien que la culture n’est pas vraiment prise au sérieux, alors que c’est un élément structurant en termes de politique publique. L’idée de ce congrès c’est aussi de faire des propositions en partant de ce qui est fait sur les territoires. On ne va pas se contenter de débat théorique.
Et pourquoi avoir choisi Marseille pour ce congrès ?
Marseille a été capitale européenne de la culture en 2013, ça a donné une impulsion nouvelle qu’on observe depuis à l’échelle de ce territoire très grand. C’est quelque chose qu’on veut saluer. Marseille est à la mode aujourd’hui sur les sujets culturels, beaucoup de gens cherchent à y développer des projets, et c’est une bonne chose, parce que c’est une ville qui mérite d’être attractive.
À quoi peut-on s’attendre pour ce congrès ?
Beaucoup de sujets importants traverseront le congrès : la transition climatique et sa possible articulation avec le développement de la culture donnera lieu à une table ronde, les droits culturels, la coopération entre l’État et des les collectivités territoriales…
On a invité beaucoup d’élus de différentes collectivités territoriales d’un peu toute la France. Pour l’ouverture, on aura entre autres le maire de Marseille, la présidente du département, le président de l’Association des maires ruraux de France (AMRF), et puis la ministre de la Culture.
Et vous, qu’attendez-vous de ce congrès ?
J’attends beaucoup ! Je voudrais qu’il permette la mise en place d’un pacte qui renouvelle la coopération des collectivités territoriales et de l’État. Depuis quelques années, l’État avance tout seul de son côté. Quand il a mis en place le Pass Culture, par exemple, il l’a fait seul. Aujourd’hui, la ministre de la Culture parle de révolutionner le Pass Culture pour l’adapter. Ce sont des choses que les collectivités territoriales disaient il y a quelques années, en faisant la remarque que ça ne fonctionnait pas, qu’il fallait faire mieux sur les dépenses collectives. Je prends cet exemple-là, mais ça pourrait se multiplier. La question, c’est de savoir comment on peut remettre en place un cadre de coopération dans ce domaine.
Justement, que pensez-vous des coupes budgétaires annoncées par Bruno Le Maire ?
Cette baisse budgétaire est brutale et inédite. Pour la création, c’est 10% du budget qui est retiré sur un claquement de doigts. Et encore une fois, c’est unilatéral. Cette baisse de budget, les collectivités ne pourront pas la compenser.
Rachida Dati, ministre de la Culture, a également annoncé des fermetures d’écoles d’art…
Il y a 15 jours, on a fait une Conférence des territoires pour la culture, et il n’en a pas été question. Et là, on apprend que le ministère veut les fermer, alors qu’elles sont financées en grande partie par les collectivités territoriales ? On est étonnés de continuer à avoir des décisions qui viennent d’en haut… On ne peut pas faire tout seul dans le domaine de la culture, les choses sont beaucoup trop entremêlées. Prenez l’exemple de Marseille : le Mucem est un établissement national, il relève de l’État. Juste à côté, vous avez la Grotte Cosquer qui est un établissement régional. De l’autre côté du Vieux-Port, il y a le Théâtre de La Criée, qui est financé par l’État, le Département et la Ville. Si une des institutions arrête les financements, qu’est-ce qu’on fait ? Si la ville veut cesser de financer La Criée, on arrête un tiers de sa programmation ? Ça n’a aucun sens. Tout ça est entremêlé, au service des habitants et des artistes. C’est comme ça qu’ont été construites les politiques culturelles depuis les années 1960. Là, on est en train de tout déconstruire. Ça ne va pas.
Que pensez-vous de la proposition de loi de Pierre Dharréville, concernant la continuité de revenus pour les artistes ?
C’est un débat qui date de la dernière élection présidentielle et qui opposait droits d’auteur et intermittence du spectacle : soit on ouvrait l’intermittence du spectacle à tous les types de métiers artistiques, soit on laissait les artistes-auteurs vivre seulement de leur droits d’auteur. Cette proposition de Pierre Dharréville est de l’ordre de l’expérimentation, et l’intermittence du spectacle s’est aussi construite ainsi. Ça a commencé sous le Front Populaire avec une caisse de secours pour les techniciens du cinéma, et ça s’est finalisé dans les années 1970, quand les chorégraphes et les danseurs y ont eu accès. Bref, c’est cette sédimentation qui fait que c’est un bon dispositif. Là, c’est pareil, il faut ouvrir un nouveau temps qui permettra dans le futur d’avoir des droits qui seront étendus à plus de gens qui travaillent dans la culture. Pierre Dharréville a eu du mérite de travailler cette question.
ENTRETIEN REALISÉ PAR CHLOÉ MACAIRE