Organisée par Pilotine Production et Agat Film & Cie/Ex Nihilo (Collectif de producteurs auquel appartient le réalisateur), soutenu par la Ville de Marseille et parrainée par Télérama, l’exposition Robert Guédiguian – Avec le cœur conscient propose un voyage immersif en Guédiguianie. Un véritable territoire, ancré dans une géographie personnelle, possédant sa propre langue et ses mots-clés : Estaque, Arménie, universalisme, humanisme, révolution permanente, politique, tribu, fidélité, combat. Chaque thème se déclinant dans des îlots de visionnement par un montage d’extraits de films. Un territoire avec son histoire, ses histoires, ses figures tutélaires. Entre autres, Pasolini dont les derniers vers des Cendres de Gramsci donnent son titre à l’exposition : « Mais moi, avec le cœur conscient de celui qui ne peut vivre que dans l’histoire, pourrais-je désormais œuvrer de passion pure puisque je sais que notre histoire est finie ». Tolstoï aussi qui nous souffle : « si tu veux parler de l’Universel, parle de ton village », et Brecht, et Jaurès, et Marx, et Saint Matthieu.
43 ans de cinéma, 24 films, dont une Pie Voleuse à venir. De Dernier été en 1981 qui réunissait Ariane Ascaride et Gérard Meylan au tout récent Et la fête continue ! – Ariane en fil conducteur, donnant réplique à Jean-Pierre Darroussin, son éternel complice.
Un long parcours jalonné de photos de tournages tous formats, d’archives personnelles, d’affiches, d’articles engagés du réalisateur parus dans Libération, le Monde, l’Humanité, de documents de travail – comme ces cahiers d’écoliers manuscrits où s’esquissent des projets parfois inaboutis, ces story-boards, ou ces découpages de scènes par Robert Sassia. L’emblématique BMW 50/2 61, moto que le réalisateur avait acquise après son bac et qu’il a fait « jouer » dans Twist à Bamako, trône là, emblématique des liens étroits entre sa vie et son cinéma.
Dans les coulisses de Guédiguian
Cette rétrospective part d’une hypothèse de Robert Guédiguian : « peut-être ne fais-je du cinéma que pour perpétuer ma tribu d’origine ». Origine prolétaire matérialisée par des bleus de travail qui tapissent un mur entier. Le cinéma pour continuer, après l’écroulement des utopies, à vivre des moments d’utopie. Le cœur – mélodrames, tragédies, comédies, associé à l’éveil de la conscience.
Ceux qui suivent le réalisateur depuis ses débuts n’apprendront rien ici, mais découvriront les coulisses de l’œuvre, reverront avec plaisir les scènes cultes, retrouveront, dans des films qui se déroulent loin de Marseille et de la Côte bleue, l’incroyable Michel Bouquet dans le rôle de Mitterrand et Simon Abkarian incarnant Missak Manouchian. Ils percevront la profondeur de champ que donnent les années. De film en film, Ascaride, Meylan, Darroussin, Guédiguian, Boudet, vieillissent. De jeunes comédiens viennent s’agréger à la troupe initiale : Anaïs Demoustier, Robinson Stevenin. Grégoire Leprince-Ringuet. Parmi ceux qui ont connu Le Perroquet bleu, Pascale Roberts et les coups de klaxon sous le tunnel du Rove certains éprouveront un peu de nostalgie. Mais tous percevront la cohérence d’une œuvre qui loin de tout folklore, et de tout passéisme, ne cesse d’affirmer des valeurs universelles et actuelles.
ÉLISE PADOVANI
Robert Guédiguian - Avec le cœur conscient
Jusqu’au 14 janvier
Friche la Belle de Mai, Marseille