mercredi 2 octobre 2024
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« La seule chose que je pouvais faire c’était dessiner »

Honorée d’une triple exposition à Marseille, Ghada Amer revient sur son parcours artistique

Zébuline. Qu’est-ce qui vous a donné envie de devenir artiste ?

Ghada Amer. Je n’avais pas envie d’être artiste, en fait. Quand j’étais petite, en Égypte, j’adorais les cours de dessin, on nous mettait dans un coin, avec des crayons et des couleurs, et on faisait ce qu’on voulait. C’était pour les cancres en réalité, ou quand il y avait la guerre avec Israël, c’était très calmant pour les enfants. Donc à chaque fois que j’étais angoissée, j’aimais toujours dessiner. Mais je ne savais pas que quelque chose comme « artiste » existait. En classe de terminale, à Nice, je suis tombée en très grave dépression, et la seule chose que je pouvais faire c’était dessiner. Mes parents m’ont parlé des Beaux-Arts, et c’est comme ça que j’ai découvert la Villa Arson, l’art, et qu’on pouvait s’amuser toute sa vie !

Et le féminisme, c’est arrivé comment ?

C’est arrivé tout seul [rires]. Parce qu’on peint ce qui nous entoure, ce qui nous touche, que ce soit un coucher de soleil, une situation politique. Et comme femme venant d’Égypte en France, j’ai vu que les femmes n’étaient pas traitées de la même manière que les hommes, ni ici, ni là-bas. Dans la famille, on était quatre filles, je n’avais pas de frère. Les gens se moquaient beaucoup de mon père, parce qu’il voulait nous donner une bonne éducation. Ils disaient qu’il perdait son argent en nous mettant dans des écoles françaises, chères. Plus tard, j’ai lu les livres d’histoire de l’art : aucune femme, la moitié de l’humanité absente. C’est quand même bizarre, et inquiétant ! 

Beaucoup de vos œuvres sont tramées d’écriture, que ce soit en arabe, anglais ou français. Qu’est-ce que l’écriture représente pour vous ?

Je suis née dans la calligraphie, c’est une forme d’art, un truc d’abstraction. J’ai connu tout ce qui est art figuratif bien après avoir connu l’art calligraphique. Donc pour moi, l’écriture c’est l’art. C’est comme les femmes que je dessine : d’un côté c’est dessiné, de l’autre écrit, mais je ne vois pas de différences.

Vous dîtes, à propos de votre travail le plus récent, les sculptures, que vous présentez à la Vieille Charité, que ça vous a permis de vous débarrasser de vos propos politiques pour passer à autre chose. Vous êtes passée à quoi ?

À la joie ! J’aime le processus créatif, c’est pour ça que je change beaucoup : il y a l’écriture, après il y a les femmes, les broderies, les jardins, la céramique, les dessins et la vidéo. Un médium après l’autre, j’aime me sentir toujours dans la création. Je veux toujours explorer, être créative, libre. 

ENTRETIEN RÉALISÉ PAR MARC VOIRY

Lire aussi notre article La voix de la femme est Révolution 

Ghada Amer, Orient-Occident
Jusqu'au 16 avril
Mucem, Marseille
04 84 35 13 13 
mucem.org
Ghada Amer, Sculpteure
Jusqu'au 16 avril
Vieille Charité, Marseille
04 91 14 58 80 
musees.marseille.fr
Ghada Amer, Witches and Bitches
Jusqu'au 26 février
Frac Paca, Marseille
04 91 91 27 55 
fracpaca.org
À lire :
A woman's voice is Revolution, 35 €
Catalogue de la rétrospective, Éditions Dilecta (Mucem)
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