Dès que Sofia (Khadija Kouyaté) et Louise (Héloïse Janjaud),deux amies,prennent leur poste à la maternité, elles sentent, et nous aussi, la tension qui règne dans le service. Une caméra nerveuse les suit, alors qu’elles reçoivent les instructions d’une autre sage-femme exténuée. Sofia veut travailler à la salle de naissance, pas s’occuper du travail de préparation à l’accouchement. Douce et efficace, elle prend des initiatives mais parfois manque d’assurance pour les cas difficiles ce qui lui vaudra d’être affectée à la préparation des accouchements, poste qu’elle refuse. Toutes sont sur les nerfs car le personnel est en sous effectif, il n’est pas rare que chacune se retrouve avec trois accouchements à assurer et quand il faut réanimer un bébé, quand le matériel pour les péridurales tombe en panne, quand une parturiente arrive sans aucun suivi médical, la salle de naissance, ressemble aux urgences. Quand une SDF qui vient d’accoucher se retrouve à la rue et que Valentin (Quentin Vernède), leur colocataire, l’accueille sans leur en parler, la tension monte entre Sofia qui comprend et Louise qui refuse. Et dans le service, le stress est permanent, la fatigue, extrême, poussant certaines à démissionner. « Je ne veux plus maltraiter les parents ! », pleure Bénédicte (Myriem Akheddiou) qui vient d’apporter le corps d’un bébé mort à ses parents abandonnés pendant cinq heures dans une chambre. Léa Fehner a su aussi ponctuer ce film nécessaire et politique de séquences drôles comme la garde de Noël où Valentin apporte un gâteau qu’il a décoré… d’une vulve en sucre ou celle où Louise parvient à chasser de la salle de naissance la mère de Réda (Tarik Kariouh) seul homme sage-femme du service : elle voulait prendre à tout prix les décisions à la place de Souad, sa fille qui allait accoucher.
Ecrit et tourné avec des comédiens sortant du conservatoire d’art dramatique de Paris qui ont construit leur personnage à partir des témoignages d’une dizaine de sages-femmes, Sages femmes est un film sous haute tension comme l’hôpital aujourd’hui. « Ce cœur battant de la maternité, je voulais qu’on puisse le sentir dans le film», explique Léa Fehner. C’est chose faite.
ANNIE GAVA