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Dans l’esprit d’Éloi

Une bombe électro est prête à exploser. Elle s'appelle Éloi et sera sur la scène du festival Utopia ce samedi 24 septembre à Marseille. Entretien

Depuis quelques mois, c’est la dernière trouvaille des amateurs de pop-électro. De celles que l’on ne refile qu’à des amis dont on estime vraiment les goûts musicaux. Cette découverte c’est Éloi, ou Éloïse Leau. Une jeune artiste parisienne qui manie l’art des sons comme des mots dans un déchaînement de mélancolie brute.

Zébuline. Vous commencez à avoir du succès, faire beaucoup de dates, répondre à des interviews… Comment vit-on ce moment charnière d’une jeune carrière ?

Éloi. Ça tombe bien par rapport à là où j’en suis de ma vie. On a donné de l’importance à ma musique au moment où j’étais capable d’en donner sans me prendre la tête. L’année dernière, j’étais encore très stressée avant chaque live, il fallait faire deux jours de répétition avant, j’angoissais au moindre souci. Après une vingtaine de concerts, ça commence à être plus facile. Même s’il y aussi des choses angoissantes car l’industrie musicale n’est pas du tout simple. Il faut être très vigilant, parano, c’est dur de rester indépendant donc j’y travaille beaucoup. Savoir prendre le lead sur les décisions et ne pas se laisser marcher dessus. Il y a aussi ces moments intenses où je prends le train, je vois plein de gens et ensuite je me retrouve trois ou quatre jours seule chez moi… Je vais devoir apprendre petit à petit. Je suis super bien mais je sais qu’il faut faire attention et prendre du temps pour soi.

Être de plus en plus écoutée, ça vous touche ?

Ça me touche beaucoup. Ma musique c’est quelque chose de très intime, personnel, je ne prends pas vraiment de recul quand j’écris. Avant je la vivais très seule, je ne la faisais pas forcément écouter. Le fait que les gens écoutent et que ça les touche, ça me fait sentir moins seule.

Est-ce qu’on écrit différemment quand on sait qu’on va être beaucoup plus écoutée ?

Non je ne pense pas. J’essaie vraiment de garder un truc super instinctif. Je ne vais pas faire ce qu’on attend de moi. Par exemple dans ce que j’ai fait récemment, je sais que ça va être surprenant.

« Je ne vais pas faire ce qu’on attend de moi »

Crédit photo : Apolline Baillet

Justement votre musique est très hybride, on passe de l’eurodance à la synthpop en passant par du new wave. Pourquoi cet éclectisme ?

Je pense que ça se fait assez naturellement, je n’intellectualise pas trop dessus. J’ai besoin de réinjecter mes inspirations dans mes projets. Et j’écoute beaucoup de choses, donc ça part dans plein de sens. Je suis souvent sur SoundCloud, j’écoute de la synthpop, du rap, du rock, de la drum and bass, beaucoup de chanson française… J’essaie de ne pas me limiter.

Vous jouez de la guitare et du piano, comment ces instruments sont entrés dans votre vie ?

Mon père est musicien, il travaillait dans la chanson française et la musique à l’image. Il est guitariste, donc j’ai appris la guitare mais ce n’était pas mon principal instrument. J’ai fait du piano classique avec ma grand-mère qui a été professeure pendant dix ans, c’est ce qui me prenait le plus de place. C’est elle m’a ouvert à la musique.

À partir de quand avez-vous commencé à écrire votre propre musique, vos propres textes ?

J’ai commencé à écrire des textes avec le rap. Adolescente, je faisais un peu n’importe quoi, et je n’avais plus le temps d’aller chez ma grand-mère pour faire de la musique classique. J’ai rencontré des potes qui rappaient et ils m’ont tout de suite mise à l’aise. J’ai eu de la chance car dans le rap ce n’est pas simple pour les femmes. J’ai très vite posé, j’avais beaucoup de choses à dire donc ça m’a stimulée. Ensuite j’ai rencontré des potes qui produisaient de la musique, et j’ai commencé à faire du son avec eux. Mais les prods de rap, de trap, ne me convenaient pas vraiment, j’avais envie d’autre chose. Donc dès que j’ai eu mon ordi, j’ai téléchargé Logic [un logiciel de musique assistée par ordinateur, ndlr], et j’ai commencé à faire beaucoup d’instrus.

Je travaillais avec mon meilleur ami avec qui j’ai créé Criskat Palace [son ancien groupe, ndlr] et on écrivait du rap très personnel, mélancolique. Mais à un moment, être à deux me prenait beaucoup d’énergie, et lui voulait apprendre la production de son côté. Donc je me suis dit « je fais mon projet toute seule ». J’étais déterminée et j’ai sorti Acedia [son premier EP, ndlr]. C’était le début du covid, je venais de changer d’école et de rompre, je me suis dit que ça allait me faire du bien. Je n’ai fait aucune promo, mais en école d’art il y a beaucoup de gens qui écoutent de la musique, et le bouche à oreille a fonctionné.

« Montrer mes sons comme j’en ai envie »

Vous avez donc fait les Beaux-Arts, quelle discipline artistique pratiquiez-vous ?

J’en ai fait plusieurs. De base, je dessine beaucoup : du traditionnel, à l’encre, au crayon et peinture. J’ai d’abord fait l’école des Arts Décoratifs où je faisais du dessin d’animation, mais j’avais envie de faire autre chose et dans cette école, c’est un peu cloisonné par secteur. J’ai décidé d’aller aux Beaux-Arts, où j’avais plus de temps car il n’y a pas de cours, seulement un atelier dans lequel on travaille. J’ai pu faire mes dessins, du volume, de la musique. Ça m’a permis de lier toutes mes pratiques artistiques ensemble.

Crédit photo : Dominique Gaucherand

Beaucoup de gens vous ont découvert avec votre reprise de Wejdene Jtm de ouf, comment l’idée est venue ?

Je n’écoutais pas trop Wejdene, seulement ses premiers sons, mais je trouvais que c’était toujours la même chose, donc je n’étais pas trop attentive. Petit à petit beaucoup de potes à moi ont fait des reprises d’elle et je me suis remise à l’écouter. Et à ce moment-là, j’ai rencontré ma copine, on l’écoutait ensemble, c’était marrant. Puis avec mon grand frère qui fait aussi de la musique, on s’est dit de faire chacun une reprise de ce morceau. Lui a fait du baile funk et moi j’ai tout refait de A à Z, sans sample. Je l’ai offert en cadeau à un ami à moi, et mes amis ont commencé à l’écouter. À chaque fois, j’ai besoin d’un peu de reconnaissance pour avancer.

Vous allez jouer à Marseille pour le festival Utopia, est-ce difficile de retranscrire votre musique en version live ?

Au début je n’avais pas les capacités techniques. Mais à cette époque, je jouais dans des squats et des scènes undergrounds, donc je n’avais pas forcément besoin de donner des fiches techniques et d’expliquer comment je fonctionnais. Alors je faisais un peu n’importe quoi. C’était plus un DJ set chanté où je balançais mes morceaux. Puis petit à petit, mes potes m’ont dit que ce serait bien que j’ai un instrument en plus pour varier, qu’il y ait plus de couleurs. À ce moment-là, j’ai rencontré Mia Mongiello aux Beaux-Arts. Ma copine était dans le même atelier qu’elle et la rencontre s’est fait naturellement. À la même époque, j’ai rencontré mon agent qui nous a proposé une première grosse scène à La Villette. On a travaillé tout l’été, ça marchait très bien, elle a ramené sa création et ça m’a stimulée. Le concert s’est bien passé mais en termes techniques, il y avait encore beaucoup de chose à gérer. Alors j’ai demandé à mon ami Sammy Hammoum qui est musicien et ingénieur du son de m’accompagner. Donc on est une équipe de trois pour le live. On a repris ensemble tous les sons, et moi j’ai pu travailler la performance : faire un show et montrer mes sons comme j’en ai envie.

ENTRETIEN RÉALISÉ PAR NICOLAS SANTUCCI

Éloi est sur la scène de l’Utopia festival, le 24 septembre à la Friche la Belle de Mai, à Marseille.

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