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Le jazz dans tous ses éclats

Avec le Duo Monkitude et Caroline Mayer, les amoureux du jazz et des mots avaient rendez-vous au Petit Duc

C’est un lieu magique où les mots et les musiques trouvent un écrin chaleureux et bienveillant, sous l’égide de Myriam Daups et Gérard Dahan. Au Petit Duc, les musiciens sont accueillis, suivis, conseillés parfois sans jamais d’intrusion coercitive dans leurs univers mais une écoute constructive qui leur permet d’éclore au mieux. 

Ce 10 mars, une première partie instrumentale était assurée par le Duo Monkitude, nom forgé avec humour (depuis une certaine « bravitude ») sur le patronyme de l’un des plus grands musiciens et compositeurs de l’histoire du jazz, Thelonius Monk. « Référence mais pas déférence » sourient les deux complices, Mario Stantchev au piano et Jacques Bonnardel à la batterie qui s’approprient les thèmes, le jeu, le pianiste accorde la même importance à ses deux mains, ose les intervalles dissonants, de somptueux glissandi, un travail sur les harmoniques original et précis… Rarement se retrouvent seuls sur scène piano et batterie. Pourtant le duo fonctionne, se livre à une promenade dans l’univers du maître avec une élégante désinvolture. La musique est ici transmuée en art de vivre, on glisse de Blue Monk à Bye-Ya. La finesse des compositions personnelles du duo et les arrangements spirituels des pièces du génial pianiste jonglent entre acrobaties improbables, fausse naïveté, élans inattendus. Et c’est très beau. L’album est attendu, demandé aux interprètes qui commencent à y songer…

La deuxième partie offrait à Caroline Mayer en quartet l’occasion de présenter enfin en live le parcours ciselé de son CD paru fin 2021 (une période difficile pour les scènes), Everything must change. La présence lumineuse de la chanteuse apporte à ses compositions un supplément d’âme. La complicité nouée avec Ben Rando (piano), Patrick Ferné (contrebasse), Cédrick Bec (batterie) y est sensible. Les trois instrumentistes dessinent à l’interprète des mouvements, des tableaux, des émotions, un coucher de soleil ici, l’onde du vent ailleurs, la houle de l’océan où Alphonsina Storni se noie… Tout est poésie. Les mots et le jazz s’enlacent, les airs que l’on croyait connaître se teintent de nouvelles couleurs. 

La critique parue dans « feu Zibeline » évoquait le contenu de cette aventure :

« Everything must change, nouvel album de la chanteuse Caroline Mayer, réunit le piano de Ben Rando, la contrebasse de Patrick Ferné, les percussions et la batterie de Cédrick Bec dans un univers jazzy à l’élégance sensible. On se laisse porter par l’instrumentation pailletée d’Harvest Moon et la douceur d’une réconciliation avec une nature délivrée de l’agitation des villes. L’ouverture en descentes chromatiques de Blackbird s’ourle d’une délicatesse acidulée aux pulsations d’un jazz qui renoue avec ses origines dans Afro Blues où la voix se mêle aux percussions nues que rejoint le contrechant de la contrebasse puis les accords du piano avant de larges respirations envoûtantes sur lesquelles la mélodie se déploie, arqueboutée sur des notes ostinato. La voix se fait légère, les balais effleurent la batterie, pour l’intimité de I get along without you very well… « of course I do ! ». La reprise d’Alfonsina y el mar est empreinte d’un lyrisme onirique dont l’intériorité semble nourrir Slave to love dans sa plongée sensuelle comme au cœur d’un tableau d’Edward Hopper. Le murmure du chant se fond aux harmoniques instrumentales de Speak low, joue de la fragilité des aigus, reprend son élan dans les graves, puis se glisse dans un temps étiré avec le ton de la confidence qui pourrait aussi sceller le départ d’un road trip dans It ain’t me babe. Le morceau final qui donne son titre à l’album se love dans l’inquiétude existentielle de l’instabilité du monde (« nothing stays the same »), la musique reste alors le point d’ancrage, le lieu stable où lumineux, le temps se suspend… »

MARYVONNE COLOMBANI

Le Duo Monkitude puis le Caroline Meyer quartet se sont produits le 10 mars au Petit Duc, Aix-en-Provence.

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