Disparu en 2021, Sondheim demeure la figure tutélaire de la comédie musicale contemporaine. Lauréat de huit Tony Awards, il a élevé le genre à un niveau d’exigence littéraire et musical rarement atteint. Company marque le début d’une série de chefs-d’œuvre qui inclura Follies, A Little Night Music, Sweeney Todd ou Into the Woods.
Nous sommes en 1970. Sondheim et le librettiste George Furth frappent un grand coup sur Broadway. Fini les intrigues à l’eau de rose. La pièce raconte l’histoire de Bobby, trentenaire célibataire new-yorkais qui observe cinq couples d’amis mariés avec un mélange de fascination et d’effroi. Entre fêtes d’anniversaire surprises et confidences nocturnes, le spectacle dissèque avec une ironie mordante les paradoxes de l’engagement amoureux et la solitude au cœur de la ville. Bobby est entouré, tout le temps, de partout. Mais être en« compagnie », est-ce forcément être avec quelqu’un ? C’est ce qu’interroge cette œuvre plus que jamais d’actualité dans notre époque obsédée par les relations, les connexions mais terrifiée par l’engagement. Les dialogues fusent, spirituels et cruels, alternant humour ravageur et tendresse.
Loin des mélodies sirupeuses qui dominaient Broadway, Sondheim compose une partition, nerveuse, qui épouse les contretemps de la vie contemporaine. Les orchestrations originales de Jonathan Tunick, mélange de cuivres mordants et de cordes élégantes, ont révolutionné le son de Broadway. Being Alive, Side by Side by Side ou The Ladies Who Lunch, avec leur sophistication harmonique et leur intensité psychologique sont devenus des standards. Sondheim prouve qu’une comédie musicale peut être aussi profonde qu’une pièce de théâtre dramatique, aussi complexe qu’une partition de musique contemporaine, sans jamais sacrifier l’émotion et le divertissement.
Une équipe de choc
Traduire Sondheim relève de l’exploit. Le compositeur est réputé pour ses jeux de mots et ses rimes complexes. C’est Stéphane Laporte, adaptateur de référence (Le Roi Lion, West Side Story, My Fair Lady) qui a relevé le défi. Le choix retenu préserve l’équilibre de l’œuvre : le texte parlé est en français mais les parties chantées restent en anglais, avec surtitrage. Cette option permet de conserver la prosodie originale de Sondheim tout en rendant l’intrigue accessible au public francophone.
Gaétan Borg incarne l’insaisissable Bobby qui traverse le spectacle, fantôme dans sa propre vie. Autour de lui gravitent quinze artistes, dont Jasmine Roy dans le rôle iconique de Joanne, femme désabusée dont le numéro The Ladies Who Lunch constitue l’un des moments les plus glaçants de la pièce. « Les numéros de danse sont un feu d’artifice, les scènes s’enchaînent à un rythme trépidant » promet la présentation. James Bonas signe la mise en scène, Ewan Jones la chorégraphie, et Barbara de Limburg la scénographie. La direction musicale alterne entre Larry Blank, collaborateur historique de Sondheim qui connaît l’œuvre sur le bout des doigts, et la cheffe française Charlotte Gauthier. L’Orchestre national Avignon-Provence accompagnera les solistes.
ANNE-MARIE THOMAZEAU
Company
28, 30 et 31 décembre
Opéra Grand Avignon
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