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Le petit théâtre photographique de Gilbert Garcin

Depuis sa disparition en 2020, le photographe ciotaden a eu les honneurs de trois expositions, dont celle de la Villa Théo au Lavandou. Une œuvre atypique à (re)découvrir absolument

Ce qui frappe en premier lieu dans l’œuvre de Gilbert Garcin, c’est son mélange d’insolite et de fausse simplicité. Exclusivement réalisées en noir et blanc, comme pour garder une distanciation salutaire avec le réel, les photos font l’effet d’un étrange bricolage qui nous pousse à regarder à saute-moutons. Et ainsi dérouler le fil de minuscules histoires aussi surréalistes, graves, loufoques qu’il est possible de concevoir. Car Gilbert Garcin a plus d’un tour dans son sac pour inventer des situations abracadabrantesques auxquelles il donne des titres décalés : L’Embarras du choix (clin d’œil à Eliott Erwitt), Changer le monde, Lorsque le vent viendra, L’Inconnu… Le tout composant un vaste ouvrage de quelque 400 photographies délicieusement mises en scène.

Une silhouette malicieuse
Comme au théâtre ou en littérature – il rêvait d’être écrivain –, il y a un héros. Gilbert Garcin a choisi de se glisser dans le rôle du personnage principal avec beaucoup de modestie. Seulement revêtu d’un long pardessus gris comme Jacques Tati dans ses films, parfois accompagné de sa femme, il prend la pose, se précipite dans le vide, joue à l’équilibriste, se projette en marionnette dans Être maitre de soi, se perd dans les nuages… Des photomontages faits de bric et de broc à la manière du théâtre forain. D’une simplicité saisissante mais mystérieuse : pourquoi ses clichés nous touchent-ils autant ? Raphaël Dupouy, directeur de la Villa Théo, le constatait déjà en 2009 à l’occasion des « Déambulations photographiques » organisées au Lavandou. « C’est une œuvre attachante qui parle à tous les âges. La grande force de son travail est qu’il projette ses propres doutes et ses propres joies. C’est à la fois plein d’humour et de profondeur, d’où le titre de l’exposition La drôle de gravitéde Gilbert Garcin».

Un rébus poétique
Chaque photographie est un haïku, parfois surréaliste avec des emprunts à Magritte, parfois philosophique comme sa dernière œuvre intitulée Vivre, où il s’immortalise couché au sol, les bras en croix. Mises bout à bout, elles forment un long poème où des éléments anodins côtoient réflexions et rêves ; où les mots deviennent des images. Des témoignages, comme il les nomme lui-même, sur ce qu’il a lu, vu, entendu, vécu. Des saynètes cocasses et tendres, moqueuses ou graves, fabriquées de manière presque artisanale dans son studio à La Ciotat. Il y a d’abord eu un personnage avec un bob enfoncé sur la tête, puis un autre encore plus banal, un « monsieur tout le monde » qui lui ressemblait comme deux gouttes d’eau, photographié, découpé, collé mille et une fois afin d’inventer l’illusion parfaite. D’aucuns y voient son double… Gilbert Garcin ne réfutait pas cette hypothèse et laissait planer le doute, pourvu que son personnage reste hors du temps. 

Un jeune artiste de 65 ans
Gilbert Garcin s’est lancé en photographie à la retraite, après une vie d’entrepreneur, à l’occasion d’un stage aux Rencontres d’Arles où il découvre le photomontage. Le hasard faisant bien les choses, il gagne le premier prix d’un concours ! Sa « carrière » est lancée, il enchaine quelque deux-cents expositions à Marseille puis en France ; son œuvre séduit les maisons d’édition (Mister G, Le témoin, La vie est un théâtre, Faire de son mieux, Simulacre…). Au Lavandou aujourd’hui, la magie opère encore car derrière les artifices, son œuvre touche au sensible, à l’affectif, à l’instinctif, loin de tout formatage. 

MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

La drôle de gravité de Gilbert Garcin
Jusqu’au 25 mars
Villa Théo, Le Lavandou
04 94 00 40 50
villa-theo.fr
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