Étrange projet que celui de Philippe Chuyen (Cie Arscénicum) de construire un spectacle autour de l’expérience de Jean Carrière, qui, après avoir reçu le prix Goncourt pour L’épervier de Maheut en 1972, s’est retrouvé en panne sèche d’écriture. Une série de soucis et de mésaventures l’avaient alors plongé dans un état maladif et dépressif jusqu’à ce qu’il remonte la pente et retrouve le chemin et les mots de l’écriture qui l’ont conduit à la parution de son livre Le prix d’un Goncourt, après 15 ans de galère.
Se remettre en selle
Philippe Chuyen a choisi la métaphore du vélo pour illustrer cette remontée. Aussi la scénographie a-t-elle mis en place une bicyclette sur lequel pédale le comédien qui a fait l’adaptation pour la scène de cette douloureuse expérience. C’est qu’au fil des années une belle amitié l’a lié au fils de l’auteur et il a voulu rendre hommage au travail et au courage de l’écrivain en réalisant une adaptation pour la scène. Cependant, si ce travail mérite le respect, on le regarde et l’écoute avec la distance qu’on pourrait accorder à des images sépia. On est séduit par l’évocation des terres arides de la campagne nîmoise, leurs parfums et leur solitude. Car ce prix a permis à Carrière d’acquérir un terrain au mont Aigoual, d’y bâtir une maison. Mais la mort de son père, la maladie de sa femme l’ont terrassé. Son livre est le récit de sa lutte, de ses angoisses pour enfin retrouver le plaisir des mots. Sur scène, Raphaël Lemonnier joue avec délicatesse sur un piano numérique. Derrière un voile en fond de scène, Thierry Paul intervient dans de courts dialogues, donnant au personnages des conseils et des encouragements. Ce spectacle est un hommage amical à un auteur qui avait en son temps côtoyé Giono.
Chris Bourgue
« Le prix d’un Goncourt » se joue à Présence Pasteur (Avignon) jusqu’au 28 juillet.