Zébuline. Votre combat politique contre l’extrême droite n’est pas nouveau, et vous l’avez vécu, très concrètement, à Vitrolles…
Alain Hayot. Oui. J’ai été le candidat du Parti Communiste contre Mégret aux législatives, et contre sa femme aux municipales sur des listes d’union. En 1997 nous avons été défaits et ils ont gagné Vitrolles, mais en 2002 nous avons repris la ville avec Guy Obino. Concrètement, on a dû remettre debout une ville où tout dysfonctionnait. J’étais depuis 1998 vice-président à la Culture à la Région, et j’ai pu constater à quel point l’emprise sur la vie culturelle est essentielle pour ces gens-là.
Vous l’écrivez clairement, pour vous la lutte contre le FN, puis le RN, est une lutte culturelle…
Oui, contre Zemmour aussi, contre une partie de la droite française qui veut imposer une hégémonie culturelle fondée sur une logique profondément régressive et obscurantiste.
Une logique néolibérale ?
Pas exactement. Ce qui en naît, logiquement. Le modèle néolibéral est producteur d’inégalités fondamentales. Pour se maintenir, alors que ses intérêts sont contraires à ceux des classes populaires, il faut qu’il les divise et qu’il agisse sur les esprits. Lorsqu’il est en crise, il laisse éclore les mouvements identitaires qui opposent et hiérarchisent les humains. Les néolibéraux savent que l’alternative politique des identitaires est inefficace contre le capitalisme, et ils la favorisent face à une menace politique réelle pour eux, celle de la gauche. C’est le fameux « plutôt Hitler que le Front populaire » qui resurgit aujourd’hui dans ses déclinaisons contemporaines.
Au moment où Trump est réélu, le triomphe de ces mouvements identitaires n’est-il pas inévitable ?
Non ! Mon livre s’appelle Le Sursaut, il faut arrêter de croire que la fascisation du monde est irrésistible, et il faut la combattre. Refuser les boucs émissaires désignés, refuser de se laisser diviser, affirmer nos valeurs universelles dans leur pluralité. Les générations nouvelles, le sursaut du Nouveau Front Populaire en France, me font dire que demain est déjà là. Pas le leur, le nôtre.
Mais comment résister ?
La deuxième partie de mon livre est consacrée à la déconstruction de la culture identitaire. Du racisme sans race, du sécuritarisme qui ne crée pas de la tranquillité mais la guerre, de l’imposture sociale d’une extrême droite qui travaillerait pour l’intérêt du peuple. Nous vivons aujourd’hui en France un début d’apartheid exercé contre des Français qui vivent dans ce pays depuis plusieurs générations. Nous ne devons pas y céder.
Ce questionnement est-il intersectionnel ?
Les combats féministes, antiracistes, LGBT… se nourrissent mutuellement. Il faut prendre conscience que ceux qui cherchent à dresser les minorités les unes contre les autres sont ceux qui ont intérêt à maintenir les dominations sociales. Construire les convergences est devenu difficile, parce que les outils médiatiques des dominants sont très puissants pour forger les opinions. C’est ainsi que la laïcité, principe évidemment émancipateur, peut devenir xénophobe. Nous avons besoin de renforcer la lutte des classes, la lutte féministe et la lutte contre le racisme ensemble, dans le principe de la créolisation de Glissant et Chamoiseau. C’est pour cela, je le redis, que la lutte contre l’extrême droite est une lutte des idées. Un combat culturel.
ENTRETIEN REALISE PAR AGNÈS FRESCHEL
Le Sursaut – Face aux nouveaux monstres, d’Alain Hayot
Éditions L’Humanité – 15 €
Retrouvez nos articles Société ici