Les Ballets Jazz de Montréal ont comblé Aix-en-Provence

Dans un spectacle-hommage à Leonard Cohen, la troupe de danse canadienne a su lier musique, danse et effets lumineux avec brio. Mais sans raviver totalement la flamme du chanteur québécois

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Dance me par les Ballets Jazz de Montréal au GTP
BJM-Danceme ©Thierry du Bois - Cosmos Image

La salle fut comble au Grand Théâtre de Provence trois soirées d’affilée grâce aux Ballets Jazz de Montréal qui convoquaient l’aura du poète, compositeur et interprète Leonard Cohen dans leur spectacle Dance me. Le titre emprunté à la chanson Dance me to the end of love (fais-moi danser jusqu’à la fin de l’amour) laissait supposer une atmosphère subtile où le poète évoquant sa muse l’enjoint à la danse, écriture physique des émotions et du verbe. « Fais-moi danser jusqu’à ta beauté sur un violon enflammé / fais-moi danser sur mes peurs jusqu’à la sérénité / Dresse-moi comme un rameau d’olivier et sois ma colombe… »

À la finesse et la retenue imaginées par les amoureux de la voix grave et envoûtante, la plupart du temps murmurée, du poète, répondait une orgie de mouvements animés d’une énergie tumultueuse. Les mouvements d’ensemble, parfaitement réglés, offrent leurs géométries puissantes, ciselées par des effets de lumières qui éclairent quelques pans des corps; les dessinent parfois en ombres chinoises, portent un focus sur un élément (superbe moment où seules les mains des danseurs, mimant l’écriture à la machine, en écho à la saynète qui montre l’auteur en train de taper un texte dans une pénombre bleue)… Étonne le contraste entre la langueur des chants et la vivacité virtuose des danseurs, tous vêtus comme Leonard Cohen, veston noir et chapeau sombre aux débuts du spectacle avant d’endosser d’autres tenues plus légères. 

Une danse éblouissante

Mais certaines orchestrations des chansons du poète offrent la même distance. Le thème retenu par les trois chorégraphes qui ont composé le spectacle, Andonis FoniadakisAnnabelle Lopez Ochoa et Ihsan Rustem, sur une idée de Louis Robitaille, est celui des amours dans leurs tournoiements et leurs souffrances. Les duos et trios se livrent aux conversations amoureuses, combats, élans, enlacements, glissements, portés vertigineux, formes précises quasi mathématiques dans leurs enchaînements (on ira même curieusement jusqu’à l’emploi de bâtons de pole dancing)… la démonstration de danse est éblouissante. Le duo des deux solistes sur Suzanne est un médaillon ciselé au magnétisme prenant. Sur une scène vide So long Marianne sera chanté en un délicat et fragile solo, moment d’émotion pleine auquel répondra en duo Hallelujah (avec un subtil contre-chant sur les finales). Le public est conquis par la verve de l’ensemble, la conjugaison réussie entre vidéo, musique, effets lumineux et danse, sans doute l’esprit de Leonard Cohen n’est pas entièrement là, dans sa foisonnante et sensible création (on aurait pu attendre The song of the stranger…), mais avoir suscité son ombre est déjà un émouvant bonheur. 

MARYVONNE COLOMBANI

Dance me a été donné du 3 au 5 mars au Grand Théâtre de Provence, Aix-en-Provence.