jeudi 18 avril 2024
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« L’impact de la vie sur les corps me passionne »

Rencontre avec Angelin Preljocaj à propos d’Over Dance, programme de deux pièces pensé autour du corps vieillissant et conçu avec le chorégraphe Rachid Ouramdane

Zébuline. Comment en êtes-vous venu à concevoir ce projet, un peu fou, de faire danser des « seniors » ?

Angelin Preljocaj. Vous avez raison de tiquer … Je déteste ce terme de « seniors ». Il y a quelque chose de faux, de marketing, de laid dans ce terme. Je préfère celui de « vieux », voire même de « vieillards » employé par Simone de Beauvoir, avec une rage certaine. J’aime parler de « vieux », et même de « vieux sages » : ce n’est pas une insulte, au contraire ! Ce projet de travailler sur la vieillesse a commencé sur l’initiative de Gigi Cristoforetti et de la Fondazione Aterballetto. Gigi avait envie de créer ce spectacle à Chaillot, et de confier à son directeur Rachid Ouramdaneet à moi-même cette mission : faire danser des vieux ! Nous avons mené nos projets séparément. De mon côté, j’ai auditionné environ trois cents personnes à Paris, Aix et en Italie, âgées de 69 à 80 ans. J’ai pris soin de sélectionner d’anciens danseurs professionnels, des amateurs mais aussi des non danseurs.

Votre pièce s’intitule Birthday party. Est-ce à dire que l’âge, le vieillissement, se doit d’être une fête ?

C’est bien vu comme idée. L’anniversaire devient, au fil du temps, ce moment où on empile les années, et avec elle les histoires, les émotions, les aventures. Toutes ces choses s’impriment sur les corps. Cet impact de la vie sur les corps me passionne : je voulais déceler ces petites variations, ces changements, ces spécificités liées à l’âge.

Vous êtes-vous inspiré du travail d’autres chorégraphes sur les corps vieillissants ? De celui de Pina Bausch, par exemple ?

Pina Bausch avait en effet eu une très belle idée : elle avait confié une de ses chorégraphies, Kontakthof, créée par sa compagnie en 1978, à de vieux danseurs. C’était évidemment très émouvant. Mon travail est cependant différent : j’ai conçu la chorégraphie directement et spécifiquement pour ces corps vieillissants. 

Avez-vous dû adapter votre langage chorégraphique pour ce faire ?

Certains ajustements étaient évidemment nécessaires, du point de vue de la dynamique. Je ne pouvais pas aller aussi loin sur la performance physique … Mais l’émotion, la délicatesse émanant de ces corps, de ces personnes, étaient inépuisables. Ce spectacle serait radicalement différent s’il était dansé par d’autres, si je décidais de prendre le chemin inverse de celui de Pina et de le proposer à de jeunes danseurs. Il n’aurait pas du tout la même teneur !

ENTRETIEN RÉALISÉ PAR SUZANNE CANESSA

Over Dance a été" donné du 2 au 4 mars au Pavillon Noir, Aix-en-Provence
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Suzanne Canessa
Suzanne Canessa
Docteure en littérature comparée, passionnée de langues, Suzanne a consacré sa thèse de doctorat à Jean-Sébastien Bach. Elle enseigne le français, la littérature et l’histoire de l’Opéra à l’Institute for American Universities et à Sciences Po Aix. Collaboratrice régulière du journal Zébuline, elle publie dans les rubriques Musiques, Livres, Cinéma, Spectacle vivant et Arts Visuels.
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