Leïla, électrique, écrit dans un cahier d’écolier, ce qui a son importance car on ne saura pas vraiment si son histoire est vécue ou inventée. Elle parle de Lee, à ses côtés, comme d’une célébrité. Lui se la joue vedette, chewing-gum et casquette, campé fermement sur ses jambes. Il parle de sa mère murée dans le chagrin depuis le départ du père, de ses envies de fric de son projet de vie : devenir « maquereau » !
Quant à Leïla, murée dans le silence, un de ses plaisirs consiste à prendre des revues au supermarché, à les lire dans les toilettes, puis à se scarifier.. Il l’appelle « la silencieuse ». Ils se rencontrent, il la drague, elle hésite mais est séduite. Les événements se précipitent : Lee poignarde l’amant (Titouan Huitric) de sa mère, et entraîne Leïla dans les forêts. Enfin elle se sent « vivante » et on est séduit par le jeu plein de subtilité de la comédienne.
Entre récit et jeu
L’auteur écossais David Graig plonge ses personnages paumés dans un road movie suicidaire. Lee pense pouvoir retrouver son père sur la foi d’une carte postale envoyée à sa mère. Désormais l’aventure devient granguignolesque. Les deux ados sont sauvés par un garde-chasse qui se révélera être le père (Cédric Marchal)… Ou pas. Aucune certitude pour le spectateur. L’alternance des scènes dramatique et de narration crée une distance entre l’action et la réflexion sur l’action, comme dans une autobiographie aux deux niveaux de fiction. Leïla elle-même croit-elle à cette aventure dans une contrée sauvage, croit-elle à ce personnage du père ?
Olivier Barrere propose une lecture intéressante en superposant plusieurs possibles narratifs, tandis que la musique live de Nico Morcillo participe à la création d’une atmosphère étrange et parfois irréelle. Une aventure hors du temps au goût de cendre.
Chris Bourgue
« Lune jaune » d’Olivier Barrere se joue jusqu’au 26 juillet à L’Entrepôt, Avignon.