Si l’an dernier Futurissimo. L’utopie du design italien se parcourait comme un divertissement – sauf à fouiller dans le catalogue –, Intérieurs modernes 1920-1930 réussit le pari d’être attractive, instructive et esthétique. Dans une scénographie pensée par Joachim Jirou-Najou (lauréat Design Parade 2008) en osmose avec les pièces de la collection, sans esbroufe mais séduisante, chaque chapitre nous éclaire sur la révolution opérée dans les années 1920-1930 par une poignée d’architectes, d’artisans et de décorateurs ayant à cœur de mettre à profit l’héritage des arts décoratifs et d’explorer les possibilités de l’industrialisation en cours. Il ne sera bientôt plus question de décoration intérieure mais d’équipement, de mobilier mais d’ameublement à l’orée de bouleversements empiriques. À tel point que nos intérieurs actuels ressemblent à des parents pauvres des prototypes d’une cabine troisième classe conçue pour les paquebots des mers de l’époque !
Une harmonie nouvelle
En dix ans seulement, Le Corbusier et Charlotte Perriand (Cité radieuse, Marseille), Pierre Jeanneret, Robert Mallet-Stevens (Villa Noailles, Hyères), Francis Jourdain, Pierre Chareau, Eileen Gray (Villa E-1027, Roquebrune-Cap-Martin) ont révolutionné l’habitat en se délestant des codes préexistants pour entrer de plain-pied dans la modernité. Où l’utilitaire se conjuguait au présent avec un certain art de vivre… Chaque objet était reconsidéré à l’aune de la fonctionnalité et non plus du « beau » dans une période marquée par l’éloge du corps à travers la pratique du sport et l’hygiénisme ; chaque mobilier était pensé comme un couteau suisse capable de répondre à des fonctionnalités diverses. Des recherches communes autour de nouveaux matériaux, tel l’acier tubulaire peint ou laqué associé au chêne ou au textile, émergeaient avec l’idée sous-jacente de « démeublement » ! L’objet, la lumière et l’espace étaient étudiés au même plan pour atteindre une harmonie nouvelle, différente, de même la rationalisation des espaces et la notion de confort devinrent elles-aussi indissociables.
Autant de bouleversements opérés par l’Union des artistes modernes en 1929 qui réunissait quelques dissidents des artistes décorateurs désireux de s’ouvrir à l’industrie sans discorde, selon le principe d’une pensée globale. Pour les néophytes comme pour les amateurs éclairés, l’exposition est une mine d’informations (croquis, diaporamas, tirages inédits et photographies) qui permet, à travers des exemples concrets et une parfaite contextualisation, d’appréhender cette révolution qui éclabousse aujourd’hui encore « notre » modernité.
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
1Prêts du Centre Pompidou, Centre national des arts plastiques et Musée des Arts décoratifs de Paris.
Intérieurs modernes 1920-1930 Jusqu’au 30 octobre Hôtel des Arts, Toulon 04 94 93 37 90 hda-tpm.fr