C’est en partie à la Friche la Belle de Mai que s’est achevée la première semaine du festival Babel Minots. Avec CordaLinge, accueilli le 14 mars, le musicien JereM revisite des souvenirs d’enfance au sein du jardin de sa maison marseillaise, le vent agitant les vêtements tendus sur une corde à linge, comme autant de surfaces de projection. Au milieu des ombres chinoises, un petit bonhomme facétieux – silhouette blanche animé en stop motion, déjà mis en scène dans sa précédente création H2hommes – revient ici se confronter au comédien manipulateur d’objets Raphaël Dalaine. Les vêtements quant à eux se transforment à l’envi, un chapeau loufoque s’improvise à l’aide de pinces à linge, une toile en plastique s’anime pour une éphémère valse tournoyante… Inventif, l’environnement sonore – composé en direct à l’aide d’un capharnaüm d’instruments et de divers objets usuels – cadence le tout, la voix ouatée du chanteur JereM ne rechignant pas à transmettre des émotions parfois rugueuses, voire carrément mélancoliques. Car ce jardinet, c’était aussi le lieu où couvaient les tempêtes familiales, quand les parents se retiraient de la maisonnée pour s’y quereller à l’abri des oreilles enfantines… Les charivaris émotionnels sont ici rejoués jusqu’à la majestueuse scène finale, de l’air pulsé agitant une bâche géante et transparente.
Mise à feu
Le lendemain, toujours sur le Grand plateau, place à l’azimutée compagnie Mise à feu. Mozart, Haendel, Bach… En prémisse, deux fausses conférencières égrènent des noms de compositeurs célèbres. Las, le mythe du génie sacré oeuvrant à la lumière vacillante de sa chandelle fait long feu, et les deux musiciennes nous dévoilent l’étendue du défi de leur Diva Syndicat : revisiter, en 55 minutes, 1 000 ans d’histoire musicale occidentale au féminin ! Volontiers narquoises, animées d’une belle complicité et d’une énergie complémentaire, Noémie Lamour et Gentiane Pierre font revivre sous nos yeux le répertoire d’une dizaine de compositrices : la médiévale Hildegarde de Bingen, Cécile Chaminade, Madonna… Mais aussi toutes celles restées dans l’ombre d’un homme : Clara Schumann, Alma Mahler, Fanny Mendelssohn… Acmé du spectacle : quand les deux artistes se racontent elles-mêmes, narrant, sur l’air primesautier d’une comédie musicale, leurs vocations tenaces, les déterminismes sociaux et familiaux à défier, les déceptions à surmonter. Un réel hymne à l’émancipation individuelle, qui s’achève sur un standard d’Aretha Franklin, repris en choeur par la salle en standing ovation !
JULIE BORDENAVE
Babel Minots se tient jusqu’au 23 mars dans divers lieux de Marseille et alentours.