Le film commence dans la panique d’une mère qui ne maîtrise pas son fils. Ils vont rater le bus dans lequel le garçon refuse de monter. On comprendra bien vite qu’ils ont un rendez-vous important et pourquoi l’enfant fait tout pour ne pas s’y rendre, n’obtempérant qu’à l’injonction de sa grande sœur hors champ.
Alice (Myriem Akheddiou) est convoquée au tribunal avec ses deux enfants (Ulysse Goffin et Adèle Pinckaers) pour une confrontation avec leur père (Laurent Capelluto). Celui-ci réclame un droit de visite et la prise en charge du garçon par une structure adaptée. Il accuse son ex-femme de le déprécier aux yeux de son fils, d’être responsable de l’encoprésie dont il souffre et qui l’empêche de suivre une scolarité normale. Alice, de son côté, a commencé une procédure contre son ex-mari, pour inceste sur cet enfant. Frère et sœur ne veulent plus voir leur père qui les terrorise et ne comprennent pas pourquoi la justice les contraint à le croiser encore et encore, depuis plus de trois ans, au fil des audiences successives. Pourquoi elle les oblige à répéter leur histoire, remuant le couteau dans la plaie et faisant planer sur eux la menace d’une décision contraire à leur volonté.
Suspense au carré
Ils voudraient bien qu’on leur dise « on vous croit » et que, de cette confiance naisse une véritable protection. Alice contrainte à se défendre est à bout de forces, et craque au risque de paraître hystérique. Devant la juge, tout est possible, et le film entretiendra le suspense jusqu’au bout, servi par la musique de Lolita Del Pino qui avait déjà travaillé avec Arnaud Dufeys sur Invincible Eté.
Avec une grande économie de moyens, un format carré qui accentue la sensation d’étouffement, le choix d’un lieu unique, en un temps limité à une matinée, le réalisateur et la réalisatrice (infirmière de profession) traitent leur sujet si contemporain, avec une redoutable efficacité. Ils parviennent à transformer un huis clos où s’affrontent cinq discours contradictoires en un drame poignant. À faire de la scène centrale de près d’une heure, tournée en temps réel, avec des personnages assis autour d’un bureau, une scène d’action ! Devant la juge des affaires familiales (Natali Broods), l’avocate d’Alice, l’avocat du père, l’avocat des enfants (véritables avocats dans leur vie et acteurs pour l’occasion) développent leurs plaidoiries. Le père puis la mère racontent à tour de rôle, leur version des faits. Tous doivent s’écouter malgré leur colère, leur souffrance. Dans le bâtiment moderne fonctionnel du tribunal tout en baies vitrées, lumière et transparence, la juge arrivera-t-elle à y voir clair ?
Le réalisateur et la réalisatrice étaient là, accompagnés de leur producteur et de leur remarquable interprète, Myriem Akheddiou, ainsi que de Lolita Del Pino. La première rencontre entre la musicienne et les cinéastes s’était faite grâce à Music & Cinéma Marseille en 2022 dans le cadre du dispositif Le 3ème personnage qui connecte réalisateurs·trices, producteur et compositeur sur un projet en devenir. Une collaboration on ne peut plus réussie.
ÉLISE PADOVANI
Le film a obtenu le Prix du Meilleur Film Music § Cinéma 2025