Simone Veil a dû se retourner dans sa tombe. La semaine dernière, Beate et Serge Klarsfeld reçoivent la médaille de la Ville de Perpignan des mains de son maire Louis Aliot. Comment le couple connu dans le monde entier pour avoir consacré sa vie à la traque d’anciens nazis et à la mémoire des victimes de la Shoah peut-il accepter l’hommage d’un ancien vice-président du Front national, parti fondé il y a cinquante ans par l’ancien Waffen SS René Bousquet ? Et surtout pourquoi ces opposants historiques à l’extrême-droite française se sont-ils empêtrés dans une tentative de justification, jusqu’à argumenter une prétendue ligne d’ouverture chez le candidat à la présidence du RN dans son duel interne qui l’oppose au non moins national-populiste Jordan Bardella ? La sénilité ne saurait apporter une réponse acceptable dans ce qui apparaît on ne peut plus clairement comme un naufrage idéologique. Si l’ancrage à droite des époux n’est plus un secret, il demeure grave et inquiétant de les voir apporter leur pierre au processus de dédiabolisation du parti lepéniste et d’instrumentalisation d’enjeux mémoriels pour tenter de faire oublier ses racines profondément antisémites. Tout aussi inquiétant, le silence de plomb d’organisations d’obédience juives, à l’instar du Crif, laisse craindre une collusion d’intérêts dans le débat puant sur le fantasme de conflits communautaires dans le pays.
« Féminisme » d’arrière-garde
Une quinzaine de jours plus tôt, la « philosophe » Élisabeth Badinter enfonce le clou, évoquant « une entente entre trois groupes, les gens de couleur, les néo-féminsites et les islamistes ». Et, au même micro, celle qui défendit la présomption d’innocence dans l’affaire DSK de demander aux femmes victimes de viol de « prendre [leurs] responsabilités » en portant plainte avant le délai de prescription… Naufrage intellectuel bis repetita. Même Léa Salamé semblait choquée. À croire que la journaliste met un point d’honneur à offrir une tribune aux tenantes d’un « féminisme » d’arrière-garde. Le week-end dernier, elle invitait Dora Moutot face à Marie Cau, première maire transgenre de France. La blogueuse, qui n’a bien entendu aucune légitimité sur le sujet de la transidentité, a eu tout le loisir de déverser sa haine transphobe dans une diatribe indigne du service public audiovisuel : « Pour moi, Marie Cau est un homme (…), une personne qui est biologiquement un mâle, ça, on ne peut pas dire le contraire, mais qui a des goûts qui correspondent à ce qu’on appelle le genre femme ». Vous avez dit naufrage ?
LUDOVIC TOMAS