lundi 25 novembre 2024
No menu items!
Plus d'infos cliquez ci-dessousspot_img
Accueil Blog Page 11

Château de Servières : Quand le dessin est radical

0
© Jean-Philippe Roubaud, Expressions et maximes, « C’est pas la capitale », 2024, graphite sur papier, 40 x 40 cm

Dans la foulée du salon international du dessin contemporain Paréidolie organisé par le Château de Servières le dernier week-end d’août, la Saison du Dessin s’est ouverte dans une trentaine de lieux partenaires entre Montpellier et Monaco. Un temps fort, jusqu’à fin décembre, consacré au dessin, « sous toutes ses formes » : une expression que l’artiste niçois Jean-Philippe Roubaud illustre avec son exposition Didascalie 8, …ex machina. Un ensemble de dessins et de pratiques du dessin, qui prend pour point de départ sa résidence de septembre à décembre 2023 au sein de la société locale de fabrication d’emballages Milhe et Avons, dans le cadre du dispositif initié par le ministère de la Culture « Art & Mondes du travail », pour s’élargir ensuite sur ses œuvres récentes.

Noir et blanc

C’est un artiste qui développe, depuis une dizaine d’années, une pratique au parti-pris radical : uniquement du dessin, en noir et blanc. Dessin dont il est un forcené et un technicien virtuose, qu’il pétrit de nombreuses références à l’histoire de l’art, en particulier à l’art flamand du XVe siècle. Le début du parcours présente une vidéo réalisée dans les ateliers de production de la société Milhe et Avon, plan fixe de 10 minutes sur un rouleau de papier qui se déroule mécaniquement, sur lequel il maintient machinalement un crayon, le temps de l’usure complète de la mine. Des rouleaux qu’on retrouve ensuite, à différents stades de déroulement, posés au sol, les uns sur les autres, sur lesquels l’artiste est intervenu avec de la poudre de graphite pour leur donner un aspect de billots de bois. Une façon d’engager le dessin dans une pratique sculpturale, tout comme les sacs de papier fabriqués par l’entreprise, présentés sur une étagère, sur lesquels il a dessiné différents espaces de consommation. 

Ombres et lumières

Dessin qu’il investit ensuite, entre fragilité et solidité, éphémère et durée, liens et cassures, délicatesse et brutalité, dans la céramique : urnes funéraires contenant des cendres d’événements (émeutes et barbecues), plaques de carrelage sur lesquelles on peut marcher, réalisé au crayon oxyde. Les mots, avec des citations de chansons de rap (C’est Marseille Bébé, etc…), écrites, comme des proverbes sur des assiettes kitsch, sur des représentations d’assiettes blanches brisées. La performance et la musique, où s’inscrivent sur une feuille blanche les traces d’impacts de baguettes de batterie. Le wall-drawing avec, réalisé in-situ, une chapelle, abritant des scènes de cataclysmes (bombardements de nuit en Ukraine et à Gaza…), dessinées à la gomme. La vie des Saint.e.s dans laquelle il ré-interprète les figures de Matthieu, Agathe, Anne, Christophe, Marthe, en dessinant les différents membres de sa famille. Et un rétable, posé sur une grande table à dessin blanche, allégorie dédiée au dessin, entre « praxis » et « théorie ». 

MARC VOIRY

Didascalie 8, ...ex machina
Jusqu’au 14 décembre
Château de Servières, Marseille

Image de Ville : la voix de l’architecture

0

Réalisé en 1995 par Marcel Meili et Christoph Schaub, le premier court de 17 mn, Il Girasole, présente, par la voix de sa fille Lidia, une maison moderniste que le père, Angelo Invernizzi, célèbre ingénieur Génois de l’époque, voulut aussi collective, et à la construction de laquelle participèrent donc, architectes, artistes, designers, styliste de mode ou de jardin.

Pure folie rationaliste fort peu rationnelle, la maison, conçue à l’aube des années 30 dans la banlieue de Vérone, carbure au diesel, non seulement pour se chauffer, mais surtout pour se mouvoir, sans aller, heureusement, jusqu’à se déplacer.

Montée sur un socle circulaire, la maison entière tourne sur elle-même, à l’allure exacte de la course du soleil. Le mouvement est invisible mais réel et les points de vue, les expositions varient tout au long de la journée. La folie est parfaitement assumée puisque le mouvement n’a de sens que pour lui-même : il n’est pas question d’associer les espaces de la maison à des expositions particulières, il suffit que sa rotation complète dure 24 h.

 Il est en revanche délicat d’établir une corrélation fonctionnelle inébranlable entre le rayonnement solaire et les espaces qui y sont soumis : la maison tourne quand on actionne le dispositif et le « reset » n’est pas au programme.

La question technique est très vaguement évoquée dans le film, et les furtives images d’engrenages cyclopéens ne nous disent rien d’autre que la démesure de cette réalisation .
La technicité un peu vaine et de toutes façons obsolète du projet n’est d’ailleurs pas le sujet du film, qui met l’accent sur la beauté du site, la délicatesse des détails et l’émotion palpable de la fille du concepteur de la maison à l’évocation de la genèse de l’œuvre. Dans la lumière somptueuse du 35 mm, les silhouettes élégantes d’un couple de figurants traversent les terrasses, incarnant et soulignant les mouvements de la caméra, plus amples et plus oniriques que la giration horlogère et imperceptible de la maison.

La voix d’Ivry

Bruno Jourdan, fondateur du festival en 2003, y propose dans cette session, en première projection publique, son court de 25 mn : Visage d’architecte-Ivry Serres, en présence de l’intéressé

Comment devient-on Architecte ? Que sont la pratique quotidienne de l’Architecture et sa transmission ? Comment les rêves, les analyses, les concepts architecturaux se frottent au réel, se matérialisent. Une personne, donc, architecte de métier, son visage, ses mots son histoire qui se raconte et se module. Le parti du cinéaste est de laisser la parole à cette seule personne. Qu’il s’agisse de convoquer le souvenir et les lieux de l’enfance, de préciser les obsessions méthodologiques ou de simplement décrire et littéralement développer la fonctionnalité ou les caractéristiques d’une œuvre construite, c’est toujours la voix de l’Architecte, tantôt hésitante et sourde, tantôt forte et assurée, qui scande et déroule le récit. Le visage de l’Architecte en question et en réponses ici est celui d’Ivry Serres, dont le projet de Médiathèque de Grasse reçut le prix de l’Équerre d’Argent en 2022. Avant de  commenter la présentation en images de son œuvre, ses structures internes comme son rapport à la ville, il nous aura parlé de son goût pour la marche et pour les pierres, les cailloux même, et on l’aura plus tard suivi parmi ses maquettes et ses idéogrammes dans ses échanges avec ses étudiants.

La composition du film-pourquoi, comment, quoi- ainsi que le parti-pris singulier de la seule voix off du narrateur protagoniste et sujet principal, installent une structure qu’on peut imaginer à l’œuvre dans la production d’une série de portraits d’Architectes vivants.

MAURICE PADOVANI

Notre rubrique cinéma ici

Festival Overlittérature : l’art du hors contexte

0

Zébuline. Qu’est-ce que l’Overlittérature ? 

XaL. J’ai l’impression que chacun a sa propre définition, mais elles convergent toutes vers une phrase de Henri-Frédéric Blanc : « La quête d’une certaine universalité de l’esprit marseillais ». L’idée est éventuellement de se moquer de nous-mêmes ou des autres, mais en mettant en abime la marseillitude dans ce qu’elle a de meilleur comme de pire, et en assumant le côté décalé, absurde voir vulgaire quand c’est utile. 

Est-ce que cela ne confine pas à une forme de régionalisme ? 

Non. Pagnol disait qu’on atteint l’universel en restant chez soi. Ces deux faces d’une même pièce que sont le local et l’universel, on les retrouve dans plusieurs textes overlittéraires. En assumant une certaine vulgarité et parfois une posture de surface, nous voulons exprimer des choses plus profondes sur les gens d’ici, sur la manière dont on voit l’extérieur depuis Marseille ou dont l’extérieur nous voit. 

À l’occasion du Festival Overlittérature, vous mettez en scène Banzaïoli ! de Henri-Frédéric Blanc. 

Au départ, Banzaïoli ! n’était pas une pièce mais un recueil d’aphorismes affublé d’une petite biographie. On pourrait dire que c’est une version marseillaise des Brèves de Comptoir de Jean-Marie Gourio. C’est en tous cas ma lecture. Il s’agit d’une leçon de tchatche censée permettre de survivre dans l’univers des bars marseillais même si on est un touriste. Cette œuvre traite du langage et de la façon dont les spécificités langagières renvoient à l’universalité humaine. En plus de mon spectacle, le festival invite aussi Jeanne Béziers qui met en scène son texte Prend garde à toi !, et Gilles Ascaride remonte Zoé avec Marie Fabre. 

Cela est assez éloigné de vos autres projets à venir, comme Rencontres intimes avec l’anthropocène. Y a-t-il quand même des fils rouges ? 

Il faut distinguer mon travail de comédien d’une part et ma compagnie Texte Hors Contexte de l’autre. Dans tous les cas, j’aime bien chercher à décaler les choses, aller là où l’on ne m’attend pas. Ce qui permet de faire le lien entre l’overlittérature, avec cette ligne très ténue entre la connerie et l’intellect, et des textes comme celui sur l’anthropocène. C’est l’idée de mettre des textes hors contexte et de traiter des sujets de société. 

ENTRETIEN RÉALISÉ PAR CHLOÉ MACAIRE 

Festival Overlittérature
19 et 20 octobre 
Espace Jean Ferrat, Septèmes-les-Vallons 

Théâtre Massalia : Punks aux créneaux

0
Castelet is not dead © X-DR

Ah ! Que ça fait du bien de rire, à gorge déployée. La Cie Arnica a ouvert en fanfare le festival En Ribambelles ! au Théâtre Massalia. Avec l’idée du siècle : revivifier une vieille tradition, le castelet – mini-scène de théâtre de marionnettes – en le mâtinant d’esprit punk. Non, le pouvoir subversif de Guignol et consorts n’est pas mort. Au XIXe siècle, cette forme artistique très populaire n’hésitait pas à traiter d’actualités et critiquer les puissants, à grand renfort de cris et bastonnades. 

« Des robots, faisons table rase »

Gwendoline Soublin, auteure des textes de cette œuvre, ne s’y trompe pas : le pouvoir aujourd’hui est peut-être au gouvernement, certainement à la tête des entreprises de la tech. C’est ainsi qu’Elon Ultrabright, à peine caricaturé, est devenu le héros de Castelet is not dead, une proposition jeunesse ébouriffante. « Je m’éternise, oui, mais je ne sens plus rien » ; « J’ai perdu toute dignité », déplorent ses clients, à qui il vend promesse transhumaniste, followers par milliers et rêves de mise en orbite.

Se sentant menacés par un « grand remplacement synthétique », les trois marionnettistes (Guillaume Clausse, Virginie Gaillard, Cristof Hanon, géniaux) déclarent la grève ouverte contre Émilie Flacher, la metteuse en scène. À deux doigts d’embaucher des i-marionnettes connectées à l’IA par Bluetooth pour économiser leurs salaires, elle ne s’en tirera pas comme ça. Le spectacle monte en puissance jusqu’à l’apothéose, un volet final hilarant avec une mère de famille prête à dégommer le robot domestique absolument odieux qui tente de réguler toute la vie du foyer. « Au lit, vous avez atteint votre taux maximum de calories pour la journée. » Que nenni, elle va plutôt rallier les rangs des révolutionnaires et chanter bien fort « des robots, faisons table rase, foule sanguine, debout, debout ! », ce qui donne une envie irrésistible de s’y mettre aussi.

GAËLLE CLOAREC

Castelet is not dead s'est joué les 12 et 13 octobre au Théâtre Massalia, Marseille. 
Le festival En Ribambelles ! se poursuit jusqu'au 16 novembre

Plus de théâtre ici

Les Colibris : un orchestre unique au monde 

0
Photo de groupe illustrant l'orchestre des Colibris, composé d'enfants sourds profonds appareillés ou implantés, coordonné par le Conservatoire Pierre Barbizet de Marseille et le collectif des artistes lyriques et musiciens pour la solidarité (Calms). Les enfants, vêtus de t-shirts bleus avec le logo
Orchestre des Colibris © X-DR

Zébuline. Pouvez-vous nous parler des Colibris ?
Frédéric Isoletta.
C’est un orchestre composé d’enfants sourds profonds appareillés ou implantés. Il est coordonné et porté par le Conservatoire Pierre Barbizet de Marseille et le collectif des artistes lyriques et musiciens pour la solidarité (Calms).

Pourquoi avoir décidé de monter cet orchestre ?
Mon fils Alexandre qui a 12 ans est sourd de naissance et joue du violoncelle depuis plusieurs années. Je me suis rendu compte du bénéfice extraordinaire que cette pratique lui procurait au niveau du langage et de la psychomotricité (il y a énormément de correspondances entre le langage et la musique en termes de construction, d’écoute, de rythme…). Étant musicien, il y avait beaucoup de répétitions à la maison. Je le voyais réagir et tapoter sur le piano. J’ai pris beaucoup d’informations auprès de nombreux chercheurs pour comprendre comment la musique pouvait influer sur le ressenti d’un enfant sourd au-delà des vibrations. J’en ai tiré des conclusions pour créer des compositions et imaginer des pratiques adaptées avec un cahier des charges précis et beaucoup de bienveillance car ces enfants ont une grande fatigabilité. 

« L’orchestre interroge les chercheurs car il balaye leurs certitudes sur la surdité »

Comment fonctionne cet orchestre ?
Les enfants jouent immédiatement en ensemble car en musique l’interaction est primordiale et plus encore pour ces enfants isolés dans le monde de la surdité. Les professeurs encadrants sont volontaires et formés. Ensuite, au sein de l’orchestre chaque enfant est accompagné d’un musicien de son âge et d’un parrain professionnel qui jouent du même instrument. Il s’agit de trios. L’orchestre joue seul ou collabore avec d’autres orchestres du Conservatoire.

Combien d’enfants composent l’orchestre.
Cette année ils seront cinq : un flûtiste, deux violonistes, un altiste et un violoncelliste. C’est une prouesse car sur ces instruments, contrairement au piano, il faut chercher la note juste. C’est une fierté et une bouffée d’oxygène pour ces enfants dont la vie et celle de leurs parents tourne essentiellement autour des rendez-vous médicaux. 

« Le plus difficile est de convaincre des parents »

Existe-t-il d’autres orchestres comme celui-ci ?
C’est une expérience unique en France et dans le monde. L’orchestre interroge les chercheurs car il balaye leurs certitudes sur la surdité. Pour ces enfants, la musique a des bienfaits médicaux, humains, sociaux extraordinaires. Nous sommes chanceux que le Conservatoire prenne à cœur la question du handicap et de la pratique musicale. Avec le Calms, nous allons proposer des Colibris à Aix-en-Provence, Vitrolles et Marignane. Le plus difficile est de convaincre des parents qui n’imaginent pas que leur enfant puisse faire de la musique. 

Le Conservatoire pourrait-il s’ouvrir à d’autres types de handicap ?
C’est un sujet de réflexion du Conservatoire. Avec les Colibris, nous sommes allés au plus difficile en termes de handicap. Ce succès ouvre d’autres perspectives.

Quand pourrons-nous entendre les Colibris ?
L’Artplexe Canebière programme le 12 novembre à 19 heures un documentaire sur l’orchestre suivi d’un débat et le 14 novembre lors des rencontres du CREAI (Centre Régional d’Études pour les personnes vulnérables) au Parc Chanot, nous jouerons quelques morceaux. Et puis lors des Concerts de Noël et de fin d’année du Conservatoire. 

ENTRETIEN RÉALISÉ PAR ANNE-MARIE THOMAZEAU 

Retrouvez nos articles Musiques ici

Marseille Web Fest : Faim de séries 

0
Illustration d’un personnage animé dans une forêt, tenant un fusil, face à une créature camouflée, pour la série animée
Le Bien Chasser © Kawanimation

Début 2024, la France découvrait sur Arte la mini-série Samuel, qui racontait la vie d’un jeune écolier au début des années 2000. 21 épisodes de 5 minutes, qui ont cumulé en seulement quelques mois des dizaines de millions de vues. Une réussite due au talent de son autrice Émilie Tronche, mais aussi de son format court, adapté aux nouveaux usages induits par les réseaux sociaux. C’est justement autour de ces nouveaux comportements, et nouveaux formats, que le Marseille Web Fest s’est lancé treize ans plus tôt, en 2011, pour mettre en avant les nouvelles tendances numériques et les créations audiovisuelles courtes. Pour sa 14e édition, le rendez-vous marseillais poursuit son histoire du 17 au 19 octobre, avec trois sélections officielles (internationale, nationale et documentaire), et toute une série de rencontres. Le tout gratuitement.  

En compét’

Principal temps fort du rendez-vous, la compétition internationale accueille cette année dix créations. De France avec la deuxième saison de Le Bien Chasser (France TV), l’histoire d’un gamin accusé de « radicalisation après avoir malencontreusement incendié le garage de son beau-père », avec les voix d’Aymeric Lompret et de Pierre-Emmanuel Barré notamment. On verra aussi Fanny Scat Investigates, venue d’Australie, dans laquelle une « drag queen d’âge moyen doit devenir détective privé pour survivre ». D’autres créations viendront d’Uruguay, du Canada ou d’Espagne, et seront départagées par un jury composé d’Hélène Saillon (France Télévisions), Antton Racca (créateur de contenu sur Internet), et la productrice Elisabeth Pawlowski. 

Dix séries françaises seront à l’honneur dans la sélection nationale, avec notamment Bouchon d’Amaury Dequé et Eléonore Costes, ou Ceux qui rougissent de Julien Gaspar-Oliveri. Enfin pour les web-documentaires, une histoire locale avec Provence et Confidences de Nathalie Freysz, qui part à la découverte des trésors cachés du Pays d’Arles ; et plus loin, au Portugal, neuf agents de sécurité d’un musée présentent leurs œuvres préférées dans À Nossa Guarda de João Estrada. 

Des rencontres 

Outres les compétitions et les projections, le Marseille Web Fest propose également plusieurs rencontres. Une avec l’équipe de la série documentaire Commises d’Office Marseille réalisée par Fanny Fontan. Diffusée sur France TV, on y suit le travail de trois avocates entre le tribunal et les Baumettes, qui relèvent chaque jour le défi des comparutions immédiates. Notons aussi la masterclass du scénariste et réalisateur américain Stephen Tolkin, ou du temps fort consacré à l’impact de l’Intelligence artificielle dans l’audiovisuel. À coup sûr le prochain grand tournant de ce secteur.  

NICOLAS SANTUCCI

Marseille Web Fest
17 au 19 octobre 
Artplexe Canebière, Marseille

Festival De Vives Voix : Les chants du voyage 

0
Parveen Ilyas Khan ©-Eric Legret

Il y a 20 ans, le premier festival De vives voix inondait de sonorités voyageuses le théâtre de verdure de la Sucrière dans le 15e arrondissement. Depuis 20 ans, des artistes de nombreuses régions du monde sont venus participer à ce rendez-vous festif et chaleureux apportant avec eux des sons et des mélodies inconnues. La voix est le fil conducteur de toutes ces rencontres ; la voix qui exprime et tisse le lien entre les êtres. Cette année est l’occasion pour Odile Lecour et Maxime Wagner, les deux artisans de cette épopée de retrouver ces artistes amis. 

Tunisie, Espagne, Rajasthan…

En cette rentrée, le festival propose trois concerts. Le 17 octobre c’est le duo de folk tunisien Yuma qui va faire résonner la Cité de la Musique avec des mashups originaux de chansons orientales et occidentales. Révélé fin 2015 Sabrine Jenhani et Ramy Zoghlami s’affirment aujourd’hui comme des leaders de la musique alternative tunisienne. Ils proposent un folk minimaliste dont les textes en tunisien dialectal abordent de manière métaphorique et progressiste des thèmes sociaux au cœur des préoccupations des nouvelles générations comme la condition féminine. Malgré la barrière de la langue, le charme opère grâce à des mélodies lyriques et un phrasé poignant. Le lendemain, et toujours à la Cité de la Musique, rendez-vous avec le flamenco de Luis de la Carrasca. Avec son spectacle Baró Drom, il poursuit son exploration sonore un pied dans la tradition et l’autre dans la modernité. Au chant et aux rythmes des deux guitares flamencos s’intègrent le souffle classique du piano, une impulsion jazz avec la contrebasse, un rythme de liberté avec les percussions, une énergie avec les chœurs, les palmas et la danse. 

Enfin le 19 octobre changement total d’ambiance avec Parveen et Ilyas Khan. Ces deux artistes franco-indiens, enfants du percussionniste Hameed Khan Kawa, perpétuent une tradition musicale rajasthanie vieille de sept générations. Parveen Sabrina Khan, voix éminente de la nouvelle scène, interprète des râgas, cadre mélodique utilisé dans la musique classique indienne, mais aussi des maands, chants traditionnels folkloriques en voie de disparition, issus du Rajasthan. De sa voix profonde, elle exprime avec virtuosité la poésie de cette musique sophistiquée, où le texte lyrique laisse une large place à l’improvisation tant sur l’aspect mélodique que rythmique. Ilyas Raphaël Khan soutient ces improvisations par le tablaboxing, une fusion de beatbox et rythmes classiques indiens. 

ANNE-MARIE THOMAZEAU

De Vives Voix
Du 17 au 19 octobre 
Cité de la Musique, Marseille

DIASPORIK : Mémoire à tiroirs

0
Photographie d’un pichet en céramique marocaine,
Exposition Entre nos mains. Objets souvenirs -Badr El Hammami

Depuis son atelier marseillais, l’artiste creuse l’histoire du Maroc et ses récits d’exil à travers les objets souvenirs et les diasporas marocaines en Europe. Prenant comme point de collecte son atelier marseillais dans lequel il devient dépositaire de leur récit, il malaxe inlassablement le même matériau : l’exil, la migration, le déracinement.

Diasporik : Quelle est la genèse de cette exposition? 

Badr El Hammami : Initialement, je voulais ouvrir l’espace de mon atelier à Marseille pour collecter les récits en proposant à chacun.e d’amener un objet. L’exposition a pris forme autour de la restitution des histoires collectées, et le tiroir est devenu le fil conducteur de ce parcours visuel et sonore. Il s’est alors dessiné un itinéraire, dans lequel chaque ouverture permet l’écoute d’un récit, d’un objet, d’une provenance, d’une transmission… On retrouve également des objets racontés, qui sont des objets intimes, des objets souvenirs.

Comme la fibule ? 

Oui. En Méditerranée nous partageons des identités plurielles notamment afro-amazighes. L’un des objets racontés est la fibule. Ce bijou hérité de nos grands-mères passe d’une génération à l’autre. Portée depuis le 7e siècle avant notre ère en Europe, la fibule fait partie d’un patrimoine commun de l’humanité depuis l’âge de bronze. Appelée tazerzit en amazigh, elle se fait broche, insigne ou amulette à l’occasion. Généralement constituée de métal, elle sert à fixer les extrémités d’un vêtement.

Quel objet avez-vous retenu pour l’affiche de l’exposition ?

Il s’agit d’une poterie du quotidien. Un pichet, El ghoraf, céramique marocaine en terre cuite peinte à la main avec du goudron naturel (El Kotran, la  poix).Traditionnellement, ces bols sont utilisés pour boire de l’eau, car ils désinfectent l’eau et lui donnent également une saveur particulière. La céramique maintient la fraîcheur naturelle de l’eau. Ces objets du quotidien sont présents en exil et conservent les saveurs du pays d’origine. Les motifs sont simples et réalisés au doigt, marquant l’objet, en quelque sorte, d’empreintes indélébiles. 

À Bruxelles la communauté marocaine est importante. Est-ce la raison pour laquelle vous avez retenu la capitale belge ?

Les Marocains constituent un groupe social majeur en Belgique et 2024 célèbre les 60 ans des accords bilatéraux de coopération et des migrations de travail entre le Maroc et la Belgique. Leur provenance est principalement du Rif, une région amazighe singulière, du fait de son histoire de résistance à la colonisation espagnole puis française. Avec une langue et une identité régionales fortement ancrées dans le terroir et les traditions amazighes. 

L’exposition est une invitation au voyage ?

Exactement, une invitation à sortir nos histoires de nos tiroirs. Les migrants emmènent toujours avec eux un objet souvenir. Comme une ancre. Un objet embarqué, lourd de sens, et destiné à sécuriser le périple sans oublier le point de départ vers sa destination. Ces objets sont malheureusement voués à disparaître, parce qu’ils relèvent de l’intime. Il peut paraître impudique de les mettre en dialogue, on n’aime pas toujours l’espace de partage avec les autres, et parfois on veut garder pour nous… Mais j’avais envie de révéler ces objets souvenirs, ces trésors qui sont « entre nos mains », à travers celles et ceux qui est les possèdent.  Ensemble ils constituent une mémoire collective importante, parce qu’elle raconte le déplacement et l’attachement de toute la communauté amazighe au travers de cette transmission culturelle.

Une culture transmise oralement par les femmes ? 

Oui. Je suis berbère, je suis rifain, Cette culture m’habite et elle m’a été transmise oralement. Ce n’est pas parce qu’on n’écrit pas notre culture qu’elle n’existe pas. Dans cette culture les femmes occupent une fonction centrale : elles la transmettent. La fouta qui cintre le corps des femmes sans les contraindre, est un des objets importants.  Élément de parure de femmes, déclinée en tissu ou en laine selon la saison, elle fait partie de la « collection » de ces choses fragiles  que nous avons « entre nos mains ».

Entretien réalisé par SAMIA CHABANI

Jusqu’au 1er février 
Galerie de Tous les possibles
Friche la Belle de Mai, Marseille 

Découvrez d’autres articles de DIASPORIK

Au bout, la mer ! sort la carte Bleue  

0
Performance collaborative
"To The World's End" by Frank Boelter. Sunday 14th September 2014, The Stade Hastings, UK. The closing event of Coastal Currents Arts Festival 2014.

Dans l’artère emblématique de Marseille, coule un sang bleu depuis des siècles. Celui de la noblesse des gens de mer, de tous les continents, qui ont irrigué la ville et lui ont offert son identité. C’est donc naturellement que la manifestation Au bout, la mer !, à l’initiative de la mairie des 1er et 7e arrondissements et produite par l’association Karwan, se tourne pour la quatrième fois vers la Méditerranée avec sa déclinaison estampillée Bleue. Ce dimanche 20 octobre, des spectacles, des performances, des rencontres scientifiques, des débats citoyens se tiendront sur les pavés de la Canebière, le tout gratuitement. Depuis le centre-ville, jusqu’à la Digue du Large. 

En scène 

Au bout, la mer !, c’est d’abord une suite de spectacles à découvrir tout au long de la journée., Dès 10h30 sous l’arche du Centre Bourse (puis à 15 h sur la place du Général de Gaulle), c’est la crieuse publique Louvalemonde qui lance les festivités. Après avoir demandé au public d’écrire des mots d’amour à la mer et à l’environnement, elle mettra les textes en voix et en musique dans une performance qui veut sublimer l’art de la criée publique, en œuvre musicale et théâtrale. 

Poétique et collaborative sera la performance de Frank Bötler intitulée Jusqu’au bout du monde. Avec l’aide de toutes les bonnes volonté, l’artiste entreprend la construction d’un bateau en papier plié pour rentrer chez lui, par la mer. Pour l’aider dans son entreprise XXL, rendez-vous à 14h30 au quai de la Fraternité.  

À 17 h, on va s’interroger sur l’effondrement du monde avec Collapsing Land de la compagnie La Tournoyante. Sur une structure inclinée (construite par les ateliers Sud Side), six acrobates-danseurs défient la gravité, avec poésie, et réflexions sur une réalité qui nous échappe. Une performance à découvrir sous tous les angles.  

La programmation n’oublie pas que la Méditerranée et aussi un espace de souffrance. À 11h30 au site archéologique du Port antique, est donné Il y a des montagnes dans la mer ! par les élèves du Groupe Phare de l’Échappée Belle. Une mise en lecture de témoignages issus du travail des équipes de SOS Méditerranée, que ce soit des naufragés, ou de ses membres. 

Les sciences aussi 

Particularité du cette édition de Bleue, les questions scientifiques sont également au cœur de la manifestation, avec plusieurs rencontres et échanges organisés à La Fabulerie. Ce sera le cas avec le film De bois et de vent qui s’empare de la question – ô combien sensible et polluante – du fret maritime, et la possibilité que celui-ci puisse se (re)-convertir à la voile. Dans le prolongement, l’Institut Pythéas et le CNRS s’intéressent aux impacts sonores des activités humaines sur la biodiversité marine. cn

Au bout, la mer ! c’est aussi des ateliers participatifs pour les plus jeunes, mais également des rencontres autour de sujets de société, voire d’actualité, comme ceux de la nage en eau libre et de la place que Marseille veut bien lui offrir. Ou la question de l’ouverture de la Digue du Large, dont l’entrée est strictement réglementée depuis plus de 20 ans, privant – presque – toute la partie Nord de la ville d’un accès à la mer. 

NICOLAS SANTUCCI

Kiosque & Co
Juste avant Au bout, la mer !, le 19 octobre, la Canebière fêtera également la Méditerranée, mais en musique, sous le patronage de La Mesòn, du Théâtre de l’Œuvre et de la mairie des 1/7. Depuis l’Anatolie avec le groupe Biensüre et sa psyché-disco, depuis l’Afrique avec Zar Electrik soit les airs gnaoua remixés à l’électro. Avant eux, et un peu plus haut dans le jardin Labadié, le spectacle jeune public Petit K, un conte musical qui s’écrit en beatbox. N.S.

19 octobre
Jardin Labadié, square Léon Blum
Marseille

Festival Transform !  :  « Les rapports entre marge et centre sont des rapports de pouvoir »

0
LW2 © X-DR

Zébuline. La première édition du festival a eu lieu en 2015. Pourquoi à ce moment ?
Sarah Saby.
À l’ère post mariage pour tous, mettre en lumière la création pluridisciplinaire issue de minorités queer s’est révélé comme une prise de position politique : il s’agissait d’interroger l’intégrationisme homosexuel blanc, de refuser le centre pour fabriquer depuis la marge de nouveaux espaces de création, avec celleux qui l’habitent. Avec l’idée qui si on nous laisse le temps de nous organiser en collectif, d’inventer, d’innover, de proposer des espaces de visibilité alternatifs, ils vaudront autant que ceux qu’il y a au centre ! 

En quoi est-ce politique ?
S.S.
Ces rapports entre marge et centre sont des rapports de pouvoir ! On cherche à s’intégrer lorsqu’on a l’impression que vivre en dehors est impossible mais la marge offre aussi un espace de liberté, et souvent s’intégrer écrase. D’ailleurs je ne l’ai jamais fait, et ne le ferais jamais. 

Margot, vous avez intégré le festival en 2021, comme chargée de communication, puis comme bénévole, et formez depuis avec Sarah un tandem ambitieux et efficace. Il semble que cette année tout a été mis en œuvre pour mettre à l’honneur les artistes locales, internationales et marginales.
Margot Dewavrin
. Transform ! est désormais en partenariat avec les festivals d’art queer d’Outburst à Belfast et RISCO à Sao Paulo. Les curatrices sont deux femmes lesbiennes qui seront présentes cette année au festival aussi pour rencontrer les artistes et permettre une circulation, une visibilité internationale de leur travail. D’ailleurs Raphaël Khouri, qui performera vendredi 25 est le premier artiste à avoir participé aux trois festivals ! Notre volonté est de permettre à beaucoup d’autres de faire la même chose, de circuler entre les continents, sans frontières.

S.S. On veut faire en sorte d’avoir un impact réel sur les conditions de vie et de travail des artistes queer, racisé·e·s, lesbiennes, invisibilisé·e·s dans le monde de l’art contemporain. Depuis 2023, on a créé un bureau d’accompagnement pour promouvoir les artistes du festival et les aider à faire tourner leurs spectacles, trouver des résidences, du matériel… 

M.D. Puis on essaie de répondre aux besoins actuels de la communauté, de donner de la visibilité à celleux qui en manquent le plus, de donner du travail aux personnes qui dans leur pays sont de plus en plus empêchées. Par exemple la scène queer italienne en ce moment avec Bunny Dakota, ou bien les artistes trans racisées, Elie Autin, Chams Barkaoui, Ava Naba entre beaucoup autres. 

« Connaissances sorcières multiculturelles »

Deux fils rouges sont définis dans la programmation, l’écoféminisme et la transmission de la mémoire queer.
S.S.
Oui, ils se déploient tout au long de la semaine et de multiples façons. Toujours avec la volonté d’allier actualité militante et politique avec les savoirs issus des marges. Le festival s’est construit, cette année, autour de partage de connaissances sorcières multiculturelles, et de leur propagation à travers une série d’ateliers. Ainsi, après avoir « fabriqué son balai de pouvoir » avec Euphrobia Peregrina, on pourra papoter transféminime autour d’une « manucure politique » proposée par Liz Parayzo, puis rejoindre l’atelier « broderole » collective de Jackie Hamilton. On pourra également repartir avec un petit échantillon de « crème pour voler » de aniara rodado, et quelques graines de plantes hallucinogènes à faire pousser sur son balcon, à la suite de « It was Paradise Unfortunatly ». 

M.D. Pour en boucler la boucle, le festival s’ouvrira et se clôturera avec Janis Sarawi, par une lecture de son livre co-écrit avec Tal Madesta, Révéler Mes visages, qui reviendra sur son parcours musical et sa tradition de genre, puis elle clôturera cette programmation par un DJ set lors de la soirée-fête du dernier jour. Cette année, un maximum de propositions musicales, entre flûte et rave, passent par tout type d’électro.

Depuis 2015, le festival Transform ne cesse ne se renouveler, et semble apprendre de ses artistes et de son public. Est ce votre ambition ?
S.S.
Oui, nous voulons déployer un espace destiné à visibiliser et promouvoir les artistes issus des marges. Sans chercher à les en déloger. 

ENTRETIEN RÉALISÉ PAR Némo Turbant

Transform !
Du 19 au 26 octobre
Divers lieux, Marseille
festival-transform.com