vendredi 22 août 2025
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Vierge ou putain

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En 2019, la réalisatrice Princia Car avait présenté au Festival de Clermont Ferrand son court-métrage Barcelona, réalisé en atelier avec des jeunes d’un quartier à Marseille. L’histoire : neuf jeunes qui projettent de s’enfuir à Barcelone. Parmi eux, Leïa Haïchour, Houssam Mohamed, Mortadha Hasni que nous retrouvons dans son premier long métrage, Les Filles désir, présenté à la dernière Quinzaine des cinéastes.

On est à Marseille dans une cité où Omar (Houssam Mohamed), la vingtaine, dirige un centre aéré, gère comme un chef ses moniteurs aux propos crus, souvent machos, arbitre les disputes, console les petits quand il le faut. Il fréquente Yasmine, 17 ans (Leïa Haïchour) en tout bien tout honneur. Car pour lui et ses potes, il y a deux catégories de filles. Celles qu’on peut épouser et les autres. La Vierge et la Putain ! Le jour où Carmen (Lou Anna Hamon), une ex-amie, revient au quartier après 7 ans d’absence, ne sachant où aller, tout va changer.  « Pendant 7 ans, j’ai fait la pute ! » proclame-t-elle. Elle veut à présent tout recommencer Mais dans la cité « une pute reste une pute » et pas question qu’elle réintègre la bande. Omar veut l’aider et, pour rassurer Yasmine, il décide de la présenter à sa mère ; c’est elle sa future femme. Mère qui met la jeune fille en garde : elle est très jeune et ce qui l’attend, cuisine, ménage, etc. n’est pas des plus réjouissant. Quant à Carmen, à l’allure et à la parole libres, elle fait naitre chez tous des sentiments et des réactions contradictoires, désir, interrogation, rejet et va permettre à chacun de choisir ou subir son destin.

Dans ce film tourné entièrement à Marseille, en particulier dans la Cité Saint Thys, Princia Car met en scène la vie quotidienne de jeunes, un été sous le soleil, un peu comme un documentaire. Ils vont dans une fête foraine, se rencontrent au pied de leurs immeubles, encadrent les enfants au Centre, filmés superbement, dans des couleurs éclatantes, par le directeur de la photo Raphaël Vandenbussche.  La caméra souvent en mouvement, s’arrête soudain sur des visages ou des corps, plans comme des tableaux. Les comédiens, qui ont participé à l’écriture et aux dialogues, comme pour Barcelona, sont plus vrais que nature, aussi bien Housam Mohamed que les deux filles, en particulier Lou Anna Hamon qui crève l’écran.

Un premier long métrage prometteur.

ANNIE GAVA
Les Filles Désir de Princia Car sort en salles le 16 juillet
© Zinc

« Kouté Vwa » : une histoire de violence

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Maxime Jean Baptiste appartient à la diaspora guyanaise en France. Pour son premier long-métrage, c’est dans sa vie et la relation qu’il entretient avec son pays d’origine qu’il puise son inspiration. Un de ses cousins de Cayenne, Lucas Diomar été poignardé suite à un différend entre jeunes, et a succombé à ses blessures. Cet homicide est au centre de Kouté Vwa, à la fois comme un drame familial personnel, comme le symptôme de la violence endémique d’un territoire colonisé marqué par l’esclavage, et comme le ferment d’un combat collectif.

Pour approcher cette complexité, le réalisateur mêle intimement archives et fiction, documentaire et imaginaire, présent et passé articulant son récit autour de trois personnages. Melrick, un ado de 13 ans, venu passer ses vacances en Guyane chez Nicole, sa grand-mère. Nicole qui, quoique marquée à jamais par la mort de son fils Lucas, oncle de Melrik, sait qu’il faut aller de l’avant. Et enfin Yannick, le meilleur ami du jeune homme assassiné, qui a fui Cayenne après le drame et ne parvient pas à faire son deuil.

Parfaitement intégré à un groupe de copains de la Cité – qui lui demandent comment c’est la France, sans considérer que la Guyane est toujours un département français, Melrik aimerait rester là pour de bon. Il joue au foot, fait du vélo, s’initie au tambour. Alors qu’un concert commémoratif s’organise pour les dix ans de la disparition de son oncle, il  découvre qu’il est aussi doué que lui pour le tambour. Il cherche à mieux le connaître en questionnant Nicole et Yannick. Lucas c’était qui ? Un excellent tambouién, un garçon au grand cœur, un gars toujours élégant, qui s’énervait vite… Son visage s’affiche partout, sur les T-shirts des manifestants de la Marche blanche, sur les peintures murales, les photos, dans les mémoires de ses amis et des siens. C’est avec ce passé et ce présent que Melrik doit se construire.

Intime et universel

Le titre du film l’indique bien il s’agit d’écouter les voix. Pour l’adolescent, ce sont celles qui l’appellent à la musique (une vraie vocation) et celles plus lointaines qui, par cette musique, le rattachent à sa culture originelle. Dans un parcours initiatique le jeune garçon reconstitue l’histoire familiale et pressent celle de tout un peuple. La voix de sa grand-mère lui apprend la toxicité de la vengeance et l’importance du pardon dans une séquence très forte où elle lui raconte sa confrontation avec l’assassin de son fils, récemment libéré.

Pour nous, il s’agit d’écouter cette histoire intime et universelle, venue d’un territoire d’Outre mer bien peu représenté dans le cinéma national, et de sentir charnellement la pulsation des percussions du Mayouri Tchô Nèg Band.

Primé à Locarno dans la Section Cinéastes du présent, avec ses dialogues naturels et ses maladresses, sa douceur en ferme réponse à la noirceur du monde, Kouté vwa est un premier film émouvant et prometteur.

ELISE PADOVANI

Kouté Vwa de Maxime Jean-Baptiste

En salle, le 16 juillet

Vagues de musique 

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musique
© X-DR

Créée en 1991, l’association Jazz à Mèze a à cœur de développer la diffusion musicale sur le territoire du bassin de Thau, en y organisant chaque été un grand rendez-vous nomade dans les différentes communes qui le bordent. Engagé aussi dans l’écologie, le festival mêle une programmation tournée vers les musiques traditionnelles et du monde à une série d’actions de sensibilisation au développement durable. L’association profite du festival pour proposer des « éco-dialogues » : plusieurs rendez-vous en entrée libre à Montbazin et Mèze autour d’une thématique et de balades-découvertes, rencontres et de visites. Ainsi, les plantes comestibles sont à l’honneur, cette année, avec sept propositions d’échanges avec les publics sur les blés et farines, les plantes voyageuses, les légumineuses, etc. 

Ayant pris une ampleur grandissante au fil des ans, le festival est aujourd’hui inscrit à la vie culturelle de la région et fortement couru par ses habitants. Offrant autant de rendez-vous intimistes que de grandes soirées concerts en plein air, il séduit par l’éclectisme de sa programmation et de ses sites d’accueil, qu’il lie avec pertinence. 

Ballaké Sissoko et Zar Electrik

Le jardin des remparts de Loupian recevra, en ouverture d’exploitation (le 11/07), le Kaleyah Sound System, fruit du duo formé par la chanteuse Marianne Aya Omac et le multi-instrumentiste Marius Keller, qui inventent ensemble une world fusion très dansante. 

Le 15, la très belle abbaye cistercienne Sainte-Marie de Valmagne recevra le musicien Piers Faccini, en duo avec son ami koriste Ballaké Sissoko pour un set entre tradition mandingue et folk britannique. Il invite également en première partie la très talentueuse Christine Zayed, qui offre du bout de son qanoun expert et de sa voix envoûtante un hommage poignant à la Palestine. 

Le 16, le jardin de Montbazin accueille des formations fusionnelles, avec le jazz afghan de Yaran, qui mêle avec tact les instruments traditionnels et les sonorités électroniques. Puis, les Marseillais de Zar Electrik offriront leur transe électrorientale enivrante. 

Du 17 au 20 juillet, le port de Mèze devient le site principal du festival, avec sa grosse scène, ses stands et, bien sûr, une programmation très populaire : Oxmo Puccino, charlie Winston, Dub inc, Zoufris Maracas, Fakear, Flavia Coelho

LUCIE PONTHIEUX BERTRAM 

Festival de Thau
Du 11 au 20 juillet 
Autour du bassin de Thau (34)

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L’intimité retrouvée

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Zita Hanrot © X-DR

Du 28 juillet au 1er août, le Domaine des Davids accueille, pour sa cinquième édition, les spectateurs pour quatre jours de festivités littéraires. Les Estivales du Haut-Calavon, c’est une bulle dans un coin de paradis. Une thématique cette année : « Que ma joie demeure ! » tiré du nom du roman du local Jean Giono. Toujours marrainé par Vinciane Despret qui partage la co-programtion avec Sylvère Petit, le rendez-vous une flopée d’auteurs, philosophes et autres chercheurs se réunissent pour des rencontres en public. Parmi tant d’autres, Hélène Roche et Sophie Barreau évoqueront l’anthropomorphisme ; Claire Doutrelant parlera de l’incroyable évolution de la mésange bleue face aux contraintes climatiques, et les comédien·nes Zita Hanrot et Grégory Montel dispenseront la lecture musicale de Sous le vent.

Programmation singulière

Ainsi, dans une ambiance familiale et coniviale, le festival organise des ateliers destinés au jeune public. Cette année, la poétesse Donatienne Ranc s’adonne à une lecture du Grand voyage de Jules Lapin. « Les ateliers pour enfants, c’est quelque chose qui est là depuis le début et qu’on voudrait aussi développer chez les adultes. Faire une proposition créative et manuelle pour les parents »indique Julie Gérin, coordinatrice du festival. 

Donatienne Ranc © X-DR

Au programme de cette édition 2025, également du théâtre itinérant. Comme cette balade-théâtre qui propose cinq tableaux différents de Jean Giono, mis en scène par Clara Hédouin. Outre les escapades théâtrales, la programmation promet aussi des pauses audiogustatives. Parmi elles, un apéro avec Jean-Guihen Queyras, violoncelliste de talent, accompagné en cuisine de Léo Troisgros.

Clara Hédouin © Lisa Lesrourd

Convivialité et intimité

Outre les artistes de talent que le rendez-vous accueille, il tient à préserver son caractère intime. « Il y a cette volonté de créer ce petit village », explique Julie Gérin. C’est dans cet esprit que le festival limite à 120 personnes toutes ses jauges. 

Au petit-déjeuner, au dîner ou sur le domaine, les artistes se croisent et se re-croisent. Cette promiscuité est à l’origine de rencontres et de coopération. « On assiste parfois à des échanges entre les auteurs et les artistes qui débouchent sur des collaborations les années suivantes ou bien lors d’autres événements culturels. »

La masterclass de Vinciane Despret et Sylvère Petit, organisée en ouverture de festival, en est l’illustration parfaite. « C’est la restitution d’une conversation qui a commencé l’année passée et qui cette fois-ci sera partagée avec le public ». Au programme, notre rapport aux 

cours de cette conférence, ils aborderont le rapport aux autres êtres vivants. Vaste programme, qui trouvera peut-être une suite en 2026 ?

MÉLYNE HOFFMANN-BRIENZA

Les Estivales du Haut-Calavon
28 juillet au 1er août
Domaine des Davids, Viens 

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« Rock Bottom » :  vertiges et apnée

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L’album a cinquante ans. Il paraît en 1974, le jour où Robert Wyatt, ancien membre des Soft Machine, épouse la parolière et illustratrice Alfreda Benge. Il est alors paraplégique. Un an auparavant, il est tombé du 4étage depuis la fenêtre de la salle de bain de l’appartement londonien d’un ami.

C’est cette soirée noyée dans la drogue, le sexe et l’alcool qui ouvre le film, transposant l’action à New York, reconstituant les circonstances de l’accident, puis remontant au passé récent à Majorque où Richard (Bob) file un amour fusionnel avec Alfreda (dite Alfie ou Alif  qui par glissement pourrait bien devenir A life). Dans le scénario, Alif est réalisatrice de films expérimentaux. Elle crée des montages surréalistes où les volets et les portes s’ouvrent sur d’étranges créatures, elle peint ses pellicules. Lui compose. Tous deux doutent. L’île les reconnecte aux origines. La beauté sub et sous-marine les fascine, les inspire. Mais les deux artistes boivent beaucoup et se droguent de plus en plus. « Deux hérissons qui ne peuvent plus se rapprocher sans se déchirer ». De l’ambulance, et du lit d’hôpital où Richard est cloué, les flashes back ramènent à la maison villageoise, aux plages majorquines, aux fêtes, à la Guarda civile de Franco qui ferme les yeux sur ces hurluberlus anglais. Ils font revivre les baignades, les délires sous acides, les hallucinations, les affres du manque, la rupture. Good trip. Bad trip.

Restitution underground

Marie Trénor auquel Richard Wyatt a donné son accord, s’appuie sur six chansons remastérisées de l’album Rock Bottom –commencé avant son accident mais finalisé après, avec ses amis. Elle complète la BO par des morceaux enregistrés avec l’ancien groupe de Wyatt, Matching Mole. Les paroles n’ont aucun sens précis, dira Wyatt. Prosaïques, abstraites jusqu’à l’onomatopée, bouleversantes comme celles de Sea Song dédiées à Alfie, associées à l’image d’un couple qui rejoint la flore sous marine et s’y rejoint. Des mots entre haut et bas. Hit Rock Bottom signifie « toucher le fond » et dans  Little Red Robin Hood Hit the road, « Des taupes mortes gisent dans leurs trous et Les tunnels sans issue s’effondrent. »  Jazz planant, rock alternatif, recherches sonores et mélodiques, impros, la complexité de l’univers musical de Wyatt entre en écho avec la virtuosité de l’animation de Marie Trénor qui en varie les techniques et ouvre le champ des possibles avec une absolue liberté. 

La réalisatrice raconte une histoire d’amour, la naissance d’une œuvre, le moment de basculement de la carrière d’un grand artiste, elle reconstitue l’esthétique underground et surréaliste d’une époque, s’inscrit dans l’histoire de la musique. Elle écarte les petites fleurs hippies et les arcs en ciel radieux pour immerger le spectateur dans les mouvances psychédéliques, le maelström et le cri des couleurs. Loin d’un biopic, il s’agit ici d’ « accéder à un espace intérieur » fantasmé, onirique, déformé et réinventé.

ELISE PADOVANI

Rock Bottom de Maria Trénor

En salles le 9 juillet

La musique en pays antique

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© X-DR

Sous les étoiles de Saint-Rémy-de-Provence, depuis 10 ans, les concerts se déroulent en plein air au milieu des vestiges romains dans une scénographie de lumière qui souligne la magie de ce lieu exceptionnel. Pour cette édition anniversaire, le directeur artistique Mathieu Herzog signe une programmation à la hauteur de l’évènement.

Le festival débutera le 17 juillet avec le sublime -et unique- Concerto pour violon de Tchaïkovski, une des œuvres les plus célèbres du répertoire pour violon et orchestre, quintessence de l’esprit romantique, composé au printemps 1878 par un homme en pleine exaltation amoureuse au sortir d’une grave dépression. Ce concerto n’a cessé de fasciner les plus grands violonistes par sa puissance expressive. Il sera interprété par Maxim Vengerov. Artiste surdoué, couronné dès son plus jeune âge dans les concours internationaux les plus prestigieux, Vengerov est reconnu pour la puissance émotionnelle de son jeu et sa virtuosité flamboyante.  À ses côtés, l’Orchestre National Avignon-Provence sera dirigé par Debora Waldman, première femme à devenir, en 2019, cheffe titulaire d’un orchestre national en région. Formée en Argentine, au Brésil et en Israël, elle séduit par sa précision, son énergie et la profondeur de ses interprétations.

L’ouverture de la soirée déroulera un moment de grâce. Toujours sur la musique de Tchaïkovski, le Ballet de l’Ouest Parisien évoluera dans une chorégraphie spécialement imaginée pour Glanum.

De New York à L.A.

Le lendemain, le second concert transportera le public dans l’âge d’or de la comédie musicale, des lumières de Broadway aux fastes d’Hollywood. Deux voix complices porteront ce voyage musical : la jeune mezzo-soprano Naïma Naouri, au timbre riche et chaleureux, et le baryton Bastien Jacquemart, figure montante de la scène lyrique française. Ils seront accompagnés par un trio jazz de haut vol : Laurent Coulondre, pianiste surdoué et lauréat des Victoires du jazz, Jérémy Bruyère, contrebassiste et Matthieu Chazarenc, batteur au groove élégant. Le tout enrichi par les cuivres et cordes de l’Orchestre Appassionato, sous la baguette de Mathieu Herzog.

Mozart en apothéose

Pour clore cette 10ᵉ édition, le festival offrira une soirée consacrée aux plus beaux airs de Mozart juillet, mettant en dialogue voix et clarinette. Le compositeur a toujours entretenu un dialogue intime entre la voix et les instruments à vent. La clarinette, qu’il adorait, occupe une place toute particulière dans cette alchimie musicale, colorant ses mélodies d’une expressivité tour à tour tendre, mélancolique ou malicieuse. Portée par l’Orchestre Avignon-Provence, on pourra retrouver la mezzo-soprano Karine Deshayes, marraine de cœur du festival – elle avait enchanté la toute première édition-. Considérée comme l’une des plus grandes voix françaises, double lauréate des Victoires de la musique classique, elle allie virtuosité et émotion dans ses interprétations mozartiennes. Elle dialoguera avec Pierre Génisson, clarinettiste à la carrière internationale. Son interprétation du Concerto pour clarinette en la majeur, œuvre testamentaire de Mozart, promet un moment d’intense émotion. L’Orchestre National Avignon-Provence, à nouveau sous la direction inspirée de Debora Waldman, donnera toute sa richesse et sa délicatesse à cette soirée de clôture.

ANNE-MARIE THOMAZEAU

Festival de Glanum
du 17 au 19 juillet
Suint-Rémy-de-Provence 

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Croisière de luxe

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Nick Cave © Venetia Scott

Comme chaque année, Arles offre dès le mois de juillet pavés, monuments historiques, placettes ombragées et marché provençal à une foule bien plus fournie qu’à l’année. Lieu de rencontres photographiques, musicales et festives, la belle camarguaise bat alors au rythme effréné d’un tourisme multiple, et son Théâtre Antique en est un des témoins principaux, devenant à chaque haute saison l’auditorium préféré des organisateurs d’événements en tous genres. Il recevait d’ailleurs, le 10 juin, la liesse générale d’un public déchaîné et assoiffé de sensations rock, avec les prémices des Escales du Cargo, qui invitait pour l’occasion les excellents Fontaines D.C. à guichet fermé, avant l’édition officielle du 24 au 26 juillet.

L’événement, qui fêtait ses vingt ans l’an dernier, est imaginé chaque été par la salle de musiques actuelles le Cargo de Nuit : haut lieu de concerts et de fêtes de la ville qui souffle, lui, ses trente bougies. Pour l’occasion, il semble que l’organisation ait décidé de jouer la carte du gros nom unique par soir, accompagné d’invités.

Big bands 

Le 24 au soir, c’est ainsi le duo superstar de la french touch des années 2000 Air, qui offrira à un auditoire qu’on imagine fourni leur premier album : Moon Safari ! Sorti en 1998 et désormais anthologique, le voyage offert par cet opus doit son succès à un univers onirique : une « psychélectronica » sur les rives séductrices de mélodies aussi envoûtantes qu’entêtantes. Pour rappel, on y compte, entre autres, le méga tube Sexy Boy, la B.O. (du même nom) de Virgin Suicides, de Sofia Coppola, ou Ce si joli matin là. Il n’a même pas fallu à l’époque au binôme faire de promo, ou presque, pour qu’il explose, et l’objet sonore n’a pas pris une ride ! 

La talentueuse Jorja Smith, qui naissait tout juste à la sortie de Moon Safari, jouera le lendemain. La chanteuse britannique, qui a collaboré avec Drake, Kendrick Lamar ou Stormzy, marque grand public et critiques par une voix soul très groovée, et un univers balayant R’n’B, reggae, pop et hip-hop. 

Le 26, c’est Nick Cave himself qui clôturera le festival. Le chanteur australien, connu pour son lead charismatique de la super formation Nick Cave and the Bad Seeds, donnera pour l’occasion un live rétrospectif de sa belle carrière, en duo avec le bassiste Colin Greenwood

LUCIE PONTHIEUX BERTRAM 

Les Escales du Cargo
Du 24 au 26 juillet 
Théâtre Antique, Arles 

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Un  haut-lieu musical 

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Festival de Chaillol 2024 © Alexandre Chevillard

«Nous ne sommes pas un « grand » festival au sens d’Aix ou Avignon, mais nous pouvons dire que nous sommes un haut festival, explique Michaël Dian, son directeur artistique. Haut par l’altitude, mais aussi haut-lieu de la musique, espace de production et de création pour les artistes, de relations profondes entre musiciens et habitants ».

Un festival itinérant 

Pour rejoindre Chaillol en venant du Sud, il faut longer la Durance, dépasser Sisteron et sa citadelle, laisser les paysages de Giono et les douceurs de la Provence pour atteindre la Vallée du Champsaur. L’espace culturel de Chaillol et son festival y rayonnent sur une quarantaine de communes. Ici, les concerts ne sont pas achetés mais construits avec les habitants, les écoles, les associations, les Ehpad. A Chaillol, on ne consomme pas de la culture, on la vit. 

Un été entre héritage et création

La programmation 2025 invite à un périple musical où se mêlent création, patrimoine, jazz et récits. Le festival s’ouvrira sur un Prélude le 18 juillet à Saint-Michel-de-Chaillol, concert tout en douceur pour entrer dans l’été. Le lendemain, Trenet en passant, offrira une relecture audacieuse du répertoire du « fou chantant », portée par André Minvielle et ses complices le pianiste Guillaume de Chassy la saxophoniste Géraldine Laurent.

Le 21 et 22 juillet (Veynes, Montgardin), les musiciennes du Quatuor Fidelio nous transportent vers Quasi stellar (qui a l’apparence d’une étoile), sur une planète de musique de chambre liant quatuor de Ravel, premier quatuor de Charlotte Sohy (compositrice du début du XXe siècle) et Qasar, création imaginée par la franco-irlandaise Fiona Monbet. Le 22 toujours, à Ancelle cette fois, le photographe, écrivain Gérald Lucas et la clarinettiste Catherine Delaunay baladeront les amateurs dès le matin, pour un Tendre Demain.

Partir en voyage

A Chaillol, tout peut arriver, il n’est donc pas impossible de croiser un Loup Vert, celui du Julien Grassen Barbe Trio. L’animal poétique rend hommage à Chopin, Feldmann, Hancock mais aussi aux communautés juives ashkénazes d’Europe centrale (25 et 26 juillet à Tallard et Chaillol). 

Car ce Festival est un voyage. A chacun de choisir ses destinations. En Inde avec Sangata, spectacle fusion entre occident et hindoustanies, rythmes ancestraux et improvisation (23 et24 juillet à La Roche-des-Arnauds et St-Jean-St-Nicolas),  dans les Balkans avec Isabelle Courroy et ses flûtes Kaval qui composeront un Éloge à l’oblique (1er août, Chaillol), siciliennes avec les chants traditionnels de Julie Mathevet quartet qui narrent si bien la nostalgie et l’exil (4 et 5 août à Gap et La Rochette). D’autres opteront pour des résonances flamencas avec Dialectiques du compás, dialogue inédit entre le guitariste Maël Goldwaser et Frédéric Cavallin, maître des tablas (30 et 31 juillet à Bréziers et Chauffayer), Enfin, les aventuriers de contrées brumeuses rejoindront le 2 août à Tallard, O’er the Moor (par-dessus la lande) et ses huit solistes bercés de légendes celtiques fantastiques. 

Entre jazz et baroque

Les amoureux de jazz seront aussi de la fête avec le pianiste Jean-Marie Machado d’abord en conversation musicale avec Keyvan Chemirami, maître du Zarb et des percussions digitales, (8 août à Tallard), puis avec l’orchestre Danzas (9 août à Chaillol). 

Enfin, les aficionados de musiques anciennes pourront assister au récital d’orgue donné à la Cathédrale de Gap par Sarah Kim, australienne d’origine coréenne dans une sélection de pièces de Couperin, de Saint Saëns et du jeune et talentueux compositeur Grégoire Rolland (29 juillet). De leurs côtés Robin Pharo et Anaïs Bertrand feront vibrer viole et voix sur des transcriptions inédites de répertoires anciens jusqu’aux créations les plus contemporaines. (6 et 7 août La Beaune et La Bâtie neuve). Et puis, le festival se clôturera le 10 août à Saint-Bonnet avec un concert final en pleine nature.

Une tarification consciente 

Chaillol reste fidèle à ses valeurs : des jauges modestes, des lieux intimes et une tarification consciente. Chacun choisit son prix selon ses moyens, sans justificatif. Pour Michaël Dian « C’est un geste de confiance et de solidarité, pour reconnaître le travail accompli et la valeur du temps partagé ensemble, dans le silence et l’écoute. Ce qui, dans notre monde est de plus en plus rare ».

ANNE-MARIE THOMAZEAU

Festival de Chaillol
Du 18 juillet au 10 août
Hautes-Alpes, divers lieux

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La culture du viol, une question esthétique et rhétorique

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viol
L'Enlèvement des Sabines © Nicolas Poussin

Zébuline : Ce nouvel ouvrage est très court et marqué par un ton plus familier qu’il n’est d’usage pour des travaux universitaires.  Pourquoi ce choix ? 

Bérénice Hamidi : Au vu des enjeux du sujet, il me paraissait important d’être dans un souci de diffusion de ces idées au plus large public possible. Le ton est direct, mais se veut aussi très clair et imagé, pour aider à comprendre des notions qui sont compliquées (culture du viol, male gaze…), parce qu’elles ne tombent pas sous le sens, et parce qu’elles peuvent être difficiles à accepter. 

La culture du viol repose sur l’écart énorme qui existe entre les valeurs d’égalité que l’on pense avoir tous intégrées, et d’autres, qui valorisent à l’opposé l’asymétrie des rôles de genre et la domination et qui sont toujours ancrées dans nos imaginaires, nos actions et nos réactions. Avec cet ouvrage, j’entends contribuer à nommer cet écart et, j’espère, à réduire un peu la tension qu’il cause. 

Vous choisissez vos exemples dans le cinéma, la littérature et la musique, très peu le théâtre. 

Ce sont les formes plus familières au grand public, qui font écho le plus immédiatement. L’autre raison est que ce livre s’inscrit dans un projet de recherche plus vaste que je mène depuis 2022 avec ma collègue Gaëlle Marti. Nous préparons un ouvrage collectif interdisciplinaire issu d’un colloque et nous avons aussi créé un spectacle de théâtre justement, un procès fictif participatif sur la culture du viol (performance notre procèsndlr).

Auriez-vous tout de même quelques exemples de représentations sexistes dans l’histoire récente du théâtre ?

Le théâtre est riche en exemples, hélas, à toutes les époques. Cela pose d’ailleurs des questions passionnantes : comment jouer aujourd’hui la tirade finale de La Mégère apprivoisée de Shakespeare qui fait l’éloge de la transformation d’une Amazone en épouse soumise ? 

Plus près de nous, le mouvement #MeToo Théâtre a commencé en 2016 par la dénonciation conjointe de faits de violences sexuelles dans les coulisses du festival La Mousson d’été et d’une programmation saturée d’une représentation complaisante de viols et d’agressions contre des personnages de femmes dont les rôles étaient par ailleurs réduits à la triade sexiste MèrA   

Dans un court passage au début du livre, vous tendez à relativiser l’impact de la pornographie sur ces représentations. 

Je ne pense pas le relativiser. Je cherche à contrer la tentation d’une analyse qui réduirait la violence misogyne à certains types de productions culturelles comme le porno et le rap. La stratégie esthétique du porno mainstream, qui consiste à assumer la violence, a le mérite d’être claire. Dans des scénarios où des hommes violent des femmes, les humilient, difficile de cacher/nier la violence et l’absence de consentement. Et le statut social de ces productions fait que les spectateurs ont plutôt conscience qu’elles ne sont pas réalistes. Le problème essentiel du porno, ce sont moins les images produites que leurs conditions de production. 

Ce qui me parait beaucoup plus problématique, en termes d’influence sur nos imaginaires, ce sont d’une part les œuvres qui dénoncent le viol tout en maniant un regard qui réduit les femmes à leur statut d’objet de désir voire de proie sexuelle ; et d’autre part, le « maquillage » des violences, leur sublimation en humour ou en amour, l’érotisation de la confusion désir et possession-prédation-emprise, et toutes les zones grises esthétiques qu’on trouve dans tant de films, chansons, romans. 

Le fait de limiter la critique à la production pornographique est-elle, pour citer l’une de vos formules, une manière « d’exotiser le viol » ?

Oui, et de l’altériser aussi. Aujourd’hui, on parle de violences sexuelles, ce qui est un mieux, mais on continue de faire comme si c’était l’anormalité par rapport à notre modèle de la bonne relation hétérosexuelle. Tous ces procédés de mise à distance des violences permettent de maintenir notre sentiment de sécurité par rapport à nos normes et nos valeurs et de cacher leurs contradictions. 

Il est aussi beaucoup question de l’invisibilisation des victimes. 

J’insiste plutôt sur un paradoxe, que j’appelle la charge de la visibilité : on surexpose les victimes, et on invisibilise les auteurs. Par exemple, on parle de « violences faites aux femmes » alors que ce serait tout aussi vrai statistiquement de généraliser du côté des auteurs en disant « violences commises par les hommes ». Et cela permettrait de cibler la cause du problème, et les mécanismes divers (impunité, normes de genre) qui poussent trop d’hommes à commettre de tels actes… et trop d’entre nous à les excuser.

On retrouve cette idée de renversement dans votre formule « les abus sexuels sont toujours des abus de langage ».

Oui. L’exemple de la formule « violence faite aux femmes » montre que même les mots de la lutte contre les VSS sont contaminés par une culture qui nous éduque à ne pas voir et ne pas dire les violences, pour préserver les dominants. Les abus de langage recouvrent aussi des stratégies de défense à la fois rhétoriques et psychiques, qui sont utilisées par les agresseurs, mais aussi par les entourages et l’ensemble de la société. Elles consistent à nier les faits, les euphémiser, ou les justifier en renversant la responsabilité sur les victimes.

Vous concluez tout de même l’ouvrage sur une note d’espoir, en promouvant d’autres représentations de masculinités

Oui, d’autres modèles de masculinités et d’autres modèles de scripts sexuels et relationnels existent et ont toujours existé ! Je travaille à nouvel ouvrage portant sur des œuvres qui soit qui dénoncent la culture du viol en préservant ce qui est attaqué par le viol : la pudeur et la dignité des victimes ; soit promeuvent des normes de liberté, d’égalité et de réciprocité du désir et du plaisir quels que soient le genre et l’orientation sexuelle des personnes. 

PROPOS RECUEILLIS PAR CHLOÉ MACAIRE 

Le viol, notre culture de Bérénice Hamidi, éditions du Croquant
À la Maison Jean Vilar… 

Bérénice Hamidi participera à la rencontre Représenter sans agresser : l’art au défi des violences sexuelles aux côté de Ronan Chéneau, Servane Dècle et Séphora Haymann, le 16 juillet. 

Un axe important de la programmation festivalière de la Maison Jean Vilar est consacré aux « Enjeux du présents ». Une voix est donnée aux cultures oppressées par la guerre et forcées à l’exil lors des rencontres et lectures Avignon avec l’Ukraine ! (le 15) et Voix palestiniennes - voix de résistance (le 18). 

L’importance de la culture dans la construction de la jeunesse sera aussi au cœur de plusieurs rencontres : Pourquoi est-il essentiel que la jeunesse vive un Festival tel celui d’Avignon aujourd’hui ? (le 14) et Évaluer l’éducation artistique et culturelle (le 19). C.M.

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Zar Electrik

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ZAR_ELECTRIK
© Aucepika

Une nouvelle fois, le Makeda invite à un voyage en Orient introduite par Adil Smaali, un artiste aux multiples facettes prônant le mélange des cultures. Il alterne avec un chant inspiré des traditions orales le guembri, le ngoni, la guitare et les percussions du Maghreb. 

Au tour ensuite de Zar Electrik, trois artistes marseillais qui font résonner les couleurs de l’Orient avec les voix d’Anass Zine et Arthur Penaneau chanteurs-instrumentistes au guembri, à l’oud et à la kora électrique, modernisées par les rythmes électro de Did Miosine. Ce sera l’occasion pour le trio de présenter leur nouvel album Koyo, une musique ancrée autour de la transe. L’odyssée orientale se termine avec KasbaH, DJ et producteur qui marie la culture underground avec les musiques ancestrales maghrébines. 

LILLI BERTON FOUCHET

28 mai
Makeda, Marseille