lundi 10 novembre 2025
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actoral : Intimité fasciste

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Three times Left is Right, Julian Hetzel © X-DR

Il est un intellectuel marxiste allemand, elle est son élève, sa cadette de plus de 30 ans, ils ont ensemble 3 enfants. Assez banal pour être vrai, sauf qu’elle est devenue raciste, d’extrême droite, appelant à la violence et attisant les peurs par un discours qui culpabilise la gauche. 

Ce pitch est celui de Three times Left is Right, il est aussi une histoire vraie, jouée par deux acteurs exceptionnels à nu (au sens propre au début) Josse De Pauw et Kristien De Proost. Deux acteurs flamands qui parlent en anglais pour figurer un couple allemand vivant en Autriche, mais aussi un couple à la ville qui ressemble beaucoup aux personnages qu’il incarne -il a d’ailleurs été choisi pour cela par Julian Hetzel. Sauf qu’ils n’ont que 20 ans d’écart et qu’elle n’est pas fasciste. Elle se plaint d’ailleurs que son rôle est le plus difficile à jouer parce qu’il est plus loin d’elle, même si elle semble y prendre un plaisir certain, et triompher à la fin de son mari pusillanime, après une scène hallucinante de sexe cannibale. 

Bref, Three Times Left is Right est sacrément troublant. Il s’attache à ce non dit qui traverse nos corps électoraux : comment passe-t-on d’une gauche convaincue, d’un socialisme raisonné, à une extrême droite violente et irrationnelle ? Par amour, par empathie, par peur de l’autre, par goût du sang ? Si elle y est venue par haine de l’étranger, lui semble céder peu à peu par amour pour elle, demander au public de faire un salut fasciste par empathie, réparer ses dégâts, confondre désir et violence, céder à la domination, et finir par vendre de la bière et des saucisses bien allemandes, dont il ne cherche plus à expliquer qu’elle ont été inventées par les Mésopotamiens. 

Une partie du public va partager les saucisses offertes, l’autre se demande si cela signe un renoncement, et sort. Par la gauche.

Agnès Freschel

 Three times Left is Right a été joué à la Friche les 4 et 5 octobre dans le cadre d'actoral

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actoral : Corps en eaux profondes 

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Spongebabe in L.A. Mercedes Dassy © Maladita

En entrant dans le grand studio du BNM on découvre parcourant le plateau au sol des lignes assemblées de chaînes et objets métalliques, reliées à un tissu sur lequel est imprimé un visage effacé. Et Kiddows Kim, à mi-scène, dos au public, courbé en deux, vêtu de différentes couches de tissu qu’il maintient retroussées sur ses hanches pour exposer ses fesses nues et ses jambes glabres. En chantonnant, il va reculer pas à pas de façon lente et hésitante en ligne droite vers le public, jusqu’à le traverser, toujours à reculons, en grimpant sur les bancs jusqu’au dernier rang. 

Spectre

Retour ensuite sur scène pour ingurgiter, accroupi, un liquide blanc, gratter des ongles un pantalon en semblant récolter quelque chose, qu’il met à sa bouche, régurgitant le tout sur le tissu. Dans la troisième séquence, il porte et rassemble avec beaucoup d’efforts les chaînes et objets métalliques reliées au portrait effacé, pour former une masse emmêlée qu’il arrive à suspendre à un crochet à l’avant-scène. Il se penche ensuite dessus, y enfouissant son visage pour hurler et produire des sons grimaçants avec sa voix, amplifiés et modifiés par des traitements sonores. Dans la dernière séquence, il enfile le pantalon souillé jusqu’à mi-cheville, et le visage figé et déformé par une grimace bouche grande ouverte, recule lentement pas à pas jusqu’à mi-scène, laissant deux lignes baveuses sur le sol. Puis va se recroqueviller derrière le public, près de la régie. 

Un parcours cathartique, aux images fortes et étranges, parfois repoussantes, traversé de fragilités et de déterminations voire de rage, habité par une créature spectrale, animale, mais aussi, de façon troublante : humaine. 

Papillons

Dans SpongeBabe, le plateau est recouvert de deux traînes de tissus blancs jusqu’à un lit XXL recouvert de nombreux coussins également blancs. Après être apparue allongée dans les tissus, s’être roulée dedans doucement jusqu’au lit, elle se dresse, visage clairsemé de strass brillants, enlève sa veste floquée au dos « SpongeBabe », pour apparaître vêtue de combinaisons en grosse résille, tissu sur la poitrine et à la taille, guêtres en mousse aux motifs de camouflage militaire, cheveux tirés en arrière par une très longue queue de cheval tressée.

Elle semble réagir à des signaux qui la font subitement changer d’état : s’écroulant en pleurs inarrêtables sur le lit, puis se prélassant et trouvant l’inspi en reliant des lettres écrites sur une tablette, elle se saisit d’un micro sans fil pour chanter « Papillons Papillons Papillons » ad libitum avec une voix autotunée. 

Constatant deux taches humides sur le tissu recouvrant sa poitrine, se saisissant de deux biberons, elle fait mine de se tirer le lait sur un fond sonore rythmique de machine à traire, qu’elle accompagne ironiquement et laconiquement de mouvements de hanche mollement rebondissants. Puis dansant de façon stéréotypée en ondulant sans fin sur un fond lointain d’acclamations d’un public. La scène semble devenir une chambre-studio d’enregistrement mental, où SpongeBabe, seule, entre lenteur, répétition, abattements, se fraye un chemin entre des images et attitudes stéréotypées, pour tenter de s’accorder à elle-même. 

MARC VOIRY

High gear de Kiddows Kim et SpongeBabe de Mercedes Dassy ont été présenté les 2 et 3 octobre au Ballet national de Marseille dans le cadre d’actoral.

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actoral continue

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The Cloud © Giuseppe Follacchio

À la Friche la Belle de Mai ce mercredi 8 octobre, Parterre de Volmir Cordeiro entraîne les spectateurs dans une exploration où le sol devient archive et terrain de jeu, le collectif une force d’excavation. Rage, tendresse et grotesque se mêlent dans une fête souterraine où le mouvement fait remonter les poussières d’histoires enfouies. La danse comme une cérémonie de fouille qui, tout en riant et en délirant, invente un bien commun sensible.

Du sol au ciel : le lendemain au Zef, Arkadi Zaides avec The Cloud convoque deux nuages : celui de Tchernobyl, qui a recouvert l’Europe en 1986, et celui, aujourd’hui omniprésent, du numérique et de ses intelligences artificielles. La scène devient une chambre météorologique, un espace où se croisent désastres passés et données contemporaines, et où le corps cherche son orientation dans les flux.

Inhale Delirium exhale, Miet Warlop, 2025 © Reinout Hiel

Cabaret et paysages scéniques

Le 9, le Centre Pompidou se déplace à La cômerie le temps d’une soirée, proposant un format festif et inattendu : le Cabaret Extra ! Entre performances hybrides et gestes artistiques insituables, le cabaret comme lieu d’un art qui se joue des catégories.

Enfin, les 10 et 11 à La Criée, le retour de Miet Warlop avec INHALE DELIRIUM EXHALE. L’artiste belge, habituée d’actoral, crée un paysage scénique ludique et vertigineux : plusieurs interprètes manipulent des milliers de mètres d’étoffes qui se gonflent, s’enroulent, s’élèvent et tombent, sculptant l’espace en vagues mouvantes. Une chorégraphie collective qui transforme le plateau en organisme vivant. Une interrogation du geste, de la matière et du collectif : chaque mouvement, chaque pli d’étoffe devient un acte dramaturgique.

MARC VOIRY

actoral
Jusqu’au 12 octobre
Divers lieux, Marseille

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Divertir est vital

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L’actualité culturelle de la semaine est si intense qu’elle a mangé toute la place dans nos pages, et restreint l’édito politique à une colonne. Signe, sans doute, que le cirque national n’est que trop mortifère et ahurissant, et qu’il est bienvenu de parler directement culture malgré les poussées de rage qui surgissent – mais quand donc vont-ils écouter la volonté du peuple, taxer les riches et restaurer les services publics que nous avons conquis et financés ?

Laissons-là ce discours, ce chapitre, cette affaire, comme disent les raisonnables dans les pièces de Molière. Il nous faut bien, une fois de plus, ravaler nos colères. Y trouver des dérivatifs ? On vous en propose à Marseille, Aix, Martigues, Avignon ou Toulon, de toutes sortes, et de toute beauté.

Penser ou fêter ? 

Faire la Fiesta, bien sûr, pour être ensemble et recharger les batteries corporelles. Ou passer l’Automne en librairies avec les autrices les plus renversantes, et explorer la pensée complexe avec Edgar Morin et la pop philosophie. Se souvenir d’Enrico Berlinguer et de ce qu’aurait pu être l’histoire. Avoir soir d’apprendre, faire le rêve réaliste d’un cirque inclusif, ouvrir le coffre fort de l’empire, repenser la métropole, croire qu’Avignon est une capitale italienne, secourir les naufragés de la fonction publique filmés dans Hors-Service. Profiter de la dernière semaine d’actoral, retrouver Don Giovanni et Dom Juan, faire le plein de musiques et d’écrans partagés. 

Ambroise et Sébastien

Vous avez toute la semaine pour cela. Soit trois fois moins que Sébastien Lecornu pour produire le gouvernement le plus désastreux de l’histoire. Mais pas beaucoup moins non plus qu’Ambroise Croizat, ministre du travail du 21 novembre 1945 au 26 janvier 1946. Soit deux mois pour créer la sécurité sociale, assurance maladie et retraites comprises, dans la première présidence, provisoire,  de De Gaulle. Comme quoi un communiste, ça peut être utile au peuple dans un gouvernement de droite. Pour peu que celui-ci soit réellement d’union nationale, et construit comme un rempart à une extrême-droite combattue ensemble au prix du sang.

Agnès Freschel  


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[ Canebière Film Festival] L’Engloutie

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L'Engloutie (C) Condor

Une nuit d’encre, Un vent violent et glacial. La lueur de deux lanternes au fond du cadre, noir. C’est ainsi que débutent le film de Louise Hémon et le long hiver d’Aimée, une jeune institutrice nommée dans un hameau de la vallée du Véneon.  Elle est conduite dans un chalet des plus rustiques, chargée d’apporter l’éducation et les valeurs républicaines en cette fin du 19e siècle. Elle doit apprendre le français à quatre enfants qui ne parlent que le patois. Là, les vaches font « Brou brou » et  les  mères passent l’hiver dans la vallée comme domestiques.  Leçons d’écriture, de géographie avec un planisphère, d’histoire, et d’ hygiène. Le bain qu’elle fait prendre aux petits élèves n’est pas du goût des vieilles du hameau : « Les croutes sur la tête protègent le cerveau ; ils vont être malades » : c’est ce qu’elle s’entend dire à une veillée où elle a été invitée. Elle y écoute le récit de la rencontre avec la mort que fait en patois  une vieille femme et qu’un homme lui traduit. Comme un prologue à la mort d’un vieux du hameau, Pépé Jupiter. On ne peut l’enterrer, la terre est gelée. On mettra son cercueil sur le toit de l’école : ainsi il sera accompagné par les jeux et les rires des enfants : un des plans les plus saisissants  du film, inspiré à Louise Hémon par une nouvelle de son grand père, Jacques Chevallier, La Bière sur le toit. Aimée  qui est venue dans ce village « pour donner, pour que les enfants deviennent des citoyens libres et émancipés » n’est d’abord ni comprise, ni acceptée. Au fil des jours, elle découvre les rituels, participe aux veillées où l’on joue de la musique, l’on danse, où l’on croise les regards des jeunes hommes à la lueur du feu ou des chandelles. Aimée est une jeune femme, qui a des désirs, qui se fait plaisir, plaisir solitaire ou partagé. Quand… deux hommes  (Samuel Kircher et Matthieu Lucci) disparaissent tour à tour, engloutis par la montagne…Le mythe de Samarcande n’est pas loin.

C’est dans cette nature hostile, sombre, glaciale que nous immerge Louise Hémon, en pleine tempête de neige, dans le noir, à la lueur de la lune ou des torches. Des décors conçus par la cheffe décoratrice, Anna Le Mouël. On nous fait partager les émotions, les certitudes, les découvertes de cette jeune institutrice qu’interprète avec conviction Galatéa Bellugi. Dans une scène très forte, on la voit s’appliquer à répéter les mots en patois que lui apprend un de ses élèves ! Visages souvent filmés en gros plan, recadrés par une fenêtre ou reflétés : la mise en scène est très soignée et on imagine que le tournage n’a pas été des plus simples. « Avec ma chef-opératrice, Marine Atlan, nous avons décidé de filmer en 4/3 car cela m’évoque une cinématographie ancienne, le cinéma muet. Et au lieu d’exploiter le décor dans sa majesté en scope ou en 16:9, cela augmente la verticalité de la montagne et c’est plus étouffant »

La musique d’Emile Sornin joue ici un rôle important, accentuant la sensualité du film et y ajoutant du surnaturel  comme la séquence de la grotte qui respire et  halète, peut être de plaisir.

Un film à la lisière du visible et de l’invisible.

Annie Gava

Le film a été présenté en avant-première au Canebière Film Festival en présence de Louise Hémon et de la cheffe décoratrice  Anna le Mouël

Lire ICI l’interview d’Anna Le Mouël et ICI celle de Louise Hémon

[Canebière Film Festival] : Avec Louise Hémon

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Entre votre court métrage L’homme le plus fort en 2014 et L’Engloutie votre premier long métrage sélectionné à Cannes en 2025, 10 ans se sont écoulés. Récemment une réalisatrice nous confiait : « Il me faut trouver une histoire qui m’importe autant pour faire un deuxième film. Sinon ça ne vaut pas le coup » Est-ce la même chose pour vous ?

Quand on écrit un film, on sait qu’on va passer deux, trois, quatre, voire cinq ans dessus. Entre le moment où on écrit les premiers mots et celui où il sort au cinéma. Il peut même s’en passer davantage : moi, L’Engloutie, j’ai commencé à l’écrire en 2019. Il faut que ce soit quelque chose qui nous tienne à cœur et dont on ne se lasse pas. Forcément, comme c’est long et plein d’embûches, parfois on en a marre. On est quelquefois écœuré de son propre projet. Il faut retravailler, réécrire, en reparler sans cesse pour réussir à convaincre. Mais une fois que les financements sont là, toute l’envie revient et c’est parti !

Comment avez-vous construit le personnage d’Aimée, que vous n’avez pas voulu, semble-t-il, rendre absolument sympathique…On est de son point de vue de sorte qu’on ne sait pas toit d’elle : ses rapports avec ses parents, son origine, ses motivations…

En effet, ça me plaisait de créer un personnage féminin qui ne soit pas la jeune première héroïque et gentille. J’aimais que cette jeune femme puisse se tromper, être de mauvaise foi. Elle arrive pleine de bons sentiments à vouloir déployer sa mission républicaine, apporter l’égalité et le savoir pour tous. Mais aussi, en pensant qu’elle arrive au pays de l’ignorance, qu’elle va éduquer des populations. Il y a quelque chose de présomptueux de sa part. D’autant, qu’elle n’a aucune expérience et qu’elle va se frotter au Réel. Donc ça me plaisait d’avoir un personnage avec plein de défauts. Pour autant, il fallait trouver une actrice qui en fasse quelqu’un d’attachant, une femme avec laquelle on peut entrer en empathie et dont on peut partager toutes les émotions en restant de son point de vue.

Son nom est Aimée Lazar : Aimée parce que malaimée au départ ? Lazar pour une résurrection ?

Aimée, bien sûr, parce qu’il y a un rapport avec l’amour. Le spectateur ne sait pas comment elle s’appelle jusqu’à très tard dans le film : c’était pour que ce moment de révélation soit tendre et émouvant. Et Lazar, en effet, c’est un clin d’œil au mythe de Lazare. En fait, au départ, j’aimais beaucoup le film d’Alice Rohrwacher, Heureux comme Lazzaro. Quand on cherchait un nom, j’ai pensé à Lazare. Faut toujours savoir pourquoi on choisit un nom. Et c’est la première fois que quelqu’un le remarque.

Le titre L’engloutie s’est-il imposé dès le début ? L’Engloutie, c’est Aimée Lazar ?

Oui, l’Engloutie, c’est au féminin : c’est elle. Mais c’est comme un titre de conte, de légende. J’ai voulu que ce titre apporte une tension. On regarde le film, et tout le long, on se dit : « mais quand est-ce que ça va arriver ? » On est en montagne, on pense aux avalanches …. C’était donc d’abord une idée dramaturgique. Après il y a tout un jeu symbolique : qui engloutit qui ? C’est un monde qui veut en avaler un autre avec la destruction des patois, l’effacement des régionalismes. Mais aussi, la lutte contre l’obscurantisme. Qui mange qui ? Et puis, bien sûr, il y a le rapport à la sexualité, à l’engloutissement du désir. On a ainsi plein d’échos et de strates possibles pour interpréter ce titre.

Pourquoi avoir choisi une époque charnière : la fin du XIXème siècle, la naissance du XXème ?

La création d’écoles publiques dans les villages les plus reculés de France- au début, dans des étables avec un équipement sommaire, c’est plutôt vers 1882.  Mais pour mon scénario, symboliquement, j’aimais qu’il y ait ce passage au nouveau siècle, qu’il y ait une bascule temporelle vers le monde nouveau qui soit comme un vertige. Comme les choses ne se sont pas faites en un an, c’était historiquement crédible.

Pourquoi cette référence récurrente à L’Algérie ?

L’idée c’est que ça fait partie de l’histoire des Alpes. Il y a des villages entiers qui se sont vidés. On a donné à ces gens des terres en Algérie parce qu’ils savaient cultiver des sols arides. J’avais beaucoup d’images de la guerre d’Indépendance, du retour des Pieds-noirs mais je ne m’étais jamais posé la question de qui était parti, quand… Le mélange entre ce que je connais des Hautes Alpes, de la neige en hiver et de l’histoire de la colonisation de l’Afrique du Nord, ça a créé un contraste qui m’a saisie. Cet ailleurs implique un hors champ au film. Pour les Alpes, c’était l’Algérie, c’était la Californie. Plus au sud c’était le Mexique avec les Barcelonnettes, c’est tout ce 19è siècle-là dont il s’agit. Et c’est, même si ce n’est pas équivalent, il y a un parallèle entre une République qui arrive en conquérante dans les régions et la colonisation. Il s’agit d’effacer la langue, d’imposer ses valeurs et ses mœurs.

Votre film est à la fois un film historico-anthropologique et un film fantastique. Comment avez-vous mêlé ces genres ?

J’ai un rapport très fort au Réel. J’accumule les documents sur l’histoire des Hautes Alpes depuis longtemps. J’ai grappillé des choses que je trouvais intéressantes à mettre en images comme le pain qu’on enflamme.  La réalité a souvent plus d’inventions que nous. C’est comme une besace où je vais chercher des éléments pour mon histoire. Pas pour une reconstitution ethno-historique mais pour servir l’ambiance, nourrir le conte. Après l’histoire en elle-même, elle vient davantage de ce qu’on m’a raconté étant enfant, dans la famille de ma mère où il y avait beaucoup d’instituteurs, d’institutrices qui allaient « hiverner » dans ces écoles où personne ne voulait aller. Ces récits titillaient l’imagination, étaient porteurs de peurs : une fille seule dans des régions hostiles, le danger des avalanches, les légendes inquiétantes… Mon grand-père avait écrit une nouvelle pour nous avec un vieux villageois qui meurt et dont on met le cercueil sur le toit de l’école en attendant que la terre soit meuble. Des trucs terrorisants qu’on adore quand on est petit et qui flirtent forcément avec le fantastique. Dans le film, c’est presque une expérience scientifique : une créature cartésienne qu’on plonge dans un bain de mysticisme, de superstitions. Jusqu’où son esprit rationnel va-t-il résister ? A quel moment l’irrationnel qui émane aussi d’elle, de son rapport à la sexualité et au mystère, va-t-il la pousser dans ses retranchements jusqu’à ce qu’affleure la figure de la sorcière ? Le film joue avec tous ces archétypes-là. Il aborde le mystère. Le fait que la nature a horreur du vide, qu’on ne supporte pas de ne pas savoir. Les religions, les superstitions vont donner un sens, une réponse alors que l’esprit scientifique apporte le doute.

Comment avez-vous travaillé avec votre directrice de la photographie Marine Atlan ? Et pourquoi le choix de ce format en 4/3 ?

Nous sommes allées en repérage avec Marie Atlan et Anna Le Mouël, la cheffe déco ( Lire ICI son interview). La montagne est souvent filmée en plans larges, en panoramiques, parce que c’est majestueux. Moi j’avais envie de ce format en 4/3. Au départ, comme un clin d’œil au cinéma muet des origines, parce que ça se passe dans ces années-là. Et puis c’était juste une intuition de ce que ça allait créer à l’écran. Et en effet, ça a créé de la verticalité, du vertige et aussi une sorte d’angoisse : un effet d’étau avec le côté huis clos en plein air. Pour la lumière, en montagne, on a peu d’accès à l’électricité et ça allait bien avec mon envie de travailler avec la lumière naturelle, de la magnifier. De montrer ce que ça fait, une pleine lune sur le manteau neigeux qui est comme un réflecteur géant. On a l’impression que c’est une nuit américaine alors que c’est un phénomène naturel. Je voulais que tout le côté fantastique du film vienne du réel, qu’on aille chercher ce qui est étrange et faux dans le vrai. Et pour les intérieurs, pareil : les chandelles, ça coûtait cher. Il y avait le point chaud de l’âtre et quelques chandelles : ça a créé, à l’image, du mystère avec les zones sombres. Et ça collait avec la mise en scène et le sujet du film, entre la lumière, le savoir et les ténèbres, l’inexplicable : tout ça semblait faire corps. Ce qui ne veut pas dire qu’il n’y a pas tout un travail de lumière. Au contraire, il est énorme ! Par exemple, on a des bougies de cinéma avec deux mèches pour éclairer davantage et on a dû placer d’autres points de lumière sans qu’on les voie. C’est un travail d’orfèvre !

Pour incarner Aimée, Galatea Bellugi : comment l’avez-vous repérée ? Pourquoi elle ? Comment avez-vous casté et dirigé les villageois ?

Galatea arrive assez tôt dès que j’ai fini mon scénario. Je devais faire des essais pour une résidence de mise en scène qui s’appelle Emergence. Je l’ai appelée parce qu’elle me faisait penser à Catherine Mouchet dans Thérèse d’Alain Cavalier. Elle a cette voix, cet accent qui n’appartient qu’à elle, et elle semblait me projeter dans le passé. Elle est mystérieuse mais en même temps pas du tout opaque. On voit ce qu’elle pense. Et c’était important puisque Aimée ne parle à personne et que le spectateur doit deviner ce qu’elle a dans la tête. Il fallait aussi quelqu’un d’attachant comme elle, qu’on ne puisse s’empêcher d’aimer malgré ses côtés antipathiques. Et pour le jeu, il fallait être dehors dans le froid, réussir à aller d’un point A à un point B sans s’enfoncer, sans glisser, avec une robe lourde, un corset, et tout d’un coup il y a quelque chose de l’engagement du corps immédiat. Je lui ai demandé de travailler sa langue et elle a dû comme les autres acteurs professionnels, Matthieu Lucci, Samuel kircher et Sharif Andoura savoir accueillir dans son jeu, les acteurs non professionnels. Les acteurs ne connaissaient pas la montagne et n’étaient pas dans leur milieu naturel, les non-professionnel ne connaissaient pas le jeu dramatique mais étaient en revanche chez eux. Chacun avait une forte connaissance que l’autre n’avait pas : ça les a mis sur un pied d’égalité. Pour le choix des villageois, la directrice de casting a contacté les clubs de patois. Le dialecte occitan de la Région est encore vivace. Ça semblait plus difficile avec les enfants qui ne le parlent plus mais ils ont une bonne oreille et ont su dire leur texte, et ceux qui venaient des vallées italiennes avaient un accent qui les rendait très crédibles.

Comment avez-vous travaillé avec Emile Sornin, compositeur de la musique du film ?

J’avais déjà travaillé avec lui sur 6 ou 7 projets – cinéma documentaire, théâtre. Lui avait déjà une expérience de longs-métrages de fiction avec De nos frères blessés de Hélier Cisterne ou  Simple comme Sylvain de Monia Chokri . L’idée, c’était de ne pas avoir une musique romantique avec violons et drame. Il fallait casser la chronique rurale, apporter d’emblée des indices de fantastique. Il m’a parlé des voix d’Ennio Morricone. Ça évoquait pour moi plein de choses, un chœur d’enfants, un sabbat de sorcières, la voix de la montagne. C’était très polysémique. Et puis, il y a eu la volonté de travailler sur une musique modeste avec des instruments de fortune, ou des instruments folkloriques détournés. Le travail s’est fait en amont et pendant le montage. Je n’arrive pas à monter mon film sans avoir l’ambiance musicale. Émile a donc travaillé à partir du scénario. Il m’a envoyé plein de morceaux pour des scènes qu’on avait définies ensemble puis il a complété.

Un entretien réalisé par Annie Gava et Elise Padovani

Lire ICI la critique du film

Louise Hémon © A.G

Automnales à Salagon

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Dans le cadre du week-end festif des Automnales, le Musée de Salagon accueille Hortus Deliciarum, expérience musicale orchestrée par l’association Jeux d’Anches. Cette balade sonore invite le public à cheminer dans les jardins du site avant de converger vers l’église du XIIe siècle. Le quatuor de l’ensemble Ars Nova – Carl-Emmanuel Fisbach au saxophone, Eric Lamberger à la clarinette, Catherine Jacquet au violon et Isabelle Veyrier au violoncelle – sera rejoint par le duo Avès, composé d’Elena Soussi au piano et Ambre Vuillermoz à l’accordéon.

Ensemble ils guideront les spectateurs à travers le domaine. Le programme fait dialoguer musique ancienne et contemporaine avec deux créations mondiales commandées pour l’événement à Matteo Gualandi. Elles résonneront avec des pièces de Josquin Desprez, Jehan Alain et Hildegarde de Bingen ; une mystique médiévale qui inspire l’ensemble du projet. Le duo Avès interprétera également cinq œuvres adaptées de Janáček, Smetana, Kurtág et Ravel.

A.-M.T.
11 et 12 octobre
Musée de Salagon

Zoom Italie

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Deux artistes représentatifs de la vitalité chorégraphique de la péninsule sont invités à Klap : Michael Incarbone et Silvia Gribaudi. Le premier propose Fallen Angels, une exploration de la chute comme bascule entre rupture et renaissance, à travers une mise en scène de déséquilibres, de chutes simulées et de relèvements.

À sa suite, Silvia Gribaudi présentera Suspended Chorus : le public y est invité à se transformer en un « chœur suspendu », fluctuant, devenant une partie essentielle de l’œuvre. Une écriture chorégraphique nourrie d’humour, de jeu et d’esprit participatif, et un spectacle qui autour des limites mais aussi des joies de son corps de plus de 50 ans, déconstruit les codes modernes de la beauté, met en lumière la mortalité du corps individuel et célèbre la force du collectif.

M.V.
8 octobre
Klap - Maison pour la danse, Marseille

Cristiano Nascimento – Linha Dois

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Linha Dois est le nom du quintette du compositeur et musicien brésilien Cristiano Nascimento, qui joue de la guitare à sept cordes, entouré de Claire Luzi à la mandoline, Raquel Freitas au melodica, Damien Fadat à la flûte traversière et d’Icaro Kai Mello au pandeiro (tambourin brésilien). Un guitariste né à Rio de Janeiro, nourri de samba, de forró, des sonorités expérimentales d’Hermeto Pascoal, et animateur infatigable de « rodas » (assemblées informelles de musiciens) de choro et de samba.

Le concert qu’il propose à la Cité de la Musique ce 10 octobre est centré sur le choro : aussi appelé chorinho, un genre de musique populaire et instrumentale au rythme rapide et aux tonalités plutôt joyeuses, malgré son nom (choro signifie pleur ou lamentation en portugais).

M.V.

10 octobre
Cité de la Musique, Marseille

Festival de Poche

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Dimoné © Marc Ginot

La 7e édition du Festival de Poche, porté par l’association Musikovent, investit la salle Colomb de Miramas avec sept concerts. Cela se débute avec Dimoné, qui d’une voix grave et pénétrante, chante des paroles poétiques sur une musique imprégnée de sonorités folk. Ensuite, le festival accueille la poésie blues en langue française de Daniel Blanc, qui conte ses journées et parle avec tendresse de la Camargue. Le lendemain, place à Margaux Simone qui entraîne dans une pop atmosphérique empreinte de la nostalgie de l’âge d’or d’Hollywood, avant de laisser la scène au duo féminin Le Poil de la Bête. Pour clôturer le festival, Mathieu Pirro fait goûter au public ses chansons à texte, marquées par Brel, Brassens ou Dylan.

L.S.
du 10 au 12 octobre
Salle Colomb, Miramas

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