dimanche 9 novembre 2025
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[ Canebière Film Festival] Avec Anna Le Mouël

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Le Canebière film festival met à l’honneur les technicien·nes du cinéma, avec cette année un focus sur les concepteurs de décors. L’occasion de rencontrer Anna Le Mouël, cheffe décoratrice invitée avec la cinéaste Louise Hémon pour le film L’Engloutie. Zebuline l’a rencontrée

Qu’est ce qui vous a donné envie de devenir Cheffe Déco ? Quelles études avez-vous suivies ?

 C’est arrivé un peu par hasard. J’avais entamé des études d’archi et on m’a proposé de faire un TPE (Travaux de Fin d’Etudes) à la FEMIS. J’ai adoré car ça correspondait à ma personnalité. J’ai arrête les études d’archi et j’ai travaillé dans la déco. Au départ sur des courts, puis des longs en tant que cheffe déco. J’avais fait une école d’arts appliqués, je dessinais beaucoup, faisais des chantiers. Les décors c’est la rencontre de milieux artistiques avec des choses très manuelles. Il y a le regard artistique et aussi un gros aspect technique auquel je tiens beaucoup

Vous avez commencé par le court métrage Massacre de Maité Sonnet, nous semble t-il  en 2019. Et depuis des longs dont Saint Omer et Le Ravissement. Comment abordez-vous une nouvelle proposition ? Par le scénario, les échanges avec les cinéastes ?

J’ai commencé avant par des courts moins connus, très jeune. D’abord, je tiens beaucoup au scénario. J’aime lire le scenario et voir ce que le réalisateur a fait avant. C‘est comme cela qu’on se projette dans une mise en scène, qu’on imagine les choses et il y a la confrontation avec le réel. C’est assez rare que ce qu’on imagine corresponde au désir du réal. Parfois ce sont nos deux idées qui vont se rencontrer, parfois je me laisse emporter par la vision du réal quand je la trouve incroyable. Parfois c’est l’inverse : il faut alors l’accompagner par des références, de films ou des dessins

Y a t-il eu des propositions que vous avez refusées (Sans citer des noms bien sûr) et dans ce cas pourquoi ?

Pas tant que ça ! Je suis jeune ! Ce sont souvent des questions politiques. Je suis plutôt de gauche et il y a des films que je ne pourrai pas faire car la représentation des personnes dans le film serait trop compliquée : ça me bloquerait pour me projeter. C’est dur quand on n’aime pas un scénario d’aller chercher du désir. Le cinéma demande tellement d’énergie, une implication totale. C’est tellement chronophage ! Sans ce désir-là c’est terrible ! Autant faire autre chose !

Pouvez-vous nous préciser comment vous travaillez : repérages de lieux, dessins, maquettes, tableaux… ?

Il faut parler de quelque chose de très important : le budget d’un film et celui de la déco qui est un très gros budget. Tout se passe dans les pré-repérages, les dessins et beaucoup de références. J’adore les chercher et je travaille beaucoup avec ça. Après on dessine une trame avec le chef opérateur.

Comment avez-vous travaillé avec Louise Hémon pour L’Engloutie ?

Il y a une petite exception pour L’Engloutie. Louise avait une iconographie délirante, vraiment beaucoup de livres sur l’époque. Elle m’avait conseillé la Cinémathèque des montagnes, une base de données incroyable. L’Engloutie est un film à base de nombreuses images documentaires, des images de films comme Les Portes du Paradis, Heureux comme Lazare. Le Cimino pour quelque chose du western. Des peintres du clair-obscur aussi avec ce choix de la lumière du feu. Avec le chef op, on fait beaucoup de réunions. On s’échange des références en dehors du réal. C’est important car on parle de pure image, de pure lumière. J’aime aborder aussi la question des couleurs.

 Pour L’Engloutie, il a fallu fabriquer la cheminée, créer un conduit pour évacuer la fumée. Pas toujours efficace ! Il fallait beaucoup de grands feux pour avoir le maximum de lumière. On a repeint tous les murs, et dans les patines du bois, on mettait beaucoup de blanc, pour que la lumière  rebondisse. Dans cet espace tout était noir. Des noirs qu’on a vernis pour qu’ils prennent le plus possible la lumière. Dans les lampes à pétrole, pour les extérieurs, on a caché des torches remplies de paraffine pour que dans les plans de loin, on ait assez de lumière.

Combien de temps a duré la construction du décor et combien de personnes y ont participé ?

La construction a pris beaucoup de temps. On a eu un mois sur place mais la neige est tombée très tôt, en novembre,  et on s’est retrouvé avec des véhicules improbables pour transporter du bois à 2000 mètres d’altitude. On a mis presque 6 mois, ce qui est très long pour ce type de film. On était une vingtaine. Parfois pour certains films, l’équipe monte jusqu’à 200 personnes. C’est le premier assistant qui gère le budget pour les embauches. La période de négociations avec la production est très compliquée. Un budget où il y a les matériaux et les embauches « chargées » , c’est souvent 5 à 10% du budget d’un film.

Un entretien réalisé par Elise Padovani et Annie Gava  le 8 octobre à l’occasion de l’avant-première du film de Louise Hémon, L’Engloutie

Anna Le Mouël © A.G.

Lire ICI la critique du film et ICI l’interview de Louise Hémon

Madame Arthur fait son Opéra

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Sur une idée originale de Mathieu Jedrazak, alias Martin Poppins, Madame Arthur fait son Opéra bouscule les codes et fait se rencontrer deux univers a priori éloignés : le cabaret travesti et le grand répertoire lyrique.

Sur scène, les artistes travestis de Madame Arthur s’approprient airs célèbres et personnages emblématiques, les détournant avec humour, insolence et poésie, et les réinventant à travers une esthétique flamboyante, queer et jubilatoire. Mais loin de la caricature, il s’agit d’une véritable proposition artistique, où la grâce du chant rencontre la fantaisie du cabaret, où l’émotion lyrique se nourrit d’irrévérence et d’inventivité scénique. M.V.

8 au 11 octobre
L’Odéon, Marseille
Dans le cadre de la programmation du Gymnase hors-les-murs

C’est l’heure de la Fiesta !

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©GuillaumeAricique

Le festival de musiques actuelles marque la fin de l’été, mais pas des festivités, et sa programmation éclectique mélange les esthétiques du rap à la transe, en passant par le reggae. Elle reste fidèle à ses principes, et les artistes sont de la scène internationale comme de la scène locale, groupes de renom et talents émergents. Le festival se décline en trois soirées musicales et le dimanche, en accès libre,.est dédié aux familles. Une 34e édition qui est marquée par l’électro-pop comme le trip-hop, mais aussi le dancehall ou la shatta.

Têtes d’affiches

La Fiesta des Suds débute avec le trip-hop du groupe britannique, Morcheeba, dont le dernier album perpétue le son suave et un groove hypnotique avec la voix soyeuse de Skye et les productions pop-soul-électro de Ross. Ils sont suivis du disco-funk rétro de Dabeull.

Le lendemain, place au  multi-instrumentiste nigérien Keziah Jones, qui puise dans le jeu de guitare de Jimi Hendrix et mêle avec sa voix soul, pour un son qui lui est propre : le blufunk. Juste après, le public plonge dans le rap engagé dit « conscient » de l’artiste mythique franco-congolais Youssoupha.

Le samedi, le groupe phare Groundation fera vibrer le J4 au son du Spiritual Roots Reggae californien et leurs inspirations jazz. Et ils sont suivis du reggae à la voix falsetto de Joe Yorke, qui chante délicatement par-dessus les riddims chaloupés de dub Jamaïcain accumulant un following sur les Dancehalls depuis quelques années.

Talents émergents

Parmi les étoiles montantes, le festival est bien servi par des artistes talentueux comme la voix  claire du Nu-soul – Enchantée Julia – qui chante en français sur son premier LP ONZE. Au cours de la même soirée, les festivaliers auront droit au hip-hop électro-punk de la rappeuse Uzi Freyja ainsi que la Révélation de Babel Music XP 2025 : Bia Ferreira. La militante brésilienne allie la samba au blues et au reggae infusé d’afrobeats, avec une voix rauque parfaitement maîtrisée, passant de chants rythmés et parlés à des aigus puissants. Vendredi,

La Chica nous fait part de ses belles envolées vocales, célestes et harmonisées, sur de l’électro-pop-latino puisant dans des mélodiques mystiques et des rythmes texturés. Continuant sur une transe électro, Widad Mjama et Khalil Epi explorent le blues rural de l’art marocain ancestral de la Aïta pour immerger le public dans des expérimentations électro-rock. Leur duo, Aïta Mon Amour nous plonge alors dans des chants de plaintes amoureuses et d’émancipation féminine envoutants.

Changement d’ambiance dans la soirée avec Louis LNR, lauréat du Tremplin Orizon Sud qui  livre des folksongs introspectifs et épurés, chantés avec émotion, d’une douceur et beauté touchante.

Le samedi amène Bamby, la nouvelle icône du dancehall guyanais chantant ses paroles en créole et en anglais sur des musiques prenantes qui mêlent hip-hop, RnB et afro. Puis, ce sera au tour de Alo Wala, chanteuse et MC panjabi-américaine, qui nourrit son flow en hindi ou en bengali de rythmes issus de son héritage sud-asiatique, marqué par le hip-hop et le dancehall. Et le samedi se clôture avec Mapouia, DJ marseillaise s’inspirant de shatta, afrobeats ou encore de zouk.

Un dimanche familial

Le dimanche propose des ateliers et animations jeune public tout au long de la journée. Dès midi, une grande boum pour les enfants est organisé suivi de battles hip-hop, devant un public et un jury. Il y a également des ateliers culinaires autour de la saisonnalité des fruits avec l’Ecole Comestible, de couture et d’upcycling avec Studio Lausié, ou encore des ateliers de sensibilisations avec, entre autres, SOS Méditerrannée, mais aussi de la pétanque et des sorties en bateaux. Côté musique, la Cité des Minots invite Marcela Cisarova et pour clôturer ce beau festival, un bal populaire caribéen est organisé par Bal Wabap.

LAVINIA SCOTT
Fiesta des Suds
du 12 au 14 octobre
J4, Marseille

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Comment Nicole a tout pété

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Entre conférence décalée et récit haletant, Fréderic Ferrer entraîne le public dans une histoire de climat et de mine. Tout part d’un incident apparemment anodin : un tuyau, un réseau, une installation technique qu’une certaine Nicole aurait fait exploser. De là, tout se dérègle : circulation des énergies, répercussions locales et globales, effets papillon dans un système fragile.

Comme toujours chez Ferrer, le réel est scruté avec précision scientifique avant de basculer dans une fiction délirante, où le spectateur rit autant qu’il prend conscience des enjeux. Un spectacle en forme de fable contemporaine : comment un simple geste peut tout faire basculer, et comment, à force d’exploiter la planète, nous risquons nous-mêmes de tout faire « péter ». M.V.

14 et 15 octobre
Le Zef, scène nationale de Marseille

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Communisme démocratique

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Le biopic italien Berlinguer, la grande ambition, qui a cartonné en Italie, arrive sur quelques écrans français. Une leçon d’histoire mais aussi un grand film, étonnamment peu distribué

Le film d’Andrea Segre, présenté en ouverture du Festival de Rome 2024, 15 fois nommé aux David di Donatello (équivalent italien des César) et remportant ceux du meilleur acteur et du meilleur montage, a totalisé plus de 800000 entrées en Italie depuis sa sortie en novembre 2024. Peut-il agir comme un électrochoc mémoriel dans un pays qui est dorénavant gouverné par l’extrême droite et qui, dans les années 70, votait massivement (33,3%) pour un Parti communiste italien qui comptait 1,7 millions d’adhérents ?

Berlinguer, une grande ambition s’attache à quelques années cruciales dans la vie du charismatique secrétaire général du PCI. De 1973, où il échappe à un attentat en Bulgarie, à sa mort brutale en 1984, en s’attachant longuement à l’année 1978, qui vit l’exécution par les Brigades rouges d’Aldo Moro, son principal allié des Démocrates Chrétiens. Un assassinat qui intervient alors que les deux hommes voulaient passer un « compromis historique », et Enrico Berlinguer gouverner en inventant un communisme de gouvernement, européen et démocratique, en pleine Guerre froide.

L’espoir d’un peuple

Le film est une leçon de politique, qui rappelle l’exceptionnelle histoire d’un parti fondé par Gramsci, et porté au plus haut par Berlinguer qui défendait le peuple et sa liberté, au risque de sa vie, jusque devant Brejnev. Il est véritablement incarné par Elio Germano, prodigieux acteur dont chaque geste, chaque regard, dégage la douce ténacité, souriante et profonde, de Berlinguer, à qui il ressemble incroyablement, corps, visage et voix sans jamais le mimer.

Le montage, lui aussi remarquable, lui aussi récompensé par un Donatello, fait place à de tendres moments familiaux, discrets, et insère des images d’archives, dont les impressionnantes funérailles regroupant 1,5 millions d’Italiens à Rome. Des archives qui s’insèrent dans le cours dramatique de la fiction qui, elle non plus, ne mime pas le réel, mais le transpose, avec un réalisme d’autant plus efficace qu’il travaille la lumière, le cadre, le son, avec une vraie poésie suggestive.

Ainsi le film se garde de jouer au thriller, et n’émet aucune hypothèse politique hasardeuse, posant pourtant d’implicites questions : qui a cherché à assassiner Berlinguer au moment où il affirmait son indépendance face à Moscou ? Qui a guidé, ou laissé faire, les Brigades rouges, qui ont mis fin à la possibilité du compromis historique ? Qui a signé l’échec d’une première union de la Gauche en Europe occidentale, emmenée par un communisme démocratique, et entrainé ainsi le déclin des partis communistes en Europe ?

Réfléchir à ce moment historique, sans compromis, permet de rappeler ce formidable moment d’espoir du peuple. Aujourd’hui en Italie, demain en France, pour peu que quelques salles prennent le risque de sa projection.

AGNES FRESCHEL
Berlinguer, la grande ambition
Andrea Segre
Sortie nationale le 8 octobre
Cinéma La Cascade, Martigues
Cinéma Utopia, Avignon

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Festival Panorama : On prend tous le bus 47

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Le choix d’un film d’ouverture est toujours délicat. Il donne le la, cherche choc ou adhésion ou les deux. Ce fut El 47 de Marcel Barrena – en compétition, par ailleurs, pour l’Horizon d’or. Un film qui, s’il ne s’inscrit pas dans le focus du cinéma au féminin -épine dorsale de la programmation 2025, reprend les valeurs défendues par CineHorizontes, à travers le 7è art et les autres : résistance et partage. Un film émouvant sans sensiblerie. Fort sans tonitruance. Historique mais actuel. Où toute ressemblance avec les faits et personnages existants est revendiquée.

El 47 débute sur la reconstitution d’un épisode peu connu de la migration interne en Espagne. On est en 1958 à Barcelone. Toute une population venue d’Estrémadure et d’Andalousie s’est installée dans la périphérie de la ville. Isolés par leur langue, leur analphabétisme, leur misère, ces Migrants ont acquis des parcelles de terrain sur les hauteurs de Torre Baró. Sans autorisation de construire. Sauf s’ils parviennent à le faire en une nuit. Si, au lever du soleil, la cabane édifiée n’a pas de toit, les policiers la détruiront. Se joue alors un contre la montre poignant et dramatique. Seule la solidarité permettra à ces pauvres gens de braver la loi inhumaine qui leur est imposée. Parmi eux, Manolo Vital (Eduard Fernández) fédère les efforts. Veuf, père d’une fillette prénommée Juana (Zoe Bonafonte), il rencontre Carmen (Clara Segura) une nonne institutrice qui devient sa compagne. Vingt ans plus tard, les voilà installés dans une maison en « dur » mais dont les murs se tâchent d’humidité. Le bidonville s’est « amélioré ». Pour autant, alors qu’il en fait partie, il demeure oublié du développement d’une Barcelone, prospère et moderne, que Manolo, devenu chauffeur de bus sur la ligne 47, parcourt toute la journée.  

A Torre Baró, pas d’eau courante, pas d’électricité stable, pas d’école, pas de médecin, pas de pompiers, pas de facteur. Des routes de terre, défoncées rendent l’accès difficile. Pas de transports en commun pour les habitants qui travaillent dans le Centre et doivent parcourir des kilomètres à pied. Certains déménagent quand ils le peuvent. Carmen est lasse. Manolo ne veut pas quitter ce quartier qu’il a contribué à construire de ses mains. Juana est révoltée.

Le Manolo de Barrena n’est pas un révolutionnaire. Il respecte les institutions et se plie devant l’autorité quand il ne peut faire autrement. Mais devant les fins de non-recevoir qui lui sont opposées, il fera un geste, resté dans l’histoire des luttes. Un geste pacifique, fort et efficace : détourner le bus l’El 47 pour faire connaitre Torre Baró aux Barcelonais et désenclaver le quartier.

Une affaire de dignité

Le réalisateur introduit des images d’archives reconstituant la ville de l’époque et joue sur la palette couleur des années 70. Il estompe le discours purement politique de son scénario mais met en perspective le passé franquiste pour imaginer l’avenir avec un personnage comme Juana. Elle ne détourne pas un bus comme son père mais un concert où elle est choriste en interprétant de sa propre initiative, a cappella, l’hymne antifranquiste Gallo Rojo Gallo Negro.

Si Barrena romance la rencontre du chauffeur de bus avec le futur maire de Barcelone, Pasqual Maragall, héroïse sans doute son personnage principal et son entourage, fait de ce bus un symbole à la fois du lien social, du lieu « commun », et de la force de la lutte, c’est pour privilégier l’émotion et affirmer comme Manolo que la dignité, ce n’est pas quelque chose d’abstrait : c’est un toit, l’accès à l’eau, à la lumière, au travail, à l’école. Servi par un casting exceptionnel, El 47 a déjà remporté de nombreux prix dont le Goya du meilleur film et le prix d’interprétation pour Clara Segura.

ELISE PADOVANI

El 47 de Marcel Barrena projeté le 8 novembre au cinéma Gérard Philipe en ouverture du festival Panorama 

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Rencontres d’Image de Ville : Filmer la Métropole

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Romain Rondet et Gabriele Salvia

Au départ, c’était le Festival du film sur l’architecture et l’espace urbain, qui réunissait depuis 2003 architectes, urbanistes, historiens, géographes, philosophes, artistes… et cinéastes. Puis il est devenu Les Rencontres d’Image de Ville, mais s’évertue toujours à « regarder la ville » par le prisme du cinéma. Cette année encore, il se tient en deux temps, du 9 au 12 octobre à Aix en Provence, et du 16 au 19 octobre à Marseille. Et divise son programme en trois sections.

Section 1 : état des lieux

Une sélection de films issus du patrimoine, parfois rares, mêlés à des productions plus récentes. Projections-débats, accompagnées par des cinéastes ou des spécialistes, et consacrées cette année, au territoire de notre Métropole. À son histoire autant qu’à sa géographie. Aux regards des « filmeurs » qui en ont fait leur arrière ou leur premier-plan.

On passera entre autres, de la Martigues de Jean Renoir (Toni, 1935), à Fos-sur-Mer vue par les cinéastes suédois Peter et Zsóka Nestler (1972) ou à La Ciotat de Laurent Cantet entre passé ouvrier et avenir incertain (L’Atelier, 2017). On parcourra le Canal de Marseille avec Jean-Pierre Daniel (Et si ce Canal c’était la mer) ou on longera l’autoroute A7 avec Romain Rondet et Gabriele Salvia (La République des Autoroutes). On pourra même sentir le territoire sous ses semelles, en balade avec Nicolas Memain et faire des arrêts sur image avec Standard, l’expo photo d’André Merian à l’Institut de l’Image.

Section 2 : un cinéaste-un architecte

En fait, un trio d’architectes : Les Marneurs qui dialogueront avec le documentariste Dominique Marchais sur les transformations et les dommages irréversibles de l’environnement, en imaginant des aménagements pour limiter ces dégâts et recréer un lien avec le cycle du vivant. Au programme, quatre documentaires du cinéaste, dont La Ligne de partage des eaux et Nul Homme n’est une île. Mais aussi, sans être exhaustif, The Land de Robert Flaherty, Un Fleuve sauvage d’Elia Kazan et Penser l’Incertitude de Christian Barani.

Section 3 : Les assemblées urbaines

Enfin pour cette dernière partie du programme, trois conversations avec la philosophe Joëlle Zask, présentées par l’architecte curatrice et critique Océane Ragoucy. Trois films en support : Les Bruits de Récife de Kleber Mendonça Filho autour de la notion de « voisinage », Place de la république de Louis Malle autour de celle de « lieu public » et enfin Il fait nuit en Amérique d’Ana Vaz sur la coexistence de la nature sauvage et de la cité. Image de ville crée aussi des événements cinéma avec un hommage à David Lynch, « inventeur de villes ». Une carte blanche au festival brésilien Urbani qui a choisi Quando o Brasil era moderno de Fabiano Maciel. La projection du court métrage réalisé aux Baumettes avec « ceux du dedans », produit par Lieux Fictifs,La Ville sans nom de Joseph Césarini et Iacopo Fulgi.  Et, le 18 octobre, au cinéma Les Variétés, en avant-première : L’Inconnu de la grande Arche de Stéphane Demoustier, sélectionné à Cannes cette année avec l’impeccable Swann Arlaud en Paul Andreu, et Michel Fau en François Mitterrand.

ÉLISE PADOVANI

Image de Ville

Du 9 au 12 octobre

Aix en Provence

Du 16 au 19 octobre

Marseille

Hors-Service : missions impossibles

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@Les Films de l'œil sauvage

Le film commence dans le noir. À la lampe de poche, on découvre un lieu désaffecté – qui se révélera être l’Hôpital de Villeneuve-sur-Lot. Quelques meubles, des caisses, des objets, des photos, des papiers, abandonnés comme après un naufrage. Un lieu hors service pour six démissionnaires de la Fonction publique, hors service eux aussi.
Micka, un ex-postier, Nabil, un ex-policier, Blandine et Rachel deux ex-enseignantes, Margot, une ex-médecin anesthésiste, et Floriane, une ex-juge, ont entre 30 et 52 ans. Tous ont grandi dans l’idée d’un État protecteur, d’un fonctionnariat au statut envié pour sa sécurité, tourné vers le bien des citoyens. Chacun va recréer dans les bureaux et les chambres désertées, à l’aide de quelques objets apportés dans ses valises, son espace de parole. Dans un décor stylisé, chacun raconte et revit ses difficultés, ses doutes, sa détresse face aux missions impossibles à accomplir correctement. Jeu de rôles théâtralisé pour mettre en situation aussi bien qu’à distance.

L’impossibilité de bien faire

Ensemble, ces naufragés de la Fonction publique font repartir le groupe électrogène. Dans les salles communes, ou sur le toit terrasse, en partageant un repas ou un moment de relaxation, ils croisent leurs expériences si semblables. La volonté de bien faire, l’impossibilité de bien faire. L’investissement au travail, la frustration. La perte du sens des tâches, l’épuisement.
Ils parlent du changement de paradigme à la fin du XX e siècle, quand se sont appliqués au
domaine public, les règles, la logique et le langage d’entreprise. Concurrence entre les
services hospitaliers, notion de temps « parasite » à l’hôpital comme à la Poste (comprendre : le temps non rentable passé avec l’usager). Politique du chiffre au commissariat. Impuissance à régler les problèmes immédiats des justiciables au tribunal.
Tous parlent de l’incompréhension de leurs familles et d’un séisme personnel. Les lettres de
démission lues à haute voix sont bouleversantes et révèlent que le deuil des illusions n’est paschose aisée. Vicieux, le système malade fait croire à chacun que c’est lui qui l’est. Qu’il « n’a pas les épaules », qu’il est trop sensible, trop fragile, se pose trop de questions.
Certains envient leurs collègues qui « s’adaptent », savent se protéger, se conformer. Pourtant les burn-out se multiplient, la rubrique des faits divers enregistre des suicides de policiers, de professeurs ; 3000 magistrats signent une tribune pour dénoncer le dysfonctionnement de la Justice malgré un devoir de réserve qui sert trop souvent à masquer les problèmes.
Micka, Nabil, Blandine, Rachel, Margot et Floriane rêvent de transformer cet hôpital déserté
en lieu d’accueil, en un asile pour tous les fonctionnaires en souffrance. Ceux qui restent en
poste comme Jean-Marc, le policier mis au placard pour avoir dénoncé les brutalités illégales de ses collègues, ou ceux qui ont abdiqué et jeté l’éponge.
Jean Boiron-Lajous dit avoir voulu mettre la parole brute au centre de son film et faire du
bien aux personnes qu’il réunit là. En brisant leur solitude, en privilégiant l’écoute et la solidarité, en les filmant en devenir, laissant l’espoir d’une lutte possible à l’intérieur des
administrations. C’est sans doute cette générosité et cette bienveillance qui tempèrent le
sentiment de désespérance devant le constat de la folie et de la violence des institutions de
l’État.
ELISE PADOVANI


Hors-Service, de Jean Boiron-Lajous / Les Films de l’œil sauvage

En salles le 8 octobre

[ACID]La vie après Siham : une histoire d’amour

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La Vie après Siham (C) Météore Films

« En 2015, j’ai perdu ma mère. Mais au moment de sa disparition, je n’ai pas compris qu’elle était partie pour toujours. L’idée était trop insupportable. Elle était immortelle, forcément. »

 Namir Abdel Messeeh avait fait une promesse à sa mère qui avait joué un rôle central dans son deuxième film, La Vierge, les Coptes et moi : en faire un autre avec elle. Pour « survivre » à cette perte. Le cinéaste prend le relais du fils ; il filme les funérailles, les visites au cimetière. Pour que sa mère soit encore là. Plus tard, il fera le film promis, l’ «histoire d’un mec qui filme tout le temps et qui ne peut plus filmer parce que sa mère est morte » a précisé le cinéaste au moment de la reprise de l’ACID à Marseille.

Alors que filmer ? Le chagrin de ceux qui restent, en particulier son père, Waguih. Il a beaucoup d’images, archives personnelles, anciens films, images tournées au fil des années. Grâce à la magie du montage, il mêle les époques, introduit des séquences de films de grands cinéastes égyptiens en particulier de Youssef Chahine dont il offre des cassettes à son père : cela pourrait l’aider à dépasser son chagrin. Un père dont il se rapproche et qui accepte d’être filmé. Les séquences où il fait le clap sont très drôles. Waguih veut bien relire avec son fils d’anciennes lettres et regarder des photos du passé.

Siham et Waguih

Qui étaient Siham et Waguih avant d’être les parents de Namir ? Le cinéaste le découvre et nous aussi, par ces missives qu’ils se sont échangées durant plus d’une année. Waguih avait dû partir à Paris à cause de la situation politique en Égypte et Siham l’attendait, impatiente de se marier même s’il était le « lot de consolation » : elle avait été amoureuse d’un jeune homme qu’elle n’avait pu épouser suite à un malentendu. En hiver 73, Waguih et Siham sont à Paris, dans une grande précarité. Le 7 octobre 74, Namir nait : mais « la vie à trois est de courte durée ! » commente -t-il. Le bébé est confié à la sœur de sa mère, Narayat, dans un village de Haute Égypte où il va rester deux ans. Deux séparations à assumer pour l’enfant qu’il était. Il va retourner et tourner dans ce village pour revoir sa tante et retrouver le lien. Car ce film, au départ travail de deuil, est devenu un film sur le lien, l’amour. Un film sur la présence et l’absence ; dans une séquence on voit les enfants du cinéaste regarder des images de la grand-mère qu’il a tournées et, s’adressant à elle, s’étonnent qu’elle ne réponde pas ; « Mais c’est un film, Siham ne peut pas vous entendre ! » leur précise-t-il..

Une belle rencontre

C’est aussi une belle rencontre entre un fils et son père. Un père qu’il découvre : Waguih a été, il y a des années, Directeur du Centre National du Cinéma égyptien ! Un homme qui n’aime pas être filmé mais qui a accepté par amour pour son fils. Un des cartons, clin d’œil au cinéma muet, nous le confirme.

 Une histoire d’amour. Un film dédié « A nos pères, à nos mères, à l’amour »

ANNIE GAVA

La Vie après Siham sort en salles le 28 janvier

Un jour, c’est trop courts

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La Réputation (C) Sans regret

20 ans déjà que l’association Les Films du Delta propose sa journée consacrée au court-métrage, Courts-Bouillon. Avec cette année, 34 courts venus de huit pays se pressent ce 11 octobre à la salle Emilien Ventre de Rousset. Des coups de cœur, des films insolites, drôles, émouvants qui parlent de notre monde, interrogent, ou simplement nous font sortir de notre réel pas toujours drôle. Au fil des séances, 13h45, 18 h et 21 h, on se promènera, de film en film dans des univers différents, dans des esthétiques diverses, rencontrant des personnages qui nous ressemblent ou nous surprennent.

Programme bouillonnant

On assiste dans un café au Québec à la rencontre d’une actrice en creux de carrière et de son agente pour un nouveau projet : Extras de Marc-Antoine Lemire ; dans un restaurant indien à celle de deux femmes qui partagent des souvenirs doux amers de leur pays : Sulaimani de Vinnie Ann Bose.

C’est une fable sur le mystère de la foi et du plaisir féminin que propose Sharon Hakim dans Le Diable et la bicyclette, adapté de la nouvelle de Tamara Saadé. Et dans le court espagnol de Sandra Gallego, multi primé, La loca y el feminista, on assiste à une conversation, sans retour, sur ce que signifie l’origine du féminisme.

Présélectionné aux César et lui aussi multi primé, Les Liens du sang de Hakim Atoui : quand un frère et une sœur trouvent chez leur mère qui rentre de l’hôpital, un robot d’assistance médicale.

À ne pas rater Apnées de Nicolas Panay, le thriller social haletant, ni Upshot où la Palestinienne Maha Haj raconte de manière magistrale l’histoire sombre d’un couple dans une vallée de Galilée. Le jury et le public du festival Itinérances d’Alès ont adoré Mort d’un acteur d’Ambroise Rateau pour son originalité : Philippe Rebbot est annoncé mort sur les réseaux sociaux ; il est toujours vivant !

Comme chaque année, à 16 h, il y aura la traditionnelle séance familiale spéciale animation :17 films issus de huit écoles d’animation françaises : Mopa, La Poudrière, Ensi, Supinfocom Rubika, Esma, École Pivaut, Isart Digital et L’Atelier de Sèvres. Et pour terminer cette alléchante journée, il y aura le traditionnel velouté Courts-Bouillon, oùl’on pourra trinquer ensemble…

ANNIE GAVA

Courts-Bouillon
11 octobre
Salle Émilien Ventre, Rousset