lundi 25 novembre 2024
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DIASPORIK : Identitarismes diasporiques et haine en ligne

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Avec la montée des extrêmes droites et des nationalismes en Europe, les diasporas postcoloniales sont confrontées aux préjugés et aux discriminations, dans le domaine de l’emploi, du logement,  de l’éducation. Cette perte d’opportunités affecte leur qualité de vie. Et leur surreprésentation dans des emplois précaires ainsi que la sous-représentation dans les instances politiques, limitent leur capacité à influencer les politiques publiques et à défendre leurs intérêts. 

Haine intercommunautaire

Ce contexte, hostile à l’immigration, crée un climat d’insécurité pour tous. Il favorise une concurrence généralisée et le renouvellement des identitarismes diasporiques. Les minorités sont arrivées à des dates différentes, et certaines assignent à d’autres communautés nationales ou ethniques les problèmes d’insécurité. Il ne reste qu’un seul gagnant, le rejet !

Aujourd’hui, la haine intercommunautaire connaît un regain régulier. Les questions de frontières issues des décolonisations n’étant pas réglées, les projets de développement démocratique et économique promus par les mouvements tels que le panafricanisme, n’ont aucune chance d’être développés. La résolution des conflits ne semble réaliste que dans la limite des États-nations, alors que les groupes ethniques ou de locuteurs se reconnaissent souvent, au-delà des délimitations héritées du colonialisme, sur plusieurs pays. 

L’ère de l’émotion radicale

Cette complexité n’est pas étonnante au regard de la diversité des peuples, de leur circulation et de leur interaction socio-historique. Mais à l’ère de la post-vérité, du fait de la montée en puissance des médias sociaux, l’espace de la pensée complexe et l’information vérifiée se restreint. Les débats s’orientent vers l’émotion, ignorant, consciemment ou non, les faits ainsi que la nécessité d’y soumettre leur argumentation. 

Dès lors, les formes de haine mobilisant les espaces d’appartenance intercommunautaires offrent un terrain de jeu sans limite. À chaque conflit (ré)activé, le trauma postcolonial délivre son lot « d’experts 2.0 », formés à une approche politique binaire, campiste, érigeant en « trahison » toute question et créant un climat délétère en matière d’esprit critique. 

Car en ligne, la radicalité permet de se rendre visible ! Le déchaînement de haine permet de gagner une forte visibilité à moindre effort. Entre haters nationalistes et suprémacistes de toutes origines, l’internationale de la haine s’exprime au sein des réseaux communautaires, aux deux sens du terme : communauté du web et communauté nationale, entièrement consacrées à la haine en ligne, dans une illusion d’autochtonie perdue voire de « race pure ». 

Ces comptes font référence à « l’Histoire » et mobilisent des qualificatifs, tels que janissaire, kouloughli, moorish pour identifier les « ennemis de la nation ». La tentative de rallier les jeunes binationaux des diasporas, en les soumettant à des fake news ou des interprétations biaisées pour grossir leurs rangs, est manifeste. 

Alors que les pays du Maghreb ont su s’unir dans la lutte contre la colonisation et en faveur de l’indépendance, certains membres des diasporas rejouent les influences et intrigues, important des conflits au service de la permanence des pouvoirs en place. Une montée des périls préoccupante.

La création de l’Union du Grand Maghreb avait suscité un immense espoir au sein des peuples de la région et l’histoire semblait s’écrire de la meilleure des manières. C’était sans compter les bouleversements politiques et technologiques. 

Nouveau fascisme

D’une guerre froide maghrébine à l’émergence de « patriotes digitaux autoproclamés », les conflits se sont déplacés sur les réseaux sociaux. À l’instar des mouvements identitaires et patriotes européens, ils relaient un nouveau fascisme, qui connaît un essor fulgurant. X (anciennement Twitter) a remplacé les tranchées et l’anonymat a libéré la violence des attaques entre les frontières sud-sud et nord-sud. Insultes et fake news s’échangent allégrement entre des ressortissants convaincus que chacun détient la vérité. La haine est attisée par le développement de faux comptes, la propagande multipliée via les réseaux sociaux. Chaque camp aiguise ses « arguments » pour clamer sa suprématie. Oubliées la solidarité, l’intégration économique et la fraternité, les réseaux communautaires traditionnels qui ont joué un rôle crucial dans le soutien au développement au Sud et de la cohésion sociale au Nord. Place à la haine ! 

Les seuls perdants sont les peuples, embarqués dans des conflits artificiels qui les dépassent et dont les gouvernants se servent pour asseoir leur pouvoir, souder des populations montées les unes contre les autres, sans perspective de paix ou d’espoir d’un avenir meilleur. 

SAMIA CHABANI 

Sur Brahms, un Couteau bien aiguisé

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Gefrroy Couteau © Jean-Baptiste Millot

Le récital de Geoffroy Couteau organisé par Marseille Concerts à l’Opéra de Marseille a confirmé ce que les amateurs de son intégrale, enregistrée depuis dix ans, savaient déjà : le pianiste compte aujourd’hui l’un des plus fins interprètes mondiaux de Brahms. Dès les premières mesures des Rhapsodies, op. 79, l’artiste s’impose avec une intensité rare : la fougue romantique a ici des accents davantage hongrois que germaniques, et on se croirait par endroits chez Liszt, tant l’énergie sait se faire dionysiaque.  

Le sens de la nuance et du contraste impressionne ici encore davantage que la virtuosité. Lorsque le récital se poursuit avec les Klavierstücke, op. 118, véritable condensé de l’univers brahmsien, la mélancolie se fait terrassante, tout particulièrement au contact de la – trompeuse – simplicité des Intermezzi. Leurs arpèges se délient dans une tendresse presque chuchotée, sur lesquels le pianiste fait montre d’une technique toujours mise au service de la passion et de l’introspection.

Interprétation désarmante

Le programme s’achève sur un feu d’artifice virtuose avec les Variations sur un thème de Paganini, op. 35. L’artiste manie ces redoutables pages avec une aisance déconcertante, rappelant que c’est chez Brahms l’instrument qui impose ses possibles au compositeur, et non l’inverse : même lorsqu’il érige des architectures vertigineuses, Brahms célèbre le piano sans jamais l’écraser. Le jeu de Geoffroy Couteau ne s’y trompe pas : on a rarement vu une émotion si simple, si désarmante et communicative, transparaître d’une interprétation pianistique. 

Le public, conquis, poursuit l’aventure brahmsienne à La Criée le lundi 30 septembre en compagnie de Geoffroy Couteau mais aussi de la mezzo Delphine Haidan, du Quatuor Van Kuijk et du violoniste Valeriy Sokolov, sur d’inoubliables pages chambristes.

SUZANNE CANESSA

Concert donné le 29 septembre à l’Opéra de Marseille sur une proposition de Marseille Concerts.

Vous êtes la beauté du monde 

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Le portrait dans tous ses états. Entraide et Abri. © A.F.

Avec Emmaüs et les associations du champ social, du secours populaire à ATD quart monde, C’est pas du luxe ! réunit des projets impliquant des personnes en grande précarité, affirmant que les droits culturels les concernent, et que nous avons besoin de leur regard. Un autre festival d’Avignon, devenu rapidement incontournable, soutenu par tous les acteurs culturels de Vaucluse. 

Dans la rue, une ouverture en fanfare, et tout au long du week-end des danses, des acrobates, une chorale de la cloche. Dans les théâtres et lieux d’expositions certaines propositions parlent directement de la pauvreté, d’autres, comme Nichoir 93 au Théâtre des Halles, sont plus sensibles : désirs d’envols, replis et embrassements y sont vécus par trois hommes, habitants précaires du Bois de Vincennes. Qu’est-ce qu’un maison, une porte, une fenêtre ? demandent ceux qui n’en ont pas. 

Savoir et beauté 

Qu’est-ce que le savoir ? Didier Ruiz a réuni aux Célestins des scientifiques et des experts pour un speed dating dispensant un très sérieux coq à l’âne, de l’apiculture urbaine à la mécanique des fluides. Parce que le droit à la culture c’est aussi l’accès aux savoirs, sans isolement ou désert numérique, par la conversation.

Qu’est ce que la beauté, et qui la voit ? Se demande-t-on à la Maison Jean Vilar. Sans doute le questionnement le plus bouleversant. Révéler la beauté expose les images et les textes de précaires qui aiment un papillon posé dans la boue, un regard bleu et tendre, une fleur de bitume, têtue. Le portrait dans tous ses états expose les photos auto-commentées des bénéficiaires d’Entraide et Abri. Dans des podcasts les apprentis du restaurant solidaire Graines de piment se confrontent à Bourdieu, mais aussi à la pensée de Jean Vilar sur le service public du théâtre, s’emparant avec émotion des textes de Laurent Gaudé ou Wajdi Mouawad. Découvrant, ou affirmant, l’importance des nourritures de l’esprit.

Dans le jardin de la Maison, la création d’Edith Amsellem (Cie Ed’O) a quatre fois fait vibrer La Beauté, en un défilé qui effeuillait 15 pensionnaires de Rosmerta, lieu d’accueil de mineurs isolés, autogéré, à Avignon. Comme dans une fashion week, avec trois passages par mannequin, pour 20 minutes de spectacles. 

Un premier passage en famille royale de ces treize jeune ivoiriens ou guinéens et de leurs deux éducatrices, déguisés en rois et princesses d’opérette, colorés, saturés et enrubannés ; un deuxième débarrassé de la première couche de vêtements, disant leurs rêves d’avenir, footballeur, scientifique, cuistot ou ministre de l’éducation populaire ; un dernier, disant d’où ils viennent touchant à l’exil, à la guerre, au racisme, à l’intime. À la beauté, révélée, de ceux que l’Europe s’escrime à renvoyer, dès leur majorité atteinte, vers un chez eux qui n’existe pas.

Agnès Freschel

C’est pas du luxe ! a eu lieu à Avignon du 27 au 29 septembre.

Quand désobéir laisse des traces

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© G.C.

La 5e édition du festival de sciences sociales Allez Savoir, porté par l’Ehess à Marseille, s’est déroulée du 26 au 29 septembre. Sur l’affiche, l’oeil résolu de Louise Michel, comme si la plus grande militante anarchiste du XIXe siècle observait, par une échancrure temporelle, notre déroutant (et par bien des aspects, affligeant) XXIe. Pour répondre au thème de la manifestation, Des obéissances, les Archives municipales organisaient une visite passionnante de leurs fonds. 

Emmenés par Isabelle Aillaud, chargée de l’action culturelle, et Emmanuel Saint-Fuscien, historien, une vingtaine d’heureux investigateurs – inscrits précocement – ont pu accéder aux salles de conservation de l’institution. Où l’on trouve de vrais trésors, tant il est vrai que si les classes populaires (sans même parler des femmes, bien-sûr) ont peu de place dans les récits dominants de l’Histoire, on peut, en creux, les voir apparaître dans les archives dites « de contrainte ». Celles de la police, ou l’armée. Qui a échappé à la conscription sous Napoléon, qui a frappé un officier royal ou une patronne abusive, qui s’est évadé d’un convoi destiné aux galères ? Ces suspects apparaissent dans des rapports parfois fort détaillés, ouvrant une perspective étonnamment riche sur chaque époque. Ailleurs, la trace de la désobéissance est plus subtile : ce peut-être un code, en bas de la lettre qu’un soldat de 1914-18 écrit à son épouse, lui suggérant de la chauffer pour voir apparaître le vrai message destiné à échapper à la censure. Les Archives conservent tout cela précieusement, chaque item étant consultable en salle de lecture par quiconque en fait la demande. « N’hésitez pas, si vous avez chez vous des éléments ayant trait à l’histoire de Marseille, à nous les amener, précise Isabelle Aillaud, nos fonds sont vivants, ils sont continuellement alimentés. »

GAËLLE CLOAREC

La visite des Archives municipales de Marseille a eu lieu le 26 septembre, dans le cadre du festival Allez savoir.

Le nouv.o.monde… quel cinéma ! 

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Everybody Loves Touda © Nabil Ayouch

Zebuline.Promouvoir un cinéma d’auteur exigeant, ouvert et accessible à un public large, créer des espaces d’échanges… c’est toujours la ligne artistique des Films du Delta ?
Sylvia Vaudano. Oui, toujours ! Renforcé avec de nouvelles idées, des ponts avec d’autres disciplines. On est dans une période où il faut garder ces lieux d’échanges et de réflexion autour du septième art.

« Avec le cinéma, on arrive à tout, on parle de tout », disait Godard. Alors de quoi va-t-on parler dans cette 13e édition de nouv.o.monde ?
On n’est jamais sur une thématique. On part des films qu’on a envie de programmer, des films qui parlent des transformations de notre monde. Cette année, se dégagent chez les jeunes cinéastes d’ici et d’ailleurs des films sur l’émancipation, la quête de la liberté, qui repoussent les frontières face à une société étriquée. On est conscient que le monde va mal. Le cinéma a cette force de témoigner. Il y a aussi bien sûr des films de genre : thriller, une comédie dramatique plus légère… Mais la magie du cinéma est de nous amener vers un désir de changer le monde, de le regarder autrement. D’ailleurs la séance de courts métrages est centrée autour des utopies : comment le court rêve le nouveau monde. 

Combien de films proposez-vous cette année ? Et issus de quels pays ?
Il y a treize films dont trois documentaires. Sept en avant-première, venus de treize pays dont le Maroc, la Roumanie, la Belgique, le Liban, l’Iran, l’Angleterre, les États-Unis… et la Provence (!) avec un thriller fantastique, Animale d’Emma Benestan. En ouverture, un film roumain qui va représenter son pays aux Oscars, Trois kilomètres jusqu’à la fin du monde d’Emanuel Pârvu, entre suspense, drame, autour du thème de l’émancipation, avec un jeune acteur magnifique, dans une mise en scène solaire. Le réalisateur fera une petite présentation vidéo spécialement pour le public de Rousset. 

Comme chaque année, y aura-t-il des séances à Trets et Aix-en-Provence ?Pas de séances à Trets cette année faute de budget. On espère pouvoir y retourner l’an prochain. Mais on est toujours en partenariat avec Sciences-Po Aix et l’Université Aix-Marseille. À l’université on passe en avant première le documentaire de Cyril Aris, Danser sur un volcan [lire notre critique sur journalzebuline.fr]. Accompagnée de la cinéaste Mounia Akl, ils feront une masterclass en vidéo. Et au cinéma Le Mazarin, un autre documentaire autour du grand photographe sud-africain, le premier à exposer au monde entier les horreurs de l’apartheid : Ernest Cole, photographe de Raoul Peck, suivi d’une rencontre avec Rachel Joubert et les élèves en master 2 de Sciences Po Aix. Comme chaque année, il y a aussi une exposition photo avec les photographes d’Arc Images, autour de la pollution, y compris visuelle. Une autre expo : Making of du film qui nous montrera les coulisses de Sauvages,le nouveau film de Claude Barras, une ode à la liberté et à la nature. Et un ciné concert conférence qui met à l’honneur Alice Guy.

Quel est votre coup de cœur dans cette 13e édition ?
Question difficile ! Je dirais le film de Nabil Ayouch, Everybody Loves Touda. Le portrait d’une femme qui veut chanter du chant traditionnel, des textes de résistance, d’amour et d’émancipation, et se bat pour un avenir meilleur.

ENTRETIEN RÉALISÉ PAR ANNIE GAVA

nouv.o.monde
Du 8 au 13 octobre
Divers lieux, Rousset et Aix-en-Provence
filmsdelta.com/nouv-o-monde

Carlissimo c’est parti

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© A.-M.T.

Top départ pour les Carlissimo, qui sont devenus un rendez-vous attendu des mélomanes marseillais. Nicolas Journot, Directeur Adjoint du Conservatoire s’en félicite : « Les concerts du lundi ont d’abord une visée pédagogique : permettre aux élèves et à leurs parents d’entendre leurs professeurs en tant qu’artistes. Ces derniers se produisent pour la plupart dans toute la France et même à l’international. Il n’était pas concevable qu’ils ne puissent pas se faire entendre chez eux, dans leur propre maison. Ensuite, nous voulions offrir aux marseillais des concerts gratuits afin que tout le monde puisse venir ». 

Le duo entre la harpiste Camille Roux et de la flûtiste Clara David a conquis le public avec un programme éclectique allant du 17e siècle à nos jours. C’est avec les sonorités baroques de Marin Marais que les deux musiciennes ouvrent la soirée, emmenant les spectateurs dans Les Folies d’Espagne, avec son thème et ses nombreuses variations. Elles abordent ensuite La danse lente de Joseph Jongen, compositeur belge de la fin du 19e siècle. L’occasion de découvrir une pièce subtile faisant la part belle aux glissandos féériques de la harpe. Avec la Fantaisie de Camille Saint-Saens, les deux musiciennes offrent un florilège de sensations. Dans la première section, aérienne, la flûte s’envole dans les aigus. Puis harpe et flûte se marient et partent dans une course haletante et endiablée que l’on imagine bucolique. Un dialogue s’installe ensuite entre les deux artistes à la complicité évidente. La flûte commente la harpe répond, dans un badinage virtuose. Bien que défini comme post-romantique, on entend dans cette Fantaisie de Saint-Saëns des constructions qui rappellent le baroque et parfois le Jazz. 

Après le très célèbre Clair de Lune de Debussy les deux artistes nous emmènent en voyage dans l’aube enchantée de Ravi Shankar, le maître du Sitar indien. « il s’agit d’un Raga, explique la flûtiste, c’est-à-dire un morceau lié à une émotion, à un moment du jour. Ici, le lever du soleil ». Et en effet, la montée musicale remplace peu à peu la quiétude. Les oiseaux s’éveillent, la nature frémit, les activités humaines débutent. La harpe, rythmique, indique le temps qui avance tandis que la flûte dessine les courbes de la vie qui s’éveille dans cette aube véritablement enchantée et enchantante.

Anne-Marie Thomazeau

Le concert s’est déroulé le 30 septembre au conservatoire Pierre Barbizet, Marseille

Théâtre-fleuve

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Notre comedie humaine © Christian Raynaud de Lage

L’aventure de la troupe du Nouveau Théâtre Populaire est née à l’été 2009 à Fontaine-Guérin, village de mille habitants situé au cœur du Maine-et-Loire, dans lequel 12 comédien·ne·s construisent un théâtre en plein air et organisent un festival. Quinze ans et une soixantaine de créations plus tard, la troupe est devenue un collectif de 21 membres permanents (artistes, régisseurs, costumières, administratrice) et reçoit plus de 10 000 spectateurs à l’occasion du festival qui a lieu chaque été. En 2020, la troupe décide pour la première fois de monter une trilogie de pièces, jouées ensemble : c’est Molière Le Ciel, la nuit et la fête (qui comprend Le Tartuffe/Dom Juan/Psyché), créée en juillet 2021 au Festival d’Avignon. Une expérience unique, par le format et la continuité du spectacle, qu’ils ont décidé de poursuivre avec la création en août dernier de Notre comédie humaine, d’après Balzac. 

Rêve de gloire

Dans La Comédie humaine, Balzac tentait de capter les pulsations de ses contemporains et de son siècle. La troupe du Nouveau Théâtre Populaire resserre quant à elle la focale autour du personnage de Lucien de Rubempré, alter-ego littéraire de Balzac, qui part d’Angoulême et monte à Paris pour tenter d’y réaliser son rêve : la gloire littéraire. Dans un début du XIXe siècle, qui, pour la troupe, accueille les prémices de « la société atomisée et inégalitaire dans laquelle nous vivons ». 

Une adaptation théâtrale réalisée à partir des deux romans que Balzac consacre à Lucien (Illusions perdues et Splendeurs et misères des courtisanes) composée de trois parties, accueillant chacune quinze interprètes sur scène, allant de l’opérette (Les Belles Illusions de la jeunesse) à la tragédie (Splendeurs et misères), en passant par la comédie (Illusions perdues). Trois spectacles avec intermèdes joués, à découvrir séparément du mercredi 2 au vendredi 4 octobre, ou en intégrale de 7 h le samedi 5.

MARC VOIRY

Notre comédie humaine
Du 2 au 5 octobre
La Criée, Théâtre national de Marseille

Biennale d’Aix : Beyrouth ne meurt jamais

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© CÉLIANE PERES-PAGÈS

Musicien et producteur reconnu de musiques électroniques, Yuksek s’est lancé au défi de la photographie. Beirut ma bet mout, proposée par Biennale 2024 d’Aix-en-Provence, est sa première exposition photo. Il s’explique : « C’est la photo qui m’a poussé à sortir de chez moi. Elle m’a aidé à apprivoiser le monde à une époque où l’extérieur me semblait hostile ». Il nous embarque ainsi dans son voyage en nous offrant ces échantillons figés d’extraits de vies. On y rencontre la ville, abimée, et ses habitants, résilients.

Certains contrastes saisissants nous interpellent, nous émeuvent aussi. Comme ce disquaire qui tourne le dos à l’actualité affichée sur la télévision de sa boutique et dont le cliché côtoie celui du port de Beyrouth en feu. Comme cet ange qui surgit derrière de lourdes grilles, ou cette statue qui se dresse fière et choisit d’avancer, laissant derrière elle un tas de gravats… Autant de témoins d’une ville dévastée par les conflits et pourtant animée par une force vitale, qui semble à la fois discrète et inépuisable.

© CÉLIANE PERES-PAGÈS

En images et en musique

L’instantanéité de chaque image nous invite à imaginer son contexte, mais aussi une suite, et naturellement nous imaginons un scénario au-delà du cadre. Qu’observe cette femme accoudée à la rambarde, qui s’octroie une pause dans l’ascension de cet escalier ? Où se rend cette passante, dont la courbure contraste avec la droiture de sa canne ? Qu’imaginent ces trois femmes qui contemplent l’horizon, face à la mer ? De quoi discutent ces jeunes gens dont les silhouettes réunies se dessinent devant un coucher de soleil ?

Notre réflexion est accompagnée tout au long de la visite par une musique composée spécialement par l’artiste pour cette exposition. Le nom donné à cette exposition Beirut ma bet mout, fait écho au morceau composé par Yuksek en soutien aux habitants, quelques mois après la double exposition du port de la ville en 2020.

CÉLIANE PERES-PAGÈS

Beirut ma bet mout est présentée à la Chapelle des Andrettes (Aix-en-Provence) jusqu’au 12 octobre.

Concert pour sauver des vies

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Concert 2023 © Naïri - SOS Méditerranée

Zébuline. La première édition a été une soirée festive et mémorable…

*François Thomas. Oui, il y avait énormément de monde, et l’événement nous a permis de financer une semaine en mer, et de sauver des vies. Grâce aux Mutuelles de France et à la Solimut, grâce au soutien de la Ville de Marseille, la billetterie est entièrement reversée à SOS Méditerranée. Grâce à Zamdane aussi, qui réunit autour de lui des artistes dont le soutien est essentiel. 

Pourquoi organiser un concert de rap et d’électro ?

Les missions de SOS Méditerranée sont de sauver, protéger et témoigner. Organiser des événements culturels relève du témoignage, destiné à faire comprendre ce qui se passe en Méditerranée, et à éveiller ou raviver la solidarité, dans un discours ambiant qui aujourd’hui n’est pas très favorable. 

Vos événements culturels sont habituellement davantage littéraires, théâtraux, dans des établissements plus feutrés que le Dock des Suds. Pourquoi cette programmation à Marseille ? 

Parce qu’à Marseille le soutien est massif et populaire, et parce que c’est le siège de notre association. Il nous arrive dans d’autres villes d’organiser des concerts de ce type, mais pas à cette échelle. À Marseille, de nombreux bénévoles jeunes sont impliqués dans l’association, et sont très actifs. Nous voulions aussi être présents avec un événement qui les concerne davantage. Il y aura donc les 20 amis de Zamdane de 20 h à minuit, puis le collectif Fissa pour un concert 100 % électro. Cela n’empêche pas ceux qui préfèrent des formes différentes de concerts de faire des dons !

Pourquoi ces dons sont-ils aujourd’hui nécessaires ? 

Pour sauver des vies. Il y a eu depuis 10 ans 30 000 morts dénombrées en Méditerranée, dont 24 000 en Méditerranée centrale. Ce sont les ONG qui font le travail de sauvetage. SOS Méditerranée a sauvé 40 915 personnes en mer depuis sa création, 6 480 en 2024 pour l’instant. Il faut dire ce qui se passe, ces chiffres dénombrent des vies humaines, des morts. Les États ne font pas leur travail. Je suis marin de métier, capitaine retraité de la marine marchande, je sais que nous agissons dans le respect strict du droit maritime. Les États dérogent à leur zone de responsabilité, et manquent à leur devoir de sauvetage. 

C’est-à-dire ? 

Au delà des eaux territoriales, il y a des « zones de responsabilité », officielles, cartographiées, où les États qui en ont la charge ont un devoir de coordination et d’organisation des secours. Quand il y a un homme à la mer, toutes les embarcations doivent converger pour le rechercher et le sauver, et c’est l’État en charge de la zone de responsabilité d’organiser et de coordonner ces secours. Le problème est que depuis 2018 la zone de responsabilité de cette route, au-delà des eaux territoriales, est attribuée à la Libye. L’Europe a accepté que l’Italie s’en dégage. Or les gardes côtes libyens,  non seulement ne répondent pas à nos demandes et ne transmettent pas les appels de détresse, mais ils tirent en l’air quand ils nous voient approcher des embarcations, empêchant les secours.

Et la Libye reçoit des fonds européens pour financer sa responsabilité en mer ? 

Oui, des fonds fiduciaires. L’Europe lui fournit des équipements et des bateaux. Le bateau des garde-côtes libyens qui nous a tiré dessus cet été était italien. Il y a d’ailleurs une enquête de la Cour des comptes européenne au sujet de ces fonds fiduciaires. Avec ces bateaux, ils empêchent le sauvetage et ramènent les réfugiés vers l’enfer libyen.

Pourquoi parler d’enfer ? 

Quel autre mot ? La Libye reste complètement instable. On y pratique un trafic d’êtres humains très lucratif. Les personnes que nous secourons en mer se sont enfuies de leurs centres de rétention, et en sont parfois à leur quatrième ou cinquième tentative. Dans ces centres ils sont rançonnés, torturés, forcés au travail, et les femmes y sont systématiquement violées. Nous avons le devoir de les aider à se soustraire à cet enfer, quand elles parviennent à s’en échapper. Ce n’est pas une question de politique d’immigration, une question de droite ou de gauche. Les chiffres officiels des morts sur cette route sont établis par l’Office Maritime International à partir des corps retrouvés en mer et des disparus répertoriés. Mais quand les embarcations disparaissent sans trace, quand nous retrouvons des embarcations vides, comment comptabiliser ? 

Vous voulez dire que les 30 000 morts en Méditerranée sont sans doute sous estimés ?

Oui, évidemment.

Votre mission de sauvetage s’arrête quand vous avez trouvé un port sûr. Qu’en-est il après ?  Les changements politiques en Italie, en Europe, ont-ils modifié vos sauvetages ? 

Oui. Les pays ont le devoir d’attribuer un port de débarquement pour les rescapés sauvés en mer. Un port sûr. L’Italie obéit à la loi internationale et nous attribue des ports mais quand elle nous fait débarquer à Ancône nous avons 4 jours et demi en mer à l’aller, puis encore 4 jours et demi pour retourner sur site. Pendant ce temps des hommes meurent. 

Mais l’Italie n’est pas la seule responsable, la Croix rouge italienne fait d’ailleurs un travail remarquable quand nous cessons notre mission. Il ne faut pas laisser seuls les pays qui sont en première ligne migratoire, l’Espagne, la Grèce, l’Italie. Ils ne peuvent pas accueillir tous les réfugiés qui débarquent, qui doivent être répartis entre les pays européens. Il y a des lois internationales qui doivent s’appliquer, pour que cette tragédie s’arrête.

ENTRETIEN RÉALISÉ PAR AGNÈS FRESCHEL

Concert en soutien à SOS Méditerranée
5 octobre
Dock des Suds, Marseille

« Les pouvoirs publics sont défaillants »

Audrey Garino, adjointe au maire (PCF) en charge des Affaires sociales et de la Solidarité, explique le soutien de la Ville de Marseille

Zébuline. Pour la deuxième année, vous apportez vote soutien à l’organisation d’un concert de SOS Méditerranée. Quelles en sont les raisons ? 

Audrey Garino. Depuis que nous sommes élus nous apportons un soutien déterminé à cette association qui sauve des vies en place de pouvoirs publics défaillants. Nous avons voté une subvention de 130 000 euros, parce que le soutien des collectivités, face à cette défaillance, est indispensable. Et quand la Solimut et les Mutuelles de France sont venues nous solliciter pour l’organisation de ce concert l’an dernier, nous avons immédiatement suivi. Car notre soutien ne peut se cantonner à une aide financière, il doit être politique.

SOS Méditerranée dit que sauver des gens en mer n’est pas politique… 

Ce n’est pas partisan, cela doit tous nous concerner. Mais en tant que responsables politiques il est de notre devoir de relayer le travail de SOS Méditerranée, de faire entendre sa justesse, son importance. De faire passer son message humanitaire pour qu’il soit entendu de ceux qui, en France et en Europe, refusent d’appliquer le droit maritime et international. 

A.F.

Eau vive 

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© X-DR

Le collectif des Gammares, créé en 2019, qui regroupe associations et habitants (Bureau des guides GR2013 et l’Association pour la Cité des arts de la rue notamment), est né autour de l’envie de prendre soin des ruisseaux oubliés de Marseille. À commencer par celui des Aygalades, appelé aussi Caravelle, qui coule non loin de la Cité des arts de la rue, traversant Marseille de Septèmes-les-Vallons à Arenc. Parmi les premières actions des Gammares (du nom d’une crevette d’eau douce bio-indicatrice de l’état écologique des fleuves et ruisseaux) autour de ce ruisseau, il y a eu la restauration d’une cascade, et la « remontée du ruisseau », de l’embouchure à sa source, embarquant chercheurs scientifiques, habitants et artistes dans une itinérance de deux jours ponctuée de rendez-vous réguliers conjuguant art et environnement. Et La Fête du Ruisseau, dont la quatrième édition va se dérouler les 5 et 6 octobre.

Tous en bleu

La Fête du Ruisseau fait converger pendant deux jours festifs les activités menées tout au long de l’année par les Gammares. Deux jours qui se déclinent en trois temps : le samedi 4, au matin, des ramassages « alchimiques » pour nettoyer le ruisseau (sur inscription), et l’après-midi, à partir de 13 h, rendez-vous aux bassins de chaillans pour une grande parade festive et musicale, où ce sera mieux d’être habillé·e en bleu (départ à 14 h). Et le dimanche 5, à la Cité des arts de la rue, à partir de 10 h, conférence, ateliers, marché de producteur, spectacle et kara-eau-ke, pour les petits et les grands !

MARC VOIRY

La Fête du Ruisseau
4 et 5 octobre
Cité des arts de la rue, divers lieux, Marseille