dimanche 9 novembre 2025
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Nos jours sauvages : Sur la route

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Nos jours sauvages (C) Condor distribution

C’est dans une station-service que se produit pour Chloé une rencontre qui va changer sa vie dans le film de Vasilis Kekatos : un lieu que le cinéaste doit apprécier : le même que dans son court métrage, La distance entre le ciel et nous, Palme d’Or du court métrage à Cannes en 2019. Chloe (lumineuse Daphné Patakia) la vingtaine, quitte la maison, de nuit, après une grave dispute familiale. Elle décide d’aller voir sa sœur à Evros. Elle est prise en voiture par un homme qui ne lui veut pas vraiment du bien. Enfermée dans le véhicule, lors d’une pause, elle est sauvée par Sofia (Eva Samioti) et ses amis qui vivent dans un mobil home.

Elle s’embarque avec eux le long des routes grecques. Ils sont jeunes, font la fête, boivent, dansent. Ils sont libres et au fil des villages traversés, lavent le linge des pauvres dans les machines qu’ils ont installées dans leur camping-car. Chloé apprend peu à peu les rituels de cette tribu qui devient la sienne : faire les loups dans la forêt, subtiliser des objets dans des maisons inhabitées, se baigner nus. Tombée amoureuse de l’un des garçons, Aris (Nikolakis Zegkinoglou) ,elle va vivre un premier chagrin d’amour. Sa sœur, enceinte, qu’elle retrouve à Evros, désapprouve complètement la vie qu’elle s’est choisie.

Un film à la fois joyeux grâce aux images remplies de couleurs, à la chaleur du groupe, à la force de l’amitié, à la musique de Kostis Maraveyas mais aussi plein de la mélancolie d’un road – movie qui va se terminer un jour.

Annie Gava

© Condor distribution

Du nouveau dans le décor

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Meteors (C) Pyramide Films

Un nouveau festival de cinéma à Marseille ? Un de plus ? Pour célébrer le cinéma, certes, mais aussi mettre en lumière le travail de ceux qui le font, en plus des scénaristes, cinéastes et interprètes : les technicien·nes. Et pour cette première édition, ce sont ceux et celles qui font les décors qui sont mis à l’honneur. Ainsi du 8 au 12 octobre à l’Artplexe et aux Variétés, on pourra voir ce travail à travers des films où les décors, « écrin du film », naturels ou construits, sont particulièrement remarquables. Des avant premières, longs et courts métrages accompagnés par leurs équipes, en particulier par les chef·fes déco, qui pourront expliquer au public comment ils travaillent : leurs choix pour créer l’atmosphère du film, les rapports avec les cinéastes, le « destin » des décors le tournage fini….

Des films en compétition

Pendant ce festival, cinq longs métrages sont en compétition. Le 8 octobre aux Variétés, on verra L’Engloutie, le premier long de Louise Hémon, qui sera présente avec sa cheffe déco Anna Le Mouel. Un film où l’on suit une jeune institutrice envoyée dans une vallée isolée des Hautes-Alpes à la fin du XIXe siècle. 

Le lendemain, à 19 h, ce sera Des Preuves d’amour d’Alice Douard dont Anne-Sophie Delseries a conçu les décors : un joli film sur la co-maternité, l’amour et la filiation.

Le 11 ce sera le deuxième film de Romane Bohringer, Dites-lui que je l’aime, adapté du livre autobiographique de Clémentine Autain : un récit de son enfance auprès de sa mère, l’actrice Dominique Laffin, décédée prématurément. C’est sa cheffe déco, Rozenn Le Gloahec qui parlera avec le public. Le 12 à l’Artplexe, Chloé Cambournac viendra présenter le deuxième long de David Roux, La Femme de, un thriller domestique, un film d’émancipation féministe.

Il y aura aussi deux programmes de courts métrages en compétition les 11 et 12 octobre. Avec sur la toile Big boys don’t cry d’Arnaud Delmarle, tourné à Saint-Chamas, ou L’Enfant à la peau blanche de Simon Panay, où l’on voit un enfant atteint d’albinisme, confié par son père à un groupe de chercheurs d’or, cristalliser tous les espoirs.

Une carte blanche est donnée à l’A.R.T.S. (Association régionale des techniciens du Sud-Est) qui présentera le premier long métrage de Léa Fehner, Qu’un seul tienne et les autres suivront  (2009), une cinéaste dont on avait apprécié le dernier film, Sages femmes [lire sur journalzebuline.fr].

ANNIE GAVA

Canebière film festival
Du 8 au 12 octobre
Cinémas Artplexe et Variétés

actoral : Queer et splendide

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Analphabet, Alberto Cortes © Alejandra Amere

Cela commence dans le noir par un solo de violon virtuose de Luz Prado (mais comment peut-elle démancher si précisément sans lumière ?) qui prend violemment aux tripes et au cœur. Puis la lumière est, et Alberto Cortés apparaît dans la lumière sculptée, comme un bijou aux bras effilés. Il est la grâce dans les feuillages, un Pan qui aurait oublié d’être difforme et serait aussi un Adonis. Il convoque deux amants sur une plage, évoque une domination et une maltraitance, un désir qui brûle, une douleur. Et convoque un spectre, Analphabet, qui a choisi ce nom « parce qu’il commence par anal ». Il s’adresse au public, descend de son piédestal feuillu et se lance dans une performance poétique dont le sens, obscur, éclaire pourtant comme une flamme. Les régisseurs sont des hommes nus qui déplacent lentement les feuillages. Il demande au public de mettre la main sur le cœur en signe d’empathie. Sa beauté, sa douleur, sont évidentes, et Analphabet bouleversant.

AGNES FRESCHEL

Analphabet a été joué les 24 et 25 septembre au Ballet de Marseille dans le cadre du festival actoral

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Hymne au grand-père

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Ce petit bijou littéraire d’une tendresse bouleversante est l’hommage vibrant de l’autrice à son grand-père Mâma Kôrmâma. Humble, sage, lettré, ce grand-père philosophe et son épouse vont élever Fatou sur une île du Saloum (Sénégal).

Le livre débute lorsque la maman de l’autrice décède. Cette génitrice, « tombée » enceinte très jeune, la petite fille la considère plus comme une grande sœur que comme une mère. Quant à son père, il s’est envolé à sa naissance. Retournée au village pour les obsèques, la jeune adulte pressent qu’il s’agit aussi de son dernier séjour auprès de son grand père vieillissant. 

Dans ce roman, Fatou Diome déroule son enfance, son adolescence et sa vie d’adulte, guidée par la présence de ce grand-père qui même au loin, veille constamment sur son bonheur. Elle évoque avec une ferveur pudique les après-midis d’apprentissage, les leçons de patience transmises au fil des jours par ce Mâma extraordinaire. Ancien pêcheur de métier, le « capitaine » s’est toujours tenu droit avec bienveillance au côté de son « petit matelot », lui apprenant à ramer encore et toujours même dans les plus grandes tempêtes de la vie.

Rôdeuse des ombres

« Tant que nous aimons, aucune nuit ne sera noire », cette phrase résonne comme le fil conducteur de l’ouvrage qui est aussi une exploration des ponts entre Afrique et Europe. La France est là, incarnée par la ville de Strasbourg où Fatou a fait sa vie, au départ pour suivre un mari blanc, puis en devenant professeure et écrivaine, confrontée aux douleurs de l’exil, à deux temporalités, à deux territoires dans lesquelles elle est devenue ou reste une étrangère. 

« Où que je sois, où que le soleil m’éclaire le pas, où que la lune veille mon écriture, mes deux terres s’accolent, s’ajustent sur la même page »confie-t-elle avec poésie dans ce récit qui reste fondamentalement sénégalais dans son âme, ancré dans la terre du Saloum, entre océan et palétuviers, là où les ancêtres, ces « Veilleurs » fauchés par la « Rôdeuse des ombres » parlent encore par les voix du vent et guident les vivants. 

Ce roman n’est pas linéaire : il ondule comme une pirogue suivant les courants, dans des allers retours constants, comme les flux et reflux des vagues, « en dehors des voyages d’agrément, peut-on voyager sans déchirure à l’âme ? Émigrés, immigrés, nous voyageons avec nos points de suture ». 

La langue riche, imagée, chantante, traversée de proverbes, d’images solaires, de formules héritées du conte, puise aux ancêtres, et aux sources de la lagune sénégalaise. Au-delà d’une narration autobiographique, l’œuvre est un chant d’amour transgénérationnel et un manifeste d’espoir contre les ténèbres du deuil. C’est une expérience sensible, presque spirituelle du sens que l’on peut donner à la perte d’un être cher. Par sa beauté formelle, sa profondeur humaine, sa puissance consolatrice, le livre de Fatou Diome s’impose.

ANNE-MARIE THOMAZEAU

Aucune nuit ne sera noire, de Fatou Diome 
Albin Michel - 21,90€
Paru le 20 août

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Occitanie : Le Jazz est zazou

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Dee Dee Bridgewater © Kimberly M Wang

Débuté le 12 septembre, le Nîmes Métropole Jazz Festival se poursuit jusqu’au 18 octobre dans divers lieux à Nîmes – de La Calmette à Cabrières en passant par le Paloma ou encore le théâtre Bernadette Lafont. Figurant parmi les festivals de jazz les plus accessibles, il mène à la rencontre d’artistes internationaux et de renom, jusqu’aux stars montantes de la scène jazz et les groupes locaux. 

À l’affiche

Après le coup d’envoi funk de la soirée d’ouverture, puis le passage de Thomas Pourquery, le 27, c’est au tour de Pink Turtle, sept musiciens qui transforment les tubes pop, en version jazz. Par la suite, la légendaire Dee Dee Bridgewater investit La Calmette le 2 octobre. En première partie Oya, quintet lauréat du prix de jury lors du Tremplin Jazz70 de 2024. Les jours qui suivent, le festival accueille le contrebassiste français, Henri Texier ainsi que la chanteuse et trompettiste canadienne Bria Skonberg avec What it means, un album à la Nouvelle Orléans. 

Afrique et Orient

Côté scène locale, le 11, c’est le duo Cam&Leo, composé de la harpiste, Camille Heim et du batteur, Léo Danais qui fusionne rythmes afro-caribéens et rock progressif. Ils seront suivis dans la soirée par Salif Keïta – chanteur légendaire, connu comme la « voix d’or de l’Afrique ». La musique traditionnelle est l’influence de l’orient seront aux rendez-vous avec Fatum Fatras qui allient au répertoire turc, grec, roumain et kurde le groove rock et funk des années 70 et 80. Quelques jours plus tard, le festival accueille le trio d’Alfredo Rodriguez – pianiste cubain virtuose de renom. Le soir de clôture (18) voit une belle programmation avec en première partie le groupe qui a remporté le prix du public du Tremplin 2024 : Vowski. Leurs compositions immergent le public dans une musique riche et texturée qui puise dans des univers visuels urbains et contemporaines. Et pour finir, venus du Chicago, une fanfare avec du punch – le Hypnotic Brass Ensemble qui fait jazzer avec du funk des années 60 et 70, jusqu’au soul en passant par le rock ou le hip hop. 

LAVINIA SCOTT

Nîmes Métropole Jazz Festival
Jusqu’au 18 octobre
Divers lieux, Nîmes 
Le OFF
Côté OFF, c’est l’association Jazz70, partenaire depuis les débuts, qui gère la programmation : concerts, stage de jazz, une soirée Jazz & Ciné au Sémaphore, une conférence sur les origines du jazz, et un pont-échange jazz avec des musiciens venus de Chicago et de la France pour le The Bridge #2.

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Respiration commune

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© Marseille Concerts

C’est à une exploration généreuse et subtile du répertoire clarinette-piano que David Kadouch et Pierre Génisson nous ont conviés ce 20 septembre. Du romantisme allemand le plus irréductible à ses déclinaisons françaises, le duo convoque des couleurs et des esthétiques voisines, portées par une entente et une musicalité tangibles.

Si l’on pourra regretter l’absence de De Falla au programme, au profit de Poulenc, force est de constater que le programme se révèle peut-être plus cohérent ainsi. Dans les pièces de fantaisie de Schumann, la clarinette de Pierre Génisson demeure souple, précise et chantante ; elle laisse toute la place au piano de David Kadouch pour déployer sa précision et la clarté de ses lignes. Le jeu reste lumineux, sans surcharge expressive. Le choix d’un tempo vif et d’un phrasé limpide donne à l’ensemble un caractère presque chambriste, loin des visions tourmentées ou de la dualité d’humeurs que d’autres interprétations ont davantage soulignées. Sur Brahms, c’est encore le goût de la clarté qui prime. Les attaques sont nettes, les silences bien posés, les respirations communes : une lecture droite, presque beethovénienne qui secoue quelque peu les murs rigides de la Salle La Major.

Mélancolies françaises

Au retour de l’entracte, on est toujours en terrain romantique, mais de l’autre côté du Rhin. La sonate de Camille Saint Saëns est ici d’une densité et d’une tension remarquables. Le Lento terrasse l’auditoire par sa gravité et sa profondeur, avant que la légèreté et la virtuosité du dernier mouvement ne nous ramènent à la surface. La sonate de Poulenc conclut en beauté le concert : composée peu avant sa mort, et destinée alors à Leonard Bernstein et Benny Goodman, la pièce surprend par l’originalité de sa structure et les joyeux dérèglements de son langage. Pas d’ironie soulignée ni de rupture exagérée dans cette interprétation fidèle et délicate : les traits jazzés sont habilement suggérés, les couleurs mouvantes soigneusement dessinées. Le bis, la très belle berceuse Wiegala d’Ilse Weber – chant d’exil, chant d’adieu composé à Theresienstadt – s’impose sans mot, juste par la retenue.

 D’une génération à l’autre

Dimanche 28 septembre à 11h, au Foyer Ernest Reyer de l’Opéra de Marseille, Marseille Concerts accueillera Ryan Wang. Âgé de 17 ans, le pianiste canadien s’apprête à participer au Concours Chopin de Varsovie, où il compte parmi les favoris. À Marseille, il présentera un programme chopinien ambitieux : les 24 Préludes op. 28 et les Variations « Là ci darem la mano » op. 2, hommage du pianiste monomaniaque à Mozart et sa monumentale œuvre opératique (voir notre compte-rendu de ce récital à La Vague Classique ici)

SUZANNE CANESSA

Le concert a eu lieu le 20 septembre dans la Salle La Major du Palais du Pharo dans le cadre de la saison de Marseille concerts 

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Le début du maintenant

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© Francois Passerini

Le plateau est une terre mouvante, qui modèle les êtres comme les identités. Des pans de décors s’effondrent, des ruines surgissent, la mer s’invite, puis le volcan gronde. La compagnie Baro d’evel nous entraîne dans un chaos poétique, créé à Avignon en 2024 et présenté au Grand Théâtre de Provence. Deux heures quinze de voyage, où l’on rit, où l’on tremble, où l’on se reconnaît – parfois aussi où l’on se perd.

Ils sont douze en scène, danseurs, musiciens, acrobates, comédiens. Les frontières s’effacent, les disciplines se mêlent. Un chant surgit, un corps tombe, une percussion éclate. La voix de Camille Decourtye sert de fil rouge ironique, narratif et même opératique au récit : et c’est bien dans sa belle énergie clownesque, capable d’incarner tout à la fois le sérieux du propos et la légèreté de la forme, que le spectacle trouve sa raison d’être et son identité. Car ici tout vacille, mais rien ne s’écroule vraiment : au cœur de cette matière instable, une humanité persiste, fragile et obstinée, incarnée un peu naïvement par le passage d’un enfant ou d’un petit canidé.

Montagne au pied d’argile

Baro d’evel poursuit la recherche amorcée dans Falaise, mais va plus loin : un théâtre se rêvant total, traversé par les arts visuels, le souffle de la musique et le burlesque d’une chorégraphie simple mais incarnée. Le travail sur la céramique mouvante de Sébastien de Groot s’impose comme une belle idée de cette tâche sur l’identité et du masque : il ne trouve cependant peut-être pas l’ampleur nécessaire pour renouveler le genre ou pousser plus loin la réflexion.

On admire l’ampleur du geste, tout en regrettant que certaines respirations manquent.

« Qui sommes-nous ? » demandent-ils. La réponse n’est pas donnée, mais éprouvée. Nous sommes ces corps qui fusionnent, s’opposent, tombent et se relèvent. Nous sommes ces voix qui s’élancent et chantent au milieu du fracas. Nous sommes cette communauté éphémère qui se rassemble face à la cruauté du monde. Et qui fait de ses errements et tâtonnements une force.

Dans la salle, les rires éclatent, les applaudissements se multiplient. La beauté naît de la collision, de la rugosité, de l’imprévu. Et l’on sort un peu étourdi par un beau final scandé avec entrain, en appelant à saisir « le début du maintenant ». Le spectacle se conclut ainsi joyeusement, sur une fanfare infinie à la sortie du Grand Théâtre. Ravi et rasséréné, le public nombreux tente quelques pas de danse sur le parvis, encore galvanisé par une expérience commune : celle d’avoir été, ensemble, au bord du gouffre, et d’y avoir malgré tout choisi la danse.

SUZANNE CANESSA

Qui Som ? a été joué du 25 au 27 septembre au Grand Théâtre de Provence

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Christian Brazier entrouve son Autre Ciel 

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La pochette

« J’ai voulu ce disque nostalgique, suite au décès de mon ami Alain Paparone, juste avant la crise du Covid. J’avais utilisé ses toiles pour mes précédents albums. J’ai donc pris Autre Ciel en photo pour réaliser la pochette du disque. J’aime beaucoup la peinture en général : je me sens bien dans les musées et je trouve qu’on devrait y jouer plus souvent. On parle de couleurs, d’ambiances et de formes en peinture, et il en va de même en musique. »

Un enregistrement collectif

« Le premier morceau, Sur le papier, est parti d’une ligne de basse : je n’ai pas d’abord pensé harmonie. J’ai dit au saxophoniste (Gérard Murphy) de jouer librement car il est primordial pour moi que chacun garde sa liberté. Il a quelque chose de ces grands musiciens qui restent eux-mêmes en apportant quelque chose. Quant à Perrine Mansuy, au piano, elle a fini par proposer des accords coltraniens : c’est le troisième disque qu’on fait ensemble et l’aventure ne lui fait pas peur, jusque dans les formes libres. Bien souvent je compose à l’ordinateur, plus qu’au piano, que je ne connais pas vraiment même si je sais plaquer quelques accords : cela me permet de proposer des choses un peu complexes, des mélodies qui ne sont pas vraiment jouables ! Avec Gildas Etevenard, le batteur, on a beaucoup travaillé ensemble quand on tournait avec le saxophoniste Akosh Szelevény. Ce que j’aime bien chez les batteurs, c’est leur diversité, l’ouverture vers d’autres musiques que le jazz. Quand on est bassiste, il y a une très forte dimension humaine avec un batteur. Il faut éviter de parler. La batterie, c’est un instrument avec lequel il me semble difficile de dialoguer. »

Poétique, politique, organique

« Le choix des titres des morceaux relève souvent pour moi du jeu de mots : ils ne doivent pas être fermés mais poétiques, de façon à ce que chacun·e puisse se projeter dans la musique. Mesures populaires, par exemple, c’est une référence aussi bien à la musique mais aussi un peu à la politique. J’avais 16 ans en 1968. Je faisais alors des études à l’école de la marine marchande. Jeune hippie, je jouais un peu de guitare. J’ai entendu Barre Phillips et je suis entré en jazz par le free jazz avec son côté politique. Je me suis mis à la contrebasse, tout en m’inscrivant au conservatoire de Marseille, dans la classe de Guy Longnon, dans laquelle on devait composer. J’ai un esprit un peu mathématique : l’harmonie, quelque part, c’est de la physique, comme la vibration de la corde de contrebasse au-delà de l’aspect poétique que je recherche d’ailleurs principalement. Je travaille beaucoup à l’oreille et je recherche d’abord l’intériorité : j’ai un rapport très organique à la musique. »

ENTRETIEN RÉALISÉ PAR LAURENT DUSSUTOUR 

Autre Ciel, de Christian Brazier
Avec Perrine Mansuy, Gérard Murphy et Gildas Etevenard
Label : L’Improviste

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Trump, Jamel et les communistes

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Comme chaque semaine, je planche sur mon édito, en retard. Quelque chose autour de Sarkozy, Fillon, la droite et les honnêtes hommes. Et femmes, qui ne sont pas en reste. La malhonnêteté n’est pas l’apanage de la droite, mais elle décroche souvent le pompon, et l’assortit d’intransigeance et de raideur quand il est question des exactions ou des petits arrangements des autres. Pourquoi tant de mauvaise foi ?

Suzanne Canessa tente une explication :

J’ai lu une étude qui m’a foutu le cafard. C’est officiel : les gens de gauche sont plus malheureux que les gens de droite.

Philippe Perotti : Pas étonnant. Hier soir, la conférence de presse de Trump avec Netanyahou…

Chloé Macaire. : rien que le concept, une conférence de presse avec un criminel de guerre, pourquoi pas avec Kadhafi…

Philippe : mais là Trump il est vraiment sénile !

Nicolas Santucci : Même en photo on sent qu’il a mauvaise haleine.

Suzanne. : Philippe, ça fait huit fois depuis ce matin, tu ramènes tout à Trump, on sait qu’il n’aime pas la moquette et les sanitaires de l’Onu…

Philippe : Non mais là il était tellement ravi de lui-même. « L’argent fait bien les choses », « je travaille avec des États très riches qui font des choses très très bien, avec de l’argent on fait toujours les choses très très bien », il levait les pouces, trouvait tout great great great amazing »… Même ses traducteurs étaient gênés. À ce stade, il ne raconte plus rien.

Suzanne : Peut être que ça le rend heureux, d’avoir juste quatre mots de vocabulaire.

Chloé : Oui c’est sûr, on le sait que les gens de gauche sont tristes. Et que les gens de droite sont plus heureux parce qu’ils sont assortis au système.

Nicolas  : Ils ne doutent de rien, c’est facile : zéro remise en question, zéro empathie.

Chloé : Oui mais si tu vas vers l’extrême droite, c’est que tu dois être malheureux. Vivre en ayant peur de l’invasion, c’est l’angoisse au quotidien.

Moi : C’est une belle théorie : la droite vire à l’extrême droite parce qu’elle est angoissée, on devrait peut être proposer des anxiolytiques de masse aux adhérents LR si on veut arrêter l’hémorragie. Ou l’adhésion au parti communiste ? 

Marc : Pas sûr que ce soit plus simple. Jamel Debbouze disait qu’il devait tout aux communistes, que dans son quartier sans eux il n’aurait jamais fait de théâtre. Qu’il avait sincèrement essayé d’en être, mais que c’était trop dur !

Suzanne : Tout le monde n’a pas eu la chance d’avoir des parents communistes.

Moi : D’ailleurs qui a des parents communistes à part Suzanne et moi ?

Philippe : Moi. Je sais pas si je suis plus heureux. D’ailleurs je vois un psy pour supporter tous ceux qui n’en voient pas. 

Marc : T’as écrit quoi là Chloé, que la guillotine est en accès libre au mucem ?

Chloé : L’exposition, pas la guillotine !

Marc : C’est pas clair.

Moi : Ça fait un peu appel au meurtre quand même.

Chloé : Fais une parenthèse.

Nicolas : Bon, les appels à la violence fusent dans la rédaction, mais c’est de l’amour.  

Moi : Même pour Trump, on n’est pas pour un accès libre à la guillotine. Laissez moi écrire mon édito.

Suzanne : Tu veux un verbatim de la conversation ? 

La rédaction


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Nos racines et nos héritages

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Clyde Chabot sous son ombrelle bleue © C.B.

Clyde Chabot excelle dans l’art d’utiliser son quotidien pour créer des spectacles qui évoquent des mémoires communes. En 2022, elle avait réalisé Papiers volés qui racontait le vol de son portefeuille à Marseille. Auparavant en 2011, elle avait écrit le texte Sicilia qui retrace le parcours de sa famille partie de Sicile pour s’exiler, cherchant à reconstruire ce passé en rassemblant des bribes de mémoire. À la fin du XIe siècle, une partie de sa famille était partie pour la Tunisie, l’autre pour Chicago.
Qu’ont-ils laissé ? Qu’ont-ils emporté ? Qu’ont transmis ou pas les anciens à leurs descendants ? Comment se construire sans avoir accès à ses origines ? Questions que soulève Clyde Chabot en évoquant son arrière-grand-père, ses grands-parents et la langue italienne qu’on ne lui a jamais apprise. Deuxième migration : sa famille migre en France dans les années cinquante. Clyde ne connaîtra que très tard le nom de sa lignée qu’on prononce à la française, car il faut se fondre dans la masse et gommer les différences dans une France plutôt raciste envers ceux qu’on appelait les « macaronis » à Marseille.

Partage des échos du passé

C’est seulement en 2010 qu’elle fera avec une amie et sa propre fille un voyage en Sicile à la recherche de traces. Elle fait beaucoup de photos, imagine sa famille de paysans dans une vieille maison, rêve dans Palerme et Syracuse, effectuant un vrai travail d’archéologie familiale. À son retour, elle écrit très vite, et décide de porter elle-même son texte à la scène, en installant les spectateurs autour d’une grande table nappée de blanc, comme pour un repas familial. Et raconte son histoire, faisant passer ses photos de main en main, montrant les deux bagues qu’elle ne quitte pas, données par sa grand-mère et sa mère. Puis évoque les traditions culinaires transmises en distribuant du Pecorino Pepato, traditionnel fromage sicilien, accompagné de vin rouge… Quand elle dévoile les outils de la bonne épouse : un aspirateur, un mixeur et un drap de lin avec son monogramme brodé, héritage de sa grand-mère, c’est l’injonction de celle-ci pour le mariage en blanc qu’elle évoque. L’intime nous mène à l’universel, le public s’y est retrouvé.

CHRIS BOURGUE

Sicilia - La communauté inavouable a été joué le 20 septembre aux Archives Municoipales de Marseille

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