mardi 1 juillet 2025
No menu items!
Accueil Blog Page 19

Carlissimo 

0
carlissimo
Sebastien Boin © Bruno Vacherand Denand

Toute l’année, le Conservatoire Pierre-Barbizet de Marseille propose ses Carlissimo, des rendez-vous du lundi qui invitent le public à découvrir des concerts donnés par les artistes-enseignants de l’institution. Ce 19 mai, c’est Sébastien Boin (de l’ensemble C Barré) à la direction, qui réunit du monde autour de Louange pour 11 instruments et électronique.

Une œuvre composée pour 11 instruments donc, et qui réunit sur scène autant de musicien·ne·s, parmi lesquels Anne Périssé (soprano), Léa Dussarat (basson) ou Mathieu Honoré (tuba basse). Ils interprèteront cette pièce écrite par Luc Gergonne, professeur au Conservatoire également. 

NICOLAS SANTUCCI

19 mai
Conservatoire Pierre Barbizet, Marseille 

Les Apprentis journalistes : Rencontre avec la jeune génération du flamenco 

0
Léa Delsol et Yacin Daoudi et les élèves du lycée L’Olivier © X-DR

Comment avez-vous préparé votre spectacle présenté au cinéma de l’Alhambra le 29 mars dernier ?

Yacin Daoudi. Le flamenco traditionnel émane de notre vie au quotidien. C’est une philosophie de vie. C’est un art plein de codes de communication entre nous. Sans se voir en amont, on est capable de faire d’abord un échange et de créer quelque chose sur l’instant T. C’est le but même du flamenco traditionnel. Il y a beaucoup d’écoute et d’échange sur scène, de communication. On se regarde tout le temps pour être raccord. Mais ce n’est jamais au millimètre, il y a une grande part de spontanéité.

Qu’avez-vous dû apprendre afin de pouvoir vous lancer dans une carrière de danseuse·eur professionnel·le ?

Y.D. Comme dans toutes les danses, il y a beaucoup la question du rythme. Le flamenco est un registre musical, un style extrêmement riche au niveau rythmique. Il y a une hiérarchie : la guitare, quand elle est seule, peut faire ce qu’elle veut. Une fois le chant arrivé, la guitare doit se mettre à son service. Et une fois qu’il y a la danse, la guitare et le chant se mettent à son service. Nous, les danseurs, on peut avoir cette facilité de pouvoir danser et qu’ils nous suivent, mais on a l’obligation de dominer complètement le chant et la guitare. 

Comment arrivez-vous à développer un style de danse personnel tout en respectant la tradition ?

Y.D. La tradition, c’est un peu comme la fondation d’une maison. C’est un cadre dans lequel on peut bouger comme on veut, mais on ne peut pas le dominer. Pour trouver sa personnalité, il faut savoir d’où l’on vient et vers où on veut aller. 

Léa Delsol. Il y a un bagage culturel très fort et il peut être difficile dans l’apprentissage de se sentir légitime tout en respectant la tradition. Il y a cette notion de respect dans le flamenco, comme si c’était un temple. 

Lorsque vous dansez le flamenco, quelles émotions vous ressentez ?

L.D. Je pense que c’est un peu un cliché de dire que le flamenco, c’est triste, c’est dur.  Ça vient des tripes, donc ça peut être joyeux ou solennel. Pour moi, c’est plus de l’intensité que de la tristesse. Le flamenco, c’est un peu cette personne qu’on a tous dans notre entourage, qui est très franche. Alors, on trouve ça un peu dur. 

Y a-t-il des aspects du flamenco qui ne sont pas connus du grand public, des problématiques propres à cette culture ?

L.D. Parfois, certaines personnes ne se rendent pas compte à quel point le flamenco est vraiment une philosophie de vie. Dans certaines régions d’Espagne, notamment en Andalousie, c’est vraiment une manière de vivre. C’est quelque chose qui fait partie de notre quotidien. 

Quels conseils donneriez-vous aux jeunes artistes qui souhaitent se lancer dans une carrière professionnelle dans le flamenco ?

Y.D. Il faut aller en Espagne.C’est la racine.Il faut étudier,écouter beaucoup de chants,aller voir des fiestas…Mais surtout se lever le matin, et aller manger la tostada au bar, croiser le petit vieux qui chante. Tout est sujet à transmettre, à chanter un truc. Ça, ça ne s’apprend pas par YouTube. 

Entretien imaginé par la classe de 1ère option HGGSP au Lycée L’Olivier, menée par Anna, Anaïs, Astrid, Élodie, Élias, Manuela, Mathilde et Romane, et retranscrit par Lucie Ponthieux Bertram.

AVIFF : les artistes dans la toile

0
aviff
Visitation : A Cosmogram in Four Movements de Ruth Marianne Owens © XD-R

Des formes, des couleurs, des bruits créés par des « artistes exalté·e·s, décalé·e·s, féru·e·s et féroces », voilà ce que propose le festival Aviff, avec sa sélection de films où danse, musique, dessin et peinture, font cinéma. À découvrir les 7 et 8 mai au cinéma Artplexe (Marseille).

En ouverture le 7 mai, le festival jette un coup d’œil dans le rétroviseur : aperçu de ses 15 ans d’existence et projection du film Les Diaboliques Remix d’Hugues Sanchez primé en 2018. Le réalisateur-compositeur qui proposera pour l’occasion une performance musicale live, se réapproprie le chef d’œuvre de Clouzot, par le re-montage des scènes et la création originale d’une bande-son qui fouille l’inconscient de ce film-culte.  

Le 8 mai, les projections – la plupart en présence des réalisateurs·rices –, s’organiseront à partir de 14h30, en trois séances d’une durée de 2 à 3 heures. En tout, 18 films de 3 à 71 minutes : Fictions, animations, documentaires, expérimentaux ou pas, coups d’essai et/ou de maîtres.

L’occasion de (re)découvrir Giant’s Kettle, la « tragi-comédie épique du quotidien » sans dialogues des cinéastes finlandais Markku Hakala et Mari Käki,qui mettent en scène un couple essayant de renouer une relation dans un monde vide de sens et de mystère.

Parcours sensible

La mise en connexion, en vibration de soi au monde, de soi aux autres, de soi à soi, sera un des fils conducteurs de la journée. Une jeune femme qui communique avec son frère mort (Welcome to the Skyline de Oona Olivia O’Hagan). Une autre qui interroge son rapport à son père pêcheur et son intimité avec la mer (A Sea Inside de Job Gabarró Benaiges). Une mère de famille, qui laisse derrière elle, fils et mari, et rencontre une jeune musicienne (The Wind will carry her de Renaud Gélinas). Ou un dessinateur iranien qui se souvient de sa rencontre, enfant, avec une vieille femme japonaise dans un cimetière de Tokyo (The Old young crow de Liam LoPinto).

Le rapport sensible au temps et aux éléments sera également un thème important. Dans The Disappearance of Time, Andrea Hackl chorégraphie le cycle de la vie. Dans Visitation : A Cosmogram in Four Movements, Ruth Marianne Owens déploie un poème visuel sur les  eaux de vie et de mort.

Richesse des correspondances et des synesthésies à l’œuvre dans toutes les propositions artistiques de ce parcours de découvertes à faire intégralement ou en partie. La cérémonie de remise des prix se fera à 22 h suivi d’un after sur la Canebière dans l’établissement voisin Le Plan de A à Z.

ÉLISE PADOVANI

Aviff
Les 7 et 8 mai
Artplexe, Marseille

Derrière le ballon

0
© The Jokers

Des enfants jouent au foot. Le ballon est envoyé vers une luxueuse voiture aux vitres teintées. Dans le véhicule, on parle transfert, signature, contrat et argent. La première séquence du film de Camille Perton pose clairement les enjeux : le football, l’argent, la loyauté, la trahison.

C’est l’anniversaire de Brahim (Iliès Kadri), le fils ainé de la famille Cherki qui le lui fête dans la joie. Il a 18 ans, il est avant-centre, il a été repéré au centre de formation de Lyon : c’est le moment de signer son premier contrat professionnel, ce dont s’occupe activement son manager et cousin Mehdi (Sofian Khammes) qui le suit depuis quatre ans.

Les clubs pratiquent le trading, achetant les premiers contrats avec primes démesurées à la signature. C’est dans les coulisses de ces tractations attirant des intermédiaires aux statuts plus ou moins flous, parfois prêts à tout, que nous plonge la cinéaste. Elle a passé trois mois dans un centre de formation, y a rencontré de jeunes joueurs, mis en concurrence, y résistant ou pas.

Une attraction vénéneuse

Brahim, taiseux, visage où se lit tour à tour l’espoir, la déception, se pose beaucoup de questions. Il va peu à peu comprendre les enjeux de ce monde et prendre son destin en main. Son club lui préfère un autre joueur, soutenu par un intermédiaire colombien, Francis (Edgar Ramirez), un personnage trouble, qui rêve de mettre la main sur Brahim et de devenir son manager, supplantant Mehdi.

Invitations dans des endroits luxueux, conversations sur son yacht… Il exerce sur lui une attraction vénéneuse. Brahim résistera-t-il aux sirènes de l’argent, lui qui rêve de pouvoir construire pour sa famille une somptueuse maison sur un terrain qui n’est pas constructible. À moins que…

C’est le chemin plein de risques de ce jeune footballer que propose Camille Berton, entre rêves, désir et sordide réalité du fric. Un film aux plans lumineux d’abord, qui s’assombrit peu à peu : une ambiance de film noir, comme le piège qui se referme peu à peu sur le jeune joueur. Un beau travail du directeur de la photo Martin Roux.

Ne filmant jamais les matchs même si, dit-elle, le jeu est magnifique : « la messe des temps modernes » selon Pasolini, un auteur qu’elle aime par-dessus tout, la cinéaste plonge au fond des arènes cachées dont on n’entend parler qu’en certaines occasions… à découvrir, même si l’on n’aime pas spécialement le football.

ANNIE GAVA

Les Arènes, de Camille Perton
En salles le 7 mai

« Les Enfants rouges » : le sang des innocents

0

Le film est dédié à Mabrouk, un jeune berger égorgé par des terroristes. Le réalisateur choisit dans la fiction qu’il en tire, de raconter les faits du point de vue d’un adolescent, témoin du crime, et de plonger dans le traumatisme provoqué par l’abjection de cet infanticide.

L’action se déroule dans les montagnes du Djebel Mghila en Tunisie. Un beau paysage, âpre, nu, saisi en plans larges, récurrents. L’horizontalité poudreuse des plateaux. Quelques maisons pauvres serrées dans ce no man’s land. À l’horizon, la ligne des montagnes.

Nizar, 16 ans, accompagné de son cousin Achraf, 14 ans, mène ses chèvres paître là-haut, hors du périmètre autorisé. Malgré les mines et le danger des groupes armés, cachés dans cette zone qui offre eau et nourriture à ses bêtes. Les deux jeunes garçons jouent, s’ébattent, parlent de Ramzha la fille dont ils sont amoureux – et qui contrairement à eux continue à aller à l’école. Une attaque brutale met fin à ce bonheur insouciant.

Les djihadistes décapitent Nizar et chargent Achraf de rapporter sa tête à sa mère. Dès lors la famille réunie n’aura de cesse que de retrouver le corps pour enterrer leur fils, frère, neveu, cousin convenablement. Nizar hantera Achraf : rêves, souvenirs et réalité se mêleront dans son esprit et à l’image.

Dans l’ombre du soleil

Le réalisateur se tient en équilibre entre beauté et horreur, naturalisme et onirisme. Les plans dépouillés, soigneusement composés nous enferment dans le douar. On suit le sweat rouge d’Achraf, en tache sanglante. Le tumulte de ses sentiments se vit par empathie. Le côté solaire du film accentue par contraste son tragique mais exprime également la force de la vie, de la résilience et de la joie. « Je ne suis pas triste, dit Ramzha à Achraf, il y a déjà trop de tristesse ici ». 

Les assassins du jihad et les représentants des autorités qui abandonnent ces éleveurs vulnérables sont désignés par les pronoms « ils, eux » et restent hors champ. Les pauvres gens n’intéressent pas du tout les politiques et les journalistes n’en parlent que pour le scoop sordide. L’hommage sobre et fort de Lofti Achour n’en est que plus nécessaire.

ÉLISE PADOVANI

Les Enfants rouges, de Lofti Achour

En salles le 7 mai

« L’Effacement », jeux de miroirs

0

C’est l’histoire d’un jeune homme doux qui devient un enragé. D’un fils soumis à l’autorité d’un père, membre la nomenklatura algérienne, et qui ne trouve pas sa place dans la société contemporaine. En somme, l’histoire personnelle et politique d’une frustration mortifère.

Reda Belamri (Sammy Léchea) est un jeune bourgeois. Il vit dans une maison algéroise cossue. Contrairement à son frère Fayçal (Idir Chender) rebelle affirmé qui choisit de partir en France, Reda accepte tout de son père Youcef  (Hamid Amidroche) : les corvées, les vexations, le mépris, la fiancée qu’il lui a choisie. Il accepte même d’être instrumentalisé, quand en perte d’influence, ce père népotique, ex-combattant de la guerre de libération du pays, l’oblige à intégrer la Sonapeg, grande société nationale d’hydrocarbures dont il est le directeur, pour espionner ses « ennemis ».

Afin d’être validé à ce poste, Reda doit faire un service militaire auquel, on le comprend, il avait échappé grâce aux relations paternelles. Envoyé à la frontière algéro-tunisienne, lui, le fils d’une « huile » du système est confronté à la violence de recrues issues de classes populaires et à la sienne qui y fera écho. Aux ressentiments d’une jeunesse défavorisée et aux siens, plus intimes. Sa rencontre avec Malika (Zar Amir), une restauratrice indépendante et courageuse, la mort de Youcef, la mise au ban du fils par les anciens associés du père, précipitent le drame au sens presque chimique du terme. Reda comme effacé ne verra plus son reflet dans les miroirs.

Espaces contraints, plans rapprochés

Adaptation très libre du roman de Samir Toumi, le film ajoute un épisode militaire et kubrickien au roman. Il colle à son personnage qui semble flotter dans sa passivité. Son absence au monde et à soi pourrait le rapprocher de L’Etranger de Camus. L’effacement – qui intervient assez tard dans le film et n’est guère exploité par la suite –, se décline non comme un motif fantastique, mais symbolique qui joue sur plusieurs niveaux.

Il y a bien effacement d’un fils écrasé par la puissance du père – son image disparaît après le décès de celui-ci. Il y a aussi effacement par décès des héros de la révolution, effacement par déception de certains idéaux, effacement par musèlement d’une jeune génération à qui on refuse parole et liberté. Pour Reda et les autres, comment se regarder en face ? Se reconnaître ? S’accepter ? Se revendiquer ?

Karim Moussaoui se garde de donner des explications trop catégoriques au comportement irrationnel de Reda. Résultat logique d’une longue humiliation ou expression d’une folie hallucinatoire ? Le protagoniste tantôt enfermé dans des espaces contraints et des plans rapprochés se perd dans ceux très larges du désert ocré : dans les deux cas, solitaire.

On est englué dans un rêve ou un cauchemar habilement éclairés par le chef-op, Kristy Baboul. L’arrière-plan du film avec ses nombreux personnages secondaires ouvre sur des sujets multiples : le patriarcat, la famille, l’héritage, le divorce, la corruption, l’émigration, les fractures de classe. Trop nombreux pour être vraiment traités, ils semblent estompés eux aussi par un semi effacement, un semi-engourdissement. Pourtant des figures comme Malika, quadra divorcée se battant pour sa liberté et pour la garde de sa fille semble indiquer qu’il y aurait une autre voie que la violence ou l’exil.

ÉLISE PADOVANI

L’Effacement, de Karim Moussaoui
En salles le 7 mai

Lire ici :« L’effacement », entretien avec Karim Moussaoui

Rencontres griotiques

0
Griots
© Lawrence Damalric

Sous un ciel orangé, La Nuit des Griots a ouvert ses portes pour la première soirée de sa 10e édition. Un rendez-vous particulier, puisque c’est avant tout une rencontre, celle avec le continent africain, avec ses différents pays, ses variations, ses détails, ses cultures… et bien sûr ses histoires. 

Alors, c’est suspendu aux lèvres de Mamadou Ouattara que le public a découvert son art, le verbe, ainsi que l’histoire de l’Empire Mandé (Mali). Sur scène, les instruments traditionnels mandékas attendent d’être animés par ses trois musiciens, notamment le balafon, un instrument médiateur qui incarne à la fois la jeunesse, les adultes et les ancêtres. 

Dans ce spectacle, l’Empreinte du griot, les musiciens burkinabè introduisent aux spectateurs lesmissions historiques des griots, mémoire des peuples et conseillers des rois. Vêtu d’orange, le grand orateur Mamadou Ouattara, accompagné par trois Griottes aux tenues éclatantes – jaune, vert et bleu – instaurent entre chant et récit, une osmose totale, soufflant à la fois une leçon d’humanité et un vent de sagesse.

Les voix des membres de la compagnie Sotigui Kouyaté évoquent le terme « Djèli », qui signifie à la fois « le sang » et « le griot », cette essence qui circule, anime les corps et perpétue l’histoire, dans un équilibre où nul n’est supérieur ni inférieur à un autre. 

Liens de sang

En deuxième partie de soirée, suivi par ses trois musiciens catalans, le prodige de la kora Momi Maiga a transporté son audience dans une odyssée musicale. Traditionnellement, être griot est un héritage de sang, et pour ce virtuose, c’est de sa mère qu’il a hérité cette mission divine. Quand son instrument de 21 cordes commence à retentir en symbiose avec les cordes du violon et du violoncelle jouées pizzicato, le public est emporté par une vague de rythmes et de sons d’une musicalité émouvante. 

Et comme une voix qui se souvient, l’artiste interprète un morceau en hommage aux personnes ayant perdu la vie traversant les mers, en quête d’une vie meilleure. Dans ce morceau, empreint de vérité, on y ressent la détresse interprétée par la lourdeur du violoncelle, la mer battante par la batterie et les voix humaines par la kora de Momi Maiga. 

LILLI BERTON FOUCHET

La Nuit des Griots s’est déroulée du 23 au 27 avril à Marseille.

Retrouvez nos articles Musiques ici

Schubert en partage

0
schubert
© Emeric Mathiou

Une fois de plus, l’équipe de Marseille Concerts a fait salle comble au Pharo. Et c’est une assemblée plus jeune qu’à l’accoutumée qui est venue y applaudir le Duo Geister sur un programme très schubertien ; la veille, se félicite Karine Fouchet, directrice de l’association, les deux pianistes se sont rendus dans une maison de retraite pour y délier quelques chefs-d’œuvres. La preuve que le quatre mains et son répertoire ont encore de beaux jours devant eux, et que les musiques les plus intimes savent décidément toucher à l’universel. 

Le duo au nom étrangement germanique « Geister » signifiant « fantômes » en allemand –  est certes composé de deux Français : mais David Salmon et Manuel Vieillard, anciens camarades du conservatoire supérieur de Paris ont également fait escale au Mozarteum de Salzbourg. 

Prélude Mozart

Cela s’entend déjà dans l’étonnante Sonate en Fa Majeur K.497, d’une clarté et d’une énergie rares dans les interprétations françaises. Les changements d’humeur et jeux d’imitation s’enchaînent sans temps mort : au gré des marches harmoniques les plus acrobatiques, d’un contrepoint d’une étonnante malléabilité, le chant profond apparaît dans toute son éclatante simplicité. Il voyage d’une main à l’autre, se mue en mélodie ou en choral. Le style y est tantôt galant, tantôt concertant. La transition sera d’autant plus nette entre ce Mozart aux accents bachiens joliment appuyés et un Schubert que les deux interprètes connaissent du bout des doigts. 

Plongée vers Schubert

L’œuvre pour quatre mains de Schubert est particulièrement abondante, riche et complexe : et c’est à elle que les deux musiciens viennent de consacrer un troisième enregistrement de près de huit heures, passionnant de bout en bout. Le Rondo en la Majeur D. 951 ouvre les hostilités. La précision et la justesse entendues dans Mozart demeurent, mais le tempo s’y fait plus dansant. La pièce fait résonner son thème majestueux, scandé par une pulsation plus marquée, et des échappées plus lyriques. 

Au retour de l’entracte, les huit Variations en La Bémol Majeur D. 813 rappellent aussi celles de Mozart : le thème n’y est jamais déconstruit, les jeux d’harmonies et de nuances suffisent à le faire voyager d’un monde à l’autre. 

Enfin, avant deux bis particulièrement enlevés, la célèbre Fantaisie en fa mineur affirme la forme cyclique devenue la marque de fabrique de compositeur, où s’installe ici encore la coda en forme de choral également centrale dans ses quatuors – La Jeune fille et la mort. Et c’est tout un orchestre qui semble émerger de ce simple piano à demi-queue et de ces quatre mains. 

SUZANNE CANESSA

Le Duo Geister a joué le 26 avril au Palais du Pharo, Marseille

Retrouvez nos articles Musiques ici

La Nuit, la Guerre, la Lune

0
ballets
© Alice Blangero

Trois compositeurs, trois chorégraphes, trois ballets éminemment différents dans leurs formes se sont succédé sur la scène du Grimaldi Forum à Monaco. Et pourtant un même fil conducteur semblait dicter les pas des danseurs des Ballets de Monte-Carlo : une forme d’urgence, la vie qui tente de résister à l’ombre, à la noirceur, à la guerre, un rire qui perce dans une nuit bien sombre où la pleine lune peine à s’imposer.

La première pièce est signée du grand George Balanchine sur une musique de Paul Hindemith. Installé aux USA depuis 1933, le chorégraphe demande au musicien qui vient de fuir le régime nazi s’il accepterait de composer une musique de ballet à son intention. Ce sera les Quatre tempéraments créés en 1946 à New York.

La partition s’ouvre sur un thème en trois parties (modérato, allegro très vif puis à nouveau modérato) qui réapparait dans chacune des quatre variations. Ces dernières représentent chaque tempérament : MélancoliqueSanguin, Flegmatique et Colériqueexprimés par le mouvement et la danse.

Le ballet graphique, d’un classicisme contemporain et d’une épure minimaliste innovantepermet d’apprécier chaque geste chorégraphique. Il sied parfaitement à l’esthétique de Jean-Christophe Maillot, directeur des Ballets de Monte-Carlo et à son goût pour la réinterprétation des grands classiques.

Les femmes sont en justaucorps sobres, noirs, les  hommes – que l’œuvre met particulièrement en valeur – en blanc. Les deux danseurs solistes Ige Cornelis et Jaeyong An sont exceptionnels tout comme la jeune danseuse monégasque Juliette Klein, ovationnée dans Colérique.

Danser, c’est résister

Lorsque la guerre en Ukraine éclate le 24 février 2022, Alexei Ratmansky est en pleine répétition de son ballet l’Art de la fugue au Bolchoï. Il annule sa création, quitte la Russie et retire tous ses ballets du répertoire moscovite. Dès lors, son engagement pro-ukrainien sera total. 

Wartime Elegy, élégie en temps de guerre est sa première réponse chorégraphique à l’invasion russe. Il le construit sur la musique néoromantique, mélodique et délicate, de Valentin Silvestrov, figure majeure de l’avant-garde ukrainienne. Quatre tableaux se succèdent, allers-retours entre afflictions des huit danseurs en justaucorps noirs aux mondes colorés et chatoyants de la danse folklorique évoquant la survivance de la culture et de l’âme du pays.

Sa composition peut sembler simpliste : un « avant » lumineux et heureux fait de joie et de polkas, un « présent » sombre, dramatique et la mélancolie profonde liée à la perte, aux deuils. Mais face à l’urgence, aux combats, à l’horreur de la guerre, est-il vraiment possible de faire dans la subtilité ? 

Dernier ballet et non des moindres la puissante création de Marco Goecke sur La Nuit transfigurée de Schoenberg, interprétée magistralement par l’orchestre philarmonique de Monte-Carlo.

Le chorégraphe allemand (nommé pour la saison 2025/26, directeur artistique du ballet du Théâtre de Bâle) plonge dans l’atmosphère mystérieuse et organique de la nuit dans laquelle les danseurs créent leur propre cosmos. Un cosmos délirant, halluciné, exalté dans lequel des petits bonhommes nerveux et agités, sifflant, grognant, comme des petits personnages de jeux vidéo en quête d’une mission obscure, se déploient avec des mouvements rapides, saccadés, fragmentés. C’est tout un univers fébrile qui se développe devant nous jusqu’au retour de la lune, pleine, consolante qui veille avec bienveillance et avec elle l’espoir d’un monde plus doux, d’un monde paisible.

ANNE-MARIE THOMAZEAU

Le spectacle s’est déroulé le 24 avril au Grimaldi Forum, Monaco.

Retrouvez nos articles Scènes ici

Sous les étoiles africaines 

0
kiosque and co
© X-DR

Samedi soir, des effluves musicales se faufilaient dans tous les recoins du quartier des Réformés, inondant les terrasses pleines à craquer, gonflant l’air de ce délicieux avant-goût d’été, de festivals, de légèreté. Pour ce dernier Kiosque and Co avant septembre, l’organisation offrait une place de choix à la musique africaine, après avoir mis à l’honneur l’ïle de la Réunion le mois dernier. 

En prémisse des concerts, le collectif congolais Fulu Miziki proposait un spectacle participatif dédié au jeune public autour de ses créations musicales et de ses instruments singuliers fabriqués à partir de matériaux recyclés. Puis, la chanteuse sud-africaine Sibongilé Mbambo – Bongi à la scène – offrait une heure de musique métissée en trio, entre afro-pop, blues et folk, en anglais et en xhosa (langue bantoue proche du zulu). 

Lass de la scène 

À mesure que le jour déclinait, le public grandissant se pressait devant la scène installée devant le kiosque des Réformés, décor naturel et support d’éclairages en accord avec le light-show scénique. 

Précédé par ses musiciens arborant tous trois un t-shirt noir à motifs jaunes, le chanteur sénégalais Lass entrait en scène dans un costume jaune et noir flamboyant. Une allure qui allait de paire avec cette énergie communicative que l’artiste transmet, et son rapport unique au public. 

La musique de cette joyeuse formation, mélange d’afrobeat, de funk et d’électro, accompagne dans un rythme entraînant les paroles engagées des morceaux de Passeport, le dernier album de Lass. Guidant le public tel un magicien, Lass est devenu chorégraphe au fil du set, faisant de la foule un objet mouvant. Pour clore en beauté cette soirée en libre accès, le DJ marseillais Supa Ju a entretenu une heure durant l’excitation dansante des spectateurs. 

LUCIE PONTHIEUX BERTRAM 

Kiosque and co s’est tenu le samedi 26 avril entre le kiosque des Réformés et le square Labadié, à Marseille.

Retrouvez nos articles Musiques ici