Du 28 au 30 avril 2025, Marseille accueille les Assises Méditerranéennes du Journalisme, après deux éditions à Tunis en 2018 et 2022. Journalistes, chercheurs, acteurs de la société civile et experts des médias des deux rives de la Méditerranée se réuniront pour réfléchir ensemble à une question essentielle : « Quel journalisme pour l’Afrique et la Méditerranée de demain ? » Pendant trois jours, ateliers, expositions et débats mettront en lumière des initiatives inspirantes autour de la paix, du climat, de la place des femmes dans les médias, du traitement des migrations, de la formation des journalistes, de l’éducation aux médias et des enjeux liés à l’intelligence artificielle. Trois grandes soirées plénières se tiendront dans des lieux emblématiques de Marseille : le Mucem, le Palais du Pharo et la Friche la Belle de Mai, autour des thématiques : « Syrie, le temps de l’espoir », « Décoloniser l’information » avec Edwy Plenel (Mediapart) et « Gaza, informer malgré tout ». Ces Assises visent à ouvrir de nouvelles perspectives pour un journalisme plus juste, indépendant et adapté aux réalités méditerranéennes. ANNE-MARIE THOMAZEAU Retrouvez nos articles Société ici |
Journalisme en Méditerranée : construire demain
Le Paris Noir en pleine lumière
Dans la continuité des études africaines-américaines et des travaux sur la diaspora africaine, l’exposition présentée au Centre Pompidou (Paris), Paris Noir – Circulations artistiques et luttes anticoloniales (1950-2000), offre un panorama exceptionnel des artistes africains, caribéens et afro-américains ayant marqué la scène parisienne entre 1950 et 2000. Un événement majeur à découvrir jusqu’au 30 juin 2025.
Inédite par son ampleur, cette initiative éclaire l’apport des artistes et auteurs afrodescendants à la vie artistique et intellectuelle parisienne, ainsi que leur rôle dans les luttes anticoloniales. Cette rétrospective ambitieuse, rassemblant 150 artistes, propose une relecture critique de l’histoire culturelle française à travers le prisme des diasporas noires.
Sous la direction d’Alicia Knock, cheffe du service de la création contemporaine et prospective au Musée national d’art moderne, ce projet vise à restituer une histoire artistique globale longtemps marginalisée. Il met en lumière des figures telles que Beauford Delaney, Chéri Samba, Gérard Sekoto et Everlyn Nicodemus, donnant à voir un Paris devenu carrefour intellectuel et artistique des mondes noirs.
Luttes civiques et décoloniales
Depuis les années 1980, plusieurs personnalités du mouvement des droits civiques aux États-Unis, telles que Martin Luther King Jr., Rosa Parks ou Malcolm X, sont intégrées à l’espace mémoriel français. Si cette « externalisation » de la question raciale a permis au modèle républicain d’éviter une confrontation directe avec son passé colonial, plusieurs générations racisées en France se sont réappropriées ces figures pour inscrire leur combat dans une filiation transnationale et décoloniale. Déjà en 1983, la Marche pour l’égalité et contre le racisme empruntait son modèle à la March for Jobs and Freedom de 1963 à Washington.
En parallèle, les pensées de Frantz Fanon et d’Édouard Glissant gagnent du terrain au-delà des sphères militantes ou académiques. De la Négritude aux mouvements panafricains, l’exposition souligne l’importance des lieux d’échange et de sociabilité qui ont façonné cette dynamique, ainsi que la redéfinition des modernités artistiques impulsée par les diasporas noires.
Transmettre et valoriser
Paris Noir s’accompagne d’une politique d’acquisition et de dialogue avec la société civile, articulée autour de conférences et de la collecte d’œuvres et d’archives dans une démarche de rattrapage institutionnel. L’exposition met en lumière des œuvres souvent inédites d’artistes ayant contribués à la définition de l’art moderne, de l’Afrique aux Amériques.
Au-delà de la perspective historique, elle révèle comment la matrice coloniale entre en résonance avec l’héritage esclavagiste, ségrégationniste et avec le racisme structurel issu de l’économie-monde capitaliste et des empires coloniaux européens.
Paris apparaît ici à la fois comme vivier intellectuel et artistique pour les Afro-Américains et Antillais, et comme capitale coloniale, encore marquée par la célébration du centenaire de l’Empire, la création des Dom-Tom (1946) et les conflits d’outre-mer, notamment la guerre d’Algérie déclenchée en 1954.
Déconstruire les récits
La scénographie de l’exposition s’inspire largement du concept de Tout-Monde d’Édouard Glissant, proposant une cartographie vivante des circulations artistiques et politiques entre Paris et les mondes noirs.
Cette approche décoloniale vise à déconstruire les récits hégémoniques et à restituer la complexité des interactions culturelles. Dans un monde globalisé mais conflictuel, la notion d’identité relationnelle plutôt que racinaire devient un modèle théorique privilégié pour repenser les récits muséographiques.

Huile et émulsion de tempera à l’œuf sur toile Virginia Museum of Fine Arts, Richmond. J. Harwood and Louise B. Cochrane Func
for American Art
Paris Noir s’inscrit ainsi dans le renouveau des débats sur la mémoire coloniale et les politiques culturelles en France. L’exposition interroge la place des artistes afrodescendants dans les institutions culturelles et souligne la nécessité de repenser les récits nationaux à l’aune des histoires diasporiques. Elle constitue en cela une contribution majeure aux réflexions décoloniales contemporaines.
SAMIA CHABANI
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Art et mémoire du vivant à Lodève

Labelisé Musée de France, le Musée de Lodève est installé depuis 1987 dans l’ancien hôtel particulier du cardinal Hercule de Fleury, agrandi et rénové en 2018. Un musée d’art moderne, d’archéologie, de paléontologie et de sciences naturelles qui propose, sur plus de 1000 m², trois parcours permanents, alimentés par des collections qui couvrent une périodetrès vaste (540 millions d’années) de l’Histoire de la Terre, uniquement prélevées dans le territoire du Lodévois et du Larzac.
Les expositions temporaires, accrochages d’art moderne et d’art contemporain qui font écho aux collections du musée, prennent place dans un espace de 520 m2. Celle qui s’est ouverte le 19 avril dernier, Rendre visible, est la dernière exposition signée par Ivonne Papin-Drastyk, directrice du musée, qui part à la retraite avant l’été. Elle a souhaité y mettre en lumière, auprès de fossiles présentés sous un angle esthétique, la complicité artistique de deux artistes du début du XXe siècle Paul Klee (1879 -1940) et Hans Reichel (1892-1958), en y associant les vidéos, sculptures et installations de deux artistes contemporains : Anne-Charlotte Finel et Julien Discrit.
Voisins d’atelier

Rendre visible est une citation empruntée à Paul Klee, qui fut professeur au Bauhaus, et a écrit dans son livre La Théorie de l’art moderne que « l’art ne reproduit pas le visible, il rend visible ». Six de ses œuvres sont exposées en compagnie d’une soixantaine de Reichel (huiles, aquarelles, gouaches), beaucoup moins connu que Klee, qui fut son voisin d’atelier dans un manoir près de Munich en 1919. Deux artistes qui se sont fréquentés et appréciés, et dont les travaux présentent de multiples points communs thématiques et formels : le petit format, la sensation d’un monde flottant, des paysages aux contours incertains, où se meuvent poissons, oiseaux, plantes stylisées, entre apparition et effacement. Tout comme les fossiles, témoins matériels d’un contexte et d’un temps disparus, voire même de moments fugaces, qu’ils rendent visibles : l’un des fossiles exposés porte les traces d’impacts de gouttes de pluie il y a 285 millions d’années…
Entre chien et loup
Julien Discrit et Anne-Charlotte Finel travaillent tous deux sur cette question du « rendre visible » avec des démarches plastiques très différentes. Les œuvres du premier, peintures et sculptures, sont à considérer « comme autant d’empreintes qui convoquent une mémoire à la fois collective et personnelle, une expérience du temps et d’un monde qui sans cesse se métamorphose ». Une trentaine de ses œuvres sont présentées, issues de quatre séries, notamment des acryliques de la série Aftertouch, et des sculptures de pierres reconstituées de la série Pierres.
Quant à Anne-Charlotte Finel, vidéaste, deux de ses vidéos de 2016 et 2017 sont présentées, La Crue et Jardins (de la série Jardins). Une artiste qui travaille à la frontière du voir et du non voir, en filmant souvent à la tombée du jour, entre chien et loup, pour faire émerger une autre perception. Elle filme des espaces sauvages et espaces anthropisés, animal et végétal, humain et non-humain, vivant et machine, tel le sous-sol du métro parisien, devenant poétique et mystérieux, dans sa vidéo Jardins.
MARC VOIRY
Rendre visible
Jusqu’au 31 août
Musée de Lodève
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À livre ouvert
Julien Sorel est-il le modèle littéraire des transfuges de classe ? L’entrée en matière par la fin du roman, le discours de Julien Sorel à l’issue de son procès, le suggère : « Messieurs, je n’ai point l’honneur d’appartenir à votre classe, vous voyez en moi un paysan qui s’est révolté contre la bassesse de sa fortune. »
D’entrée la lecture romantique de Stendhal est mise à mal, pour une vision plus complexe, réaliste voire matérialiste, du personnage et de l’époque. Le lien amoureux y dépend des rapports de classe et du poids du clergé, des hiérarchies qu’impose la vieille aristocratie dans une société réactionnaire : on est 1830, en pleine Restauration, réaction au sens propre à la Révolution et à l’Empire.
Lecture historique, l’adaptation de Catherine Marnas ne cherche pas à moderniser l’intrigue, mais parle pourtant de notre époque à chaque instant. Par la liberté des personnages féminins, leur sensualité, leur soif de jouissance et de liberté ; par la critique appuyée du clergé et de la religion ; par les motivations d’ascension sociale qui sont autant de tentatives de sortir de la pauvreté et d’affirmer l’égalité. Le Rouge et le Noir, classique de la littérature, retrouve sa force, à livre ouvert. Le scandale de sa parution, rappelé au début du spectacle, en est comme ravivé.
Sans réserve
Il est rare qu’un spectacle vous laisse sans réserve et se déroule, plus de deux heures durant, sans fausse note ni moments faibles. Là tout est juste et fort : la scénographie sans ostentation de Carlos Calvo, avec un proscénium et de simples projections sur des pendrillons translucides, décline les espaces, de la ferme paternelle à la prison en passant par le riche décor de la maison aristocratique ou de la chambre bourgeoise. Les comédiens sont tous les cinq formidables, drôles, émouvants, jamais convenus, surprenants, profonds. Jules Sagot campe un Julien Sorel qui se veut froid mais sans cesse, à fleur de peau, laisse voler ses mains et couler ses larmes. Bénédicte Simon est une madame de Rénal débordante de tendresse et de sensualité, constamment émouvante. Laureline Le Bris invente une Mathilde féministe, loin des caricatures cérébrales qu’elle pourrait susciter. Simon Delgrange et Tonin Palazzotto incarnent tous les autres, monsieur de Rénal, le père Sorel, le père de la Mole, les curés, avec une souplesse et une drôlerie constante.
Car on s’amuse beaucoup des travers de cette société si artificielle, de ses valeurs et rigidités qui empêchent de vivre l’amour. La critique sociale, matérialiste, n’empêche ni le rire, ni les sentiments de vibrer d’un bout à l’autre du spectacle. Surdoué, frustré, sans mère, Julien est un hypersensible qui s’ignore, qui ne reconnaît pas l’amour qu’il éprouve, qui ne voit pas celui qu’il suscite chez deux femmes follement éprises. Sa mort, tragique, inspirée d’un fait réel, dit autant l’impossibilité de changer de classe que celle d’aimer et de jouir. Éloge des sens très elliptique dans le roman, que la mise en scène et la présence des corps fait éclater d’évidence.
AGNÈS FRESCHEL
Le Rouge et le Noir
Les 6 et 7 mai
Théâtre Molière, Scène Nationale de Sète
Le Rouge et le Noir a été créé au Théâtre national de Bordeaux en Aquitaine le 7 novembre 2023
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Geister Duo
Le Geister Duo, composé des pianistes David Salmon et Manuel Vieillard se produira le 26 avril au Palais du Pharo. Leur programme de quatre mains se frottera aux grands classiques du genre, puisqu’il s’ouvrira avec la célèbre Sonate K. 497 de Mozart, riche en échappées contrapuntiques.
Le Rondo D. 951 de Schubert, plus cyclique et chantant, lui embrayera le pas dans un même mouvement unissant lyrisme et élégance. Suivront les Huit Variations D. 813, où les pianistes exploreront avec finesse les jeux d’humeur et de texture, avant l’inimitable Fantaisie D. 940, sommet du répertoire. Lequel conclura le concert dans une ampleur dramatique et poétique.
SUZANNE CANESSA
26 avril
Palais du Pharo, Marseille
Corps sonores
À la fois danseur et masseur, Massimo Fusco entreprend de mettre en relation la danse et le soin à travers ces installations sonores, visuelles et chorégraphiques immersives : Corps Sonores et Corps Sonores juniors. Après s’être installé confortablement sur une île de coussins en forme de galets, le public est invité à écouter sous casque audio des pastilles sonores, recueillies dans des centres médico-sociaux, qui, mises bout à bout, forment une collection intime d’histoires de corps.
Pendant cette écoute, Massimo Fusco accompagné par un autre danseur, Nans Pierson, se lancent dans une danse qui frappe le sol, inspirée de la pizzica, originaire du Sud de l’Italie, une danse folklorique qui soigne, en vibrant, tournoyant, virevoltant autour et au-dessus du public.
MARC VOIRY
Du 23 au 28 avril
En itinérance dans le Vaucluse
Une proposition de La Garance, Scène nationale de Cavaillon
Duo Brajtman
L’espace culturel de Chaillol invite le duo Bratjman pour une tournée dans les Hautes-Alpes du 24 au 27 avril. Composé des frères Clément et Jérôme, Brajtman bien sûr, ils proposent pendant plusieurs jours un concert de chansons et mélodies françaises.
Un programme éclectique, reflet de leurs affinités et de leur entente musicale du chanteur et du guitariste. Passent ainsi Charles Trenet, Gabriel Fauré, Claude Debussy, Charles Aznavour ou Yves Montand et quelques grands standards de jazz, ces mélodies qui font partie de la mémoire collective et de notre patrimoine. Ainsi, l’art vocal est libéré de ses cases traditionnelles, et deviennent les « airs de nos cœurs ».
LAVINIA SCOTT
Du 24 au 27 avril
À Oze, Tallars, Le Glaizil, Valserres
Une proposition de l’Espace culturel de Chaillol
L’hommage d’un fils à son père
L’Opéra de Marseille présente ce 23 avril Eastwood Symphonic dans le cadre du festival Marseille Jazz des Cinq Continents. Ici, le musicien Kyle Eastwood rend hommage à son père, Clint, immense acteur et réalisateur, mais dont le talent et l’amour pour la musique est souvent méconnu.
Eastwood Symphonic est une suite des thèmes emblématiques tirés de ses films (en tant qu’acteur ou réalisateur) entre 1964 et 2009 – de Pour une poignée de dollars à Invictus passant par L’inspecteur Harry, Impitoyable, Mystic River ou encore Gran Torino.
Kyle Eastwood, qui a contribué à la composition d’un grand nombre de B.O. de son père, sera sur la scène de l’Opéra accompagné de sa contrebasse et de son quintet : Andrew McCormack au piano, Brandon Allen au saxophone, Quentin Collins à la trompette et au bugle et Chris Higginbottom à la batterie. La direction de l’Orchestre philharmonique de Marseille est assurée par Gast Waltzing (lauréat du Grammy pour le meilleur album de musiques du monde), en charge aussi de la mise en scène symphonique et de l’orchestration.
LAVINIA SCOTT
Eastwood Symphonic
23 avril, 20h
Opéra de Marseille
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Écritures contemporaines par la jeunesse
La metteuse en scène Nathalie Bensard a choisi Teen Play, le texte de Marco Camares-Blanco remarqué par ses recherches sur l’adolescence. Quatre acteurs, encore si proches de cet âge difficile, incarnent plusieurs collégiens avec une justesse impressionnante : talentueux Madeleine Delaunay, Lila Sanchez, Iliane Adjali et Nils Ruf Carrio qui mélangent avec audace solidarité, cruauté, rires et chants.
Quatre tableaux montrent des scènes de la vie collégienne, criantes de pertinence : accueil musclé d’un nouvel élève pris d’emblée comme souffre-douleur, répartition des élèves par origine sociale et prénoms significatifs, rivalités, blagues débiles, réunions dans les sanitaires… Et pour décor dix tables pliantes astucieusement déplacées pour figurer les différents espaces : cantine, vestiaires, sanitaires, cour. Une élève, star des influenceuses, donne des conseils pour être bien dans sa peau tandis qu’un autre cherche à créer des rapports sincères. On est séduit par ce spectacle enlevé et rythmé, à la langue riche et imagée.

La pièce Léviathan apporte un éclairage violent et douloureux sur le système judiciaire français avec la comparution immédiate qui permet de juger un prévenu dès la fin de sa garde à vue, sans enquête préliminaire. Guillaume Poix, romancier et auteur de l’essentiel du texte, a ajouté le mot « matériau » entre parenthèses au titre. Ce qui a permis d’intégrer des extraits de documentaires et de témoignages avec la vigilante attention de Marie Vauzelle à la mise en scène.
État du droit
Un texte fort, des situations tragiques, des personnages paumés, nés sur l’autre rive, dont l’un d’entre eux déclare à la fin du spectacle qu’il « cherche un pont ». Tout est dit. Deux comédiennes, Azenor Glotin et Théssaleia Degremont, et un comédien, Henri Ardisson, se partagent rôles féminins et masculins, alternant prévenus, avocats et juges, avec une rapidité déconcertante pour changer perruques (nombreuses) et vêtements, adopter les voix, les attitudes, les points de vue. Une performance pour de si jeunes interprètes. Ils nous emportent à leur suite. On en sort un peu sonnés tant ce qui est dit sur ce simple plateau alerte, ou confirme les défaillances de notre système judicaire.
CHRIS BOURGUE
Teen Play et Léviathan (matériau) ont été joués à l’IMMS à La Friche de la Belle de mai du 17 au 19 avril par les élèves de deuxième année de l’Ensemble 32 de l’Eracm.
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Opéra de Marseille : l’écho des steppes
Souffrante, la jeune Glass Marcano s’est vue remplacer au pied levé par son confrère Federico Tibone à la tête de l’orchestre marseillais sur un ambitieux programme. Loin de se laisser impressionner, le chef italien s’est courageusement emparé des deux impressionnants opus sans démériter.
Le Concerto pour violon op.53 de Dvořák, servi par le soliste Simon Zhu, fait dialoguer ses doubles cordes acrobatiques avec de beaux traits orchestraux – dont de nombreux, solistes, du hautbois et du pupitre des vents, toujours impeccables. La battue du chef est omniprésente, les effets rares mais les contours demeurent d’une grande finesse : la direction, discrète, accompagne la performance lyrique du violoniste, aux aigus perçus et aux graves gorgés de sanglots.
Tarte ou kitsch ?
On part un peu plus à l’Est au retour de l’entracte avec la sublime Symphonie Pathétique de Tchaïkovski. Pensée par le compositeur comme la plus achevée de ses pièces orchestrales, cette ultime symphonie ne connut cependant que peu de succès du vivant du compositeur : la faute à une ampleur sentimentale taxée, du côté du Rhin, de sentimentalisme ?
Il semble aujourd’hui impossible de percevoir, sous le tragique perpétuel, la « poudre aux yeux » raillée par Mahler, ou même le « kitsch » condamné par Wagner. L’opus magnum brille plus que jamais par la finition mais aussi l’originalité de sa forme : et il fut ici servi par un orchestre au mieux de sa forme, dans la complicité de ses cordes comme dans la précision et l’acuité de ses vents – mention spéciale, sur ces passages délicats, aux bassons et aux cors.
Terrassant, l’Adagio lamentoso qui conclut le tout obscurcit pour toujours tout horizon, là où l’usage voudrait laisser entrevoir une faible éclaircie. Tout espoir semblait-il alors impossible au compositeur, qui dédia la symphonie à son amant secret Vladimir Davydov, et déclara avoir signé, à l’instar d’Hector Berlioz, une symphonie à programme ? Ce programme qu’il souhaitait « inconnu de tous » résonne avec une poignance infinie.
SUZANNE CANESSA
Concert donné le 17 avril à l’Opéra de Marseille
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