mercredi 24 décembre 2025
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Le sentiment de l’aérien

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Avec Contre-nature, Rachid Ouramdane flirte avec le ciel et l’apaisement. Un an après sa création, la pièce magistrale du directeur du Théâtre national de Chaillot passe enfin à Miramas, Ollioules et Aix-en-Provence

Rachid Ouramdane a pris en 2021 la direction du Théâtre national de Chaillot, une maison à l’histoire remarquable, où Jean Vilar réinventa le Théâtre national populaire et que Didier Deschamps, directeur précédent, transforma en Théâtre national de la Danse, contemporaine et de création. Rachid Ouramdane, nommé à sa suite par Roselyne Bachelot en pleine crise du Covid, avait pour projet d’en faire le théâtre de la diversité et de l’hospitalité, projet qu’il conduit avec brio, tout en poursuivant son œuvre de chorégraphe avec la Compagnie de Chaillot.

Si celle-ci n’est pas une troupe permanente, les « danseurs-acrobates », comme Rachid Ouramdane les désigne, ont des « parcours hybrides » qui leur permettent d’être à l’aise aussi bien dans les airs qu’au sol. Porteurs, voltigeurs et danseurs fabriquent ensemble une danse-cirque où il s’agit pour les uns de « polir leurs gestes » pour « fabriquer un leurre », afin que les spectateurs « ne comprennent plus qui porte qui et où sont les limites des corps ». Pour les autres, danseurs contemporains pourtant habitués aux acrobaties de la danse contact, il s’agit ici de s’élever plus haut, de tourner plus vite, d’être projeté·es plus loin, de multiplier les portés successifs.

Evocation pudique du deuil

Et la recette fonctionne grâce à la musique apaisée de Jean-Baptiste Julien et la scénographie de Sylvain Giraudeau, faite de projections de visages, de paysages vides, sur des tulles et des fumées. Il s’agit d’évoquer un deuil contre-nature, celui d’un fils, et la pudeur du chorégraphe transforme cette évocation de « la douleur de ceux qui restent » en un voyage vers la douceur d’un souvenir, presque apaisé, où les corps se portent, s’enlacent, confient leur poids aux autres, où les chutes se reçoivent, s’amortissent, permettant l’abandon, construisant la confiance.

Embrassant son sujet, la danse se fait pudique, neutralisant les exploits physiques, pourtant exceptionnels, des interprètes qui semblent abolir la gravité. La fragilité devient une force, le noir du deuil une douce brillance. « On est fait, dit le chorégraphe, des personnes que l’on a connues et qui nous ont quittées ». Les images jaillissent, inattendues, les émotions sortent des brumes et apaisent, comme le peuvent parfois les larmes.

Agnès Freschel

Contre-nature

Rachid Ouramdane

Compagnie de Chaillot

12 novembre

Théâtre La Colonne, Miramas

Scènes & Cinés

14 et 15 novembre

Théâtre de Châteauvallon, Ollioules

Scène nationale Châteauvallon-Liberté

18 novembre

Pavillon Noir, Aix-en-Provence

Centre National Chorégraphique

Le cirque, vent debout

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Du 14 au 16 novembre, La Nuit du cirque entame son nouveau marathon créatif pour promouvoir le cirque contemporain en France et dans le monde

Un marathon de trois jours et trois nuits en faveur du cirque contemporain, l’opération est vivifiante. On la doit à Territoires de cirque – association regroupant une soixantaine de structures, dont les 14 pôles nationaux – qui organise depuis 2019 cet événement, partie émergée d’actions au long cours, menées sur le papier et sur le terrain pour faire reconnaître les droits et spécificités du cirque contemporain, un secteur plus que jamais précarisé et malmené. Pour cette 7e édition, plus de 400 rendez-vous se tiennent simultanément sur 24 territoires.

À voir en Région Sud

À Istres, la compagnie québécoise Machine de cirque resserre son savoir faire exubérant autour du duo d’acrobates Maxim Laurin et Guillaume Larouche, à la planche coréenne (Ghost light : Entre la chute et l’envol, le 14 novembre à L’Usine). Chez Archaos à Marseille, Marianna de Sanctis examine sa condition d’artiste, entre cirque et stand up:le poids du regard de l’autre, les affres de la création, la difficulté de concilier sa vie de mère et d’artiste, tout en déjouant les préjugés et la discrimination (Mother.Woman.Artist, Cie MDS, le 14 novembre).

À La Seyne-sur-Mer, c’est Katell Le Brenn qui nous livre son «auto-corps-trait » : contorsionniste et équilibriste, elle explore sa pratique en mots et en gestes, dans une création revendiquée comme « une grande respiration partagée » visant à sublimer le quotidien (Des nuits pour voir le jOur, Cie Allégorie). Les 14 et 15 novembre, elle partage l’affiche avec Le bruit du Cirque des Petites Natures, grande fête carnavalesque animée par une quinzaine d’artistes évoluant dans une imagerie proche de Fellini et d’Almodovar : homme-oiseau, prêtresse extatique, centaure…

À Grasse enfin, une étonnante expérience : On purge bébé, ou la relecture d’un classique du vaudeville par Karelle Prugnaud, qui convie notamment sur scène le brillant et truculent Nikolaus Holz, spécialité en « ingénierie du ratage » (le 14 novembre au Théâtre de Grasse).

JULIE BORDENAVE

La nuit du cirque
Du 14 au 16 novembre
Divers lieux, Région Sud et ailleurs

Série Noire : quand les femmes sortent de l’ombre

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La mythique collection Gallimard, peuplée de bouquins écrits par et pour des hommes, a pu prospérer grâce au travail invisible des femmes. Un livre leur rend hommage

Natacha Levet enseignante-chercheuse à l’université de Limoges, spécialiste du roman noir français et Benoît Tadié, professeur de littérature américaine à l’université Paris-Nanterre nous embarquent dans l’histoire fascinante de la mythique Série Noire, mais vu sous l’angle des femmes, ans lesquelles ce « club de bonshommes » comme ils l’ont baptisé n’aurait jamais pu prospérer.

L’histoire a pourtant commencé avec une femme. En 1945, Germaine Gibard – dessinatrice et future épouse de Marcel Duhamel, fondateur de la collection – crée la maquette iconique : couverture noire à liseré blanc rappelant un faire-part de deuil inversé, lettrage jaune sobre : son design révolutionnaire rompt avec l’édition populaire.

La collection va cependant bâtir sa réputation sur un catalogue d’auteurs hommes hard-boiled « purs et durs » des années 1930 : Peter Cheyney, James Hadley Chase, Horace McCoy, Jonathan Latimer. Dans les années 1950, la maison traduit massivement Gold Medal, Lion Books, Ace Books. Mais alors que les États-Unis s’ouvrent aux textes féminins, l’orientation virile de la Série noire persiste. Dolores Hitchens, auteure de 48 romans outre atlantique, n’en voit que cinq traduits, Elisabeth Sanxay Holding (18 romans) deux. Dorothy B. Hughes, Margaret Millar, Craig Rice : un seul titre chacune. Pour les femmes, l’effet « série » ne joue pas. Pire, Marcel Duhamel refuse en 1957, trois titres de Vin Packer (Marijane Meaker), autrice proche de Patricia Highsmith et pionnière du roman criminel gay. Et il faudra attendre 1971 pour qu’une française soit publiée. Ce sera Janine Boisard, sous le pseudonyme masculin J. Oriano.

Les femmes en soute

Paradoxalement, la Série noire doit son existence à un réseau féminin invisible. Les agentes comme Jenny Bradley – elle qui représente James M. Cain et Raymond Chandler –, Marguerite Scialtiel, Denyse Clairouin, Marie-Louise Bataille, prospectent dans l’ombre, dénichent, négocient et jouent un rôle essentiel dans le développement de la collection même si leurs noms n’apparaissent jamais.

Les collaboratrices sont nombreuses et pas de « simples » secrétaires. Elles lisent les manuscrits anglais, traduisent, corrigent, « rewritent » en insufflant dans les textes l’argot parisien qui fait la marque de fabrique de la série. Janine Hérisson traduit près de 100 volumes. France-Marie Watkins 103. Sur 1400 œuvres traduites entre 1945 et 1977, 623 le sont par des femmes (44,5 %).

Traductrices…

Au grès des pages on découvre Jeanne Witta, script-girl blacklistée pour son syndicalisme et dont l’anglais approximatif, appris sur les plateaux, ne l’empêche pas d’être la plume française de James Hadley Chase. Jane Fillion, qui durant des années, traduira un volume tous les deux mois jusqu’en 1982 ou encore Janine Hérisson, présente dès l’origine qui signera sa dernière traduction à 82 ans. Michelle Vian, quant à elle cosignera avec Boris La dame du lac de Chandler (1948). Elle révèlera en 2011 avoir joué un rôle plus important que supposé, Boris n’étant pas le traducteur dominant.

… Et autrices.

Entre 1945 et 1977, sous la direction de Marcel Duhamel, la Série noire va publier 1722 romans. Seuls 42 sont écrits par des autrices – 26 au total –, soit 2,5 % de la production. Celles-ci, avec leurs mots, et leurs regards sur le monde déconstruisent les codes du polar masculin. Elles introduisent « du trouble dans le genre » : détectives à la virilité blessée, femmes fatales humanisées. Elles brouillent les frontières entre hard-boiled masculin et suspense psychologique féminin. Leigh Brackett écrit des détectives privés chandlériens, Dorothy B. Hughes des tueurs psychopathes, Marty Holland et Gertrude Walker (première publiée en 1950) des vagabonds basculant dans le crime.

Après Marcel Duhamel (1945-1977), Robert Soulat, Patrick Raynal, François Guérif et Aurélien Masson, une femme, Stéfanie Delestré dirige la collection depuis 2017. Enfin.

ANNE-MARIE THOMAZEAU

Les femmes de la Série noire, de Natacha Levet et Benoît Tadié
Gallimard – 19€

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Marseille : Le Jest est de retour

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Du 18 au 29 novembre, l’A.M.I. propose une cinquième édition de son festival Jamais d’Eux Sans Toi

Avec le festival Jamais d’Eux Sans Toi, c’est toujours une histoire de talents, de découvertes, et d’artistes émergents… pas étonnant quand sait que c’est l’Aide aux Musiques Innovatrices (A.M.I.) qui est derrière ce rendez-vous automnal. Pour ce cru 2025, desvtalents régionaux au large spectre musicale sont à découvrir du 18 au 29 novembre à la Friche la Belle de Mai, la Cité de la Musique, et au Théâtre de l’Œuvre.

Au programme

Pour l’ouverture, en partenariat avec le GMEM, Benjamin Dupé et Daniel Schön présentent La prédiction des oscillations, un concert-conférence poétique et scientifique sur le cerveau, traité avec une pointe d’humour. Il est suivi d’une performance de Flore et Arandel, qui travaillent autour du silence et s’amusent à « enlever des couches de sons » dans leur musique.

Le festival continue avec Mars/Avril, entre jazz et hip-hop, puis l’Ensemble Irini Invictae où les six chanteuses dirigées par Lila Hajosi nous transportent dans un répertoire médiéval. La première semaine se termine par une soirée 100 % féminine : Hind Boukella et sa musique jazzy teintée de rythmes traditionnels, suivie de Lalla Aïcha et d’un DJ set de Mystique.

La seconde semaine réserve bien des surprises. Restitutions d’ateliers avec Loïs Lazur et Mélanie Métier, créations sonores par Anna Vahrami et son projet Mothers of Air mais aussi une série de concerts avec la venue de Tujiko Noriko, Sanam, Meryem Koufi et Mehdi Haddab ou encore Grégory Dargent. Enfin, la dernière journée offre une programmation dense : concert-performance de Ganagobie, création live de Marquinn Mason et Stefan Ringer, et DJ set de Goldie B.

Les artistes « maison »

Cœur de sa mission, l’A.M.I. accompagne des jeunes artistes du territoire, et certains seront sur scène à l’occasion de Jest. Il y aura, le 20 novembre, La Forêt de Georgia Creek au Théâtre de l’Œuvre. Le duo marseillais mélange les sonorités jazz et s’interroge sur ce que la forêt a à nous raconter… Un projet à la fois immersif et engagé.

Le lendemain, c’est le groupe Hemele et Hel qui se produit à la Salle Corvin de la Friche, avec une musique mêlant celtique, revival folk et guitare, dans un univers médiéval et cinématographique. Le 26 novembre, place à Blind to the Architects qui investissent le Petit Cab, transformant le son en matière vivante et en rituel sonore. Enfin, le 27 novembre, Duo Mobile présente un rock alternatif/garage/post-punk mêlant instruments électroniques et textes en arabe, une invitation à la danse !

CARLA LORANG

Jest
18 au 29 novembre
Friche de la Belle de Mai, Cité de la Musique et le Théâtre de l’Œuvre
Marseille

Agone réédite Dagerman

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Notre besoin de consolation est insatiable. Celui de relire Stig Dagerman, réédité chez Agone, aussi !

La collection Éléments de l’éditeur Agone rassemble quelques textes essentiels à la compréhension politique de notre époque comme Le mythe moderne du progrès de Jacques Bouveresse, ou le Pourquoi les pauvres votent à droite de Thomas Franck. La collection s’interroge sur les fondements historiques des socialismes (Robespierre de Jean Massin, Lénine-Dostoïevski de Nina Gourfinkel) et la fabrique de l’opinion, en particulier le récent et remarquable Les médias contre la gauche de Pauline Perenot.

Dagerman, l’emblème et la mort

La deuxième réédition (2001, 2009, 2025) de Notre besoin de consolation est insatiable, suivi de 16 articles en partie inédits, est emblématique de cette politique éditoriale, fondée sur une fidélité à des principes, à des idées, mais aussi à un amour profond de la littérature.

Stig Dagerman, reconnu comme un des plus grands auteurs suédois de romans, de théâtre et d’essais, écrivait aussi pour la presse anarcho-syndicaliste des articles d’une éclatante beauté. Extrayant des diamants de langue d’une analyse du monde à la noirceur profonde, Stig Dagerman, sans doute bipolaire, s’est suicidé à 31 ans après des années de silence littéraire, où il n’a livré que Besoin de consolation testamentaire (1952) d’une dizaine de pages, découvert et édité en Suédois en 1981 seulement.

Liberté et socialisme

Il y dépeint la noirceur d’un monde marqué par les exterminations et les ruines, par l’emprise croissante du capitalisme, par le despotisme qui s’installe à l’Est et qu’il a dénoncé dans son article sur l’affaire Petkov en 1947. « La terreur et l’assassinat pratiqués à l’encontre d’adversaires idéologiques […] sont étrangers à la nature même du socialisme. »

Si les pages mordantes sur son voyage en France ou sur l’interdiction de fumer dans les trains en Suède sont délicieusement outrancières, les articles sur la paix, sur l’ONU, le monarque suédois décédé ou l’anarchisme syndicaliste, éclairent certaines obscurités du dernier texte écrit par cet homme au « besoin de consolation insatiable ». Comment se consoler « sans la volupté de la foi » ou« du doute », du plaisir ou de l’élévation ? Seulement en prenant conscience de sa propre liberté, de son propre désir de vie, indépendant du pouvoir que les autres exercent sur lui.

Et même si il sait que ce sentiment de liberté est illusoire, en équilibre entre « l’amertume mesquine »et « les bouches voraces de l’excès ». Au fond des« sept boîtes gigognes de la dépression »se trouvent « un couteau, un rasoir, un poison, une eau profonde, un saut dans le vide. »Qui nous ont privés d’un des plus belle écriture d’après-guerre, mais l’ont peut être, aussi, inspiré. 

AGNES FRESCHEL

Notre besoin de consolation est insatiable

et 16 autres textes

Stig Dagerman

Editions Agone, collection Éléments

Agone, une maison d’édition indépendante

Éléments est le petit format à 10 euros des éditions Agone, dirigées par Thierry Discepolo, une des rares maisons d’édition indépendantes dans un secteur où la concentration capitaliste fait des ravages idéologiques : Hachette, Editis, Madrigall, Albin Michel et Média Participation concentrent plus de 95 % du chiffre d’affaires (dont Hachette de plus de 50%) d’un secteur où la rentabilité économique des milliardaires (respectivement Bolloré, Kretinsky, Gallimard, Esménard et Montagne) importe moins que la main-mise idéologique. La petite maison marseillaise soutient les l’édition et la distribution indépendantes, et édite les auteurs qui résistent. A.F.

Objectif Danse :Rémy Héritier présente Un monde réel

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Le chorégraphe Rémy Héritier signe avec Un monde réel une pièce où la danse devient caisse de résonance : celle des gestes, des filiations et des mémoires qui circulent entre les corps. Interprétée par Bryan Campbell et Héritier lui-même, l’œuvre dialogue avec l’univers plastique de Vija Celmins, explorant la trace, l’écho, le double : ce qui demeure quand on croit avoir tout vu. Sur la musique d’Éric Yvelin et les lumières de Ludovic Rivière, les corps s’effleurent et se répondent dans une écriture chorégraphique épurée mais hantée de réminiscences.

Créée dans le cadre du réseau européen ICI–CCN Montpellier / Le Dancing / BUDA, cette pièce présentée à la Friche Belle de Mai s’inscrit dans la programmation de Marseille Objectif Danse, qui célèbre, cette saison encore, les écritures chorégraphiques les plus sensibles et les plus singulières. S.C.

13 novembre et 14 novembre
Friche Belle de Mai, Marseille

Le rock se donne rendez-vous à Toulon

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Du 13 au 15 novembre, le festival porté par Tandem83 réunit certains des artistes les plus réjouissants de la scène rock française

Il n’y a pas beaucoup de festivals de rock dans notre région. Et quand il y en a un, de cette qualité, avec une telle programmation, on ne peut que s’en réjouir. Adé, Bryan’s Magic Tears, Catchy Peril, Technopolice… Entre le Bière de la Rade et le Live, l’édition 2025 de Rade Side accueille pendant trois jours quelques uns des artistes les plus en vus de la scène rock de la région, et au-delà.

Le meilleur groupe de rock
du monde est français

L’ouverture se fait au Bière de la Rade, avec Mega Lune, un duo marseillo-varois, que Tandem83, qui organise le festival, a accompagné il y a quelques mois. Mêlant sonorités électro, voix quasi-lyrique et énergie punk, le duo se démarque par l’originalité de sa proposition, et sa qualité sonore. Originaux aussi sont les Marseillais de Catchy Peril qui jouent le même soir, entre glam, post-punk et présence scénique emballante.

Le lendemain, le plat de résistance et une question : Bryan’s Magic Tears est-il le plus grand groupe rock du monde ? Il faut écouter leurs disques, et notamment le dernier Smoke and Mirrors pour saisir ce qu’il apporte à la musique rock moderne. On dit d’eux qu’ils font du revival shoegaze des années 1990. Il y en a. Mais pas seulement. Ils captent aussi et surtout le monde dans ce qu’il a de plus contemporain, de plus beau, et de plus triste. La réponse à la question est à découvrir au Live, après un concert des Spitters, pur produit punk made in la rade, et de Technopolice, formation marseillaise qui vient tout juste de sortir un excellent premier album Chien de la casse – dont Zébuline parlera bientôt.

Le dernier jour est consacré à la pop-rock avec en tête d’affiche Adé, que l’on pourrait définir ainsi : une ambiance années 2000, des mélodies accrocheuses, et une voix puissante qui flirte avec la saturation. Avant elle, on aura vu Le Bleu, autre groupe qui a été accompagné par Tandem, et qui mêle dans son set poésie, pop et énergies rock et électro. Il y aura du beau monde ce week-end à Toulon.

NICOLAS SANTUCCI

Rade Side
Du 13 au 15 novembre
Bière de la Rade, Le Live, Toulon

Le Zef met les pieds dans le plat

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Des grands-mères italiennes, une drag queen et des lasagnes géantes : Le Lasagne della Nonna, un spectacle pop et politique, où mémoire migrante et quête de soi se répondent avec éclat

Le Zef affiche complet ce mercredi 5 novembre pour l’une des deux représentations des Lasagne Della Nonna, une création 2024 de Massimo Furlan et Claire de Ribaupierre, respectivement metteur en scène et dramaturge. Depuis plusieurs années, le tandem explore la dimension artistique de la parole intime, du témoignage et du récit de soi.

D’emblée, l’audience, plongée dans le noir, est projetée dans l’univers du cabaret. Une drag revêtue d’azur se déhanche sensuellement bientôt rejointe par des femmes plus âgées dont les tenues scintillent sous les projecteurs. La première ôte ensuite sa perruque et entame son récit. C’est Davide, acteur et drag queen, qui se fait le chantre de ces histoires entremêlées. Petit-fils de Giuseppina, présente sur scène, arrivée du Sud de l’Italie pour rejoindre son mari en Suisse, Davide déroule le fil de destin de ces grand-mères, Rita, Lucia, Anna, autrefois jeunes femmes nées en Italie, après-guerre et ayant émigré vers la Suisse.

Les corps en mouvement

Sur le plateau, apparaît alors une large table de cuisine où ces dernières s’affairent pour confectionner les fameuses lasagnes, faisant résonner des gestes, des savoir-faire et des traditions venues d’ailleurs mais toujours bien vivantes. Sous les yeux du public naît alors une communauté dont les récits font écho aux enjeux de notre monde contemporain.

Le spectacle bascule dans l’onirisme, une part de lasagne géante se fait vaisseau spatial et dévoile Ali, comédien marocain, arrivé depuis peu en Suisse.  Face aux « Nonne », Davide et Ali, jeunes hommes homosexuels aux trajectoires très différentes, s’interrogent sur leurs racines et sur le rejet qu’ils affrontent. Le voyage se referme sur la chorégraphie d’ouverture, reprise cette fois sans artifices ni costumes, mettant les corps des femmes âgées en mouvement. Une image encore trop rare et d’une force politique discrète mais implacable.

ISABELLE RAINALDI

Le spectacle a été donné les 5 et 6 novembre au Zef, Scène nationale de Marseille.

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Un trouple attachant

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Sur la scène du Théâtre Joliette, Marie Provence présentait La Stupéfaction, le premier texte qu’elle a écrit et mis en scène

C’est un drôle de trio qui s’empare du plateau de la Joliette. Le premier sort d’une hospitalisation après un AVC qui lui laisse quelques séquelles. La deuxième, enseignante, d’un burn-out. Et la troisième d’une relation toxique avec un homme qui a eu la bonne idée de mourir quelques jours seulement après qu’elle a eu le courage de le quitter. Tous les trois se retrouvent dans un lieu non identifié, mais qui respire la quiétude et la nature, comme l’exprimentles trois grands panneaux forestiers en fond de scène, et les décors à la géométrie réconfortante.

Cette histoire est la première qu’écrit Marie Provence, comédienne et metteuse en scène au CV bien fourni, soutenue par Les Théâtres pendant plusieurs années, aujourd’hui par La Criée et le Théâtre Joliette qui coproduisent la pièce. Dans La Stupéfaction, elle invite trois personnes qui sont à un moment de bascule dans leur vie, ou juste après. Pendant 1h40, ces derniers vont dialoguer, se retrouver, s’aider mutuellement, s’accompagner dans la reconstruction.

Mal-lettres

C’est avant tout une histoire de langage que cette pièce explore. Celui des mots, beaucoup, celui du corps aussi. Les dialogues qu’il produit deviendront un remède pour les âmes blessées sur scène. Une délivrance que le public attendra et souhaitera, tant on s’attache à ce trio (Christelle Saez, Leslie Granger et Florent Cheippe) – et tant il est facile de s’identifier à ces histoires de vie.

Dans cette pièce au rythme media-tempo, Marie Provence injecte aussi des jeux de lumières, et d’ombres ; de la musique également ; dans des scènes où les acteurs se retrouvent souvent à trois, parfois seuls, pour des longues tirades drôles, savoureuses ou poignantes.

NICOLAS SANTUCCI

La Stupéfaction a été créée du 4 au 8 novembre au Théâtre Joliette, Marseille

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La chair du mythe

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Avec Cinq Versions de Don Juan, Josette Baïz célèbre une icône en mouvement

Sur le plateau du Grand Théâtre de Provence, la chorégraphie de Josette Baïz déploie une énergie captivante, portée par des danseurs doués, généreux et à l’écoute les uns des autres. Chaque geste dialogue avec l’autre, chaque mouvement informe le suivant. Ici, le séducteur devient miroir des désirs et résistances féminines, figure insaisissable et fascinante, au cœur de la danse autant que de l’imaginaire. Lacan le rappelait volontiers : Don Juan est aussi, et peut-être même avant tout, un fantasme féminin. Miroir des identités, désirs mais aussi des résistances, figure insaisissable et fascinante : le personnage avait de quoi intéresser la danse, lieu de l’intime, de l’imitation et de l’échange.

L’amour en étendard

Le premier acte, intitulé Démesure, ouvre la pièce dans un trouble sensuel : un trio vibrant, presque fusionnel, rappelle que le véritable couple chez Molière fut toujours un trouple – Don Juan, Sganarelle et Elvire. Entre étreinte et fuite, c’est la tension de la possession et de la perte qui s’y joue.

Mais très vite, Rébellion prend le relais : la pulsation du krump, brut et viscéral, électrise le plateau. La révolte prend naissance dans les corps féminins ; la douleur se mue en énergie, en revendication, en joie rageuse : et vient enfin la Libération, avec ses accents et déhanchés orientaux, ses bras qui s’élèvent comme des étendards. Les femmes quittent enfin la figure mythique pour retrouver leur propre voix, leur propre geste.

Mort et Métamorphose se succèdent pour montrer un collectif aux trousses du séducteur, puis le réintégrant dans sa dynamique. Le goût de la citation et du symbole affleurent, parfois de façon un peu trop appuyée. La musique, souvent illustrative, verse dans l’emphase – c’est le travers habituel de Baïz, toujours prête à embrasser trop large. Mais qu’importe : la sincérité du geste, la beauté du collectif, la précision rythmique et la chaleur des interprètes l’emportent sur tout le reste. Et c’est peut-être cela, aujourd’hui, le vrai mythe : celui d’une humanité qui, par la danse, tente encore d’aimer sans posséder.

SUZANNE CANESSA

Le spectacle a été joué les 4 et 5 novembre au Grand Théâtre de Provence, Aix-en-Provence.

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