mercredi 24 décembre 2025
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Carmen

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Julien Lestel fait danser la liberté. Sa Carmen, incarnée par Mara Whittington, y devient une figure flamboyante de l’émancipation. Elle se dépouille sous le regard du chorégraphe, des lignes de l’opéra pour devenir pur mouvement. Sur les pulsations réinventées de Bizet par Iván Julliard, la sensualité devient résistance, et le goût de la passion un cri d’indépendance. Corps en tension, gestes en feu : une Carmen contemporaine, féminine et insoumise, où chaque pas semble dire « non » au destin.

S.C.
23 novembre
Théâtre de Fos-sur-Mer

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Stabat Mater

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Sous la direction fervente d’Emmanuelle Haïm, Le Concert d’Astrée s’attaque à un chef-d’œuvre du répertoire baroque. Le Stabat Mater fait entendre la douleur de Marie nimbée d’une lumière presque charnelle. Les cordes pleurent, la foi se fait chair. L’opus se déploie comme un trajet de l’ombre à la lumière. Le chef-d’œuvre de Pergolèse s’élève ici comme une plainte suspendue entre ciel et terre – où les grandes voix d’Emőke Baráth et Carlo Vistoli se répondront dans un passionnant dialogue de timbres et textures.

S.C.
22 novembre
Grand Théâtre de Provence, Aix-en-Provence

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Piano en Fleurs

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Le Campus Art Méditerranée accueille la 5e édition de Piano en Fleurs imaginé par la pianiste Amandine Habib. Ce festival place la neuroatypie au cœur de son projet et réfléchit aux façons de partager la musique avec les personnes autistes, TDAH ou « dys »… des moments de Pianos Partagés permettront à des enfants neurotypiques et neuroatypiques de se produire.

Trois soirées rythmeront le festival : Éric Artz interprètera des musiques de Miyazaki, Célimène Daudet explorera les racines haïtiennes de la musique et Enigma, quatre-mains entre Pierre-François Blanchard (jazz) et Frédérick Vaysse Knitter (classique), clôturera le week-end. Ces concerts seront précédés d’une scène ouverte aux jeunes pianistes du Conservatoire Barbizet. Un Atypik Lab réunira neurologues, architectes et producteurs autour de la création d’espaces culturels plus inclusifs.

 A.-M.T.
Du 21 au 23 novembre
Campus Art Méditerranée, Marseille

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[AFRICAPT] Promis le ciel

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Promis le ciel (C) Jour2 fete

Promis le ciel. Pour qui ? Pour cette fillette immergée dans un bain moussant doux et bleuté autour de laquelle s’affairent trois femmes noires, lui posant des questions, la rassurant. La fillette (Estelle Kenza Dogbo) évoque un bateau renversé, un homme avec des couteaux « Tout est cassé » répète t-elle. Elles doivent trouver une solution pour la fillette. C’est ainsi que commence le nouveau film de la Tunisienne Erige Sehiri, dont on avait apprécié le précédent, Sous les figues (https://journalzebuline.fr/une-jeunesse-mi-figue-mi-raisin/) Ici, c’est autour d’une communauté de femmes subsahariennes qui tentent de trouver leur place en Tunisie que se construit le film.  Trois Ivoiriennes. Une pasteure, (Aïssa Maïga) ancienne journaliste, Aminata qui se fait appeler Marie, a rassemblé la communauté dans son  Église de la persévérance, un culte catholique et un centre d’aides. Avec elle, Naney (Déborah Christelle Naney ) qui l’aide mais qui trafique avec un ami tunisien, Foued (Foued Zaazaa ),  espérant faire venir sa fille qu’elle n’a pas vue depuis 3 ans. La plus jeune, Jolie  (Laetitia Ky) étudiante, en règle avec ses papiers, pense surtout à ses études et voudrait être plus indépendante. La caméra de Frida Marzouk les suit de très près, captant sur leur visage toutes les émotions : espoir en un avenir meilleur, crainte et doutes quand les rafles de subsahariens s’annoncent. Scènes de la vie quotidienne, moments de ferveur quand Marie prêche et que toutes les femmes de la communauté prient et chantent : instants d’allégresse quand on danse, oubliant qu’on est loin de son pays et que la Tunisie n’est pas vraiment une terre d’accueil. Et lien entre les trois, la petite Kenza, l’enfant qu’on voudrait garder dans la communauté, ce qui pourrait être un risque pour Marie, Kenza qui ramène le sourire sur leur visage quand elles sont tristes, celle qui interroge les liens brisés, la maternité, l’avenir. Autour de ces trois femmes, gravitent des hommes, le propriétaire de la maison (Mohamed Grayaâ) assez indifférent à leur sort, Foued qui subit la crise économique comme bon nombre de Tunisiens, Noa, l’ami aveugle de Marie qui l’interpelle sur son projet de ne pas remettre Kenza aux autorités : Tu ne peux remplacer un enfant par un enfant »  dit –il à cette mère qui a perdu sa fille. Un moment très émouvant.

« On m’a promis le ciel, en attendant je suis sur la terre, à ramer. » chante le groupe Delgres.  Certes, elles rament ces trois femmes dont Erige Séhiri fait le portrait  dans ce film choral à l’image soignée, souvent bleutée, superbement interprété par Aïssa Maïga, Déborah Christelle Naney, Laetitia Ky et la petite Estelle Kenza Dogbo,  mais leur force, leur volonté face à l’adversité nous donnent une vraie leçon de vie.

Annie Gava

Lire ICI un entretien avec Erige Sehiri

Promis le ciel sort en salles le 28 janvier 2026

© Jour2fête

AVEC ERIGE SEHIRI

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Erige Sehiri (C) Lola Contal

Vos films sont souvent inspirés par des rencontres ; comment vous est venue l’idée de Promis le ciel que vous avez co-écrit avec Anna Ciennik et Malika Cécile Louati ?

L’idée du film a germé en 2016 : j’avais réalisé un documentaire sur des étudiantes de Côte d’Ivoire et du Cameroun qui venaient étudier en Tunisie. Je trouvais intéressant que la Tunisie soit une terre d’accueil, un lieu pour de futures ingénieures. C’était déjà le cas, il y a 20 ans. Ces étudiantes m’avaient raconté que l’expérience de leurs parents qui avaient étudié en Tunisie était tout autre ; eux vivaient beaucoup de racisme et de xénophobie, ce qui n’était pas le cas 20 ans auparavant. Je me suis dit que tout pouvait basculer dans une société ; c’est le cas aussi en Europe. J’ai commencé à m’intéresser à cette question et avec Malika, on a fait des recherches ; un peu plus tard, j’ai revu une amie journaliste qui m’a dit qu’elle était aussi pasteure. Petit à petit on a commencé à écrire et après, Anna nous a aidées à structurer les choses. Le scenario a évolué au cours du tournage.

Comment avez-vous construit vos personnages féminins et aviez-vous en tête vos actrices au moment de l’écriture du film ?

Non. Au départ, je voulais faire jouer une vraie pasteure puis je me suis dit qu’il fallait une comédienne assez charismatique et j’ai pensé à Aïssa Maïga.  Car le personnage porte à bout de bras une communauté : elle doit jouer un double rôle car le rôle de pasteur, c’est déjà un rôle dans la vie ; elle doit jouer aussi le rôle de celle qu’elle était avant, quand elle s’appelait Aminata et qu’elle était journaliste. Déborah Christelle Naney, je l’ai rencontrée à Tunis en faisant un casting sauvage et Laetitia Ky sur Instagram. Et la petite Kenza dans une église évangélique. C’est très varié ! Je me laisse porter pendant mon travail de recherche à ces rencontres. Je suis en attente de ces rencontres, de ces coups de cœur qui vont venir chambouler le scénario que j’ai écrit au départ.

Votre film, très riche, aborde plein de thématiques différentes ; évidemment la condition des femmes subsahariennes en Tunisie mais aussi le rapports femmes/ hommes, le rapport à l’argent, à la maternité, la situation sociale, sans didactisme :  ce n’est pas évident de traiter tout cela ! quelle est votre recette ?

(Rires) C’est juste en faisant beaucoup de recherches, en travaillant en immersion avec ces femmes et en créant des scènes qui retracent ce à quoi elles sont confrontées dans leur quotidien ; en condensant les choses comme si c’était un moment de leur vie ; on n’a pas besoin d’avoir de l’empathie pour les histoires des autres. Il suffit que l’une éclaire l’autre sur la trajectoire des femmes subsahariennes et de cet entre-deux   dans lequel elles se trouvent : entre les portes de l’Europe, l’Europe et l’Afrique subsaharienne. Coincées dans une vie provisoire, en attente de décisions politiques, de questions administratives. Tout cela se mélange parce que dans la vie, on n’est pas compartimenté comme on peut l’être dans les films : quand il y a une histoire on se concentre sur l’histoire ; dans la vie on doit gérer plusieurs éléments et j’aimais bien que ce soit un peu comme cela.

Vous avez réussi à ce qu’on s’intéresse aussi bien Marie qu’à Naney et Jolie même si elles sont très différentes

Elles racontent toutes les trois quelque chose de très différent Marie, une intellectuelle qui a décidé de devenir pasteure sûrement parce qu’elle a vécu quelque chose de trouble, de grave dans sa vie. Elle porte à bout de bras une communauté et elle est assez fragile, ambiguë parfois. Elle gère cette église comme une petite PME. On sait peu de choses sur son passé mais on devine. Jolie est une étudiante ; elle a sa carte de séjour et pense qu’elle n’a rien à voir avec les migrants. Naney est un électron libre entre la rue, l’église, le jour, la nuit ; c’est pour cela qu’on s’attache beaucoup à elle ; Et la petite Kenza est une enfant de 4 ans, très intelligente et qui a beaucoup d’humour.

Et comment avez-vous travaillé avec cette petite fille ?

Elle est extraordinaire dans la vie ! parfois il fallait être patient : c’est une enfant. Parfois elle était fatiguée, parfois trop joyeuse pour le rôle. J’ai passé beaucoup de temps avec elle avant le tournage ; j’allais la voir chez elle, je l’emmenais au parc. Ainsi j’ai créé un lien de confiance comme avec les autres acteurs. Par exemple la manière dont elle regarde Jolie, très froide avec elle. J’ai demandé à l’actrice d’être vraiment froide avec elle-même en dehors du plateau. A Aïssa, j’ai demandé d’avoir un peu un rôle de maman. Cela a favorisé les rapports.

Et les hommes dans tout ça ?

Les femmes migrantes sont souvent seules et les hommes gravitent autour. Ce sont des Tunisiens comme le propriétaire de la maison, qui est là. Foued, l’ami de Naney : on ne sait pas trop la relation qu’il entretient avec elle. Ce ne sont pas des liens aboutis. C’est pour cela que j’emploie le mot « graviter ». Quand on est dans un pays étranger, on est vulnérable et les gens qui s’approchent sentent cette vulnérabilité et s’en servent. Sans les diaboliser, ils regardent d’abord leur intérêt.

La caméra de votre directrice de la photo, Frida Marzouk,cadre souvent vos personnages de très près. Comment avez -vous travaillé avec elle ? Avez-vous regardé ensemble des films, des photos, des tableaux ?

Non ! Cela avait été le cas pour mon film précédent Sous les figues  ((https://journalzebuline.fr/une-jeunesse-mi-figue-mi-raisin/) mais là non ! Il y a eu très peu de préparation. On a tourné sur le vif. On s’inspirait du réel. On n’avait pas le temps. Pour le cadre, on a utilisé un format large, en scope qui sert plutôt à filmer les paysages mais pour moi les paysages, c’était les visages. On filmait de très près, ce qui donnait cet effet de portrait mais aussi comme si les femmes étaient dans un grand espace, enfermées. Frida est venue avec moi dans les églises. En fait, oui on a regardé ensemble un film, Moonlight de Jenkins qui a beaucoup de couleur bleue. On a pensé à utiliser une palette chromatique dans le bleu et le rose : le bleu du ciel et de la mer, et le rose comme la robe à paillettes de Naney. Ces deux couleurs sont celles du crépuscule. Le film est à la lisière du jour et de la nuit comme leur vie ; On n’a pas l’habitude de voir ces couleurs-là dans le cinéma africain. C’est un film africain mais aussi tunisien et le crépuscule tunisien a ces couleurs-là. Je voulais aller vers la froideur ; ce que ces femmes ressentent dans ce pays qui ne les accueille pas.

Le titre : Promis le ciel : Alors le ciel, promis pour qui ?

Toutes les promesses qu’on se fait les uns aux autres, les promesses d’un état à ses citoyens, les promesses d’une pasteure à ses fidèles, d’une mère à son enfant, les promesses de l’amitié et de la solidarité : toutes ces promesses-là qui sont abordées dans le film : « On m’a promis le ciel, en attendant je suis sur la terre, à ramer. » c’est cette chanson du groupe Delgres que j’ai découverte à la radio et qui reflétait le film et qui devait y être ; ce que j’ai demandé au groupe. Une chanson qui a donné son titre au film.

Votre film a fait l’ouverture d’Un Certain Regard au Festival de Cannes 2025, a remporté plusieurs prix dans les festivals. Cela doit vous ouvrir facilement des portes pour la production de votre futur film ?

On m’avait déjà dit cela après Sous les figues. Le film suivant est souvent plus ambitieux, plus difficile à financer donc. Promis le ciel a été fait plus vite en deux ans.  J’espère juste que ce qui va être soutenu est mon processus de travail. En France les financements restent toujours liés au scenario, qui doit toujours être écrit et récrit…J’essaie d’expliquer que tout ne peut s’écrire au scenario. J’espère qu’on fera confiance à ma démarche. Le 3ème volet qui est aussi sur les femmes au travail en Tunisie, traitera d’un métier, d’un univers qu’on connait très peu. Je n’en dirai pas plus… Ce qui m’importe aujourd’hui est que Promis le ciel soit vu, qu’on puisse en discuter, qu’on puisse regarder d’autres perspectives de la migration que celles qu’on a l’habitude de voir ; toute l’Afrique voudrait venir en Europe !  alors que c’est beaucoup plus complexe que ça.  En Europe, on entend qu’on veut remplacer l’ADN chrétien par l’ADN musulman. Les islamistes disent que les chrétiens veulent remplacer l’ADN musulman par l’ADN chrétien !!!Je montre l’absurdité de cette situation sans oublier la pression européenne sur la Tunisie. Bloquer la migration en protégeant les frontières. Le film n’est pas aussi dur que ce qui se passe dans la vie. Le quotidien de certaines femmes est beaucoup plus difficile que ce que je montre. J’ai choisi une famille recomposée plus confortable que d’autres. Ces femmes ne sont ni des héroïnes, ni des victimes. Elles sont pleines de vie, de vitalité. Des femmes INSPIRANTES !

Entretien réalisé au 23e Festival des Cinémas d’Afrique du pays d’Apt le 9 novembre 2025 par Annie Gava

Ressemblance et coïncidences

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(C)Les Alchimistes

«  Ceci est l’histoire d’un homme, marqué par une image d’enfance. » Cette phrase ouvre le film mythique de Chris Marker, La Jetée. Des écrans dans une salle de montage qu’on découvre en un plan séquence, sont les premières images du dernier film de Dominique Cabrera. Un lieu où la réalisatrice va « inviter »  hommes et femmes pour qui La Jetée, plus particulièrement le 5éme plan, fait surgir des souvenirs, des images, des questions. Des gens qui ont connu Chris Marker, des collaborateurs, des amis de celui qui n’aimait pas être photographié et qui a fait tout un film avec des photographies, celui qu’on surnommait « l’ombre ». Mais aussi des proches de Dominique Cabrera, puisque tout a commencé par une découverte. Son cousin, Jean –Henri, voyant  le film à la Cinémathèque Française, croit se reconnaitre avec ses parents dans le 5e plan de La Jetée : une photo avec un homme en costume, une femme en manteau et un petit garçon aux oreilles décollées ; tous trois de dos sur une terrasse d’Orly.  Le petit garçon, ce serait lui. Un visage anonyme inscrit dans un chef d’œuvre, est –ce comme être dans un vitrail à Notre Dame, ou sur une frise du Parthénon, s’interroge Dominique. Cette découverte va donner naissance au film : un film enquête et aussi un film très personnel, autobiographique qui le rapproche  de ses films antérieurs Demain et encore demain ou Grandir dont on voit quelques images. Et aussi de son film précédent sur le cinéma, Bonjour Monsieur Comolli (https://journalzebuline.fr/une-journee-avec-dominique-cabrera/)°)

C’est donc à une véritable exploration que se livre la cinéaste, fouillant avec patience et passion : témoignages sur le travail de Chris Marker , celui qui aimait les chouettes et les chats, carnets de notes où l’on découvre que c’est le 23 septembre 1962 qu’a débuté le photo-roman, appareils photo argentiques dont le « Pentax » qu’utilisait Marker. Dans une séquence assez drôle, l’oncle Paul fait le calcul des probabilités pour que la famille de Jean – Henri se soit trouvée là, à Orly, au moment où Marker prenait ses photos. 1 chance sur 4520 ! L’aéroport d’Orly, c’est là où la famille Cabrera a débarqué  et où elle se promenait tous les dimanches pour voir arriver les pieds-noirs venus comme elle d’Algérie en 1962. La mère de la cinéaste, Monique, ne reconnait personne sur la photo mais est au bord des larmes en regardant l’album  où elle revoit son défunt mari dont elle évoque le petit studio de photos qu’il avait monté là-bas.  L’histoire familiale rejoint l’Histoire, évoquée par Chris Marker dans Le joli Mai dont la cinéaste nous montre quelques séquences. Autre coïncidence : n’y a -t-il pas une ressemblance entre Jean –Henri et Davos Hanich, le peintre et sculpteur qui interprète le rôle principal de La Jetée, né à Saint Denis du Sig dans la même région que toute la famille… Tout cela donne le vertige.  Vertigo le film qui a inspiré Sans Soleil comme l’a précisé Marker. Et Dominique de conclure : «  Tu as inscrit notre famille dans le vortex de ton film »   Conclusion d’une enquête passionnante qui nous a fait voyager dans le temps, l’espace et le cinéma.

Annie Gava

Le 5e plan de La Jetée sort en salles le 5 novembre 2025

©  Les Alchimistes

Entre deux pôles

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L'incroyable femme des neiges

Baie de Baffin.Groendland. Une femme, seule sur l’étendue de glace,  avance contre le vent polaire, dans une lumière rasante et installe un bivouac. Tout à coup un ours et un combat, à mains nues, dans ce froid extrême. Cette femme, c’est Coline Morel jouée par Blanche Gardin dans le nouveau film de Sébastien Betbeder , L’Incroyable femme des neiges . On  retrouve Coline,  en France, dans un hôpital  du Jura, où  un diagnostic lui est donné . « J’ai 46 ans et je vais bientôt mourir » nous apprend –elle.  Elle vient de se faire licencier de son emploi de chercheuse, spécialiste des pôles, et revient dans la maison familiale où vit son frère  Basile (Philippe Katerine), surpris et gêné : elle n’a plus donné de nouvelles depuis des années. Un retour qui commence par un coup de poêle sur la tête et ce ne sera pas le seul couac de ce séjour. Elle apprend que son compagnon, Sacha la quitte après 18 ans de vie, presque commune : Coline était souvent en expédition sur les traces du qivittoq, un  être surnaturel errant et mystérieux, issue de la mythologie inuit. « Je t’ai quittée parce que tu me faisais peur, lui dit –il par téléphone. Effectivement, Coline semble incontrôlable et dans le village , elle « sème la terreur » si bien que le frère cadet, Lolo (Bastien Bouillon) est appelé en renfort. Quand Coline croise Christophe, son premier amour, marié et instituteur, elle s’invite dans sa classe de maternelle pour venir raconter ses aventures polaires devant sa classe de maternelle. Une séquence hilarante ; un vocabulaire de spécialiste puis une démonstration, couteau à la main d’un  avec l’ours. Des enfants terrifiés et un prof  affolé chez qui elle va débarquer un soir. Elle agresse sa femme  l’accusant de lui avoir « volé » Christophe, jusqu’à ce qu’elle soit interpellé. Malgré l’aide apportée par ses frères à qui elle n’a toujours pas révélé sa maladie incurable, elle n’arrive pas à vivre là et….disparait. Tous la croient morte  et on laisse aux spectateurs découvrir la nouvelle vie ,  le choix de cette femme, borderline, qui vient de vivre une expérience ; se confronter à sa propre famille pour vraiment être sûre de sa place dans le monde. Une femme libre de choisir « un bon jour pour mourir » comme Dustin Hoffman dans Little Big Man qu’on entrevoit sur un écran.

Un film au sujet grave, un personnage confronté à la mort, mais que Sébastien Betbeder traite avec humour comme une comédie : « J’assume totalement le film comme une comédie, même si j’aime beaucoup le terme de « dramedy ».Et c’est vrai qu’on rit dans ce film, souvent surpris par ce personnage de femme exploratrice, solitaire, qui a toujours cherché un sens à sa vie, dont Blanche Gardin  a su exprimer toutes les facettes. Quant aux deux frères, l’interprétation de Philippe Katerine et Bastien Bouillon est parfaite.  Un beau travail aussi du directeur de la photo, Pierre-Hubert Martin, aussi bien pour les plans larges aux couleurs froides du Groenland  que pour les intérieurs aux tons chauds,  jaunes ocres.  Un film à découvrir

Annie Gava

L’incroyable femme des neiges en salles le 12  novembre

Je suis une « pue-la-pisse »

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Non, je ne vais pas vous parler de mes odeurs corporelles que je pense peu nauséabondes. 

PLP est un sigle qui désigne les « pue-la-pisse », employé par les gendarmes qui ont protégé la méga-bassine de Sainte-Soline. C’est à dire en l’occurrence les militants écolos, mais aussi les gilets jaunes, les manifestants contre la réforme des retraites, bref ce qu’on nommait autrefois la populace, aujourd’hui la racaille. 

Déshumaniser le peuple – les sans-dents ou les sans Rolex, selon où l’on place le curseur de la pauvreté – est un des stades ultimes avant le massacre de masse. Un prélude indispensable à  l’« extermination des nuisibles ». Les rats, disaient les Nazis pour désigner les juifs et des tziganes, les cafards, disaient les Hutus de leurs compatriotes Tutsies, les « restes de l’épée » disaient les Turcs des Arméniens échappés au génocide de 1915. « Nous combattons des animaux humains » a déclaré Yoav Gallant, ministre israélien de la défense, condamné en 2024 pour crimes de guerre et crime contre l’humanité. 

Kiffer la mort

Les actes commis à Sainte-Soline n’ont rien de génocidaire, mais les vidéos dévoilées par Libération et Médiapart nous font entendre des propos inacceptables. Les gendarmes parlent de leur plaisir à « shooter » les PLP, à leur « défoncer la tête », à tirer sur leurs enfants, à atteindre directement les corps avec les capsules des lacrymogènes. À faire des dégâts dans les chairs de leurs concitoyens. Ils regrettent de ne pas pouvoir tirer à balle réelle, visent des manifestants pacifiques qui se replient. Leurs officiers ordonnent d’effectuer des tirs tendus, interdits, ils s’exécutent avec excitation, éprouvant « le plus gros kif de [leur] vie ». C’est qu’ils tirent sur des manifestants qui défendent l’intérêt du vivant contre l’agroalimentaire, des pue-la-pisse.

Il est des étapes qui nous éloignent dangereusement de l’État de droit. Quand Trump se vote une amnistie pour lui-même, gracie les émeutiers meurtriers du Capitole (5 morts, dont 1 policier), destitue les juges qui les ont condamnés, il met à mal la démocratie américaine. Mais quand nos forces de l’ordre violentent le peuple qu’ils sont censés protéger, le danger est tout aussi grand. L’uniforme est aujourd’hui, à nouveau, ressenti comme une menace. 

Car la mémoire d’une police qui tirait à balle létale sur des Français n’est pas si loin. 1974 pour les Martiniquais, 1967 pour les Guadeloupéens, 17 octobre 1961 sur le Pont de Neuilly, en jusqu’en 1962, régulièrement, en Algérie Française. En métropole, les juifs, les résistants, les gaullistes, les communistes ont été arrêtés, torturés, exécutés par la police française aux ordres de la Gestapo. C’est cette mémoire qui a limité, en mai 68, le recours policier à la violence, et interdit l’usage des armes létales contre des manifestants, fussent-ils agressifs, et l’usage de la force sans sommation et sans légitime défense. 

Or on ne compte plus aujourd’hui les abus des « forces de l’ordre » qui dérogent aux ordres, tuant Zineb Redouane à son balcon, Mohamed Bendris sur son scooter, jetant à terre des manifestantes isolées, faisant des descentes musclées dans les bars LGBT, contrôlant, insultant, humiliant au faciès, régulièrement, et impunément.

Maintien de la domination

Les habitants des quartiers populaires sont les premiers à réclamer la présence accrue d’une police qui les protège. Les femmes et les enfants victimes de violences, les otages, les harcelés, les affaiblis, ont besoin d’une protection d’État, afin que la loi du plus fort ne soit pas le droit. Réclamer davantage de sécurité, sinon d’ordre, est dans l’intérêt du peuple.

Mais parmi les victimes anciennes des violences policières, parmi leurs descendant·es, certain·es ont conservé la peur latente d’un uniforme qui ne maintient pas l’ordre, mais la domination. Ces PLP connaissent le cœur qui s’emballe quand iels tendent leurs papiers, la sueur qui goûte quand des rangs de militaires patrouillent, le malaise quand les programmes politiques réclament « plus de bleu partout », la colère quand ils affichent un « soutien inconditionnel à la police ». Rien, justement, ne devrait être moins inconditionnel que de confier sa vie à un tiers armé. 

AGNÈS FRESCHEL


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« Aller vers » : Clémentine Baert présente À te regarder

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Depuis le début des années 2000, la comédienne, metteure en scène et autrice Clémentine Baert explore, à travers le théâtre, la danse et la musique les multiples visages de l’identité. Son précédent spectacle, Dans la ville quelque part, créé en 2024 au Théâtre Liberté à Toulon, évoquait les souvenirs d’une histoire d’amour, sur fond de musique électronique.

À te regarder est le nouveau spectacle qu’elle a imaginé en réponse à l’invitation des Théâtres, dans le cadre du projet « Aller vers » : un spectacle itinérant et un conte bal populaire intergénérationnel, qui plonge dans les souvenirs d’une femme et fait revivre tous les bals qui auraient pu changer sa vie. Un rite collectif et joyeux, mêlant musique live, chant, récit et mouvement.

Chaque étape du spectacle s’ancre dans un lieu, sur une place, dans une cour, sous un préau : l’espace devient guinguette, piste de danse et théâtre de mémoire, réunissant les fragments d’une existence et les échos de celles des spectateurs. Porté par quatre interprètes et musiciennes : Clémentine Baert, Amélie Denarié, Laurence Janner et Aurélie Mestres, c’est une célébration à la fois joyeuse et mélancolique des corps qui se frôlent, des regards qui se cherchent, des souvenirs qui se rejouent au rythme d’un accordéon ou d’une guitare.

MARC VOIRY

À te regarder

Du 18 au 21 novembre
Divers lieux, Allauch, Barbentane, Marseille

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La mandoline au cœur d’October Lab

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Après deux concerts à Malte et Bolzano (Italie), l’Ensemble Télémaque revient à Marseille pour présenter Les Concertos d’Azur, sixième édition de son October Lab. Entretien avec Raoul Lay, chef d’orchestre, fondateur de l’ensemble

Zébuline. Vous organisez votre sixième October Lab. Pouvez-vous nous rappeler le principe du projet ?
Raoul Lay. October Lab est une plateforme d’échanges, de création et de diffusion internationale lancée en 2018 avec l’Ensemble Télémaque. Nous commandons à des compositeurs du monde entier des œuvres que nous créons et donnons ensuite en tournée. Nous avons ainsi travaillé avec le Canada, le Pays de Galles, la Chine, Hong Kong, l’Espagne Malte… Chaque édition se déroule en lien avec des institutions partenaires et des jeunes musiciens. En 2026, nous irons à New York, Boston, Southampton et à la Fondation Camargo, puis en 2027 au Japon à Tokyo, Kyoto et Okinawa. L’idée est de faire voyager la création, de l’ancrer dans des paysages sonores et culturels variés.

Cette année, la mandoline est au cœur du projet. Pourquoi ce choix ?
Parce que c’est un instrument fascinant, à la fois populaire et peu exploré dans la musique contemporaine. Et puis nous avons à Marseille Vincent Beer-Demander, virtuose de l’instrument que le monde entier nous envie. Avec lui, nous avons voulu donner à la mandoline une vraie place de soliste, dans l’esprit du concerto. Les compositeurs, un peu surpris au départ – on ne commande pas tous les jours un concerto pour mandoline ! – se sont pris au jeu. Le programme comporte quatre pièces : Fighting for Hope du Maltais Karl Fiorini, puis trois concertos. Celui des Italiens Luca Macchi et Manuela Kerer et le mien Cert’Anni. L’ensemble de ces créations a pour ambition de constituer un répertoire contemporain pour mandoline, destiné aux interprètes de demain.

Quatre compositeurs, quatre styles : quelles esthétiques vont dialoguer sur scène ?
La richesse de ce cycle est de réunir quatre univers différents autour d’un même instrument. Luca Macchi, élève de Franco Donatoni, signe une écriture post Boulez tellurique, désarticulée. Manuela Kerer, aime travailler à la croisée de la musique et du spectacle vivant –elle est directrice artistique de la Biennale de Munich –, Karl Fiorini signe une pièce post-romantique, lyrique. Mon Cert’Anni est la pièce la plus tonale que j’ai jamais composée : le premier mouvement est un thème avec variations de plus en plus virtuose, suivi d’un adagio en glissando pour finir sur une section rythmique.

October Lab se distingue par ses collaborations internationales. Comment se construisent-elles ?
C’est un projet collectif à chaque étape. Pour ce cycle, nous avons travaillé avec le Malta Festival of Ideas, puis à Bolzano avec le Conservatoire Monteverdi dont le niveau est remarquable. D’ailleurs, deux de leurs étudiants – une harpiste et un percussionniste – participent à la tournée qui va s’achever par deux dates à Marseille et aux enregistrements qui donneront lieu à un album.

Après six éditions, quels sont les acquis de October Lab ?
Depuis sa création, nous avons passé trente-sept commandes de création, organisé quinze masterclass et joué dans plus de 80 conservatoires de neuf pays. October Lab est devenu un laboratoire, un lieu de liberté où les compositeurs osent, où la musique contemporaine se réinvente.

ENTRETIEN RÉALISÉ PAR ANNE-MARIE THOMAZEAU

October Lab

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