mardi 1 juillet 2025
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Tous en Cirque 

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cirque
How much we carry ? © Edouard Barra

Le parc Bagatelle de Marseille accueille l’événement Tous en Cirque, une après-midi de cirque en plein air, un voyage à travers une série de performances d’environ 15 minutes qui s’enchaînent toutes les 30 minutes. Au programme jonglerie, acrobaties, théâtre physique et musique, le tout avec son lot d’émotions. 

Entre poésie, prouesses et humour, il y aura How much we carry ?, du cirque immersif, incluant une perche géante en déséquilibre ; Jonglerie champêtre, un chant de balles qui mélange voix, citole (guitare sarrazine), balles sonores et chants d’oiseau ; Lella Bella, un spectacle de la compagnie Zania ; et Seguime, de la compagnie Zec, une prestation inspirée du folkore argentin, entre acrobatie et musique. 

LILLI BERTON FOUCHET

4 mai
Parc Bagatelle, Marseille

Jean-François Zygel

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Jean-François Zygel © Franck Juery/Naïve
Jean-François Zygel © Franck Juery/Naïve

Les rendez-vous musicaux avec Jean-François Zygel sont des concerts… mais pas que. Pianiste et improvisateur fameux tout autant que génial conteur d’histoires, il régale depuis deux décennies le public avec ses leçons humoristiques sur la musique. On ressort de ces prestations à la fois sous le charme de son jeu pianistique, de ses compositions et interprétations virtuoses mais aussi riches de savoirs nouveaux. 

Avec Le Pouvoir de la musique, son tout nouveau spectacle, l’érudit propose un voyage sonore en dix actes au cœur des émotions suscitées par le piano : quelle musique pour rêver, pour s’amuser, pour réfléchir, pour se consoler, pour s’élever ? Ponctué de réflexions et d’anecdotes piquantes, ce récital d’improvisation est aussi un concert philosophique. 

ANNE-MARIE THOMAZEAU

5 et 6 mai
Conservatoire Darius Milhaud, Aix-en-Provence

Sindy Mohamed

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Sindy Mohamed © X-DR
Sindy Mohamed © X-DR

Considérée comme l’une des musiciennes les plus prometteuses de sa génération – elle est régulièrement invitée en tant que soliste et chambriste à de prestigieux festivals internationaux, l’altiste franco-égyptienne Sindy Mohamed revient à Marseille, sa ville natale, et dans le Conservatoire où elle a débuté ses études. 

Du 2 au 4 mai, elle animera trois jours de master-class pour transmettre ses connaissances musicales auprès des élèves de Région Sud. Le 3 mai, elle donnera un récital au Conservatoire en compagnie du pianiste Olivier Lechardeur. 

ANNE-MARIE THOMAZEAU

Du 2 au 4 mai (récital le 3 mai)
Conservatoire Pierre Barbizet, Marseille

[Aflam] Un homme, un chien, Le Caire

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Salle comble pour voir le premier long métrage de fiction de Khaled Mansour, ce jeune réalisateur dont les courts, L’Ile aux baies et Le Derviche ont été sélectionnés dans de nombreux festivals. Il venait donc avec Seeking Haven for Mr. Rambo, premier film égyptien projeté à la Mostra de Venise depuis une douzaine d’années, Prix du Jury au Red Sea, et auréolé d’un franc succès en Egypte.

Khaled Mansour, très touché par un fait divers qui s’était produit en 2015, un chien attaché à un poteau, torturé avant d’être tué, décide d’en faire un film, un projet qui lui a pris huit ans. « À travers le voyage que va faire mon personnage, je pouvais exprimer ce que je ressentais. »

Son personnage, c’est Hassan (Essam Omar), trente ans, agent de sécurité dans un cabinet d’architecture, qui tranche avec l’appartement modeste, vétuste, où il vit avec sa mère (Samaa Ibrahim) et son chien bien aimé, Rambo. Cette vie monotone est troublée lorsque le garagiste propriétaire de la maison, Karem (Ahmed Bahaaa), veut les expulser pour agrandir son garage.

Lors d’une bagarre entre Hassan et Karem, Rambo défend son maitre et mord à l’entrejambe cet homme sans pitié. Humilié, Karem veut se venger. Hassan doit absolument trouver une cachette, un refuge pour Rambo. Commence alors un voyage en side-car dans les rues du Caire, en de longs travellings qui contrastent avec les plans serrés des espaces confinés où vit Hassan.

Un film racé

Les plans de Rambo, coiffé d’un petit casque, rappellent ceux de Black Dog de Hu Guan. Et ce n’est pas leur seul point commun : Comme Lang, ex-rockstar mutique fraîchement sorti de prison qui s’est lié d’amitié avec un chien errant, Hassan a trouvé en Rambo celui qui comble l’absence de son père qui l’a abandonné, enfant. C’est ce qu’il confie à Asmaa (Rakeen Saad) son ex-collègue (et peut être ex-amie) fiancée à un autre homme à présent.

Rambo, sa bouée de sauvetage dans un monde sans pitié, Rambo, avec qui il écoute des enregistrements de conversations avec son père qu’il a récupérés sur d’anciens CD. Une voix du passé, des moments qui soulignent qu’un des thèmes principaux du film de Khaled Mansour est la perte. Hassan fera tout pour garder Rambo, ce chien des rues, qui lui est fidèle, toujours à ses côtés, jusqu’au bout, faisant des choix qui interpellent.

En cherchant à sauver Rambo, Hassan ne chercherait-il pas à se sauver lui-même, à relever la tête, à affronter l’injustice. C’est ce que suggèrent plusieurs séquences de ce film attachant dont celle où Hassan tient un miroir reflétant l’image de Rambo, belle métaphore visuelle. Beau portrait d’un homme digne qu’Essam Omar interprète avec justesse, sobriété et retenue. Un premier film prometteur.

ANNIE GAVA

Le film a été projeté le 23 avril au Mucem, en ouverture du festival Aflam.

Des tigres à Paris

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Little Jaffna (C) Zinc

« Vous allez redevenir Michael Sebamalai pour nous ».Cet ordre s’adresse au « simple policier » Michael Beaulieu, un nom qu’il porte depuis qu’il est en France, élevé par sa grand-mère (Radikaa Sarathkumar)à Clermont-Ferrand. Il es tmuté à Paris, chargé par la DGSI d’une mission spéciale : infiltrer la communauté tamoule dans le quartier de La Chapelle.

Little Jaffna est le premier long métrage de Lawrence ValinMes parents sont originaires du Sri Lanka, j’ai grandi dans cette culture et c’était important pour moi d’en parler dès mon premier long, car très peu de films en France y font référence. Il n’y a eu que Dheepan de Jacques Audiard. » Un carton nous rappelle l’histoire de la formation des Tigres Tamouls, dans les années 1970, qui luttaient contre la dictature militaire au Sri Lanka. Une organisation déclarée terroriste en 2006 par l’Union européenne.

Le spectateur est immédiatement plongé dans la fête traditionnelle de Ganesh, le dieu-éléphant, tout en couleurs, avec ses chants, sa musique, ses danses, ses visages radieux que la caméra de Maxence Lemonnier filme de très près, nous en faisant ressentir la folle ambiance que troublent des conflits entre clans. Hors de question pour un frère laisser sa sœur fréquenter un jeune d’un autre clan.

Les bagarres sont fréquentes, séquences filmées comme dans le Kollywod, (cinéma tamoul), chorégraphiées avec des ralentis et de la musique. Michael Sebamalai, que certains appellent « babtou », se lie d’amitié avec un des Killiz, Puvi (Puviraj Raveendram), le bras droit d’Aya (Vela Ramamoorthy), le plus grand argentier des Tigres en France, respecté et craint de tous.

Agent double-identité

Chaque famille, chaque commerçant est ponctionné régulièrement pour soutenir les Tigres. La mission de Michael Sebamalaiest de repérerle moment où les fonds récoltés seront envoyés par camion en Suisse. Une mission d’autant plus périlleuse que son amitié avec Puvi a attiré l’attention d’Aya sur ce jeune qu’il ne connait pas et dont il se méfie un peu. Entre bagarres, courses en voitures, repas en groupes où l’on mange avec ses doigts – les fourchettes sont interdites – conversations avec la mamie, la caméra, nerveuse ne quitte pas cet homme.

Français ? Tamoul ? Les deux ? « Ce qui était important pour moi, c’est l’identité. Quand on a une double culture, parfois on nous demande de choisir et c’est très compliqué ; quand on choisit, on a l’impression qu’on trahit… » précise Lawrence Valin qui, en faisant ce film, entre polar et western urbain, a voulu mettre en lumière une communauté qu’on ne connait pas, un conflit très peu médiatisé, tout en créant son propre univers.

Il interprète avec talent cet homme qui aime ces gens, pour la plupart des acteurs non professionnels, avec qui il fait la fête, partage des moments forts. Tiraillé entre sa mission d’infiltration et sa redécouverte de son identité tamoule, pourra-t-il aller jusqu’au bout de sa mission ?

ANNIE GAVA

Little Jaffna, de Lawrence Valin
En salles le 30 avril

Direction l’Espagne

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(C) Pathe Films

Maël Piriou est d’abord un écrivain, de pièces de théâtre, de scenarios. Il a également fait une quinzaine de making of, ce qui lui a donné envie de se lancer dans la réalisation. Aussi accepte-t-il la proposition du producteur Vincent Roget : faire le remake d’un film flamand, écrit à partir d’un documentaire anglais sur Asta Philpot, Hasta la Vista de Geoffrey Enthoven: trois jeunes d’une vingtaine d’années, handicapés, aimant le vin et les femmes se décident à aller en Espagne en voiture perdre leur virginité dans un bordel qui offre des services adaptés.

Mais il ne va pas faire vraiment un remake : il va conserver la camionnette, le but du voyage et la maladie d’un des personnages. Il aime écrire et c’est à partir de l’acteur Grégory Gadebois qu’il construit un des personnages, Lucas, qui va permettre à deux jeunes trentenaires, Mélanie (Julia Piaton) et Benjamin (Quentin Dolmaire) d’entreprendre ce voyage vers le « bordel inclusif ».

Le film commence à l’hôpital où une jeune femme passe un scanner dont les résultats ne sont pas très positifs. Mélanie, une avocate en fauteuil roulant, a besoin d’espace, de voir son horizon s’élargir, de faire enfin l’amour, elle dont « on n’a jamais caressé les seins » Son ami Benjamin, dont la famille fête les 30 ans, tétraplégique, après un accident de plongeon, vit au ralenti. Sa mère voudrait bien que son oiseau sorte du nid, prenne enfin son envol. Mélanie doit arriver à le convaincre de partir avec elle en Espagne dans un bordel fait pour eux. Il lui reste à trouver un accompagnateur, chauffeur, infirmier. Ce sera Lucas, un accusé qu’elle défend, avec qui elle passe un deal : il les conduit en Espagne et il ne paiera pas ses honoraires.

En route

Commence alors un road movie étonnant dans un van orange rempli d’un tas de choses dont un chat naturalisé. Le travail de Lucas n’est pas de tout repos : il découvre que la vie quotidienne est compliquée pour des gens en fauteuil roulant. Et il s’attache à eux, même si parfois il pique une colère devant Mélanie plus impatiente que Benjamin d’arriver à destination.  

Rencontres improbables, scènes surprenantes, confidences, le voyage ne manque pas de surprises. L’arrivée dans la région de Bardenas Reales, une terre aride, superbement filmée par le directeur de la photo Guillaume Schiffman, fait penser à une scène de western. « C’est un décor incroyable où Terry Gilliam voulait tourner son Don Quichotte et où se déroule Lost in La Mancha » a précisé le réalisateur qui tenait à ces paysages.

Certes le film n’est pas très original mais il fait du bien et les acteurs sont excellents, aussi bien Grégory Gadebois dans ce rôle d’un « méchant » bourru, qui devient gentil et apprend à être utile, que Quentin Dolmaire dans celui de cet homme, taiseux, dont le visage exprime délicatement les émotions. Une séquence à Saint-Jean-de-Luz avec eux dans l’eau est très émouvante. Quant à Julia Piaton, elle incarne à merveille cette femme à la fois déterminée, battante et parfois fragile.

ANNIE GAVA

Une Pointe d’amour en salles le 30 avril

Les brèches de l’hospitalité provençale

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deraidenz
Le dernier jour de Pierre © Serge Gutwirth

Un chemineau au cœur d’un paysage rocailleux, patiné par le soleil, abrasé par le vent. Un soir, Pierre pose sa solitude dans un village, comme il s’en trouve dans les crèches ou les romans de Giono. Synonyme de convivialité et de réconfort, le séjour est tourneboulé par des Brèches Noires qui fracassent l’hospitalité sur des traumas intimes.

Imaginée, écrite par Baptiste Zsilina, animée par quatre manipulatrices, la proposition réunit quelque trente figurines, au gré d’une histoire en dix tableaux. Le récit se déploie au sein d’un castelet monumental, dans lequel évoluent des poupées à fil long. Le dernier jour de Pierre, donné ces 24 et 25 avril à l’Alpilium de Saint-Rémy-de-Provence, synthétise la démarche de ces jeunes artistes multifonctions, qui allient invention esthétique, défi technique et rigueur d’exécution.

Au delà des gageures formelles, cette fable sur le réel et désirable reste au diapason de l’esprit de la compagnie Deraïdenz [lire ci-quelque chose], attachée à l’expression de l’imaginaire et la fantaisie, avec ça et là, de syncopes intempestives où le quotidien côtoie le bizarre ; l’ordinaire l’extravagance ; l’empathie la fantasmagorie. 

Le dernier jour de Pierre
Les 24 et 25 avril 
Alpilium, Saint-Rémy de Provence.

Et aussi :
Du 5 au 19 juillet 
Festival Off d’Avignon
Théâtre du Train Bleu hors les murs, Sauveterre
Les Deraïdenz

Iels sont plutôt discret·e·s mais hyperactifs·ives. À leur sortie de la classe théâtre du Conservatoire d’Avignon, Léa Guillec, Sarah Rieu, Coline Agard et Baptiste Zsilina fondent Deraïdenz (traduire tohu-bohu), compagnie dédiée au théâtre marionnettique. 

Huit ans plus tard, le collectif affiche une douzaine de créations pour la boîte noire (Les souffrances de Job, Biba Youv la sorcière…) ou l’espace public (La Dame blanche, Noël, le père…), et ont installé sur l’île de la Barthelasse leur Pôle Théâtre et Marionnetteoù se succèdent stages professionnels, ateliers d’initiation et de construction. .

MICHEL FLANDRIN

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« Armer à l’espoir et à la joie »

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Désobeir_© PhilippeRemond
Désobeir_© PhilippeRemond

Zébuline. Pourquoi avez-vous décidé de travailler sur cette parole-là ? 

Julie Berès. À l’époque de la création de la pièce [en 2018, ndlr], les médias parlaient beaucoup de la radicalisation des jeunes filles issues de milieux relativement défavorisés. Il y avait un phénomène de stigmatisation qui touchait particulièrement cette catégorie sociale. On a voulu comprendre cette expression de colère. Les jeunes filles que nous avons rencontrées nous disaient que c’était surtout une réaction à une société qui n’accueillait pas leurs révoltes et leurs questionnements, à une époque qui ne cesse de se renforcer dans son capitalisme et dans laquelle elles ne voyaient pas d’épanouissement possible. Elles ne savaient pas quoi faire de cette colère, alors elles se faisaient récupérer. Mais je ne voulais pas seulement questionnercette forme de réaction. On s’est donc demandé plus largement comment faisaient ces jeunes femmes pour faire entendre leur voix dans une société où elles subissent à la fois le racisme, la misogynie, et le poids de la tradition. 

Julie Berès © Vincent Arbelet

Comment avez-vous conçu la pièce 

J’ai d’abord rencontré une quarantaine de jeunes femmes. Certaines revenaient de Syrie, certaines vivaient en banlieue, certaines étaient artistes. On a finalement décidé de s’intéresser à ces quatre femmes passionnées par les arts, qui avaient dû se battre pour assumer de dire « je ferai de la danse, me si tu considères que cen’est pas un métier ». 

Il y a ensuite eu un long travail d’écriture, d’allers-retours avec le plateau, pour inventer une forme performative, de par la présence de la danse et du chant, mais surtout d’un rapport très direct au jeu, à la langue et aux propos.

Comment cela se présente dans le texte ? 

Avec Kevin Keiss et Alice Zeniter [les co-auteur·ices, ndlr], nous avons cherché à donner au public l’impression de la confidence, de l’immédiateté, alors que tout est écrit à la virgule près et que la pensée politique est maîtrisée.

On a créé des situations de dialogue et de désaccord entre elles pour trouver l’endroit des paradoxes, de la contradiction, de l’humour, sans asséner un discours qui serait la pensée des auteurs. L’objectif était de montrer à quel point elles peuvent être paradoxales, à la fois dans la nostalgie de certaines choses qu’elles ont pu recevoir dans leur éducation et dans le rejet. Elles font entendre tous les conflits intérieurs qui naissent de cette ambivalence, sans nécessairement être dans une forme de narration. 

Et sans pessimisme ? 

Non. C’est une pièce pleine d’énergie, de joie et de surprises. Et c’est un hymne à la liberté. On voit souvent la désobéissance comme une chose négative, alors qu’elle est absolument nécessaire pour la construction de l’être.

Cette joie, c’est ce que vous cherchez à exprimer ?

Oui. Je cherche à faire un théâtre qui puisse armer la conscience, mais aussi armer à l’espoir et à la joie. Surtout quand on touche à des sujets politiques complexes et délicats, c’est important de ne pas asséner une pensée pessimiste et uniquement de dénonciation. D’autres s’en chargent.  

PROPOS RECUILLIS PAR CHLOÉ MACAIRE 

Désobéir 
Du 24 au 27 avril 
La Criée, théâtre national de Marseille

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Une saga calabraise

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Le Sud qui donne son titre au roman de Mario Fortunato, publié en Italie en 2020 et magnifiquement traduit par Nathalie Bauer en 2025, est celui de sa Calabre natale, celle qui fut la Grande Grèce. Celle des montagnes de la Sila, et de la mer Ionienne. Pays des paysans, des grands propriétaires, des pêcheurs pauvres, des émigrants et de la ’Ndrangheta, organisation mafieuse, de plus en plus présente, puissante. 

Le livre s’ouvre sur quatre arbres généalogiques : celui de deux familles, celle du notaire – socialiste antifasciste avare de sentiments –, celle du pharmacien d’origine juive – violoniste à ses heures –, liées l’une à l’autre et celles des deux « domesticités ». 

Tous ces hommes et ces femmes, ces enfants traverseront l’histoire de l’Italie, depuis la montée du fascisme mussolinien, les lois anti-juives, la Résistance, la Seconde Guerre mondiale, les changements économiques dans les années 1950 et 60, la contestation étudiante,jusqu’à nos jours.

98 « historiettes »

Le regard est celui de Valentino. Né en 1958, comme l’auteur. Il a quitté le pays pour voyager partout dans le monde. À la mort de Tecla, dernière représentante de ce monde disparu, ilrevient sur ses pas car « le passé est plus vaste que le présent, à fortiori que l’avenir ». 

Mario Fortunato © X-DR

Le livre, qui déroule d’abord classiquement un prologue et se referme sur un épilogue, est un vaste édifice de neuf chapitres et de 98 « historiettes », jouant avec des changements de personnages, des retours en arrière… Il y a bien sûr les figures principales des chefs de famille mais les rôles secondaires ont aussi une présence, incroyable. C’est une humanité qui désire, aime, fait de la politique – à gauche –, qui lit beaucoup, fait de la musique, et qui meurt.  

Celui qui donne vie à ces innombrables personnages, s’amuse avec eux, avec son narrateur et avec les lecteurs, que nous sommes avec beaucoup d’humour : un très beau livre du Bel Paese.

MARIE DU CREST

Sud, de Mario Fortunato
Éditions Philippe Rey - 22 euros
Traduit de l’italien par Nathalie Bauer

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Deuxième génération et mémoire

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Ils s’appellent Alain, Andrée, Georges, Sarah, Mathias ou Nelly. Ils sont sociologue, femme au foyer, styliste, cinéaste ou professeure. Ils ne se connaissent pas forcément. Mais tous ont un destin en commun. Ils sont enfants de déportés tout comme Danièle Laufer, auteure de Venir après, aujourd’hui publié en poche, dont la mère fut une survivante des camps : « Une mère assez froide et bizarre qui parlait toute seule et ne savait pas aimer ». 

Les traces de la Shoah ont impacté la deuxième génération qui n’a jamais connu les camps mais a grandi dans le traumatisme de cette tragédie. Cette génération qui comme leurs parents avant eux a appris à se taire et cesser d’ennuyer avec ses « vieilles histoires » ceux qui disaient qu’il fallait tourner la page que cela ne servait à rien de ressasser, ou pire à ceux qui clamaient : « Vous n’avez pas le monopole du malheur, arrête de jouer les victimes. »

Fantômes en héritage

Danièle, comme les autres, a appris à ne plus parler, taisant ses angoisses extrêmes, traversée par « une mémoire qui ne lui appartenait pas » : son asthme, ses émotions en dents de scie. Mais arrivée presque au bout de sa vie, alors que les derniers survivants disparaissent, « le temps est venu […] de prendre la parole et d’exposer nos cicatrices pour que personne jamais n’oublie ». 

Elle a recueilli les témoignages d’une vingtaine de femmes et d’hommes nés de survivants de camps nazis pour qu’ils transmettent ce qui les a « à la fois détruits et construits ». Parce que ces fantômes en héritages peuvent aussi donner une force immense ou une éthique de vie. De l’un à l’autre de ces « enfants de », les récits divergent. Chaque parcours est singulier, chaque histoire unique même au sein des frères et sœur d’une même famille.

Daniele Laufer © Virginie Perocheau

Danièle Laufer a ce talent immense de tisser extrêmement finement comme ciselée avec un fil d’or histoires personnelles et collectives. En fine analyste, cette journaliste spécialisée en psychologie, n’encombre jamais ces textes de pathos inutiles, mais écoute, transcrit, décrypte, donne du sens à l’insensé, dans le plus grand respect de ces témoins qui lui ont fait confiance.Du grand art.

ANNE-MARIE THOMAZEAU

Venir après : nos parents ont été déportés de Danièle Laufer 
Éditions du Faubourg (poche) - 11 €

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