mardi 1 juillet 2025
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Festival de pâques : Un goût de liberté 

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ensemble
Haendel. Ensemble Jupiter. Thomas Dunford, luth et direction. Lea Desandre, mezzo-soprano. Grand Théâtre de Provence. 15/04/2025. Aix-en-Provence. Photo Caroline Doutre / Festival de Pâques

Rebelles, impétueux ? C’est peut-être ainsi que l’on pourrait qualifier la mezzo soprano Léa Dessandre, son compagnon à la scène et à la ville le luthiste Thomas Dunford et l’ensemble instrumental Jupiter. Cette « petite famille » de « baroqueux » qui font corps avec leurs instruments, n’aime pas bien les codes sauf pour les casser. Ils aspirent à se faire plaisir et à partager leur passion avec spontanéité. 

Sur la scène du Grand Théâtre de Provence ce 15 avril, ils ont présenté un programme autour du Maître, Haendel, avec des extraits chantés de TheodoraSolomon ou instrumentaux (suites, passacaille, sarabande et autres gigues endiablées).

Vélocité unique

On le sait, Léa Dessandre est un phénomène, à la technique vocale exceptionnelle. Ce soir-là, sa prestation n’a pas failli. Gracile, parfois évanescente, toujours espiègle, elle est tour à tour émouvante dans un morceau comme Guardian Angels, Oh, Protect Me, moment clé de l’oratorio The Triumph of Time and Truth, dans lequel elle implore les anges gardiens de la guider. Ou virtuose dans la complexité technique de No, no, I’ll take no less tiré de l’acte III de l’oratorio Semele avec les vocalises agitées en gamme montantes, descendantes et rendues plus intenses encore avec les sauts d’intervalle. La précision, la rapidité et la vélocité unique de la mezzo conquièrent le public. 

Ce qui rend cet ensemble si sympathique, c’est sans doute la liberté que les membres s’autorisent. Léa n’hésite pas à se déchausser pour être à l’aise et à interpréter en bis un morceau de pop. Déjà, lors de la rencontre organisée par le public en amont du concert, Thomas Dunford avait provoqué l’enthousiasme en jouant et chantant – ma foi très bien –Blackbird des Beatles avec son luth.

Un cœur qui bat

Le lendemain, c’est un monument de l’histoire de la musique, Les Vêpres de Monteverdi, qu’Emiliano Gonzalez Toro et Mathilde Etienne ont choisi d’offrir au public aixois avec leur ensemble I Gemelli.   

Les Vêpres sont un recueil de psaumes et de motets qui célèbrent la vierge. Ils n’avaient pas vocation à être joués à la suite lors d’un concert mais plutôt par parties, en office. « Ils ont pourtant une même ligne stylistique qui est la pulsation. Elle rappelle les battements d’un cœur » explique Mathilde. Pour Émiliano « Monteverdi a su réunir en une seule œuvre tout ce qui existait déjà musicalement solo monodique, polyphonie Avec la Sonata sopra Sancta Mariail y intègre aussi l’une des premières formes de musique instrumentale sacrée du genre ». 

Sur scène au centre, face au public, dans un costume bleu vif, le chef est un concentré d’énergie. Ténor, il chante tout en dirigeant les pupitres de voix et d’instruments : « Contrairement à son Orféo, Monteverdi a donné très peu d’indications sur la partition des Vêpres. Aussi chaque interprète a toute liberté pour y mettre sa pâte. »

L’ensemble est somptueux, chaque choriste est mis en avant. Les solos font place aux duos ou aux quatuors, comme celui de la Sonata dans lequel quatre chanteuses aux voix d’anges répètent douze fois Santa Maria avec une légère variation musicale qui transforme et pendant que l’ensemble instrumental déploie une riche polyphonie. Le mouvement est permanent. La pulsation aussi. Des voix résonnent en échos, en dehors de la scène. La harpe scintille. La puissance de cette ferveur sacrée, pleine d’allégresse captive de bout en bout… Le Nigra sumet le Pulchra es amica mea, un duo de soprane est de toute beauté, le Duo seraphim clamabant entre Emiliano et Zachary Wilder – ovationné – puis rejoints par Jordan Mouaissia est un enchantement. 

ANNE-MARIE THOMAZEAU

Les concerts se sont déroulés le 15 et 16 avril au Grand Théâtre de Provence (Aix-en-Provence).

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Max Belmessieri: pause vidéo 

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© N.S.

Dans une vidéo il y a 24 images en une seconde. Quand on isole une de ces images, on parle alors de photogramme. C’est le point de départ de l’exposition Bajo la Superficie, de l’artiste vidéaste Max Belmessieri, présentée à Marseille jusqu’au 27 avril dans la galerie Paradigme. 

Au sous-sol, dans l’obscurité, des points lumineux sont accrochés aux murs. Ce sont ces fameux photogrammes, ici des images troubles, texturées, souvent abstraites, aux tons chauds. Elles sont imprimées sur du papier blanc, fin, et rétroéclairé par une lumière subtilement dissimulée. De l’astuce encore au milieu de la pièce, quand s’échappent du rétroprojecteur des liens, des cordes, qui envahissent toute la pièce. Elles détectent les mouvements, et influent sur la vitesse de lecture des images projetées : si l’on veut regarder le film tranquillement assis, il s’arrête ! 

Ces images sont celles qu’a tournées en Super 8 l’artiste et vidéaste Max Belmessieri pendant ses voyages. Il les a ensuite compilées, montées, pour en faire une série de films intitulée Carlota Cortès, uniquement visibles lors de projection en public – « le public faisant partie de l’œuvre » explique l’artiste. L’exposition, modeste, qui rentre dans 10 mètres carrés, est un joli condensé d’ingéniosité et de talent. 

NICOLAS SANTUCCI 

Bajo la Superficie 
Jusqu’au 27 avril
Paradigme, Marseille 

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La Society danse

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Tassaouef © Jean Kader

Tassaouef

Tassaouef est pour le danseur Hazem Chebbi une manière de rendre hommage à ses racines, en s’inspirant de son enfance tunisienne au sein de l’influente famille des Chebbiya. Assis en bord de plateau, le public découvre un univers intime. Éparpillés au sol, des tissus traditionnels, portés par les Chebbiya, que le danseur manie et utilise pour y projeter des images de sa grand-mère en train de préparer la Oula, rituel culinaire que les femmes se transmettent. 

Pendant près d’une heure, Chebbi désarticule son corps au rythme de la musique composée et jouée par Jihed Khmiri, multi-instrumentiste tunisien, qui intègre des dialogues en dialecte arabe, et des sonorités traditionnelles remixées à de l’électro et du hip-hop. Des percussions aussi, que les deux artistes jouent en harmonie. Frisant la transe à quelques instants, il donne l’impression d’être possédé, exécutant des contorsions où il se plie en deux, regardant le public le dos en voûte. Un duo impressionnant, sensible, à mi-chemin entre tradition soufie et culture hip-hop. 

Prélude 

C’est devant un public conquis et débout que s’achève la représentation de Prélude de Kader Attou dans sa nouvelle version. Initialement créée en extérieur, la pièce chorégraphique a récemment fait son entrée sur scène dans une version augmentée de plus d’une heure (contre 35 minutes pour la version extérieure). Attou y met en abîme la création du spectacle, en texte et en corps. Absent de la première version, le chorégraphe apparaît ici en premier. Assis à un bureau, il raconte l’histoire de sa naissance, sa première lutte. Car c’est bien de lutte dont il est question dans Prélude, notamment à travers le motif récurrent de la boxe dans la chorégraphie.

Les moments parlés et autofictionnels comme celui-ci ponctuent le spectacle, tantôt avec lyrisme, tantôt avec humour. Mais si la dimension théâtrale est bien présente, elle n’éclipse pas la tradition hip-hop, présente notamment lors de plusieurs cypher, ces cercles au milieu desquels un breaker danse. Cette construction permet à chacun·e de faire valoir sa singularité, que l’on retrouve dans les ensembles et les duos. Et même au-delà de la danse, comme lors d’un magnifique passage rappé par l’un des dix danseurs, où danse un autre sous des lumières stroboscopiques.

Au fur et à mesure du spectacle, le regard du spectateur est appelé aux quatre coins du plateau, et en fond de scène où une seconde partition apparaît parfois en jeux d’ombres. La demi-heure originelle, dansée sur un puissant morceau de Romain Dubois, vient conclure le spectacle. Un bouquet final d’une intensité saisissante.

LILLI BERTON-FOUCHET ET CHLOÉ MACAIRE

La Society a eu lieu du 17 au 19 avril, au Makeda et à La Friche La Belle de Mai, Marseille.
À venir
Prélude
Du 5 au 13 juillet
La Scala
, Off d’Avignon 

26 mai – Faucon de Barcelonnette, place de la Mairie
27 mai – Sisteron, place de la Mairie (gare routière)
28 mai – Manosque, place des Observantins
29 mai – Digne-les-Bains, place Général De Gaulle
30 mai – Saint-Julien-du-Verdon, parking de la base nautique

À l'occasion de Les Échappées / hors-les-murs

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Avignon : « L’art peut empuissancer le réel »

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Avignon s’affirme Terre de culture en 2025, pour commémorer les 25 ans d’Avignon 2000, où elle fut capitale européenne de la Culture. Mais aussi, naturellement, parce que le ville moyenne (90000 habitants) est le siège d’un des monuments les plus visités de France (800000 visiteurs pour le Palais des Papes), du plus grand festival de théâtre du monde (2 millions de billets entre le In et le Off), et de musées remarquables. 

Ce n’est pourtant pas sur ces atouts célèbres que Cécile Helle décline son année exceptionnelle, la dernière de son dernier mandat puisque la maire a décidé de ne pas se représenter en 2026. Son bouquet final, Terre de culture 2025, intitulée Curiosité(s), joue subtilement avec les nuances, affirmant une culture sans majuscule, jamais dominante, mais au singulier, universelle. Elle s’attache pourtant à des Curiosité(s) qui affirment leur pluriel entre parenthèses, comme une ouverture vers la pluralité… 

Culture pour tous et toutes

Dans une ville marquée par ses remparts qui sont comme une fracture sociale, Cécile Helle avance qu’Avignon « est terre de culture au-delà du Festival » et que, en ces temps où on constate « des trous d’air dans la démocratie », dans ce « contexte de fragilisation inédit de la culture en France », il faut tenir « un manifeste esthétique qui soit aussi un acte politique ». 

Celui-ci consiste, comme a pu le constater le public convié à parcourir les nouveaux équipements de la ville, en des Maisons folies confiées à des associations, un musée éphémère gratuit dans une église restaurée, la nouvelle médiathèque Renaud-Barrault, sur la rocade [Lire ici], dans un quartier réputé difficile, une maison des projets dans les faubourgs… 

Car pour Cécile Helle la culture constitue une « fabuleuse aventure humaine et urbaine ». Géographe de métier, elle connaît l’importance des équipements et des circulations, qui doivent « permettre les hybridations culturelles et le réenchantement du quotidien » et « faire éclore un nouveau regard afin de révéler la ville, pour remettre la lumière sur la beauté ». 

Quel projet politique ?

Après une intervention de la CGT Spectacles invitée à la tribune [Lire ici] des tables rondes animées par Marie-Josée Sirach, chef de la rubrique culture de L’Humanité, ont rendu compte d’une situation d’urgence extrême et inédite. 

Malgré des positionnements différents quant à l’attitude à adopter face aux coupes budgétaires que tous disent « drastiques », le constat est unanime : pour sauver l’indispensable navire, il faut à la fois dénoncer la situation, inventer de nouveaux modes de production, et faire le constat documenté de ce que la culture apporte. 

Ainsi Claire de Causans, adjointe à la culture du maire d’Arles (Horizons) et vice -présidente de la FNCC, déclarait que son association de collectivités « transpartisane », tout en voulant « maintenir le dialogue avec l’État », était unanimement inquiète, « que les élus soient de droite, de gauche ou apolitiques ». « Ce sont les villes qui financent la plus grande part de la culture, et il est de plus en plus difficile pour les adjoints à la culture de défendre leurs budgets au sein de leur majorité ».

Eli Commins, directeur du Lieu Unique à Nantes est frappé de plein fouet par Christelle Morançais, la « tronçonneuse d’or » [Lire ici]. Il expliquait que 100 % de ses interlocuteurs étaient atteints par des baisses ingérables, voire des suppressions totales : des petites associations aux grands lieux de programmation et de production mais aussi « toutes les structures sociales et éducatives avec lesquelles on travaille habituellement ».

« Il y a une vraie idéologie derrière cette action, accompagnée d’une très grande violence dans le propos. Christelle Morançais déclare que nous sommes « shootés à la subvention publique », nous assimilant à des parasites ». Une déshumanisation qui n’augure rien de bon.

Joris Mathieu, coprésident du SYNDEAC et directeur du Théâtre Nouvelle Génération, Centre dramatique national de Lyon, soulignait aussi la dimension politique de la mise à sac de la « décentralisation culturelle », détaillant le projet culturel de Laurent Wauquiez en Rhône Alpes. En effet en 2023 le TNG a été victime du retrait total de sa subvention (150000 euros) par le Président de région pour le motif clair de « désaccord avec le directeur ». « En Rhône Alpes il ne s’agit pas de tout couper, le budget global est à peu près constant. Mais il s’agit de réorienter en privilégiant le patrimoine et en interdisant toute subversion. »

Il soulignait aussi l’hypocrisie de subventionneurs qui demandent de sortir des murs tout en réduisant les budgets. « J’ai perdu 25 % de mes moyens en 10 ans de direction. Comment voulez-vous rayonner sur un territoire ? »

Inventer l’avenir

La deuxième table ronde s’attachait à défendre « face aux replis identitaires et au trouble démocratique » des « projets culturels pour produire du commun dans nos territoires ». Mais Chloé Tournier, directrice de la scène nationale de Cavaillon soulignait comme Joris Mathieu qu’il est impossible d’inventer sans budget, « nous voulons rayonner dans les villages, aller vers des spectateurs éloignés, produire des créations en résidence, établir des ponts… sans sacrifier la programmation à la médiation. »  Dans ce théâtre toujours plein, comment faire si les coûts augmentent et les budgets baissent ? Cathy Bouvard, directrice des Ateliers Médicis à Clichy Montfermeil (93) sait également qu’aucun des « nouveaux territoires de l’art », et qu’aucun des projets humains de co-construction artistique qu’elle mène à Montfermeil, ne peut s’envisager avec des budgets restreints. 

Ce que confirme Maud le Floc’h directrice du Pôle Arts et urbanisme en Indre et Loire. « Aujourd’hui, ce qu’on raconte, c’est qu’on tient bon dans le tangage, et que derrière les excellences des théâtres, des opéras… les artistes s’engagent sur le territoire et participent de son aménagement. Les artistes inventent à partir des sujets brûlants et des alertes écologiques, sociales et politiques. L’art peut empuissancer le réel ».

Car selon elle, « chaque territoire va apporter sa réponse ».

Ce que Rima Abdul-Malak, ancienne ministre de la Culture, nuance avec pragmatisme « Les réponses territoriales doivent s’accompagner de l’engagement de l’État ». Rappelant que durant les deux années de son mandat le budget de son ministère a augmenté, elle explique que « face à Bercy » les arguments humains, culturels, esthétiques, territoriaux « sont inaudibles » et qu’il faut avancer des chiffres. Celui du tourisme par exemple, « 71 milliards en 2024 qui n’existeraient pas sans les investissements et les événements culturels, la culture étant le principal motif des touristes qui viennent en France ». 

Des propos que complète Fanny Lacroix, maire de Châtel-en-Trièves (491 habitants) et Vice-présidente de l’Association des Maires ruraux de France. Défendant le « Droit au village » avec une fougue épatante, elle sait que conserver la classe unique d’une école, chaque service public, une vie culturelle, sont des combats, qu’il faut mener en inventant ses systèmes, mais aussi en réclamant ses droits. 

Agnès Freschel

Les États généraux de la Culture ont eu lieu à Avignon le 18 avril dans le cadre de Curiosité(s), Avignon Terre de culture 2025

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États généraux de la culture : tribune prononcée à Avignon 

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© X-DR

« Nous vivons une période exceptionnelle, une période dans laquelle on en appelle à la démocratie et à l’État de droit contre des décisions de justice. Une période dans laquelle on bombarde  continuellement des populations civiles en prétendant résoudre des conflits.

Une période pendant laquelle une austérité budgétaire sans précédent empêche de faire fonctionner dignement les services publics de la santé, de l’éducation ou de la culture. Une période où on se retrouve comme sidérés face à cette actualité ultra-violente.

Précisément dans ce moment, face à l’obscurantisme, l’autoritarisme et la banalisation des idées d’extrême droite, la culture devrait nous servir de boussole. Or cette dernière est violemment mise en péril. Personne ici, de son vivant, n’a vécu de coupes budgétaires aussi drastiques que celles qui ont lieu actuellement. 

Nous sommes dans un lieu exceptionnel où fut inventée et expérimentée la culture de service public par un des pionniers du théâtre national populaire, Jean Vilar. Citons-le, juste pour le plaisir « Le théâtre [et par extension la culture] est une nourriture aussi indispensable à la vie que le pain et le vin. La culture est donc au premier chef un service public, tout comme le gaz, l’eau, l’électricité ». 

Nous sommes nombreuses et nombreux à partager cette conviction. Les arts et la culture ne sont pas un lien comme les autres, ils ne doivent pas répondre à la logique du marché, de l’industrie ou de la rentabilité. Pour garantir la diversité des œuvres et développer la pratique artistique nous devons défendre avec force la nécessité d’un service public de la culture et du spectacle vivant. 

Qu’en est-il dans notre territoire ?

Dans le cadre de Terre de Culture 2025, la ville d’Avignon consacre un budget annuel particulièrement important à la culture. Le Grand Avignon, quant à lui, a voté un budget de culture à la hausse cette année et le département du Vaucluse a rassuré le secteur en maintenant finalement sa dotation au niveau de l’année précédente.

Mais dézoomons un peu. Cette année, une baisse de 7,7% du budget de la culture a été votée par la Région Sud. Petite joueuse, comparée à la région Pays de la Loire, et ses 73% de baisse ! Christelle Morançais est élue tronçonneuse d’or de l’année 2025 [Lire ici]. 

Vous pouvez, collectivement, ne pas l’applaudir, sans oublier Kléber Mesquida, tronçonneur d’argent, le président du Conseil départemental de l’Hérault qui reste sur le podium : il était parti sur un chiffre record de 100% de baisse mais a dû se contenter de 25% suite à la forte mobilisation des travailleuses et des travailleurs.

Et que dire des 150 millions de baisse dans le budget du ministère de la Culture qui sont annoncés pour 2025 et sont accompagnés des 2,5 milliards d’économies demandées par l’État aux collectivités territoriales ? 

Alors, nous aimerions réaffirmer à Rachida Dati que la culture est essentielle, car c’est notre bijou et nous savons que madame la ministre aime ça… la culture.

Quant à notre ministre de l’Éducation nationale, madame Borne, si elle cherche des idées innovantes pour permettre aux plus jeunes élèves de trouver la voie, nous lui proposons non seulement de dégeler la part collective de la culture, mais également de l’étendre… jusqu’à la maternelle ? 

Plus sérieusement : nous sommes des centaines de milliers d’artistes, techniciens, personnels administratifs et d’accueil à œuvrer collectivement pour que le spectacle soit un bien commun. Derrière les œuvres, il y a des professionnels engagés qui continuent, malgré les difficultés actuelles, à faire vivre ce projet politique essentiel.

Que vont devenir nos métiers ?

Que dire à tous les jeunes qui rêvent encore de devenir artistes, techniciens, techniciennes du spectacle vivant ? Que les conditions de travail sont de plus en plus précaires ? Que les plannings se vident ? Que malgré l’inflation, les salaires n’augmentent toujours pas ?

Qu’aujourd’hui, financer une création est devenu un parcours du combattant ? Car oui, c’est la réalité pour une grande partie des travailleurs et des travailleuses de la culture, l’avenir devient moins désirable que le passé. Et nous n’avons pas envie de dire que c’était mieux avant.

Nous voulons crier « ce sera mieux que demain ».

Pour que ce soit le cas, voici nos revendications :

Refinancement immédiat des services publics de l’art et de la culture. 

Préservation, sanctuarisation et prolongement du Fonpeps. 

Abrogation de la réforme de l’audiovisuel public. 

Et pour aller plus loin : engagement financier de l’État dans les écoles d’art territoriales, et entrée des artistes-auteurs dans la caisse commune de l’assurance chômage. 

Pour que la culture ne devienne pas un privilège mais demeure un droit accessible à toutes et à tous, restons mobilisés. »

Jérémy Bourges et Marie Hurault, CGT spectacle de Vaucluse


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« Familia » : Au nom du père

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Familia de Francesco Costabile @Damned Films

En mars dernier, le long métrage en noir et blanc de Paola Cortellesi, Il reste encore demain – qui traitait de la violence domestique endurée par les femmes et dont l’action se déroulait  après-guerre, pulvérisait les entrées au box office en Italie. Cette année, un autre film, Familia de Francesco Costabile, présenté à la Mostra 2024, revient sur le même thème. Mais son scénario s’ancre dans la réalité contemporaine et s’inspire du récit autobiographique de Luigi Celeste : Non sarà sempre così. Autant dire que ce fait de société s’inscrit dans une continuité historique et garde, hélas, une actualité dramatique.

Le titre du film renvoie au tout puissant et redoutable pater familias romain. D’ailleurs on est à Rome. Pas celle de la Piazza Navona mais celle plus générique des cités périphériques. On ne verra guère la ville, la mise en scène enfermant la plupart du temps les personnages dans des intérieurs étroits, salle à manger, cuisine, corridor, cellule, parloir.

Licia (Barbara Ronchi) a deux fils. Alessandro et Luigi. Ils forment une petite famille aimante, dont l’équilibre et la paix sont menacés par la libération du père et mari, Franco (Francesco Di Leva). L’homme a passé 9 ans en prison pour vol à main armée. On comprend que les violences exercées sur sa femme l’ont également condamné à un « effacement du noyau familial ».

Mais la terreur est toujours présente chez Licia, qui change ses serrures, et chez Alessandro, l’aîné des garçons, qui entend encore les cris de sa mère sous les coups du père. Et en passant par ses fils et la faiblesse du cadet, Franco arrive à s’approcher du foyer et à s’y immiscer. Les violences reprennent, la police arrête Franco. Ale et Gigi sont envoyés en foyer, séparés pendant quatre ans de leur mère. Un traumatisme s’ajoutant aux autres. Une injustice pour la femme battue s’ajoutant aux autres.  

« Respire »

Allers retours entre espoirs et désespoirs, calme et tempête, moments de bonheur et scènes cauchemardesques, entre silences et cris, mensonge et vérité, le film crée un rythme spasmodique. Dans ce couloir où chuchotent les enfants tandis que leur mère hurle derrière la porte de la chambre, on est Licia, on est Luigi, on est Ale. « Respire » dit Ale à son petit frère. Mais comment faire, la boule à la gorge ?

La B.O. signée Valerio Vigliar est d’une redoutable efficacité pour accompagner et souligner ces tensions. On est dans un Shining. Franco est le diable en personne, passé maître dans l’art de la manipulation, dévoré par la jalousie, enfermé dans sa propre toxicité fatale. On entre dans les peurs de chacun. Celles de Licia marquée à jamais dans son corps, soumise comme une bête terrorisée. Celle des fils. Gigi, surtout, qui ne voudrait pas ressembler à son père et craint de poursuivre une relation amoureuse avec Giulia (Tecla Insolia).

Les miroirs déformants d’une fête foraine leur renvoient une monstruosité potentielle. Le réalisateur dissèque la complexité des sentiments et des émotions de chacun, s’attardant davantage sur Luigi qui devient le personnage principal. Rien n’est simple. Tous voudraient tant « faire famille ».

Ce mélodrame noir comme la nuit dans laquelle le directeur de la photo Giuseppe Maio, le plonge le plus souvent, rapproche la chronique sociale et le cinéma d’horreur, impliquant le spectateur quitte à le malmener un peu.

ÉLISE PADOVANI

Familia, Francesco Costabile

En salles le 23 avril

L’Amérique du Sud sur la toile

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Mexico 86 de César Diaz @ Bac Films

Cap sur l’Amérique latine avec pour boussoles obstinées les idées de solidarité et de fraternité. Comme toujours, depuis 26 ans, les Rencontres du cinéma Sud-Américain s’engagent par le cinéma – qui inclut musique, danse, peinture, photo, littérature – à défendre les valeurs humanistes, contre les vents contraires des guerres et des fascismes.

Pour cette édition, toujours portée par l’Association solidarité Provence/Amérique du Sud (Aspas), onze pays d’Amérique du Sud seront représentés. Dans les sept longs métrages en compétition officielle pour le Colibri d’or et le Prix du public, et dans la sélection des dix courts métrages. Un jury jeune décernera aussi son propre Prix. Le tout se passe principalement aux Variétés, à Marseille, où auront lieu débats, leçons de cinéma, rencontres, concerts et buffet aux célèbres empanadas – et d’autres événements sont à découvrir dans le reste de la Région Sud.

Pluie de pellicules

Ouverture le 25 avril avec Mexico 86 de César Diaz qui suit le parcours sacrificiel de Maria (Bérénice Bejo), une militante guatémaltèque en cavale, tiraillée entre la révolution et son amour maternel. Clôture le 1er mai, avec Soy Múcura de Nina Marin. La réalisatrice colombienne primée par le festival l’an dernier pour Tierra Quebrá donnera par ailleurs, une masterclass. Elle explore avec ce deuxième long métrage le monde caribéen, la puissance de la musique, l’histoire des peuples, dans le sillage d’une jeune fille sourde, douée pour la danse.

Entre les deux, venu de la République Dominicaine – un pays peu présent dans les festivals –, Sugar Island de Johanné Gómez Terrero,fera découvrir, à travers l’histoire d’une ado enceinte, le rude sort des coupeurs de canne à sucre haïtiens, devenus chômeurs sans indemnités après la mécanisation agricole, et les problèmes de leurs enfants apatrides. Séance suivie d’un échange avec Les Philosophes Publics.

En noir et blanc, Vrutos de Miguel Bou, nous conduira dans la banlieue argentine chez des « guerriers » de quartier, une épopée urbaine où rugby rime avec vengeance. On ira aussi avec Los Tonos Mayores d’Ingrid Pokropek dans l’imaginaire d’une jeune fille dont la prothèse de bras capte d’étranges messages. Me Dicen El Panzer de Rodriguo Quintero Arauz dans le rêve et la réalité d’un joueur de foot. Et De la Guerre froide à la guerre verte – documentaire d’Anna Recalde Miranda, sélectionné au dernier Festival du film engagé – dans les arcanes d’un désastre écologique en continuité d’un processus politique.

Des courts aussi

La compétition courts métrages fera la part belle aux thématiques sociopolitiques et familiales chère aux Rencontres, à l’instar de Las Olas Que Vendrán évoquant l’immigration africaine en Argentine. L’extraordinaire variété de ce format cinématographique nous fera passer de l’intimité d’un deuil (Adorable Puente de Juan Bruno Demichelis) à la passion pour une patate héritée des Incas et menacée par la normalisation commerciale (Nativa de Ronal Arancibia).

La cérémonie de remise des prix, le 2 mai, sera suivie par la projection de Salidos de la Salamanca, en présence de sa réalisatrice, Josefina Zavalia Abalos, un documentaire qui va à la source de la chacarera, danse traditionnelle née du métissage et la relie à Salamanca, la célèbre ville des sorcières.

ÉLISE PADOVANI

Rencontres du cinéma Sud-Américain

Du 25 avril au 2 mai

Les Variétés, Marseille

Programmation complète sur cinesudaspas.org

Numéro Zéro : à l’ouïe et à l’œil

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L'Ange Blanc de Yan Paranthoën et Claude Giovannetti @X-DR

Pour sa 8è édition, le festival Numéro Zéro marche encore sur ses deux jambes: le cinéma documentaire et la création radiophonique. Dans une programmation dédiée aussi bien aux scolaires et aux étudiants qu’à un large public. Du 23 au 27 avril, à Forcalquier et à Cruis ( 04), 19 films ont été retenus, la plupart accompagnés par les réalisateurs-trices.

Parmi eux, le remarqué Sauve qui peut de Alexe Poukine qui nous transporte dans un centre de formation pour soignants. Là, s’organisent des jeux de rôle avec des comédiens : comment annoncer un diagnostic ? Travailler son empathie avec les patients ? Un angle d’attaque original pour explorer la souffrance en milieu hospitalier qui frappe aussi bien les malades que le personnel médical. Souffrance au travail abordée également par Jean Boiron-Lajous croisant les discours de  6 démissionnaires de la Fonction publique avec Hors-service.

On embarquera grâce à Save Our Souls de Jean-Baptiste Bonnet, sur l’Océan Viking, navire-ambulance affrété par SOS Méditerranée. On fera connaissance avec une pionnière océanographe des années 50, avec Voyage de documentation de Madame Anita Conti de la talentueuse Louise Hémon. Laïs Decaster qui a travaillé avec Claire Simon, présentera quatre de ses courts métrages.

Côté sonore, deux documentaires radiophoniques à ne pas rater : L’Ange Blanc  de Yann Paranthoën et Claude Giovanetti de 1995, jamais diffusé sur les ondes, pour découvrir la vie tumultueuse et chaotique de Gwénaëlle. Et l’utopie où j’ai vécu de Chloe Sanchez (2024), pour rencontrer cette « radiophile, bruit-colleuse, créatrice d’images et d’histoires pour les oreilles ».

Autour d’archives sonores, Maya Boquet proposera une rencontre-écoute et un atelier.

Et Jean-Baptiste Imbert, réalisateur en résidence, présentera sa pièce sonore sur le thème de la chasse et la cueillette.

Ne pas oublier le Ciné-performance de Léa Morin au titre énigmatique : Les films qui n’existent existent. Et la Ciné-conférence de Federico Rossin sur un sujet, on ne peut plus d’actualité, hélas : Ce que le Cinéma a fait et peut faire face au fascisme.

ELISE PADOVANI

Programme et agenda : www.festivalnumerozero.com

07 69 82 85 28

Le MIAM aux Célestins, un régal céleste !

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AVIGNON
© A.F

Est-il temps de repenser les hiérarchies des arts d’aujourd’hui ? Hervé Di Rosa est partout, et ses arts modestes interrogent à Sète l’art du papier d’emballage – d’agrumes exclusivement [lire sur journalzebuline.fr] – et font la joie du Mucem qui n’a jamais été aussi coloré et populaire. 

À Avignon, c’est la sublime église des Célestins, magnifiquement et modestement restaurée, qui accueille ses Curiosités du MIAM. Cinq ans après les Extases mystiques d’Ernest Pignon-Ernest, la chapelle principale est envahie d’une autre irrévérence religieuse, sans plus de sacrilège pourtant. 

Pignon-Ernest voulait faire entendre « les soupirs de la Sainte et les cris de la Fée » chers à Nerval dans des extases charnelles sublimes mais délicieusement terrestres ; le MIAM alimenté par les œuvres de Di Rosa et les agencements de l’infatigable chineur Bernard Belluc, fait surgir des démons multicolores, des gremlins pop, des viscères roses, des démons bleus, et des figurines enfantines grimaçantes disposées en une immense croix sous la nef centrale. 

À l’entrée une sainte famille en papier mâché, un peu partout des gargouilles fantaisistes, des rocailles, des mickeys, une collection de faïences étalant des sortes de vulves paysagées, une barque de squelettes emmenant vers Cythère, un bus et des faux gardiens goguenards, assis, qui regardent les visiteurs… 

Tout-monde, Tout-art

On fait ainsi un tour du monde du goût, bon ou mauvais, peu importe, du Mexique à l’Afrique, de religiosités diverses en icones capitalistes, d’un sale portrait de Mireille Mathieu en chevalier du temps couvert de cadrans de montres. 

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Le plan ? Il est indiqué sur le planisphère à l’entrée : si les cartels sont rares, si les artistes sont pour la plupart anonymes, le projet des commissaires est clair.  Dans cette église il s’agit de renverser l’ordre de l’art. En irrigant le sacré de profane, sinon de profanations – le MIAM, modeste, n’est pas révolutionnaire – mais aussi en rapprochant ses pôles : L’Archipel des Arts modestes d’Hervé Di Rosa exposé à l’entrée inscrit ses trouvailles entre art académique et art populaire, déclinant tous les autres en une multitude d’îles : les petits continents, art naïf, brut, singulier, street art, art religieux, commercial, amateur, traditionnel, bordent les minusculesîles, fanzines, canevas, piñatas, boules de neige et épouvantails… 

Car cet art archipélique fait tout-art de sa diversité : de genre, de destination, de matériau, degéographie. Mais il s’emploie dans ses rapprochements à dégager des sensations de joie et de peur légère, d’enfance, et à convoquer des souvenirs communs, pour faire tout-monde.

AGNÈS FRESCHEL 

Les Curiosités du MIAM
Jusqu’au 15 juin
Entrée libre
Eglise des Célestins, Avignon

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Exode musical à l’Estaque 

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picsounds
Perrine Mansuy © X-DR

Musiques du monde, jazz, électroacoustique, un ciné-concert… le Pic, installé à l’Estaque, accueille toute l’année une diversité de propositions artistiques dans ses murs. Et il propose, du 24 au 27 avril, à l’occasion de son rendez-vous intitulé PicSounds, d’en offrir une restitution au public. Pour cette première édition, quatre compagnies vont se partager le plateau. 

Avec Perrine Mansuy (piano) et François Cordas (saxophones) le jazz sera bien représenté. Après avoir enregistré des albums consacrés à Brel et Aznavour pour le célèbre producteur américain Alan Douglas (Éric Dolphy, Miles Davis, Jimi Hendrix…) les deux musiciens se retrouvent sur scène autour de leurs compositions respectives. Du jazz certes, mais teintéaussi de poésie, de folk et de pop songs.

À travers champs

Connaissez-vous le DAS ? L’indice de « débit d’absorption spécifique » est une mesure indiquant la puissance d’un flux d’énergie véhiculée par les ondes radio absorbées par l’usager d’un téléphone lorsque l’appareil fonctionne à pleine puissance. L’absorption de ces champs électromagnétiques entraîne une élévation de la température des corps. Oui ça fait peur.

Sébastien Béranger © Christian Taillemite

Compositeur et interprète reconnu pour ses créations novatrices dans le domaine des musiques électroacoustiques, Sébastien Béranger nous embarque donc à travers champs… électriques et magnétiques avec une performance pour guitare électrique baryton, électromagnétismes et électronique live. Tels des fantômes, les spectres sonores des ondes se dévoilent. Le compositeur les module, les sculpte, les recompose.

Retour dans le monde visible avec les chanteuses, compositrices et musiciennes Sylvie Paz et Kalliroi Raouzeou. Le duo ZOPPA – il tire son nom du rythme contraint et syncopant qui donne aux notes une marche comme boiteuse – rend hommage à Alice Guy, première femme réalisatrice de cinéma. Dans ce ciné-concert, elles accompagnent en musique les œuvres de jeunesse de cette pionnière, sorties chez Gaumont. Des trésors et témoignages incroyables des premiers pas de l’art cinématographique…

Enfin, nos oreilles nous mèneront en Arménie avec le Trio Sayat. Le pianiste et compositeur Nicolas Mazmanian, le percussionniste Christian Bini et le violoncelliste Jean-Florent Gabriel sont au Pic comme chez eux puisqu’ils sont membres de l’Ensemble Télémaque en résidence dans le lieu. Le trio est le fruit de leur amitié humaine et musicale. Entre répertoire classique et création contemporaine, compositions originales et improvisation, les trois compères nous font voyager dans les espaces d’Asie mineure. 

ANNE-MARIE THOMAZEAU

PicSounds
24 et 25 avril : représentations scolaires
27 avril : 4 mini-concerts
Pic, Marseille 

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