dimanche 24 novembre 2024
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Avec « Full Moon », Joseph Nadj entre en fusion

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Full Moon © Theo Schornstein

Full Moon, spectacle qui a fait se lever le public du festival Montpellier Danse en juin dernier, rend hommage à l’univers du jazz américain des années 1950 aux années 1980, tout en invoquant la symbolique du masque et la fusion des danses africaines. Sur scène, c’est Josef Nadj lui-même, masque de sorcier sur la tête, qui invite le public à une étrange cérémonie où l’homme s’aventure parfois sur le chemin de l’animal, sans frontières ni limites. Baignés dans une clarté qui évoque la lumière de la lune, les corps transpirants s’agitent, mêlant les pas traditionnels de la danse africaine à des enchaînements plus complexes évoquant le jazz ou le hip-hop, communiquant leur énergie brute à la salle. Les tableaux se succèdent, parfois limpides, parfois mystérieux comme la musique, au rythme des interventions de l’homme masqué qui semble insuffler la vie à ces créatures fantastiques. Le final donne lieu à un rappel où les interprètes reviennent sur le plateau, coiffés de masques africains, puis quittent la scène lentement en adressant un salut au public, qui en oublie presque d’applaudir comme pour prolonger ce rêve éveillé. 

ISABELLE RAINALDI

Full Moon a été dansé aux Salins, Scène nationale de Martigues, le 5 novembre

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« Le Sursaut » face à l’extrême droite. Entretien avec Alain Hayot

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Zébuline. Votre combat politique contre l’extrême droite n’est pas nouveau, et vous l’avez vécu, très concrètement, à Vitrolles… 

Alain Hayot. Oui. J’ai été le candidat du Parti Communiste contre Mégret aux législatives, et contre sa femme aux municipales sur des listes d’union. En 1997 nous avons été défaits et ils ont gagné Vitrolles, mais en 2002 nous avons repris la ville avec Guy Obino. Concrètement, on a dû remettre debout une ville où tout dysfonctionnait. J’étais depuis 1998 vice-président à la Culture à la Région, et j’ai pu constater à quel point l’emprise sur la vie culturelle est essentielle pour ces gens-là.

Vous l’écrivez clairement, pour vous la lutte contre le FN, puis le RN, est une lutte culturelle… 

Oui, contre Zemmour aussi, contre une partie de la droite française qui veut imposer une hégémonie culturelle fondée sur une logique profondément régressive et obscurantiste. 

Une logique néolibérale ? 

Pas exactement. Ce qui en naît, logiquement. Le modèle néolibéral est producteur d’inégalités fondamentales. Pour se maintenir, alors que ses intérêts sont contraires à ceux des classes populaires, il faut qu’il les divise et qu’il agisse sur les esprits. Lorsqu’il est en crise, il laisse éclore les mouvements identitaires qui opposent et hiérarchisent les humains. Les néolibéraux savent que l’alternative politique des identitaires est inefficace contre le capitalisme, et ils la favorisent face à une menace politique réelle pour eux, celle de la gauche. C’est le fameux « plutôt Hitler que le Front populaire » qui resurgit aujourd’hui dans ses déclinaisons contemporaines.

Au moment où Trump est réélu, le triomphe de ces mouvements identitaires n’est-il pas inévitable ? 

Non ! Mon livre s’appelle Le Sursaut, il faut arrêter de croire que la fascisation du monde est irrésistible, et il faut la combattre. Refuser les boucs émissaires désignés, refuser de se laisser diviser, affirmer nos valeurs universelles dans leur pluralité. Les générations nouvelles, le sursaut du Nouveau Front Populaire en France, me font dire que demain est déjà là. Pas le leur, le nôtre. 

Mais comment résister ? 

La deuxième partie de mon livre est consacrée à la déconstruction de la culture identitaire. Du racisme sans race, du sécuritarisme qui ne crée pas de la tranquillité mais la guerre, de l’imposture sociale d’une extrême droite qui travaillerait pour l’intérêt du peuple. Nous vivons aujourd’hui en France un début d’apartheid exercé contre des Français qui vivent dans ce pays depuis plusieurs générations. Nous ne devons pas y céder.

Ce questionnement est-il intersectionnel ? 

Les combats féministes, antiracistes, LGBT… se nourrissent mutuellement. Il faut prendre conscience que ceux qui cherchent à dresser les minorités les unes contre les autres sont ceux qui ont intérêt à maintenir les dominations sociales. Construire les convergences est devenu difficile, parce que les outils médiatiques des dominants sont très puissants pour forger les opinions. C’est ainsi que la laïcité, principe évidemment émancipateur, peut devenir xénophobe. Nous avons besoin de renforcer la lutte des classes, la lutte féministe et la lutte contre le racisme ensemble, dans le principe de la créolisation de Glissant et Chamoiseau. C’est pour cela, je le redis, que la lutte contre l’extrême droite est une lutte des idées. Un combat culturel.

ENTRETIEN REALISE PAR AGNÈS FRESCHEL   

Le Sursaut – Face aux nouveaux monstres, d’Alain Hayot
Éditions L’Humanité – 15 €

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Art Montpellier, huitième !

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© X-DR

Tout est à vendre à Art Montpellier, qui revendique le titre, avec une soixantaine de galeristes et éditeurs présents, de plus grande foire d’art contemporain du sud de la France. Elle ouvre ses portes durant quatre jours au Parc des Expositions autour de la thématique Géométries, couleurs et abstractions (une vingtaine de galeries présentent des œuvres en lien avec cette thématique). Ce qui lui donne l’occasion de mettre à l’honneur l’artiste Invader, qui est, avec Banksy, l’un des street-artists les plus connus dans le monde, tout en étant parfaitement anonyme ! Rendu célèbre pour ses mosaïques inspirées de jeux vidéo rétros, notamment « Space Invaders », une exposition inédite de l’artiste est présentée par la galerie Ange Basso.

Historiques

Parmi les autres artistes présents dans cette édition, qui ont fait date dans l’histoire de l’art du XXe siècle, on trouve notamment Hans Hartung, précurseur de l’abstraction lyrique, pionnier de la libération du geste en peinture, présenté par la Galerie Schanewald. Les formes biomorphiques, calligraphiques et colorées de Joan Miró, représenté par la Galerie JAF. Le fauve André Derain, avec plus d’une dizaine d’œuvres et de dessins inédits présentés par la Galerie Berthéas. Côté sculpture, César et ses célèbres compressions sont présentées par la Galerie Audet et la Galerie Shun. Et parmi les contemporains, Robert Combas et Hervé Di Rosa, co-fondateurs de la Figuration Libre, sont présents chez AD Galerie, tout comme la street-artist Miss’Tic, et Claude Viallat, figure centrale du mouvement Supports/Surfaces.

Artistes d’Occitanie

Au sein de la foire, quatre espaces sont spécialement dédiés aux artistes locaux par des acteurs locaux : la Région Occitanie présente sur son stand les travaux de Philipp Hugues Bonan, artiste-photographe connu pour ses portraits de nombreux grands créateurs contemporains, et notamment d’Occitanie comme Jean- François Boisrond et Claude Viallat. La Ville de Sète présente des œuvres de Maxime Lhermet, qui sur des capots de voitures, planches de surf ou portes d’hélicoptères, entremêle couleurs, formes et souvenirs. Le magazine spécialisé Artistes d’Occitanie lance la première édition de ses Grands Prix dédiés aux artistEs d’Occitanie, connus ou moins connu.e.s. Enfin Médi’art (Magazine l’Art-vues) présente l’exposition Joie de Maureen Angot, artiste qui vit et travaille à Carcassonne, en développant un univers fait de motifs géométriques répétitifs, sur de grands formats. 

MARC VOIRY

Art Montpellier
Jusqu’au 17 novembre
Parc des Expositions, Montpellier

Le Studio Rex à l’Alcazar : des mémoires toujours en errance

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Exposition des archives Studio Rex à l'Alcazar © A.F.

Cet ensemble d’archives, né au sein du Studio Rex, studio photo d’Assadour Keussayan, fait des migrations un patrimoine et nous rappelle qu’aucun lieu dédié à ces mémoires n’existe aujourd’hui à Marseille. 

Le titre, Ne m’oublie pas, sonne comme un rappel pour celles et ceux qui imaginent que la migration est un phénomène temporaire ou qu’elle relève du libre arbitre de chaque individu, et pour ceux qui se contentent d’évoquer ces mémoires à l’occasion, laissant orphelins de nombreux marseillais, par l’absence de lieu de mémoires des parcours familiaux et migratoires de la ville. Entre photos de « portefeuille » et photos de studio, le Studio Rex donne à voir un pan de l’histoire des migrations à Marseille. 

De l’Arménie à l’Algérie, l’hospitalité en récit

L’exposition valorise le fonds d’Assadour Keussayan acquis par Jean-Marie Donat pour donner à voir l’immigration. Elle est le témoignage des personnes qui ont fait souche ou étape à Belsunce. Ce  laboratoire de photo familial implanté dans le quartier durant deux générations et fermé en 2018, restitue les vies de milliers d’hommes et de femmes, originaires du Maghreb, d’Afrique de l’Ouest, des Comores… Ils ont posé devant les objectifs de la famille Keussayan, rescapée du génocide arménien, pour des photos d’identité, des portraits individuels ou en famille, souvent envoyés à leurs familles restées au pays. Cette collection constitue un fonds mémoriel inestimable pour l’histoire marseillaise. Des photographies, anonymes et non datées, qui sont autant de traces et de preuves des anonymes qui ont fait de Marseille leur port d’arrivée, de passage ou d’ancrage et de Belsunce un quartier symbolique dans cette histoire collective. 

Patrimoine dispersé ou non valorisable

Alertée par l’éditrice Martine Derain en 2005, le Musée national de l’histoire de l’immigration avait acquis le matériel du studio Rex : des artefacts dont la chambre, la grille, l’enseigne et quelques photos colorisées. Un ensemble dont on regrette qu’il ait quitté la ville et qui aurait permis au Musée d’histoire de Marseille, une narration des migrations, à sa porte.

Le fonds photographique a quant à lui été acquis par les Archives municipales en 2006 auprès de Grégoire Keussayan, fils d’Assadour. Il n’est pas valorisé à l’occasion de Ne m’oublie pas. En effet, lors d’une première exposition, Grégoire Keussayan a été vivement interpellé par un homme originaire des Comores qui a reproché aux Archives municipales l’utilisation de ces négatifs de photos de studio. Le code du patrimoine impose le respect des données personnelles durant 50 ans, période à partir de laquelle, elles sont communicables de plein droit. 

Lorsque le studio a fermé en 2018, aucun nom n’était inscrit au dos des images, aucune nationalité, aucune date non plus. Photos d’identité, photos grand format en poses de studio, portraits retouchés et pastellisés… 

La sauvegarde de Jean-Marie Donat donne à voir ces archives et à comprendre ce que ces photos racontent. L’acquisition se fait progressivement, pour un projet d’édition. Jean-Marie Donat travaille seul, et c’est dans une solidarité de classe qu’il revendique sa légitimité, ayant partagé la gamelle sur les chantiers, dans les foyers de ces ouvriers où il a été recueilli comme un fils alors qu’il se retrouvait à 16 ans, sans foyer. Entre pratiques d’amateurs d’archives et démarche artistique, il porte une réflexion sociétale et critique. 

SAMIA CHABANI

Ne m’oublie pas
Jusqu’au 1er mars 2025
Entrée libre 
BMVR Alcazar, Marseillle

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Cinéma : Panorama met le cap au nord

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La convocation © Eye Eye Pictures 2024

Chaque année, le festival Panorama propose une nouvelle destination à son public. L’an dernier, il était parti du côté du cinéma indépendant d’Amérique du Nord, cette année, on reste dans le Nord, mais en Europe. Avec pas moins de trente films dont trois avant-premières. Des rendez-vous pour les jeunes cinéphiles également, et, pour les moins jeunes, des conférences, et débats accompagnant les projections – toutes présentées par des spécialistes. Un voyage en septentrion jalonné de polars, de drames, de satires, de comédies… à découvrir du 15 au 24 novembre sur le territoire de Scènes & Cinés, à Miramas, Istres, Grans, Fos-sur-Mer…

Ouverture islandaise à Miramas le 15 novembre avec When the light breaks de Rúnar Rúnarsson. Entre deux couchers de soleil, un amour secret, un accident et un deuil à cacher au reste du monde : le réalisateur de Sparrows capte ici un drame intime traversé d’ombres et de lumières. La clôture sera finlandaise à Istres avec Maja, une épopée finlandaise de Tiina Lymi – invitée de cette édition. La réalisatrice adapte une saga-culte, et nous transporte dans une île isolée, à la suite de sa protagoniste, une femme de pêcheur pauvre dont la vie bascule.

Nord magnétique

Entre les deux, une riche programmation. « Dépaysement sauvage » sur les pas d’un prêtre danois dans le superbe Godland de Hlynur Pálmason. Plongée dans un cinéma social : pour suivre la dérive d’une jeunesse sans repères dans Les Belles Créatures de Gudmundur Arnar Gudmundsson . Pour imaginer la rencontre de deux solitudes sur fond de mutations économiques dans Le vieil homme et l’enfant de Ninna Pálmadóttir. Ou encore pour interroger la société danoise à travers un conflit dans le huis clos d’une école avec La Convocation de Halfdan Ullmann Tondel (Caméra d’or 2024). On retrouvera dans ce film Renate Reinsve,la comédienne de Julie en 12 chapitres du Norvégien Joachim Trier également programmé. Des films exprimant la toxicité de certaines relations et les malaises mijotant sous le vernis de sociétés policées et lisses : Mon parfait Inconnu de Johanna Pyykkö ou The Innocents d’Eskil Vogt.

Plusieurs focus sont proposés. Le cinéma suédois au féminin avec deux films des années 1960 signés Mai Zetterling : Les Filles (1968) injustement boudé et Les Amoureux (1966) virulente critique du patriarcat. Le polar nordique, véritable genre dans le genre, autour de Sons de Gustav Möller où vacille l’honnêteté d’une matonne se confrontant à l’assassin de son fils. Focus aussi sur une réalisatrice peu connue, Selma Vilhunen dont on découvrira deux longs métrages Amours à la finlandaise et Little wing. Et, enfin sur deux réalisateurs emblématiques : le Suédois multi primé Ruben Öslund qui étrille avec férocité et délectation le néolibéralisme dans Sans Filtre et l’image rassurante de la famille dans Snow Thérapy. Et le Finlandais Ari Kaurismäki aux accents chaplinesques, tendre, poétique, décalé et chaleureux. Un Panorama qui met en évidence les thèmes récurrents, les spécificités et l’universalité de ce cinéma nordique.

ÉLISE PADOVANI

Panorama
Du 15 à 24 novembre
Divers lieux, Bouches-du-Rhône
scenesetcines.fr

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À Africapt, une « Aïcha » bien vivante 

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Tout comme son premier long métrage, Le Fils, le scenario d’Aicha s’inspire d’un fait réel survenu en 2019 : une jeune femme après un accident de voiture avait eu l’idée de se faire passer pour morte, pour tester l’amour des siens.

Aya, vit dans le sud de la Tunisie, à Tozeur, avec ses parents qui voudraient la marier avec un homme plus âgé et plus fortuné, ce qui aiderait la famille, pauvre. Aya travaille dans un hôtel  et a depuis quatre ans une relation clandestine avec le directeur, Youssef, un homme marié qui lui promet sans cesse de divorcer. Sur une route de montagne, le grand taxi qui transporte les employés et une passagère embarquée en chemin tombe dans un ravin et prend feu. Sept corps, sept victimes dont la liste est envoyée par la direction de l’hôtel. Mais la seule survivante, Aya, décide de ne rien dire. Elle est déclarée morte et assiste, entièrement voilée, à sa propre inhumation.

Désormais, elle s’appelle Amira, part à Tunis et va partager un appartement avec Lobna (Yasmine Dimassi), qui se dit doctorante en sciences humaines. Lobna va l’entrainer dans les folles nuits ou l’on boit, où l’on danse, où l’on drague, jusqu’au soir où un drame se produit dans la boite de nuit. Amira, impliquée, est interrogée par la police, confrontée à son mensonge et à ceux des autres. C’est ainsi que sa route croise celle de Farès, chef adjoint de la police qu’interprète Nidhal Saadi (une star en Tunisie).

Portrait d’une femme en quête de liberté, Aicha est aussi la radioscopie d’un pays où règnent la corruption et l’oppression de la police, l’injustice sociale, où les femmes sont soumises aux pressions de la famille et du patriarcat. Le voyage initiatique d’Aya-Amira est filmé par la caméra portée d’Antoine Héberlé, le directeur de la photo, qui avait déjà travaillé sur  Un Fils. Il ne la lâche pas : gros plans de face à Tozeur, aux couleurs aussi ternes que son quotidien, la ville qu’elle veut quitter. À Tunis, la caméra la suit, nous permettant de découvrir la capitale avec ses yeux. Une ville qui la fascine, pleine de couleurs d’énergie et de mystère. Fatma Sfar qui interprète cette femme en changement, est excellente, montrant avec subtilité, toutes ses facettes.

Questions de société, d’intimité, de politique, de police, de suspense s’entremêlent dans ce film superbement mis en scène. La musique d’Amine Bouhafa, narrative, y contribue largement. «  Tozeur n’est pas filmé comme Tunis. Aya n’est pas filmée comme Amira qui n’est pas filmée comme Aïcha. […] Je devais être constamment vigilant pour m’assurer la cohérence de l’histoire et l’évolution du personnage », précise Mehdi M. Barsaoui. C’est réussi ! Il a su à travers son histoire et ses personnages contrastés montrer la complexité des rapports humains. : Aïcha, qui en arabe littéral, signifie « vivant » a donné son titre au film. Il suffit de le voir pour comprendre pourquoi.

ANNIE GAVA

Aïcha a été projeté le 10 novembre dans le cadre du festival Africapt.
En salles le 19 mars 2025

Africapt : Au bord des rêves avec « Les Filles du Nil »

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(C)Dulac distribution

Elles s’appellent Majda, Haidi, Monika… Elles vivent dans le quartier copte de la petite ville d’Al-Bashra, dans le sud de l’Egypte. Elles ont une quinzaine d’années et des rêves plein la tête, dans un moment charnière pour elles. Celui où elles deviennent femmes et où elles vont devoir choisir leur voie ou suivre ce que leur famille ou la tradition impose.

Elles sont un groupe de six, unies par la passion du théâtre et elles ont fondé une troupe de rue. Leur salle de répétition est un local vétuste où elles ont construit elles-mêmes leur scène avec des planches. Leur cheffe de troupe, Majda, rêve d’aller étudier le théâtre au Caire. Monica, au départ blessée par son surnom de « fille à la voix d’homme » assume sa voix grave et rêve de devenir chanteuse. En attendant, ensemble, elles jouent des saynètes dans les rues, font des performances pour exorciser les maux dont les femmes souffrent : enfermement, harcèlement, pressions familiales, mariages précoces et forcés.

Parmi leurs spectacles, La Noce, où elles interpellent les spectateurs, hommes et femmes, qui répondent, parfois agressivement : « Êtes-vous heureux en ménage ? N’avez-vous pas été mariée trop jeune ? Les femmes n’ont donc aucun droit à l’amour ? » C’est le quotidien de ces adolescentes, femmes en devenir, que Nada Riyadh et Ayman El Amir ont filmé pendant quatre ans. À l’extérieur, dans les rues, dans leur salle de travail en plein brainstorming : « Penser à un rêve » ; mais aussi dans leur famille, leur intimité. « Notre idée initiale était de faire un film sur le théâtre, mais les filles ont commencé à nous présenter leurs parents, leurs familles, leurs fiancés, et notre projet a pris une autre envergure », précise Ayman El Amir

On assiste aux fêtes familiales, au mariage de Monica, au baptême de son fils, au découragement de Majda, parfois. Deux séquences en particulier montrent la grande complicité entre filmeurs et filmés. Haidi qui s’est fiancée ne peut plus se rendre à l’atelier théâtre. Et devant la caméra, son fiancé lui ordonne de rompre avec ses amies, de supprimer leurs numéros et lui arrache le téléphone. « Les hommes sont à l’écran comme ils sont dans la vraie vie : ils sont fiers de leur identité, les opinions qu’ils formulent sont les leurs », explique Nada Riyadh. Si cette séquence nous montre à quel point la bataille est rude pour les femmes, une autre scène entre Haidi et son père, en écho, nous donne un peu d’espoir. Il s’étonne que sa fille ait abandonné la troupe qu’elle suit depuis 7 ans et ne sorte plus. Craignant qu’elle ne soit sous l’emprise de son fiancé, il la met en garde : elle n’est pas obligée de se marier si jeune !

On passe presque deux heures et demie en compagnie de ces jeunes femmes, partageant leurs doutes, leurs peurs, leurs joies, leur complicité, leur énergie. Et même si l’on se dit que la route est encore longue, ce documentaire dont le titre arabe est Rafaat einy ll sama et le titre anglais The Brink of Dreams nous remplit d’espoir en l’avenir. Sélectionné à la 63e Semaine de la Critique, il a remporté l’Oeil d’or du documentaire (ex-aequo avec Raoul Peck) attribué par le Festival de Cannes et par la SCAM (Société des auteurs multimédia) au meilleur documentaire toutes sections confondues.

ANNIE GAVA

Les Filles du Nil a été projeté le 12 novembre dans le cadre du festival Africapt.
En salles le 29 janvier 2025

La Nuit du Cirque : un marathon de créations

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Le récit des yeux © Mati Gentillon

Malgré des figures de proue fédératrices telles que Johann Le Guillerm ou Vimala Pons, le cirque de création reste encore méconnu, sous-doté, et mal représenté dans les institutions culturelles. Depuis 2019, l’association Territoires de Cirque, associée au ministère de la Culture, mobilise les énergies durant un week-end automnal sur le territoire national – et même désormais un peu au-delà – pour contribuer, inlassablement, à le faire découvrir. Dans la Région Sud, plusieurs partenaires jouent le jeu. En premier lieu, l’incontournable pôle national Archaos a la joyeuse idée de consacrer une soirée au jonglage, en ses locaux du 15earrondissement marseillais. En ouverture de soirée le samedi 16 novembre dès 20 h, Le récit des yeux propose une hypnotique épopée futuriste, dans laquelle le protagoniste est suivi par des objets circulaires ressemblant à des yeux… Entre sculptures cinétiques et machines à jongler, un nouveau pan des expérimentations que nourrit Carlos Muñoz depuis plus de 10 ans à la tête de la compagnie franco-chilienne Sombra. Place ensuite au maître ès jonglage : avec le solo intimiste AssisJérôme Thomas revisite 45 ans de carrière, entre jonglage de matières improbables – gélatines, sacs plastiques, plumes, grelots… – et anecdotes de tournées.

Contorsions de genres  

À la Seyne-sur-Mer, le cirque se mêle de sujets sociétaux. Sous chapiteau, le Cirque Queer revisite l’esprit cabaret : freaks, fakirs et contorsionnistes mélangent joyeusement les genres (Le premier artifice, du 15 au 17 novembre). Le 16, Circus Baobab propose en sus une sortie de résidence de sa prochaine création, une nouvelle fois sous l’oeil azimuté de Yann Ecauvre. Après s’être attelé à déboulonner les mythes de la masculinité dans , la compagnie guinéenne explore cette fois un pan féminin de la société africaine avec Yongoyély(littéralement « l’exciseuse »), à travers la figure de la militante indépendantiste M’Balia Camara. À Istres, le Cirque Aïtal saupoudre la tradition d’une bonne dose de punkitude, comme savent si bien le faire Victor Cathala, colosse d’1m90 et Kati Pikkarainen, poupée d’1m53, rejouant un campement entre poulailler, pigeonnier et caravanes (A ciel ouvert, du 15 au 17 novembre). Dans les Alpes-Maritimes, le cirque se fait participatif et revêt ses habits de bal : sur parquet ciré, les 8 acrobates du Doux supplice convient les spectateurs à revisiter les danses populaires – tango, mambo, rock, slow, valse, rondeau, jazz – mâtinées de voltige, jusqu’à la transe finale (En attendant le grand soir, le 17 novembre à La Roquette-sur-Siagne).  

JULIE BORDENAVE

La Nuit du Cirque
Du 15 au 17 novembre
Divers lieu, Région Sud 
lanuitducirque.com

Ladaniva

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LADANIVA © Robert Koloyan

La nouvelle équipe de l’Espace Julien ne boude pas son plaisir de remplir sa salle d’un public très varié. Ils invitent le 14 novembre les excellents Ladaniva, formation franco-arménienne aux lives ultra festifs et aux clips léchés. Porté par la talentueuse chanteuse Jacqueline Baghdasaryan et le multi-instrumentiste Louis Thomas, le groupe crée une musique nourrie à la pluralité culturelle. Concrètement, l’on trouve – en plus de racines folkloriques arméniennes, russes et balkaniques – des rythmiques traditionnelles allant puiser dans la musique arabo andalouse, le maloya ou bien même le reggae. Le tout parsemé de ce qu’il faut de pop, pour la fraîcheur. Sur scène, le duo s’accompagne de cuivres, percus et choristes, procurant à tous les coups un doux mélange d’envoûtement et de fougue à l’auditoire.

LUCIE PONTHIEUX BETHAM

14 novembre
Espace Julien, Marseille 

Prélude /Polémique

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Polémique © Naif Production

L’Alpilium de Saint-Remy de Provence invite, au cours d’une même soirée, deux compagnies de danse contemporaine à présenter chacune leurs dernières créations, en version courte. Deux univers différents, pour aborder la danse dans sa pluralité. Kader Attou vient présenter Prélude, dans laquelle une dizaine de danseurs professionnels hip-hop de la région investissent son univers artistique, sur une musique électro-accoustique composée par Romain Dubois. Et Naïf Production présente Polémique (recherche d’une pédagogie du conflit), pièce chorégraphique pour deux danseurs-acrobates, Mathieu Desseignes et Lucien Reynès. Que l’on observe se disputer en mouvements, de façon plus ou moins civilisée ou sauvage, dans un espace tenant à la fois du laboratoire et du ring de boxe.

MARC VOIRY

14 novembre
L’Alpilium, Saint-Rémy-de-Provence