vendredi 4 juillet 2025
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Encore Encore… 5 ans ! 

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Encore Encore
Encore Encore © Marpessa Sigue

Mous·lles du genou, vous êtes les bienvenu·es, mais vous serez probablement déçu·es. Pour sa cinquième édition, du 27 au 29 juin, le festival Encore Encore a un objectif : vous faire danser toute la nuit, et la journée. Le tout avec une jauge limitée, qui confère à ce rendez-vous une ambiance certes festive mais agréable – ici pas de queues d’une heure pour manger, boire, ou le reste – le public a de la place pour s’exprimer, dans l’ambiance bucolique et verte de Correns. 

Pour la fête, place à la DJ et militante Cashu, figure de la scène queer brésilienne, qui poser ses sonorités d’ici et d’ailleurs. On attend aussi La Coya, dont la voix, le rythme, et la prestance ne laisseront pas indifférent·es les amateur·ices de cumbia. Ou Waralu, qui vient de Buenos Aires pour un B2B avec Schön Paul. Le 28 on continue de mélanger les styles, avec le DJ set partagé entre Abstraxion, cofondateur du festival, et l’éclectique Olympe4000Cheapjewels appelle à expier sa colère en criant et sautant sur des basses aussi énervées que nous. Bouger encore, sur le DJ set de Eliott Litrowksi ; ou sur celui de Vulva vitamina

N’oublions pas les habituelles activités sportives proposées par le festival : foot avec le Drama Queer Football Club de Marseille, pétanque, yoga… Une programmation très riche donc, à laquelle s’ajoute cette année une pièce de théâtre, de la compagnie lilloise La Drache

5 ans et militant

Le bébé du collectif le Laboratoire des possibles a bien grandi. Mais il n’oublie pas pour autant d’où il vient. Depuis sa première édition, Encore Encore cherche à se rapprocher de l’irréprochable en matière de durabilité. Avec le COFEES (le collectif des festivals éco-responsables en Région Sud), tout est réfléchi en économie et en réduction, comme le transport des artistes sans avion par exemple. Et évidemment, l’accent est mis sur le local, et ça tombe bien parce que la localité, c’est Correns. Ce village complètement bio est ainsi pleinement intégré à l’organisation du festival, que ce soit pour la restauration ou pour le camping dans le champ du voisin. Le festival dispose aussi d’une charte, qui met en avant des comportements éco-friendly à adopter, en toute intransigeance et jovialité. Parce que même les free-partys peuvent se faire dans le respect. 

SONIA CONDESSE

Encore Encore
Du 27 au 29 juin
Théâtre de verdure, Correns

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Des contes, des sons, les pieds dans l’eau

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GHETTO KUMBE © Kata Garces

Devant un plan d’eau avec vue sur les montagnes, c’est ici que le Festival Beleza pose ses bagages pour y réciter ses contes et y faire retentir les mélodies du monde. Organisé par l’association Maracâ, assembleurs d’arts, le festival est un vrai voyage à travers le mondependant deux jours. 

Un voyage qui passera notamment par le Brésil. Un stage de chants brésiliens est proposé par lachanteuse du groupe Poplitê ; cinq chanteuses et percussionnistes feront aussi retentir les instruments brésiliens en prônant des valeurs féministes, inclusives, écologistes et sociales dans des rodas, une danse ancestrale de samba en cercle. Performera aussi Electró Faune, un duo deforró électropical…

Les couleurs tropicales teintent aussi la programmation avec Tim Tim BAO BAO, une fusion de percussions afro-latines, également un DJ set de Kookabura, ainsi que du séga maloya réunionnais, un genre majeur à La Réunion où résonne le chant, la mandole, le kayamb et des percussions du groupe Pierrette et ses payettes

Ô conte 

Côté contes, il y aura Dilo, « l’eau » en créole, de la poésie musicale et sensorielle de la compagnie guyanaise Yongwé, assez atypique, car il s’agit d’une poésie « flottante » où la performance prend place sur l’eau et « de préférence au coucher du soleil ». Pour y entendre l’histoire de l’eau de la Guyane, des casques sont distribués, pour une immersion complête au cœur de la forêt amazonienne.

Notons aussi Poil noir, plume noire, conté par de Ladji Diallo, un artiste à plusieurs facettes car comédien, conteur et chanteur, dont l’art du conte lui a été enseigné par le griot malien et burkinabè Sotigui Kouyaté et ses enfants. Dans ce spectacle, son récit emmène le public en Afrique, à la croisée des chemins d’une hyène, d’un bélier, et d’un oiseau. 

LILLI BERTON FOUCHET

Festival Beleza
Les 27 et 28 juin
Plan d’eau de Digne-les-Bains

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Six-Fours-les-Plages, Ravel au creux des mains

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B.CHAMAYOU © six fours vague classique

Voilà plus de vingt ans que Bertrand Chamayou partage son compagnonnage avec Maurice Ravel, auquel il a consacré un enregistrement inégalé en 2016. Et plusieurs mois qu’il parcourt les scènes lyriques pour l’y déployer dans son intégralité. Loin de toute démonstration, le récital s’est imposé comme une confidence de deux heures et demie.

Dès les premiers accords du Prélude en la mineur, on comprend qu’ici, la clarté sera reine. Nulle emphase ou épate dans l’approche ; tout est mis au service de l’architecture, unique et inimitable, du détail troublant, de l’intelligence musicale. Miroirs s’ouvre sur une Barque sur l’océan évoquant déjà les reflets irisés de Jeux d’eau : à rebours du spectaculaire, le flot ne jaillit pas : il sourd. Il ne cherche pas l’extase, mais l’évidence. 

Une poétique du seuil

Les influences baroques de l’hommage à Chabrier, ou du sublime Tombeau de Couperin demeurent présentes sans se faire écrasantes. La Fugue n’a notamment rien de scolaire : elle respire comme une méditation. Si Bertrand Chamayou rappellera le temps de quelques mots les deux penchants du compositeur, l’un pour l’impressionnisme, l’autre pour les fondements de son art, il prendra soin de laisser ces deux approches non pas s’opposer, mais se compléter. Sa Pavane pour une infante défunte résume peut-être à elle seule ce goût de la synthèse : le chant intérieur y résonne comme un cantus firmus renaissant, tandis que les accords déliés rappellent les esquisses modales de Debussy.

Gaspard de la nuit, sommet tant attendu, tant techniquement qu’interprétativement, est abordé ici comme une traversée intérieure. Ondine tinte de tout son éclat ; Le Gibet s’étend comme une lamentation stoïque, Scarbo voltige sans esbroufe mais avec puissance. La constante mise en tension du texte et du silence impressionne ici par sa justesse.

SUZANNE CANESSA

Concert donné le 13 juin dans le cadre du festival La Vague Classique, Six-Fours-les-Plages.

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Un Trouvère d’exception

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© Christian DRESSE

Le rideau s’ouvre sur une scène plongée dans le noir. Dans la nuit, les hommes d’armes du Conte di Luna évoquent le passé. On apprend ainsi comment le frère de celui-ci fut enlevé au berceau et assassiné par une bohémienne désireuse de se venger de la famille qui avait fait brûler sa mère pour faits de sorcellerie. Du bébé, on ne retrouva qu’un squelette dans les cendres. Peu à peu se déploie la narration tragique. Deux hommes s’affrontent pour gagner le cœur de la noble Léonora – une Angélique Boudeville qui fait vibrer chaque nuance du rôle avec intensité. 

D’un côté, il y a le Conte de Luna (le baryton roumain Serban Vasile), homme ombrageux détenteur de l’autorité, puissant et brutal, prêt à obtenir par la force ce que la jeune femme lui refuse par le cœur, de l’autre Manrico, troubadour mystérieux et lyrique – interprété magistralement par le ténor, Teodor Ilincäi – a les faveurs de Léonora. Les tensions montentet Manrico est arrêté et condamné à mort. Leonora tente d’obtenir sa grâce en se sacrifiant eten acceptant d’épouser le comte…. Puis, pour échapper à la brute, se donne la mort. Manrico, lui, est exécuté alors que la gitane Azucena (Aude Extrémo), qui l’a enlevé et élevé, après avoir tué dans un accès de folie son propre fils, révèle au Comte qu’il vient de tuer… son propre frère.

Zingarella tragique

On retrouve dans Il Trovatore toute la grande machinerie verdienne : la force, la puissance dudestin qui frappe tragiquement à travers les générations. C’est aussi une magnifique histoired’amour entre une mère Azucena et son fils adoptif Manrico. 

Comme toujours, le compositeur italien fait la part belle aux chœurs, dont le plus célèbre, celui des bohémiens, hymne à La Zingarella, (la gitane) enflamme la salle. Dans les rangscertains fredonnent l’air célébrissime. La chaleur étant de la partie, les éventails s’agitent dans les travées, semblant en résonnances au spectacle qui se déroule sur la scène et dans la fosse avec un orchestre endiablé dirigée avec l’impétuosité expressive du jeune – il n’a que 32 ans– directeur musical italien Michele Spotti, à l’énergie vibrante, précise, galvanisant autant les chœurs que les solistes et donnant à l’œuvre un rythme haletant.

Si la partition met chacun en valeur, la mezzo Aude Extrémo incarne avec une intensité saisissante cette mère torturée, en proie à la douleur et à la folie notamment dans son grand solo ovationné Stride la vampa, dont le cri déchirant semble sortir des entrailles.

Comme à son habitude Louis Désiré offre au public une mise en scène d’une rare élégance,minimaliste, épurée, faisant flirter avec bonheur noir, blanc, rouge, effets de miroir et d’aluminium. Si celle-ci déroute certains spectateurs, plus habitués aux dorures et aux fastesopulents qui accompagnent le plus souvent la musique héroïque de Verdi, on trouve, à l’inverse, que cette esthétique sobre, dépouillée, recueillie laisse toute liberté aux voix, au récit tragique et aux douleurs de s’exprimer avec une vraie profondeur dramatique sans parasiter ni le regard, ni la pensée. Du beau, du très beau Verdi.

ANNE-MARIE THOMAZEAU

Représentation du 10 juin, Opéra de Marseille

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Soléa, chœur solidaire

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A gauche Bachir Sanogo, au milieu, Anne Périssé chef de Soléa, à droite le compositeur Timo Jolivet, derrière à droite Béatrice Pacha, présidente du Choeur et Romaine, bénévole de Sos Méditerranée © A.-M.T.

SOS Méditerranée apporte son secours aux migrants en détresse en Méditerranée. Depuis sa création, il y a dix ans, plus de 42 000 personnes ont pu être sauvées de la noyade. Touché par cette action humanitaire, le Chœur Soléa a choisi de dédier un concert à cette cause. Pour sa cheffe, Anne Périssé : « soutenir ceux qui aident les gens en détresse est juste une évidence ».

Le chœur avait convié Bachir Sanogo, compositeur d’origine ivoirienne et joueur de n’goni, instrument à cordes mandingue ancêtre de la guitare et du banjo. Lorsqu’on lui parle de son engagement il s’étonne : « Chez nous en Afrique de l’Ouest, les chansons véhiculent des messages pour éveiller les consciences, pour éduquer les populations. Parler de ces sujets dans mes morceaux me semble naturel ». Parmi les pièces phares du programme figurait la poignante Lampedusa, composée par Sanogo en 2011 : « À cette date, on parlait peu de la question des migrants en mer. C’est en travaillant avec un chorégraphe et des documentaristes que j’ai découvert des images qui m’ont bouleversé. Le thème répétitif de la chanson symbolise le trajet éprouvant à travers le désert et la Méditerranée » explique-t-il. 

À tous les naufragés

Formé auprès du Ballet national de Côte d’Ivoire et d’un maître traditionnel de n’goni à Abidjan, Bachir s’est installé en France comme artiste. Il n’a pas connu à titre personnel la tragédie de la migration mais « j’ai des amis du quartier ou du pays qui ont connu ce périple ». 

Éclectiques, pénétrant et inspirés, les morceaux de Soléa, interprétés a capella ou accompagnés par le pianiste Jonathan Guidaliah, se sont enchaînés avec émotion, illustrantla quête de ceux qui se lancent dans l’exil en rêvant d’une vie meilleure. Ils ont fait voyager le public de l’époque baroque jusqu’à la période contemporaine avec l’Américain Samuel Barber ou le Franco-Libanais Zad Moultaka. À cela s’est ajouté une carte blanche au jeune marseillais Timo Jolivet, auteur de la suite Mare Nostrum ; quatre pièces qui évoquent la mer, les odyssées sans fin et les espoirs brisés. Jolivet, modeste, refuse de qualifier son œuvre ; mais on y entend le Fauré des Djinns, le Poulenc des Litanies à la vierge noire, des harmonies subtiles et toute l’humanité. 

Le cadre du concert, Notre-Dame de la Garde, était bien sûr symbolique. Depuis le Moyen Âge, la « Bonne Mère » veille sur ceux qui prennent la mer – la basilique ayant été bâtie au XIXe siècle sur une chapelle du même nom. Lors des grandes tempêtes et des catastrophes maritimes, les habitants de Marseille s’y rassemblaient pour prier leurs morts. Une plaque dans la basilique leur rend hommage : À tous les naufragés ensevelis dans le linceul des flots.

ANNE- MARIE THOMAZEAU

Le concert s’est déroulé le 14 juin, à la Basilique Notre-Dame de La Garde, Marseille – évidemment. 

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Accès à la recherche

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© Thibault Carceller

Du 10 au 15 juin, le Festival Explore a donné aux Marseillais l’occasion de rencontrer des dizaines de chercheurs à travers la ville. Le format d’événements gratuits, souvent ludiques et toujours instructifs, donne l’occasion à chacun de muscler sa culture générale scientifique. À l’Alcazar, le « speed searching » a fait le plein, le public très varié et curieux de la bibliothèque appréciant ce dispositif d’échange en dix minutes chrono, pour découvrir le sujet de recherche d’un chimiste, avant de passer à un neurologue puis un spécialiste du langage, et ainsi de suite.

Expériences en direct

La Fabulerie accueillait quant à elle des « conférences démonstrations » nourries d’échanges avec l’assistance, facilités par la petite jauge. L’occasion, par exemple, pour la biologiste Laurence Mouchnino (CNRS/Amu), de faire connaître ses travaux sur la relation entre le cerveau et la motricité. « La plupart du temps, expliquait-elle, nous voyons notre main là où nous la ressentons. Il y a une cohérence entre la vision et la proprioception*. » Mais dans certains cas, on observe des discordances. Et de le démontrer en sollicitant un spectateur pour jouer le cobaye : avec un simple miroir, difficile de suivre un tracé pourtant relativement simple, les mouvements deviennent imprécis. 

Dans la vie quotidienne, les humains sont en conflit sensoriel, très fatiguant pour le cerveau, lorsqu’ils manipulent une souris à l’horizontale pour un effet vertical à l’écran, quand ils regardent à travers une loupe… ou lorsqu’ils changent la correction de leurs lunettes de vue. Ces exercices nécessitent un temps d’adaptation. Conclusion de la chercheuse : il vaut mieux que les chirurgiens en télé-opération s’entraînent ! Tout comme le font les pianistes : au début, ils ont besoin de conjuguer la vision à la proprioception, avant de pouvoir jouer sans regarder les touches, en anticipant l’effet du mouvement sur le son. « Nous sommes inégaux devant ces difficultés, certains y arrivent mieux que d’autres. » Y aurait-il une différence entre les gauchers et les droitiers ?, demande-t-on dans le public ? Réponse : la science y travaille, mais peine à recruter suffisamment de gauchers pour ses études.

GAËLLE CLOAREC

Perception, consciente ou non, de la position des différentes parties du corps, sans recours à la vision

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Le Théâtre Durance monte le son 

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Kolinga © Drone Pixels

Ce vendredi 13 était sinon porté par la chance, du moins par la joie, au Théâtre Durance. La Scène nationale, qui imagine depuis 2011 Les Escapades en ajout à sa belle programmation théâtrale (entre autres), accueillait pour ce premier soir de festival un public nombreux et enjoué. 

S’il n’en est pas à son coup d’essai, le théâtre, qui compte d’ailleurs plusieurs dates musicales en saison, semble gonfler à chaque édition sa programmation, outre les atours populaire et rassembleur offerts par la gratuité de l’événement. 

Maîtres en scène

Transformée en auditorium, la petite colline d’herbe attenante au bâtiment anguleux et moderne du théâtre accueillait les fessiers de tous âges du public, qui profitait en premier lieu du projet psyché-turc marseillais Biensüre. Le trio, sélectionné aux Inouïs du Printemps de Bourges 2024, offre une musique hybride électro-disco nourrie aux influences anatoliennes, des riffs au textes en turc. On notera que le live semble se nourrir de chacune de ses nombreuses dates d’un peu plus d’assurance. 

Après l’interlude tropico-joyeuse des non moins marseillais Mobylette Sound-System, prenait place à la tombée de la nuit le sextet Kolinga, qui précipitait rapidement les plus énergiques dans la fosse dansante. Très beau moment d’écoute, le live de Kolinga est une expérience délicieuse, portée par sa chanteuse et compositrice Rebecca MBoungou – dont on ne peut que saluer l’expertise vocale – et des sections rythmique et cuivre affûtées. Une heure de brassage d’émotions et de déhanchés, de soul comme de la rumba congolaise, de français, d’anglais et de lingala. Rebecca raconte les tourments de son âme et de notre époque, avec une sensibilité subtile et dans une joie musicale collective. Tous sommes charmés ! 

Alors que certains filaient coucher leur progéniture, Chassol installait clavier, batterie et écran géant sur scène (ou plutôt l’armée d’indispensables techniciens) avant que d’offrir un medley de ses projets « mélodifiés » et imagés. Connu, outre un net talent pianistique, pour mettre en musique les mélodies captées ça et là (une phrase prononcée, un jeu d’enfants, un chant d’oiseau…), Christophe Chassol propose un habillage live de vidéos touchantes. Concert-projet, l’expérience est toujours très agréable, et offrait ici une montée en puissance alimentée par le jeu de haute volée du batteur Mathieu Edward

LUCIE PONTHIEUX BERTRAM 

Les Escapades en Durance se tenaient les 13 et 14 juin au Théâtre Durance, Scène nationale de Château-Arnoux-Saint-Auban.

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Un phare au Vallon

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Groupe phare - La Belle fête au vallon des Auffes © Olivier Quéro

La Compagnie Vol Plané (Alexis Moati et Carole Costantini) les a auditionnés, suivis, accompagnés durant trois ans à l’Échappée Belle, une école du Vallon des Auffes transformée en laboratoire de théâtre marseillais. Venus de tous les quartiers, ils ont une passion commune : jouer, écrire, mettre en scène a changé leur vie. Ils ont choisi, pour se dire au revoir, de jouer La Mouette. Ou plutôt, leur Mouette

La pièce de Tchekhov met en scène les aspirations de Nina à devenir comédienne, et celles de Treplev à devenir dramaturge d’avant-garde. Elle parle aussi de l’insatisfaction de l’écrivain et de la comédienne accomplis, à succès, que sont Arkadina et Trigorine. Dans la version du Groupe Phare ces scènes sont entrecoupées, interrompues parfois, par des textes des comédiens qui parlent de leurs propres aspirations. Ou s’imaginent dans 30 ans, parlant à leur double cinquantenaire, comme une scène où Nina parlerait à Arkadina.

La force du collectif

Étrangement, ce n’est pas à la jeune génération de La Mouettque le groupe Phare ressemble le plus. Singulièrement matures, ils n’en ont pas la naïveté, même s’ils savent l’incarner. Chantant L’Estaca, chant révolutionnaire, pour commencer le spectacle, la liberté qu’ils revendiquent est de celles qui se gagnent collectivement, et non dans un rapport de séduction ou de détestation avec des mentors ou des pères. Ainsi, leurs doutes ressemblent davantage à ceux de Trigorine, insatisfait de son œuvre, conscient de ses limites, nostalgique d’un chemin radical qu’il n’a pas pris. 

La mise en scène repose sur ces qualités collectives, les rôles qui s’échangent, la rapidité. Sur une visible solidarité et attention à l’autre, à ses solos, soutenus par tous les regards. Ensemble, ils fabriquent une polyphonie, un théâtre choral où les voix individuelles se croisent sans s’effacer. Un beau Phare pour l’avenir.

AGNÈS FRESCHEL

La Mouette a été jouée à l’Échappée Belle dans le cadre de la fête du Vallon des Auffes, Marseille 7e, les 13 et 14 juin. 

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Amandine Habib : le jeu des Dominos

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amandine habib
© A-M.T

Les spectateurs réunis à la galerie Zemma sont conscients de leur chance : assister à un concert de la pianiste Amandine Habib dans un petit écrin intimiste dédié aux arts contemporains. 

Marc Ragouilliaux, fondateur du lieu, aime mélanger les genres. Il a demandé à Alexandra Pitz, qu’il accueille jusqu’au 19 juin dans son exposition Ligne de Crête, ce qu’elle aimerait entendre. « Du baroque », répond-elle car elle crée en écoutant les grands noms du genre. Le concert devient un écho vivant aux œuvres exposées. 

Les pièces choisies par la pianiste dialoguent avec les celles d’Alexandra : des têtes sans yeux ni bouches mais ô combien humaines, des ciels éperdus. « J’ai toujours cherché à créer deponts entre les arts. Je travaille avec des danseurs des comédiens. Mais j’ai moins l’occasion de partager avec des plasticiens. Pourtant nos regards se répondent », explique la pianiste.

Au centre de son programme, la musique raffinée de François Couperin, maître du clavecin français du XVIIIe siècle. Sa suite, Les Dominos (costume emblématique des bals masqués à Versailles) est une métaphore des passions humaines. Elle associe à une couleur, un caractère : la Langueur en violet, la Frénésie en noir, la Coquetterie sous différents dominos.À travers ces pièces courtes expressives, Couperin peint les visages de l’âme comme ceux des têtes cabossées d’Alexandra. D’autres pièces, telles que Les Lis naissantsLes rozeaux ou le très rythmique Tic-toc-choc, prolongent cette découverte des miniatures poétiques.

Exhumer les oubliés

Couperin vient dialoguer avec des compositeurs et compositrices du XIXe et XXe siècles peu connus, un « programme de grand écart » comme elle les aime. On découvre le Britannique Samuel Coleridge-Taylor, d’origine africaine et antillaise, il était surnommé le « Mahler noir » et était engagé dans la lutte pour les droits civiques. Injustement oublié depuis, Amandine Habib interprète ses Sometimes I Feel Like a Motherless Child et Papillon. Passent aussi l’Américaine Amy Beach, Margaret Bonds, un des premiers grands noms féminins afro-américains de la musique classique et Meredith Monk, pionnière de la performance musicaleexpérimentale.

Amandine touche par sa simplicité et son goût du partage. Elle joue, échange comme lors d’un dîner entre amis. D’ailleurs, elle s’est mise pieds-nus pour mieux sentir le contact avec les pédales. Si on devait choisir pour elle un Domino, ce serait le vert, la couleur chez Couperin de l’Espérance.  

ANNE-MARIE THOMAZEAU

Le concert s’est déroulé le 12 juin à la galerie Zemma, Marseille. 

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1km de Danse, ça Uzès, ça Uzès… 

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Cheb in situ © Sandy Korzekwa

Une chasse au trésor des danses. Durant toute l’après-midi ce 7 juin, le public se déplace de scène en scène pour découvrir des spectacles et se laisser suprendre en plein cœur de la ville. Trois scènes ont été installées pour accueillir 1km de Danse, cet événement national conçu par le CND de Pantin, et désormais présent dans dix villes françaises, dont Uzès. Un événement qui met en avant sans hiérarchie la diversité de la danse – classique, contemporaine, hip-hop, tango – et les artistes, qu’ils soient professionnels ou amateurs. 

Parmi les vingt spectacles proposés, le groupe de breakdance All Style, était bien déterminé à prouver qu’ils avaient leur place. Composé de jeunes entre 8 et 13 ans, certains étaient pour la première fois sur une scène de spectacle. « On a une demande, notre devoir c’était de l’assumer jusqu’au bout », explique Lucas Perrin, le professeur de ces danseurs. Malgré le manque d’expérience et leur jeune âge, ils présentent un show en deux temps. Une première chorégraphie exclusivement avec des danseuses et un « cypher » (formation en cercle dans la culture hip-hop), avec tous les danseurs qui improvisent tour à tour, et offrant des mouvements acrobatiques qui ont impressionné le public. « Être considéré comme des danseurs qui ont la légitimité d’être sur scène, c’est assez plaisant », souligne le professeur de All Style. Une expérience réussie, qu’ils vont renouveler prochainement à Avignon. 

Abolir les frontières

Créer le trouble entre amateur et professionnel chez le public. Avec cette volonté, La Maison Danse ramène simplement à l’essence même de ce qu’est la danse : un geste, un mouvement. Une idée présente dans certains spectacles comme Ma Boîte à Mouvement de François Lamargot

Danseur depuis 30 ans, il présente pour la première fois une conférence autobiographique hybride. Théâtre, danse classique, hip-hop ou encore contemporaine, il réunit tous ses talents pour présenter son parcours. Dans ce spectacle, il invite le public dans sa chambre d’enfant et amène un questionnement de beaucoup d’artistes : Quel art me correspond ? Pour lui, pas d’étiquette. Il adresse un message de mouvement sans frontières. « Professionnel, amateur, on est tous reliés par la même intention. L’homme trace des lignes. C’est quelque chose qu’il faudrait abolir le plus possible », explique-t-il. 

Une question est alors mise au centre : Qu’est-ce qu’un danseur ? Derrière ce mot est attribuée une étiquette que beaucoup ne se sentent pas légitimes d’endosser… mais qui n’a jamais hoché la tête dans sa voiture ? Le fils de François Lamargot, lui, ne se pose pas la question. À la fin du spectacle, à peine âgé de 4 ans, il prend possession de la scène au côté de son père. Mouvement naïf mais déjà coordonné pour un enfant de son âge, il s’invite comme pour dire « oui, tout le monde peut danser ». Une parenthèse improvisée qui célèbre la beauté du mouvement.

MANON BRUNEL

1km de Danse a eu lieu le 7 juin à Uzès

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