mardi 16 décembre 2025
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Trio féminin à la galerie Zemma

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Caroline Weill Mucem II, Marseille, 2016 L'étincelle de l'aube, © Caroline Weill, 2025

L’étincelle de l’aube est le dernier chapitre d’une trilogie d’expositions féminines organisée à la galerie Zemma par la commissaire d’exposition Aude Ragouilliaux. Les racines des nuages, organisée à l’automne 2023 traitait de « l’importance d’être ancré à ses racines, pour pouvoir créer et avancer dans sa vie ». À l’automne 2024, La métamorphose des Élytres évoquait « la nécessité de transformer son environnement pour se libérer et ouvrir de nouvelles perspectives ». Ce troisième volet évoque « l’importance du lien aux autres, le renouveau et la promesse de changement ». 

Skyline

Traversant le long d’une ligne horizontale tout le grand mur de la salle principale, les photos argentiques de Caroline Weill, architecte-photographe documentent « un monde où les liens sociaux s’étiolent » ainsi qu’ «une humanité fragile mais persistante ». Une ligne d’horizon fragmentée, une skyline, constituée de photographies couleurs de différents formats, prises à différents endroits du monde (États-Unis, Vietnam, Marseille, …). Paysages naturels et urbains, panoramas et cadrages serrés, groupes de personnes, couples ou silhouettes isolées, en lien avec des espaces ou des objets architecturaux. Dans des scènes quotidiennes, touristiques, banales, parfois teintées d’humour, d’absurde ou de cruauté.

Jeux d’espaces 

Emilie Fayet, 2025, vue générale L’étincelle de l’aube, © Emilie Fayet

En face est accroché le travail d’Émilie Fayet, rythmant l’espace d’exposition de ses toiles bicolores, combinant deux motifs géométriques, lignes et cercles, s’inspirant notamment du noren, rideau japonais traditionnel. L’artiste travaille avec des teintures naturelles : ses toiles de coton sont teintes avec de la noix de galle de chêne et ses motifs sont peints à l’argile ferrugineuse. Des toiles proposant, avec ces deux teintes et ces deux motifs, des jeux d’espaces et d’équilibres entre vides et pleins, positifs et négatifs.

Courbes

Enfin, dans la salle en contrebas, Léa Bigot, qui se définit comme artiste-designer, revendiquant son attachement à la nature et à ses origines réunionnaises, propose une installation où l’on trouve des pièces de bois gravé et peint, posées au sol, et des sculptures en céramique polie. Des céramiques aux formes épurées, installées sur différents socles à différentes hauteurs, certaines suspendues ou accrochées aux murs. Objets blancs et abstraits, présentant courbes douces et pointes, formes pleines et creuses. Titrée Fort intérieur, il s’en dégage, entre apaisement et tension, formes épurées et matériaux bruts, quelque chose d’intime.

Léa Bigot, 2025. Vue générale L’étincelle de l’aube, © Emilie Fayet

MARC VOIRY

L’étincelle de l’aube
Jusqu’au 20 décembre
Galerie Zemma, Marseille

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Cannes fait danser la Côte et les States 

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Cie Paulo RIbeiro © Ana Rocha Nene

La Biennale de Danse de Cannes est devenue annuelle sous la houlette active de Didier Deschamps, auparavant directeur du Théâtre National de Chaillot, temple de la danse contemporaine. Dorénavant intitulée Festival de danse de Cannes, sa programmation s’étend vers la côte maralpine, englobe Carros, Antibes, Nice. Ainsi, il faudra aller vers la scène 55 de Mougins pour voir Maldonne de Leila Ka (le 6 décembre à 17h30). Mais les théâtres de Cannes ne sont pas en reste : La Licorne accueille hip hop (Isicathalo le 4 décembre à 19h30) et spectacle pour enfants (le très joli Le Petit B pour les bébé de Marion Muzac, à 9h30 et 11h le 6 décembre).

Sur la Croisette, au théâtre Marriot, le Ballet de l’Opéra Grand Avignon propose trois créations de chorégraphes américains (le 7 décembre à 17h). Le Palais des festivals concentre enfin les très grandes formes. On découvrira ainsi dans son Théâtre Debussy une première mondiale de Paulo Ribeiro : Louis Luis s’invente dans le rapprochement de deux compositeurs contemporains, Louis Andriessen et Luís Tinoco, interprétés en direct par l’orchestre national de Cannes. Et en clôture, dans son Grand auditorium, le Nederlands Dans Theatre II proposera trois autres créations de chorégraphes américains. Car la création chorégraphique américaine est plurielle et politique, mêlant intimement danses urbaines et mémoires classique et jazz. Elle vit des temps difficiles, et a besoin des scènes européennes.

AGNÈS FRESCHEL


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Le regard aiguisé des sciences 

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Planetes de Momoko Seto © Gébéka Films

Zébuline : Quelle est ligne de cette 16e édition ?

Serge Dentin : Toujours la même ! Nous sommes d’abord un festival de cinéma, et la ligne éditoriale de la sélection repose sur la singularité du regard, la mise en scène. Certains films ont des sujets passionnants, mais semblent essentiellement informatifs, trop formatés, au comité de sélection, qui ne les garde pas.

De qui est formé ce comité ? 

Ce sont 25 personnes, des enseignants-chercheurs et des réals qui dialoguent. Cette année on a reçu plus de 400 films, c’est un long travail de tout visionner. Mais le dialogue entre sciences et cinéma existe ainsi d’emblée : ils choisissent des films où il est question de sciences exactes, humaines, sociales, de philosophie aussi. De biologie : on a eu beaucoup de films écologiques cette année. On a des films expérimentaux qui travaillent les thématiques de la recherche, mais on prend soin qu’ils suscitent le dialogue avec le public, et avec le jeune public pour ceux qui leur sont présentés. On a une programmation internationale même si on a beaucoup de films français, et on veille à avoir  autant de réalisatrices que de réalisateurs. 

Vous décernez des prix ? 

Oui, cinq ! Nous avons un jury pour chaque format : très court, c’est à dire moins de 10 minutes, court en dessous d’une heure et long au-delà. Et une séance de courts destinée aux enfants, qui décernent leur prix à l’issue, et un prix du public pour le très court. 

Vous déclinez aussi des thématiques …

Oui, nos séances sont généralement composées d’un court, d’un long et d’une rencontre. Par exemple pour l’ouverture à la Baleine on a un film de 30 minutes de Phane Montet, partie en Laponie suivre le cheminement de Bilal Bereni, puis un documentaire de Pilar Arcila et Jean-Marc Lamoure tourné à l’hôpital psychiatrique de Valvert (de Marseille, ndlr). Sur l’hospitalité, les salles fermées. Qui veut ouvrir les portes, et retrouver le rapport entre hôpital et hospitalité. Les réals seront là, des psys de l’hôpital, pour réfléchir à la notion de Refuge, et de Chemin.

Vous avez également programmé une soirée Humain/Animal.

Oui, à l’Artplexe, avec le film Monologo Colectivo de Jessica Sarah Rinlan, qui a reçu le Grand prix du cinéma du réel et de nombreux prix internationaux. Elle s’est attachée à la souffrance animale dans les zoos d’Argentine, à la relation avec les soignants qui recueillent les animaux malades. Pascal Carlier, du labo Ethologie/Psychologie de l’IRD, débattra avec le public à l’issue du film 

Psychologie, encore, mais humaine, avec le thème Guerres, Secrets… 

Oui, avec un court de Violette Gleizer sur l’entourage disparu de sa grand-mère, rescapée de la Shoah. Et un long d’Isabelle Ingold, Les Recommencements, presque un film anthropologique sur un Yurok, Ali Moon, qui a fait la guerre du Vietnam et dont les angoisses refoulées remontent. 

Puis un samedi de clôture chargé… 

Qui commence avec une séance de courts sur le thème Famille le matin au polygone étoilée, puis  une conférence performée de Camille Goujon au Miroir, sur l’histoire de Marseille, où la réalisatrice remonte jusqu’à Phocée pour démonter le mythe et les réalités des migrations. Puis avec un très beau film de Marie Murat tourné avec des personnes, malades, guéries ou en rémission d’un cancer. Enfin, la séance de remise des prix, et la projection en avant-première de Planètes, un film d’animation et d’anticipation de Momoko Seto

Entretien réalisé par Agnès Freschel

Risc
Du 9 au 13 décembre
Divers cinémas, Marseille

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[PRIMED] Bosco Grande 

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Bosco Grande (C) Wendigo

Un avion qui atterrit à Palerme. Un coup de téléphone. C’est Giuseppe Schillaci qui vient rencontrer et filmer Sergione, Sergio Spatola , le protagoniste de son nouveau documentaire, Bosco Grande. Bosco Grande est un quartier populaire de la capitale de la Sicile et …de la maffia. C’est d’ailleurs contre l’emprise de de cette culture maffieuse dans les années 80 que Sergione, légendaire punk, a résisté. Giuseppe Schillaci , lui- même palermitain, décide de faire un nouveau documentaire sur sa ville natale et contacte Fabio Sgroi, un photographe qui avait été dans sa jeunesse guitariste d’un groupe punk, MG et qui a collaboré avec Laetitia Battaglia. « Je veux faire un film sur les années 80 à Palerme ». C’est ainsi qu’il rencontre Sergio et nous aussi : la première image de lui, assis dans un petit appartement est un choc ; il pèse 260 kg ! Il est tatoueur à présent et ne sort pas de chez lui. Grâce à Giuseppe Schillaci,nous allons approcher cet homme, comprendre son mal être et pouvoir le regarder sans dégoût, sans rejet au fil du film. Il se confie facilement, Sergio ; il parle de sa famille « un peu dans l’ambiance de la maffia » Il a vu des choses qu’il n’aimait pas. Battu par son père qui le traitait de bon à rien. Âgé d’à peine 13 ans,  il restait  parfois absent toute une semaine de chez lui et personne ne s’en souciait..  Sa mère lui répétait «  Ne rentre pas à la maison, si tu as pris des coups ! » Une mère qui ne se déplace pas pour le voir même quand in ne sort plus de son lit depuis 5 ou 6 mois. Il  a compensé le manque d’amour de sa famille en mangeant trop, beaucoup trop. Un séjour d’un mois dans un centre spécialisé pour l’obésité lui permet de perdre 35 kgs mais il s’en échappe au bout d’un mois. Il ne veut pas guérir.   « Je suis comme ces gens qui sont restés si longtemps en prison qu’à l’intérieur, ils sont quelqu’un, mais dès qu’ils sortent, ils ne sont plus personne. » confie –t-il

Giuseppe Schillaci revient le voir à plusieurs reprises filmant avec beaucoup de tendresse cet homme qui est devenu son ami,  nous permettant ainsi d’approcher un homme à qui la vie n’a pas souri. Il donne la parole à ses amis, mêlant images d’archives, photos, musique.

« Son énorme corps immobile est l’emblème de sa rébellion désespérée » confie le réalisateur. Le corps de Sergione devient décor et symbole, contre la culture bourgeoise et mafieuse, contre la violence, contre les valeurs patriarcales ; la caméra l’observe, tel un roi sur son trône, un roi prisonnier. Sergio qui est  resté punk et en a gardé la devise   « live fast – die young » Bosco grande est certes très inconfortable par moments mais permet de regarder autrement un homme atypique, fragile blessé par le manque d’amour et la solitude, un homme révolté.

Annie Gava

Primed du 29 novembre au 6 décembre

Un beau Jest à Marseille

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Ganagobie © Clara Lafuente

Les Chroniqu’heureuses
Premières fois en Duomobile

Le 27 novembre,ce sont les journalistes en herbe des Chroniqu’heureuses qui se rendaient sur le terrain pour découvrir en live le projet Duomobile, en première partie de soirée. Si les jeunes de l’association Because U Art affinent leurs compétences journalistiques depuis bientôt deux années d’interviews d’artistes musicaux, ils découvrent pour la première fois le travail du retour de concert. L’enjeu : développer ses capacités à exprimer ses ressentis, les comparer et les unir à ceux du groupe, à restituer un environnement et à formuler une critique en développant son vocabulaire. 

Après la découverte de ce nouveau format d’article et celle, dans les grandes lignes, de l’univers du groupe, Mame Bousso, Ala, Yamina et Himda passaient la porte du Petit Cab, carnet en main, l’œil affûté et l’oreille tendue. Le lendemain, ils se réunissaient en atelier pour décrire l’expérience, rejoints par Manal. Voici leur retour :

Malgré son nom, la double salle du Petit Cab est un espace plutôt vaste, avec sa belle hauteur sous plafond, qui garde la marque de son passé d’usine. La première salle accueille un bar, un espace détente muni d’une dizaine de transats et de quelques nattes posées au sol, une décoration très minimaliste et des toilettes qui sentent encore le neuf. Deux portes battantes donnent sur une salle entièrement peinte en noir, celle des concerts, munie, elle, d’une haute scène et d’une petite régie en fond de salle. Quelques affiches décorent les murs. 
Duolingo
Le binôme Duomobile entre en scène, dans une attitude et un style plutôt rock. Apparemment très investis et concentrés dans la réussite de leur concert, on devine qu’ils n’ont pas une grande habitude de se produire en public. Théry et Pépi, qui sont accompagnés à l’année par l’AMI via le dispositif Be On, arborent chacun une guitare électrique. Sur la musique, qui mêle l’électro gérée à l’ordinateur par Pépi et les lignes rock des guitares, Téry chante et rappe en arabe et en anglais. Sur les morceaux plus rappés, les rythmiques sont rapides, alors que les mélodies chantées sont souvent plus lentes. Parfois, on entend des dissonances, la voix et les instruments ne sont pas tout à fait coordonnés.
Le live est probablement en cours de travail, mais la motivation est visible, et une bonne partie du public proche de la scène semble fait d’amis et de famille qui dansent et soutiennent le duo, ce qui rend l’ambiance plutôt festive. 

Les Chroniqu’heureuses avec Lucie Ponthieux Bertram 


Finir en beauté avec Ganagobie

Le 29 novembre, le festival Jamais d’Eux Sans Toi se clôturait sur une dernière soirée au Petit Cab, avec le concert remarqué d’un nouveau groupe marseillais 

On connaît l’intérêt de l’AMI et de sa directrice Élodie Lebreut pour les musiques créatives et les ambitions performatives en tous genres. C’est dans cette optique que le festival recevait la fabuleuse formation Ganagobie, à l’initiative de la batteuse, arrangeuse et improvisatrice marseillaise Blanche Lafuente. La musicienne explique que ce qui la guide :  « c’est la conviction que la musique dépasse le simple champ esthétique : elle est un outil de lien social, de soin, d’inclusion et de célébration. » À cette image, son nouveau projet est une fusion foisonnante et transcendantale de traditions africaines, de jazz punk, d’électro et de danse. 

Arrivé au Petit Cab, le public entre tranquillement dans la salle, attentif aux premières notes venues de la scène, scrutant tout mouvement ou apparition. Il faut dire que depuis leur concert à L’Intermédiaire il y a quelques semaines, Ganagobie est sur une tripotée de bouches, qui parlent toutes d’une « claque ». Il y a donc foule, ce samedi, et c’est depuis le couloir des toilettes que parviennent les rythmiques d’instruments de percussion manuels et des notes de voix suraiguës. La troupe se meut lentement dans le bar, et invite le spectateur à la suivre dans la salle de concert, avant de pérégriner pas à pas vers la scène depuis le fond, comme une procession, un rituel. 

Une claque

La pseudo cérémonie débute, donc, et un riddim s’installe, fait de riffs électroniques imaginés par Jean Renucci, de percussions noyées et du chant habité du musicien chanteur sénégalais Jo Keita – que l’on connaît bien dans la région pour son projet afro-funk, entre autres. 

Le spectateur ne le sait pas encore, mais il sera emporté plus d’une heure durant dans ce rite entre chamanisme et légèreté, entre jazz et punk, entre traditions et catharsis, porté par le maître de cérémonie/chanteur charismatique Jo – dans un costume noir moulant serti de sequins argentés – et rafraîchi par les interventions douces et amusées de Blanche Lafuente. 

Si la musique est ici vectrice de transe, s’y mêle également le spectacle envoûtant d’une danseuse de krump – danse née dans le sud de Los Angeles au début des années 1990, dans un contexte de profonde crise sociale. Il faut dire que cette danse, faite de mouvements saccadés, de jetés de bras et de visages tirés, a de quoi impressionner, et que son exécution par Clotilde Penet, ajoutée au Popping (smurf) plus souple de Elarif Hassani, avaient de quoi happer intégralement le public, conquis. 

Après une longue phase hallucinogène, vint une partie du set « plus offensive », pour reprendre le terme de Blanche, afin de pouvoir laisser exploser toute l’énergie retenue par le groupe et le public dans un gestefree-jazz/punk/dub exutoire. On ne sait si la puissance du live transparaît à sa juste hauteur, entre ces mots, mais il est définitivement à découvrir, à suivre et à conseiller ! Une claque, une vraie ! 

LUCIE PONTHIEUX BERTRAM

Duomobile et Ganagobie étaient programmés les 27 et 29 novembre au Petit Cab de la Friche la Belle de Mai (Marseille), dans le cadre du festival Jamais d’Eux Sans Toi.

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Flamenco au zénith 

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© VdM

 Accompagné de ses complices et de l’Orchestre Philharmonique de l’Opéra de Marseille, Juan Carmona  a fait vibrer l’âme profonde du flamenco, transcendant les limites du cadre lyrique, s’élevant en une véritable conversation artistique.

Tablao
En conteur éloquent, Carmona guide son  auditoire à travers son tablao lyrique, intitulé De l’Alhambra à Granada un voyage tissé de rythmes enivrants, imprégné d’une mélancolie empreinte d’une grâce mélodieuse. Les voix puissantes et l’éblouissante ferveur d’El Piculabe et de Noemi Humanes, conférent à cet acte initial une profondeur quasi spirituelle. Le rythme est solidement assuré par l’expertise d’ Isidro Suarez aux percussions, la densité harmonique de la basse de Sergio Di Finizio  et la flûte enchanteresse de Domingo Patricio. Une intoduction  magique, magnifiée par la présence magnétique des danseurs invités, Pol Vaquero et Carmen Young.

Avec orchestre !
Mais le moment culminant est la Sinfonia Flamenca avec l’Orchestre Philharmonique de l’Opéra de Marseille sous la direction inspirée confiée à Miguel Perez Inesta. Le choc émotionnel provoqué par la force tellurique du flamenco de Carmona y rencontre l’élan puissant de la musique orchestrale. Cette fusion fait naître une fantastique synesthésie sonore et visuelle.
Le génie de Juan Carmona, référent incontournable et vecteur d’une modernité flamenca audacieuse, se manifeste dans sa capacité à opérer cette transmutation stylistique. Il scelle ainsi une union puissante entre l’art flamenco et son héritage andalou.

Danielle Dufour-Verna

Concert donné le 30 novembre à l'Opéra de Marseille 

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Entre les lignes

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Non-lieu © Simon Gosselin

On sort du spectacle en ayant traversé un labyrinthe. Non-lieu agit moins comme une reconstitution que comme une expérience du doute, que la mise en scène déploie avec une rigueur clinique. Dès la première partie, nourrie d’archives, de cartographies et de bandes sonores, le plateau devient une chambre d’échos où les voix officielles semblent, un instant, parfaitement cohérentes. On se surprend même à croire à la bonne foi des autorités, avant que les premiers témoignages divergents n’introduisent une fêlure. Alors, le doute glisse, s’élargit : ces témoins sont-ils fiables ? Qui dit vrai ? Quel récit est tenu sous la vigilance d’une autorité ? Cette longue traversé a pourtant un sens : elle cherche à perdre le spectateur dans les détails et les discours sous-jacents, et y parvient efficacement.

Cartographier les zones d’ombre

La seconde partie, bien plus brève, renverse le dispositif. Une partie du public est placé sur le plateau comme un jury improvisé, cadré par deux tables qui figurent un tribunal. L’espace se réoriente, les plaidoiries se déroulent et les responsabilités, longtemps brouillées, reprennent forme. On comprend alors que Non-lieu ne veut pas résoudre l’affaire Fraisse, mais éclairer les rouages qui ont fabriqué son effacement.

On a souvent insisté sur la dimension cinématographique et documentaire du travail de Sima Khatami et Olivier Coulon-Jablonka ; il faut y ajouter la capacité des metteur·se en scène à activer l’imagination du spectateur. Durant tout le spectacle, une fois passée la violence de l’introduction, le lieu du drame, figuré par une terre labourée, reste hors de portée, comme tenu à distance par la machine judiciaire elle-même. Ce n’est qu’à la toute fin, lorsque surgit le panoramique de la forêt sauvée du barrage, porté par l’Erbarme dich de Bach – air à la fois paisible, résigné et déchirant – que l’on voit enfin. La vision frappe d’autant plus que le spectacle nous avait privés d’image : le paysage apparaît comme la révélation tardive d’un hors-champ moral.

SUZANNE CANESSA

Non-lieu a été joué les 28 et 29 novembre au Théâtre Joliette

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Léviathan : Un système judiciaire bancal

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Leviathan © Simon Gosselin

Tous deux se sont immergés au cœur de notre système judiciaire, rencontrant avocats, gardiens, magistrats tout autant que victimes et détenus. De leurs observations est né Léviathan, écrit par l’un et mis en scène par l’autre. 

Le choix de la distance et de l’exagération met en place un spectacle qui tient du cirque et de la pantomime en caricaturant les personnages, en figeant ou en exagérant la gestuelle. Ni réquisitoire, ni documentaire, le spectacle propose une vision à la fois distanciée et brutale en accentuant la violence des propos et des situations dans une mise en scène originale avec projections de portraits en gros plans et une bande son inquiétante.

Une « cour des miracles »

Le plateau est couvert de terre, côté jardin un homme est assis et nous regarde. Au plafond une immense voile orangée évoque un chapiteau. Successivement trois personnages seront questionnés, durement, avec une certaine exaspération par la présidente aux gants rouges. 

Le procureur s’acharne contre deux hommes et une femme, aux visages recouverts d’un voile léger, la démarche hésitante, à l’élocution difficile qui tentent de se justifier. Tandis que l’importance des peines est dénoncée alors qu’il n’y a pas de victime, le visage des avocats, recouvert de masques rigides qui libèrent les yeux et la bouche, souligne leur désintérêt.

L’intervention spectaculaire d’un cheval pommelé apporte une image poétique de liberté, il se dirige vers la chaire de la présidente et broute les dossiers qui s’y sont accumulés. Puis l’homme assis du début, le seul qui n’ait pas de masque et porte un vêtement ordinaire, intervient face au public, parle de « cour des miracles » et de justice expéditive. La représentation s’interrompt sur un long silence et c’est le public qui décide le démarrage des applaudissements. Fort et déstabilisant.

CHRIS BOURGUE

Léviathan a été joué les 28 et 29 novembre à La Criée, Théâtre national de Marseille

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Marseille Stand-Up Festival « Entre une mauvaise carrière et être un mauvais père, j’ai choisi »

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Jason Brokerss © Helene Pambrun

Le Marseille Stand-Up Festival s’ouvre le 4 décembre à l’Odéon avec Jason Brokerss, figure reconnue de la scène, et auteur pour de nombreux humoristes. Après 463 dates de son premier spectacle, il revient avec un nouveau show très personnel. Rencontre avec un artiste qui revendique la simplicité du quotidien comme matière première et place la paternité au cœur de ses choix.

Zébuline. Vous avez commencé par des études de commerce et un travail « classique ». Comment glisse-t-on vers le stand-up ?

Jason Brockerss. Très naturellement. J’étais avec celle qui est aujourd’hui mon épouse – et déjà ma meilleure amie – et on est allés voir un plateau dans un comedy club. Elle m’a dit : « Tu devrais essayer ». Treize ans plus tard, j’essaye encore. Je ne me destinais pas du tout à ça, mais c’est venu comme une évidence.

Votre nom de scène, Jason Brokerss, d’où vient-il ?

De nulle part ! C’était juste mon nom sur Facebook, avant même que je pense à faire ce métier. Les gens ont commencé à m’appeler « Jason », et je me suis dit : pourquoi pas ? Il n’y avait aucune stratégie derrière.

Vous êtes père de quatre enfants. On pose toujours cette question aux femmes et jamais aux hommes… Mais comment concilie-t-on cette vie de famille (très) nombreuses et une carrière sur scène ?

[Rires] Ça nourrit énormément … et ça bloque aussi parfois, parce qu’on a moins de temps pour développer ce qu’on voudrait faire. Mais entre être un mauvais père et avoir une mauvaise carrière, j’ai choisi. Ma famille passe avant tout. Et c’est une source inépuisable d’inspiration : mon quotidien est très centré sur eux, donc forcément, ça infuse.

Vous venez de lancer un podcast sobrement intitulé Podcast avec l’Épouse. Pourquoi ce format ?

Parce que c’était naturel. On passe beaucoup de temps à parler, vraiment beaucoup. C’est ma meilleure amie depuis seize ans. On appuie sur le bouton rouge et on discute. Pas de concept compliqué : juste des conversations sincères, parfois légères, parfois profondes.

Qu’est-ce qui nourrit votre écriture ?

Toujours une émotion. Ça peut venir de quelque chose qui me fait rire, peur, honte, plaisir… J’essaie d’écrire à partir d’un ressenti. Même une petite gêne peut devenir un point de départ. Ce n’est jamais intellectuel au début : c’est viscéral.

Quel est votre rapport à l’humour engagé ?

Je ne me mets dans aucune case. Si j’ai envie de parler de politique, j’en parle. Si je n’ai pas envie, je n’en parle pas. Ce spectacle-là est très centré sur la famille, le prochain ne le sera peut-être pas du tout. Je fais ce dont j’ai envie à l’instant T. Et puis, parler de famille, de transmission, de responsabilités… c’est déjà dire quelque chose.

Vous avez écrit pour plusieurs humoristes. Comment travaille-t-on pour quelqu’un d’autre ?

En passant du temps ensemble. Tout part de l’artiste : ses envies, ce qu’il veut raconter. On discute énormément, j’observe comment la personne respire sur scène, comment elle place une idée, un silence. Ensuite, on affine phrase par phrase.

Quelles ont été vos influences en humour ?

Fary, clairement. Pas comme « maître » ou « modèle », mais comme quelqu’un qui m’a transmis une vision, une exigence. On s’est rencontrés à un moment où chacun cherchait sa voie, et ça a créé un lien très fort. Je suis un grand consommateur de stand-up, donc mes collègues m’inspirent tout le temps, même quand je connais leurs passages par cœur.

Vous jouez à Marseille le 4 décembre. Un public à part ?

Ah oui ! Le public marseillais est chaleureux, réactif, heureux d’être là. On sent la Méditerranée. C’est toujours un plaisir d’y jouer.

ENTRETIEN RÉALISÉ PAR SUZANNE CANESSA

À retrouver aussi au Marseille Stand-Up Festival

Bérengère Krief 5 décembre à l’Odéon 
Djamil Le Shlag 6 décembre à l’Odéon
Alice Lombard 12 décembre aux Bernardines 
Malik Fares 13 décembre aux Bernardines 

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Ensemble C Barré 

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© Vincent Beaume

Fruit de la rencontre entre douze musiciens, l’ensemble C Barré livrera son concert Musical Conversion With a Bot le 5 décembre. Si l’habitude est d’éteindre son téléphone pendant un spectacle, ici, place à l’étonnement puisque le public est invité à rester connecté. La création d’Alexandros Markéas, dirigée par le chef d’orchestre Sébastien Boin, interroge les relations entre musique et technologie à l’heure où, sur Deezer, 20 000 musiques entièrement générées par IA sont uploadées chaque jour. Le compositeur s’interroge, à travers son écriture musicale : « Comment la conception et la perception de la musique sont-elles modifiées par les dispositifs multimédias ? ». Une partition ouverte et interactive, où le public placé au centre est invité à réaliser toutes sortes « d’incantations digitales ».

Carla Lorang

5 décembre
Zef, Plateau du Merlan, Marseille