vendredi 5 décembre 2025
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Reines en résistance

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© Élodie Dilhat

Un nouveau soir d’été s’annonce au Square Albrecht : résidents, voisins curieux, amateurs de théâtre jeunes et moins jeunes, pas spécialement acquis à la cause queer, s’installent.  Et pourtant : dès les premières notes de FOL·LE·S, la magie opère. Le rire fuse, l’écoute s’installe, la rencontre a lieu.

Cristale de Troie et Oral Deluxe électrisent ce public hétérogène avec FOL·LE·S, cabaret lyrique aussi virtuose que politique. L’une, gothique en longue robe noire, bracelets cloutés et cheveux d’encre, fait jaillir d’une voix de contre-ténor le souffle baroque d’Haendel ou de Purcell. L’autre, blonde flamboyante, rondeurs de violoncelle, paillettes et clin d’œil Broadway, balance des couplets cabaret aux accents baryton dans la veine des divas de l’entre-deux-guerres, du Rocky Horror Picture Show ou de la Zaza de la Cage aux folles, au blason redoré par la comédie musicale du même nom.

Histoire(s) de la musique

Le répertoire, ciselé, traverse les siècles et les styles avec élégance et musicalité : Hildegarde de Bingen, Delibes, Haendel, Reine de la Nuit et Cold Song rendue culte par Klaus Nomi, que Cristale salue comme « notre papa extraterrestre », avant de l’interpréter de voix de maître.Oral signe un moment émouvant avec Ouvre de Suzy Solidor, tandis que leur duo, toujours d’une complicité désarmante, surprend également par sa musicalité sur un Duo des fleurs plus lesbien que jamais.

Refuge flamboyant pour celles et ceux qu’on a trop souvent traités d’hystériques, d’aliéné.e.s au bord du gouffre, FOL.LES répond par une énergie et un humour à toute épreuve aux tourments et à la violence. Tout en grâce et en moustache 80s, le piano complice de Roberto Bello soutient ce duo comme un tapis rouge sous leurs stilettos. Et offre une revanche brillante à celles qu’on efface : car chanter peut aussi sauver.

SUZANNE CANESSA

Fol.les a été joué le 16 juillet au square Bertie Albrecht et y sera rejoué le 12 août, puis le 21 août au Jardin Benedetti, dans le cadre d’Avant le Soir (Été Marseillais)

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Fervent souvenir d’une mère

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Fils de bâtard - Emmanuel De Candido © Lara Herbinia

Un seul en scène magnifique met en lumière le travail précis et émouvant d’Emmanuel de Candido. Élevé par sa mère célibataire, il n’a pratiquement pas connu son géniteur. Taraudé par le désir de comprendre pourquoi cet homme marié, père de sept enfants, l’a ignoré, il estparti très jeune à la recherche de ses traces, parcourant le Congo, la Lybie et l’Antarctique où le colonel Bison avait servi le roi Léopold de Belgique. Cette recherche lui apprend peu de choses mais lui permet d’approfondir sa relation avec sa mère, italienne et infirmière, qui s’est entièrement consacrée à son fils, amour maternel magnifié de façon très émouvante. Devenu père lui-même, le comédien, mêlant expérience personnelle et jeu, s’interroge sur la filiation et la transmission.

L’art au service de l’émotion

Emmanuel chante, slame, danse avec talent. Une scène de mime étonnante le montre jouant avec un ballon de baudruche rouge qui le représente enfant, grandissant sous l’œil vigilant de sa mère. Au cours du spectacle, alors qu’il est en train d’écrire, une sculpture de bison surgit, force aveugle qui le hante encore. Tout cela sur un plateau nu avec une table et deux chaises, une musicienne et chanteuse délicate, Orphise Labarbe, d’un côté, de l’autre la régie son et lumière orchestrée par Clément Papin. À la fin, s’interrogeant après la mort de sa mère sur ce qu’il voudrait recommencer, il réinvente la journée de ses obsèques en évoquant l’immense procession d’une multitude de personnes lui rendant hommage. Émotion garantie.

CHRIS BOURGUE

Fils de bâtard de et avec Emmanuel de Candido de la Cie MAPS était donné à la Patinoire jusqu’au 22 juillet.

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Ravir et capturer

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© David Armstrong

Voir la communauté LGBTQIA+ de New York des années 1970, en photos, c’est en prendre plein les yeux, d’un bonheur multicolore et multigenre. Mais c’est aussi se faire asperger d’une tristesse pas si passagère. David Armstrong, lui-même homosexuel, ne se doutait pas, quand il prenait en photo ses amis, que nombre d’entre eux succomberaient du VIH quelques années plus tard.

De ces visages photographiés, récurrents ou ponctuels, camarades de longue date ou rencontres furtives, on se demande avec douleur lesquels sont restés. Depuis le début des années 1980, plus de 90 millions de personnes ont été touchées par le sida, et 44 millions en sont décédées, d’après l’OMS. Aujourd’hui on vit avec. Mais il y a 40 ans c’était presque une sentence de mort imminente.

L’essence d’une époque

Dans la pénombre du sous-sol de la Tour s’alignent sur les murs des centaines de ces portraits en noir et blanc, assortis de planches contact révélant quelle photo a été choisie, laquelle non. Rieurs, insouciants, ou plus graves, certains ont été pris sur le vif, d’autres ont posé longuement pour le photographe. Sont parsemés çà et là des clichés de paysages flous et décentrés, plus tardifs, pris en pleine épidémie à la fin des années 1980 par l’artiste. Comme pour rappeler la tragédie à suivre.

 © David Armstrong

Armstrong, on l’imagine dans les yeux de ses sujets, qu’ils fixent l’objectif. L’appareil cherche le regard. Bien souvent il le trouve. Mais dans la diversité de l’agencement de chaqueportrait se distingue fréquemment la volonté propre de chacun, maquillés, déguisés, nus, ou enveloppés de tissu. Sur les négatifs étalés au centre de la pièce, brille cette liberté de présentation et de représentation de soi-même.

Rien n’est laissé dans l’ombre. Quand le noir et blanc de ces portraits apportait mélancolie, détachement et rêverie, la couleur éclatante des images qui défilent sur les écrans de la salle d’à côté ancre, brutalement, la photographie d’Armstrong dans la réalité. Sans tabou nijugement, il documente un mode de vie newyorkais, jeune, débridé, d’un temps où le danger d’un flash d’appareil photo dans une voiture en marche n’était pas spécialement perçu, ni celui de cette maladie insidieuse dont on commençait à parler.

GABRIELLE SAUVIAT

David Armstrong
Jusqu’au 5 octobre
Luma, Arles

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Sorry, Baby : La vie, après

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Sorry, Baby d'Eva Victor @A24

La forêt, la mer, le charme bourgeois bohème d’une petite ville universitaire sans doute de la Nouvelle  Angleterre. De petites maisons archétypales. Lydie (Naomi Ackie) arrive de New York passer un long week end chez son amie Agnès (interprétée par la réalisatrice), prof de littérature dans l’université où elles furent étudiantes. Les deux trentenaires, pull oversize et mug en main, sur canapé ou en balade, parlent de sexe et du temps de la fac, plaisantent, rient : connivence qui exclut d’abord le spectateur, entraîné progressivement dans le cercle social et l’espace intime d’Agnès. Un cadre de comédie romantique américaine. Sauf que quelque chose cloche. Et que la joie des retrouvailles entre les deux amies se plombe par instants d’une lancinante gravité. Que l’humour des deux femmes achoppe sur le regard absent ou perdu d’Agnès, la crispation d’une main, un silence, une question inquiète de Lydie, l’allusion au suicide.

Les deux amies finissent leur doctorat sous la direction d’un même professeur Decker (Louis Cancelmi) dont la brillante et séduisante Agnès -admirée par Lydie, jalousée par une autre doctorante Natasha, est la préférée. Agnès est violée par ce prof qui fuit la justice et disparaît. Elle, demeure dans cette université, travaille dans les bureaux occupés autrefois par son agresseur, bloquée dans les lieux du crime et dans ce lendemain douloureux sans surlendemain envisageable. Elle étudie Lolita avec ses élèves, dont l’un d’eux dit qu’il trouve le texte, beau et dégueulasse. Lydie est partie, vit heureuse, va avoir un bébé avec sa compagne Fran. Agnès est seule, ne se voit pas vieillir, ni avoir un enfant.

Parler du viol ici n’est pas « divulgacher » le scénario qui repose essentiellement sur les séquelles profondes du trauma, sur la lente reconstruction d’Agnès, soutenue par l’amitié de Lydie, et par des rencontres chaleureuses. Rien n’est appuyé. Si l’agression est racontée, sans larmes, sans cris, avec une précision policière par la victime sidérée, comme détachée d’elle-même, elle n’est pas montrée. On reste dehors, devant la façade de la maison d’abord éclairée par le soleil d’après-midi, puis rougie par le couchant avant d’être plongée dans la nuit. La maison, le foyer, le refuge, ce qui protège et cache, ce qui délimite l’espace social et l’espace intime reviendront en motif récurrent. Lieu symbolique, comme la maison douce de la chanson d’Anne Silvestre – que la réalisatrice américaine ne connait surement pas, et qui parle aussi de viol, d’intrusion, de destruction. 

« Ce que je veux partager avec les spectateurs, c’est une émotion. Mon film est à la fois une fiction et une histoire très personnelle. J’ai voulu être la plus juste possible dans tout ce que je raconte. »  a déclaré Eva Victor. Star du web, connue pour ses tweets et vidéos humoristiques, sans se départir de l’intelligence du sourire, elle offre ici un premier film largement autobiographique qui puise sa justesse dans son expérience mais surtout dans la subtilité de sa mise en scène.

ELISE PADOVANI

Sorry, Baby, Eva Victor

En salles le 23 juillet

La jeunesse clôture le festival d’Aix en Provence

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Concert de l’Orchestre des Jeunes de la Méditerranée sous la direction d’Evan Rogister le lundi 21 juillet 2025 au Grand Théâtre de Provence. Soprano : Amina Edris. Festival d’Aix-en-Provence. © Vincent Beaume.

Fondé en 1984 à l’initiative de la Région Sud, l’OJM est devenu au fil des ans bien plus qu’un orchestre : un symbole de paix et de culture.Près d’une centaine de jeunes musiciens issus d’une vingtaine de pays -de l’Espagne au Liban, de l’Algérie à la Turquie- se réunissent chaque été à Aix pour cette aventure. Son directeur musical Evan Rogister en est fier : « En ces temps si difficiles, pouvoir rassembler durant deux semaines tous ces jeunes autour de la musique est une chance immense ».

Ouverture

La soirée a débuté avec l’explosive ouverture des Maîtres Chanteurs de Nuremberg de Wagner. Fidèle à la tradition des grandes ouvertures classiques, cette œuvre offre aux musiciens un terrain d’expression idéal. Le chef galvanise l’énergie de ses jeunes instrumentistes avec facétie, n’hésitant pas à jeter sa baguette en l’air avant de la rattraper pour mieux repartir dans un nouveau galop musical. 
La soirée s’est poursuivie avec Voici la vaste plaine, un air tiré de Mireille, de Charles Gounod. Si la soprano égyptienne Amina Edris, techniquement irréprochable, a porté la partition avec intensité, son interprétation parfois trop lyrique et sophistiquée a peut-être manqué de la naïveté spontanée et de la simplicité que requiert un rôle loin des héroïnes tragiques ou raffinées du grand répertoire romantique.

Création collective

Puis est venue l’heure du rendez-vous attendu : la composition collective de l’OJM. Sous l’égide du saxophoniste Fabrizio Cassol, le quintet de Charles Kieny (accordéon) Goergios Markopoulos (clarinette) Myrsini Pontikopoulou Venieri (violon), Fahed Ben Abda et Dalal El Bied (chant) accompagné par l’orchestre symphonique, a offert au public une pure merveille, ovationnée durant de longues minutes.

Pour clôturer ce concert, l’orchestre s’est attaqué à la Symphonie n°1 en ré majeur de Gustav Mahler, chef-d’œuvre aux multiples facettes. De l’évocation mystérieuse de la nature au scherzo rustique inspiré des danses paysannes autrichiennes, jusqu’au mouvement funèbre célèbre pour sa sombre reprise du Frère Jacques en mode mineur, quitransforme la comptine enfantine en danse macabre, la formation symphonique a su déployer une palette émotionnelle riche. Le final apocalyptique est grandiose, donnant toute leur place à des cuivres flamboyants.

ANNE-MARIE THOMAZEAU

Le concert de l’OJM s’est déroulé le 21 juillet au Grand Théâtre de Provence

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Italo et disco

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© Ciao Moka

Faire vibrer la culture italienne dans une des villes les plus italiennes de France. C’est le bel objectif du festival Ciao Moka, qui n’a pas failli à sa mission pour cette nouvelle édition 2025. Dans l’échange et la porosité des cultures, il a proposé une multitude d’événements, entre danse, gastronomie ou musique, comme c’était le cas ce 19 juillet sur le toit-terrasse de la Friche la Belle de Mai.  

Il y avait d’abord, sous un ciel bleu-gris, DJ Costegno et ses vinyles. Alors que le publicarrive déjà en nombre, le napolitain-marseillais fait résonner ses platines dans l’espace, d’unson parfois méditerranéen, parfois caribéen, aux rythmes animés, aux basses envoûtantes.

Le ciel a viré à l’orange quand la Trévisane Taranta Lanera, basée aujourd’hui à Bordeaux, se poste au micro, tambourin en main, toute de brume, de roses rouges et de métal clinquant.À elle de transformer les traditionnelles tarentelles sudistes en d’électroniques ritournelles aux airs de chœur antique futuriste. Comme dans la légende à l’origine de cette musique, on croirait qu’une tarentule a piqué l’auditoire en transe…

Enfin, dans le noir de la nuit, arrivent Maria Chiara Argiro et ses acolytes. La romaine de naissance et londonienne d’adoption, lunette de soleil sur le nez, enchaîne les chansons de son dernier album Closer. La guitare retentit comme le chant des baleines, et la voix de l’artiste, mixée en direct, semble se fondre dans cet arrière-plan mélodique, laissant la part belle à d’expérimentales rythmiques cyber-acoustiques. Pour finir d’emporter le public sur la doucevague musicale de cette nuit d’été.

GABRIELLE SAUVIAT

Ciao Moka s’est tenu du 18 au 20 juillet, dans divers lieux à Marseille.

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« La diffusion de la création artistique est libre »

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© X-DR

Rachida Dati a créé en avril 2025 un poste de Haute fonctionnaire pour la Liberté de création au ministère de la Culture, et y a nommé Juliette Mant, adjointe à la culture d’Arcueil. Une nomination qui en dit long sur la nécessité, pour les programmateurs, les collectivités et les artistes, de pouvoir en rappeler la loi, et préserver un droit fondamental. Celui-ci a été défini en 2005 dans la Convention de l’Unesco sur la liberté artistique, qui regroupe un ensemble de droits protégés en droit international. Dont « le droit à la création sans censure ni intimidation ».

Des inquiétudes nouvelles

Si ce droit peine à s’installer pour tous·tes, la France était à peu près, depuis la fin de la guerre d’Algérie, préservée de la censure artistique. Mais « L’ordonnance Dieudonné », comme le rappelle Juliette Mant, est venue changer la donne : le 9 janvier 2014, l’humoriste, condamné auparavant pour antisémitisme, a vu son spectacle Le Mur interdit à Nantes au motif de « trouble à l’ordre public » parce qu’il « porte atteinte à la dignité humaine » et à la « cohésion nationale ». 

Cette mesure, qui allait à l’encontre de la décision précédente du tribunal administratif, a été imposée par le ministre Manuel Valls, et a immédiatement suscité l’inquiétude des magistrats : comment garantir que ces concepts flous, entre les mains de forces réactionnaires ou fascisantes qui exercent localement le pouvoir, n’en viennent pas à interdire l’immoralité, la critique politique, l’évocation de la guerre génocidaire à Gaza, le « blasphème », la nudité, les représentations de l’homosexualité ou du queer, le « wokisme » ? 

J’veux du queer !

Comme l’explique Alexie Lorca, adjointe à la culture de Montreuil, « le problème est qu’il est difficile de faire comprendre aux féministes, aux antiracistes, qu’interdire une œuvre artistique au prétexte des valeurs réactionnaires qu’elle diffuse est dangereux pour la démocratie ».

En effet, ceux qui voudraient interdire la Mégère apprivoisée ou Tarzan (où les singes sont plus malins que les Noirs) mesurent-ils qu’ils attaquent aussi la liberté des artistes qui expriment des concepts émancipateurs ? On ne peut pas interdire les artistes russes, les compagnies israéliennes, y compris ceux qui soutiennent leur gouvernement, sans prendre le risque de vouer au silence les Palestiniens sous prétexte d’un risque de trouble à l’ordre public. Sans prendre le risque d’une censure d’extrême droite.

Délit d’entrave

Aymeric Sasseau, adjoint à la culture de Nantes, souligne que la loi est appliquée avec plus ou moins de célérité et de rigueur. Les responsables d’un bar associatif lors d’un festival organisé dans sa ville ont été convoqués par la police et ont dû répondre d’un tag ACAB (All cops are bastards)  en « 72h chrono ». En revanche les intégristes catholiques qui ont empêché, « par une manifestation violente assortie de coups de pieds », le concert de l’organiste Anna von Hausswolff en décembre 2021 à Nantes d’abord, puis à Paris, ne sont toujours pas inquiétés.

AGNÈS FRESCHEL

Soutenir le peuple palestinien, illégal en France ? 
Le 2 juillet dernier, le préfet de Haute-Loire interdisait un rassemblement de soutien au peuple palestinien organisé à Chambon-sur-Lignon. Quelques jours plus tard, le 9 juillet, Victor Cachard, libraire de la petite ville, recevait cette lettre de la préfecture :
« Par arrêté préfectoral du 2 juillet 2025 j’ai interdit, au titre du code de la sécurité intérieure, tout rassemblement de soutien au peuple palestinien […] eu égard au risque de troubles de l’ordre public. En dépit de cette interdiction le rassemblement s’est tenu le 4 juillet et vous avez été identifié comme l’un des organisateurs ». 
S’ensuivent l’évocation de 6 mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amendes, et la menace d’un signalement au Procureur de la République. Un cas qui ne relève pas de la liberté artistique mais de la liberté de manifestation. Cependant la menace sur un libraire qui organise des débats s’est exprimé clairement, et sans trouble à l’ordre public constaté lors de cette manifestation « illégale ». Illégalisée ? A.F.

Quand la bise fut venue

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Non, l’hiver n’est pas encore là ! Mais Zébuline prend quelques semaines de vacances, et vous pourrez retrouver vos hebdos à partir du 27 août. Et pas d’inquiétude, on continue à arpenter les festivals et publier nos critiques ici même. Vous pouvez aussi prendre le temps de lire nos deux magazines d’été sortis en juin et juillet. Bref on vous dit bonnes vacances, on s’y adonne un peu nous-mêmes. Et on vous claque la bise, sans vous mettre de vent.

Combien de bises, d’ailleurs ? À Avignon on vous en assène trois. Les bucco-rhodaniens, bien qu’habitant les Bouches-du-Rhône, sont adeptes du deux bises, et laissent en suspens les bisous vauclusiens, sans compter les Belges qui pratiquent l’unibise, et les bouches parisiennes qui partent dans l’autre sens au risque de l’effleurement inopiné des lèvres… 

D’ailleurs, depuis le COVID, la bise, fauteuse de troubles à la santé publique, avait reculé dans les usages, soulageant toutes celles qui se voient imposer, l’été, les joues poisseuses des inconnu.e.s qu’une étrange règle leur réserve. Car entre hommes inconnus on se serre la main, et les garçons choisissent quels garçons les embrassent. Peut-être le consentement pourrait commencer là, en cessant de différencier  celles à qui on impose sa bouche, parfois désirée, et ceux à qui on fait sentir sa poigne ? 

Avis de coup de vent

D’autres bises, pourtant, s’annoncent à la rentrée, en attendant un hiver que l’on espère pas trop glacial. Ce sont de véritables ouragans qui vont s’abattre sur les finances des collectivités publiques astreintes à des coupes sans précédents, alors que l’État distribue 211 milliards d’aides aux entreprises, sans contrepartie, par an, et que les économistes les plus sérieux conseillent à la France d’augmenter les impôts des plus riches et de taxer le capital, dans un pays où une poignée de milliardaires n’a jamais possédé autant, ni délocalisé et désindustrialisé aussi tranquillement.

Un d’entre ces profiteurs qui veulent reconquérir et reconstruire une France chrétienne débarrassée des Sarrazins, finance un spectacle où des drapeaux nazis s’affichent sur un monument patrimonial,  Stérin peaufine son projet Périclès, tandis que Bolloré continue de mettre la main sur les médias et la ministre de la Culture (qui vient d’être renvoyé au tribunal correctionnel pour corruption) de détruire le service public d’information et la décentralisation culturelle. 

Ce sont les œuvres, la création, les patrimoines et matrimoines divers, les combats des invisibilisé·e·s qui sont attaqués violemment. Mais qui s’imposent aussi, fièrement, sur toutes nos scènes. Il est grand temps, pour les forces progressistes, artistiques et politiques, de faire tourner les vents, et éclater nos tempêtes. À la rentrée ?  

Agnès Freschel


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Les Rolling Stones au Lavandou 

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© Dominique Tarlé

Au départ il ne devait y rester qu’un jour, il y resta 6 mois. En 1971, les Rolling Stones sont à l’apogée de leur carrière. Le groupe existe depuis 9 ans, ils viennent de sortir l’album Sticky Fingers, mais pour échapper au fisc anglais les rockeurs posent leurs valises dans une des plus belles maisons de la Côte d’Azur… la Villa Nellcote. C’est ici que le jeune photographe Dominique Tarlé les rejoints, et c’est ici qu’il signera une des plus impressionnantes sériesde photos consacrées à un groupe de rock. Ce travail, très connu et déjà mainte fois publié ou exposé, est à redécouvrir à l’Espace culturel du Lavandou jusqu’au 27 septembre.  

La force des photos de Dominique Tarlé réside avant tout dans le temps qu’il a passé avec le groupe, et l’intimité qu’il a créée avec lui. Sur les images, souvent en noir et blanc, parfois en couleur, on suit la vie quotidienne de ces supers stars. Dans l’immense manoir néo-classique se bousculent les guitares, les pianos, les trompettes entre les cendriers. Se bousculent aussi les moments intimes. La vie des couples, les repas partagés sur l’immense terrasse, les sorties en mer ou à moto. Pendant ces quelques mois passés dans la Villa Nellcote, les Rolling Stones signeront Exile on Main Street, que beaucoup considèrent comme leur meilleur album. On avait le son, et grâce à Dominique Tarlé, on a aussi les images. 

NICOLAS SANTUCCI

Rolling Stones 1971
Jusqu’au 27 septembre
Espace culturel du Lavandou

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Othoniel, exceptionnel 

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© Thibaut Carceller

Artiste et concepteur de l’installation, Jean-Michel Othoniel propose un récit poétique avec l’exposition COSMOS ou Les Fantômes de l’Amour à découvrir jusqu’au 4 janvier 2026. Un travail de deux ans, présenté dans dix lieux d’exception d’Avignon (Palais des Papes, Bains Pommer, Collection Lambert…) qui a nécessité le déploiement de 600 ouvriers. Jean-Michel Othoniel y place ses rêves et ses voyages pour proposer une « montée en puissance » avec comme thématique principale le mouvement et l’eau. L’exposition ne compte pas moins de 260 œuvres dont 140 qui ont été spécialement conçues pour les dix institutions culturelles de la Cité des papes. Comme l’explique la maire d’Avignon Cécile Helle, l’objectif est de faire cohabiter un artiste contemporain avec un lieu emblématique du patrimoine avignonnais. L’occasion aussi de célébrer le 25eanniversaire d’Avignon capitale européenne de la culture. 

Fontaines de jouvence

© Thibaut Carceller

Parmi les lieux investis, l’emblématique Palais des Papes, une invitation à la découverte de 133 œuvres – principalement des sculptures – en dialogue avec les sonnets de Pétrarque. À la fois une déambulation poétique au cœur d’un lieu autrefois habité par le pouvoir, et une volonté de l’artiste de se positionner comme prescripteur de messages, bien plus qu’un simple créateur. La grandeur est au rendez-vous, La Grande Chapelle est revêtue de trois astrolabes dorés à la feuille d’or, et suspendus dans le vide – une installation qui a nécessité une intervention minutieuse de la part des ingénieurs. 

À la chapelle Saint-Martial, un des quinze espaces du palais investis par l’exposition, l’artiste présente soixante peintures à l’encre, des monotypes colorés et inspirés par les fleurs et dont la composition se multiplie à l’infini. 

Dans chaque espace qu’occupe l’exposition, un moment de la vie de l’artiste est présenté. Aux Bains Pommer – nouveau musée d’Avignon inauguré le 20 juin – il présente ses souvenirs d’enfance avec l’installation de 14 fontaines faisant référence à cette eau joyeuse et exotique. Au Musée Lapidaire, on voyage à travers la recherche de son identité, mais aussi en Inde où il a travaillé le verre, et on regarde ému ce monolithe orné de pierres taillées à la manière des pierres précieuses.

L’artiste explore différents matériaux pour répondre aux contraintes climatiques : peinture à l’or, équinoxe miroir, ainsi qu’un verre résistant à la chaleur développé à Marseille. Favorable à une culture populaire, il confie son souhait de voir un large public pousser les portes des lieux culturelsqu’il a investis. Au public d’aller découvrir son œuvre renversante, et de lui donner raison. 

© Thibaut Carceller

THIBAUT CARCELLER

COSMOS ou Les Fantômes de l’Amour 
Jusqu’au 4 janvier 2026
Divers lieux, Avignon

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