vendredi 29 novembre 2024
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Les artistes au firmament

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Peinte sur les quais arlésiens en 1888, la première Nuit étoilée de Vincent Van Gogh n’a pourtant jamais été exposée dans la ville provençale… jusqu’à cet été. Pour les 10 ans de la Fondation Van Gogh, sa présidente Maja Hoffman a obtenu du Musée d’Orsay le prêt du célèbre tableau du maître. Autour de ce tableau, la directrice artistique de la Fondation Bice Curiger et le critique d’art Jean de Loisy ont développé l’exposition Van Gogh et les étoiles. Les deux commissaires se donnent pour ambition de donner à voir “la culture et la sociologie optique de l’époque”. Une époque, la fin du XIXe siècle, dans laquelle l’astronomie jouit d’une grande popularité, notamment grâce à l’astronome et vulgarisateur Camille Flammarion, que Jean de Loisy qualifie de “véritable passager clandestin de l’exposition”.

Comme chaque année la scénographie associe de manière judicieuse, et dès la première salle où trône la Nuit étoilée, des œuvres contemporaines, ou plus récentes, fruit d’une même fascination pour le firmament et le cosmos, à des illustrations scientifiques, comme celles de Etienne Leopold Trouvelot. Le choix des œuvres exposées s’intéresse donc bien moins à l’impact de la technique de Van Gogh sur l’histoire de l’art, qu’à ses inspirations (on retrouve Millet ou encore Monticelli) et à ceux qu’il a inspiré (Edvard Munch, Starry Night), mais aussi à la continuité de l’intérêt pour le firmament dans l’histoire de l’art moderne avec notamment une photographie sans titre de SMITH, la main tendue vers le firmament.

Van Gogh et la modernité

Si le plus clair de l’exposition est centré sur les représentations artistiques et scientifiques du ciel nocturne, les commissaires ont cependant tenu à réserver une pièce dans la visite à l’éclairage public, autre source de lumière du tableau de Van Gogh. L’exagération de la lumière des réverbères, qui à l’époque “faisait un peu moins de lumière qu’une lampe de chevet d’aujourd’hui” précise Jean de Loisy, témoigne de l’intérêt du maître pour la modernisation des villes. Cette partie de la visite, si elle est un peu courte, a l’intérêt d’explorer des sources d’inspiration moins souvent mises en avant de l’artiste.

CHLOE MACAIRE

Van Gogh et les étoiles
Jusqu’au 8 septembre
Fondation Van Gogh, Arles

Dans les infinies variations du blanc

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Ayant vécu quelques temps à Paris, Anna Boberg avait découvert l’impressionnisme et rencontré celui qu’elle épousa, le célèbre architecte Ferdinand Boberg. En Norvège en 1901, elle tombe amoureuse des îles Lofoten et n’a de cesse d’y retourner chaque hiver, seule, abritée dans une modeste maison/atelier construite spécialement par son mari. Enveloppée de peaux de bêtes, elle partait souvent dans la nuit capter les aurores boréales, puis les montagnes, en lutte avec les ombres et les lumières. Les esquisses sur motif étaient reprises sur toile à l’atelier. Son œuvre a fait l’objet d’expositions, cependant elle est tombée dans l’oubli. Séduite par une toile vue dans un musée, l’autrice a voulu en savoir plus sur cette femme hors du commun.

Créer dans la solitude

Avec son mari Anna formait un couple uni et amoureux. Sophie Van Der Linden a construit un récit dans lequel Anna s’adresse à lui, lui disant son amour mais aussi sa nécessité de solitude pour créer, rechercher les nuances des couleurs sur la neige, et les exprimer furieusement alors qu’elle n’a pas eu d’enseignement. L’autrice nous fait ressentir précisément l’enthousiasme et la détermination d’Anna, sa satisfaction devant le tableau du Store Molla, ce « dragon couché », et écrit à Ferdinand : « Je me rends disponible à nos retrouvailles ». Belle formule.

CHRIS BOURGUE

Arctique solaire de Sophie Van Der Linden
Denoël, 15 €

Mystérieuse Miss Mars

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Le journaliste Galicien Manuel Jabois collabore aux plus grands magazines espagnols. Miss Mars (Éditions Gallimard) est son deuxième roman. Finement écrit, Miss Mars n’est ni un polar, ni un Cold Case. Si la narration puise dans le genre du suspens, c’est surtout la psychologie des personnages, qui peu à peu se dévoilent, qui intéresse Jabois.

Surnommée Miss Mars, Mai Lavinia s’installe en 1993 à Xaxebe, avec Yulia, sa fille âgée de deux ans. Dans cette station balnéaire de la Côte de la Mort, en Galice, l’été ne fait que commencer. Mai est rapidement adoptée par le groupe de jeunes qui se donne rendez-vous sur la plage. Parmi eux, Santiago Galvache, « Santi », le fils aîné de l’un des notables du village. Selon les témoins, le coup de foudre est immédiat, évident, et ses effets sont ravageurs. Aussitôt, les pires rumeurs se mettent à circuler sur le passé de « l’étrangère » et sur ses intentions. « Que faisait Mai à Xaxebe, est-ce qu’elle poursuivait ou est-ce qu’elle fuyait quelque chose ?»

Contre vents et marées, les amoureux ne tardent pas à se marier. Or, le jour de la cérémonie, la petite Yulia disparait, pour ne jamais être retrouvée sans qu’aucune piste ni coupable ne soit trouvé ». Quelques temps après Mai « sensible comme un plan d’eau réagissant au moindre souffle, drôle et forte comme on n’a pas idée pour garder assemblés ces mille morceaux sur lesquels elle tenait en équilibre » décide d’en finir : « elle n’avait pas nagé d’un bout à l’autre de la plage, comme elle le faisait avant, mais en s’éloignant du rivage, et la dernière chose qu’avait pu distinguer Sampedro, c’était un scintillement de soleil parmi d’autres, un petit point blanc et lointain qui avait fini par se perdre dans l’horizon d’une mer paisible ».

Vingt-cinq ans plus tard, la journaliste d’investigation Berta Soneira décide de de mener une nouvelle enquête pour résoudre le mystère de cette disparition, une tragédie qui marqua la Galice et l’Espagne tout entière. Elle retourne à Xaxèbe où l’histoire «   continue à habiter les gens de l’intérieur comme un ver solitaire, dévorant tout ». Elle découvrira une vérité inattendue, faisant place aux fantasmes des uns et des autres car Mai dérangeait Qui était vraiment cette « jeune femme aussi cynique que délicate, d’une lumière vraiment très belle et fragile qui vacillait pour un rien ? »

Anne-Marie Thomazeau

Maroc et péril climatique

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On avait découvert le formidable talent narratif de Zineb Mekouar avec son premier livre La Poule et son cumin qui lui avait valu de faire partie des finalistes du Goncourt du premier roman 2022. Elle y racontait le destin de Kenza et Fatiha, deux petites filles issues de milieux sociaux opposés se retrouvant adultes à Casablanca. Qu’étaient-elles devenues dans cette société qui punit l’avortement et interdit l’amour hors mariage ?

Elle nous revient avec ce bouleversant Souviens-toi des abeilles (Gallimard), qui aborde avec un souffle poétique les difficultés d’un monde rural marocain se heurtant inexorablement au réchauffement climatique, à la sécheresse des sols, au tarissement des sources, à la suffocation des plantes. Cette souffrance de la nature pousse les hommes vers les villes et des destins incertains ; un exode qui atomise, fait disparaître les lignées, les tribus, les traditions.

Sur les hauteurs du village d’Inzerki, le Taddart apparaît, immense, adossé à un flanc de montagne. Il est construit en terre, sur cinq étages, chacun étant composé de cases pouvant contenir plusieurs ruches de forme circulaire, faites de roseaux tressés. Chaque ruche appartient à une famille. « Voler » du miel qui n’appartient pas à sa lignée peut entraîner les pires calamités.

Gardien de la mémoire

Un soir, alors que son bébé malade est pris de spasmes, Aicha désespérée se rend en pleine nuit au rucher sacré afin de le nourrir avec le meilleur des miels, celui des abeilles noires. Depuis cette nuit, il y a onze ans, Aicha a cessé de parler même à son fils Nadir, indifférente à tout. Parfois, elle est saisie de crises qui la font hurler dans la vallée. Pour les villageois, elle est la « possédée », « l’étrangère ». De son côté, le père, Omar, est parti travailler à Agadir, censément pour gagner de quoi nourrir sa famille restée au village, mais surtout pour fuir cette femme qu’il aime mais qui n’est plus qu’un fantôme. Heureusement pour Nadir, il y a Jeddi, le grand-père gardien de la mémoire de ses années de jeunesse lorsque chaque ruche abritait des milliers d’abeilles et que leur bourdonnement s’étendait à des kilomètres autour du village ; témoin d’un temps où la gestion de l’eau et le ramassage du bois se réglaient en Jmaa, en conseil des sages. Jeddi détient le secret des vents, des caroubiers, des oliviers, des thuyas et de l’arganier centenaire Mais surtout, il sait parler aux abeilles. À travers lui et sa transmission de mémoire et de savoirs, c’est un véritable hymne à la nature, au vivant que nous offre Zineb Mekouar.

ANNE-MARIE THOMAZEAU

Souviens-toi des abeilles, de Zineb Mekouar
Gallimard – 19 €

Hybridations et impermanences

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© MIRABEL WHITE

Une grenouille apparaît dans l’espace scénique blanc, toute verte dans ses coassements et ses bonds, attitudes empruntées directement au monde naturel… elle est rejointe par un ours pataud, les deux êtres (Sonia Darbois et Maxime Guillon-Roi-Sans-Sac) vont d’abord ne pas supporter l’autre sur le plateau, préférant chacun l’intégrité de sa solitude. Peu à peu cependant les frontières qui les séparent vont se dissoudre, l’un empruntant une partie de l’autre, s’hybridant de ses gestes et de ses attitudes. Le simple plaisir enfantin du déguisement devient alors source de nouvelles histoires, permet de transgresser les codes de la représentation entre croassements et grognements, danses incongrues, courses où super-héros avec cape et princesse se croisent, donnent lieu à la naissance de « princesse-man », tandis que le côté animalier se développe en « ours-grenouille » ou « grenouille-ours ». La singularité des uns et des autres met en doute les normes dans une atmosphère joyeuse. Les apparences d’origine sont remises en question : les êtres peuvent se choisir, s’affirmer dans les associations multiples qu’ils ont la capacité de décliner à l’infini : le super-héros aura des pattes d’ours, la princesse une tête de grenouille… bref, peu importe, le public enfantin est fasciné, et les adultes malgré le sérieux qu’ils s’imposent sont séduits. L’étrangeté dans le reconnaissable, l’impermanence des compositions affirment une liberté d’être et de créer vivifiante dans les lumières changeantes qui habillent le plateau d’atmosphères jaunes, bleues, rouges… paysages mentaux où naissent les contes. 

La conclusion endiablée orchestre une ronde effrénée autour d’une sorte de totem dans lequel s’entassent les variations des costumes, lieu de tous les possibles, et objet central du jeu… À la fin du spectacle, un temps de conversation est accordé aux jeunes spectateurs qui s’extasient sur la rapidité des changements de costumes, proposent leurs propres créations de mots pour désigner les divers personnages nés de l’imagination des artistes. Ces derniers se plient avec gentillesse aux demandes, effectuent des démonstrations de transformation. La magie ne se perd pas malgré les explications rationnelles et le bonheur de tous en est décuplé.

MARYVONNE COLOMBANI

Spectacle dansé le 24 mai, Pavillon Noir, Aix-en-Provence 

The Echo : un nouveau souffle à Marseille

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Premières chaleurs estivales avec Tropical Fuck Storm au Makeda © N.S.

C’était un pari, voire une ambition qui paraissait démesurée. Inviter des artistes internationaux aux univers musicaux variés, parfois confidentiels, barrés, voire transgressifs le temps d’un week-end à Marseille. Quelques jours après sa clôture, le festival The Echo peut se targuer d’avoir pleinement réussit son coup, en ayant rempli plusieurs des salles dans lesquelles il est parti s’engouffrer. 

Avant toute chose

Le week-end a commencé dès le jeudi, dans la petite salle de l’Intermédiaire sur la Plaine. Une soirée proposée par l’association Humeur Massacrante, qui faisait office de before – ou de off. Passait par-là le nouveau venu Lùlù, une formation qui fêtait ici son deuxième concert seulement, au lendemain du premier à Lyon. On a découvert un univers glam, power-pop, déjà parfaitement maîtrisé, et chanté en anglais, français, italien. Mélodies accrocheuses, guitares nerveuses… une belle entrée en matière. Car après eux on découvrait Dr Sure’s Unusual Practice, fraichement débarqué de Melbourne. Une new-wave puissante, originale – on pense au son de clavier – qui pouvait faire penser parfois à l’agitation d’un Devo. 

Le before terminé, c’est au Théâtre de l’Œuvre que La Responsabilité des Rêves, l’agence Vedettes et Limitrophe Production, à l’initiative du festival, donnaient rendez-vous pour son ouverture – ou alors au Silo pour Nils Frahm, il fallait choisir son camp. On y a découvert Mary Lattimore, ou 45 minutes d’un dialogue fascinant entre elle, sa harpe et sa pédale loop. Une musique à cheval entre classicisme et psychédélisme, parfait pour annoncer la suite de ce festival qui aime jongler avec les esthétiques. 

On monte dans les tours 

Car après la harpe, il fallait changer de cap le temps de monter au Makeda. C’est une version très énervée de Model/Actriz qui accueillait les spectateurs d’une salle déjà presque bondée malgré l’heure précoce. La formation de Brooklyn, connue pour une noise bruitiste et « sage » dans ses albums, prend une tournure beaucoup enlevée sur scène. 

Les présentations faites avec les décibels, c’est Tropical Fuck Storm, le groupe le plus attendu de la soirée qui prenait place sur scène. Originaires eux aussi de Melbourne, une des scènes rock les plus actives au monde. Beaucoup avaient envie de voir comment ils transposaient sur scène la folie de leurs enregistrements, et la surprise était plus que bonne. Moins loufoque que sur disque, Tropical Fuck Storm déchaine ses titres avec une énergie emballante. On regrettera seulement le niveau sonore du groupe – et de ses deux Twin Reverb – qui ont causé une chasse aux boules Quies dans les premiers rangs de la salle. La suite de la soirée s’est évaporée dans les mix de Trae Joly et King Kami

Le lendemain des décibels aussi, avec Exek et Dame Area – notamment – toujours au Makeda. Avant de se terminer par le très attendu Flavien Berger à l’Espace Julien, pour le grand final d’un The Echo dont on attend déjà l’édition 2025. 

NICOLAS SANTUCCI 

Le festival The Echo s’est tenu du 30 mai au 2 juin à Marseille

OCCITANIE : Libre de désobéir

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N. Pouyandeh, Autoportrait au masque et au miroir, 2023, huile sur toile, 65 x 54 cm © galerie Sator - Nazanin Pouyandeh

La Fondation GGL continue de mettre en lumière des femmes aussi talentueuses que créatrices de mondes artistiques habités. Après Olympe Racana-Weiler puis Marlène Mocquet, place à Nazanin Pouyandeh. Née à Téhéran en 1981, passée par l’École Nationale Supérieure des Beaux-arts de Paris, la peintre iranienne démontre à travers cette exposition monographique la richesse d’un univers foisonnant qui fait d’elle une artiste de premier plan. Si la peinture de Nazanin Pouyandeh est figurative, elle n’en est pas moins une réalité reconstituée, un souvenir revisité, un rêve tissé d’intime. Comme un petit théâtre d’images où la femme serait (enfin) toute-puissante. Le titre de l’exposition nous avait prévenus : Les désobéissantes. Sur la toile,la femme se libère de ses entraves, des contradictions de son héritage culturel, des interdits de la religion, du poids de l’Histoire. 

Sororité

Nazanin Pouyandeh aime se jouer des interprétations que pourrait faire le spectateur de son travail. Elle se permet des clins d’oeil au Facteur Cheval, à la peinture du Moyen-Âge, à Léonard de Vinci. Un processus intensément ludique est présent à la genèse de chaque toile : l’artiste fait poser ses amies dans son atelier avant de les mettre en scène. Trace indélébile d’une sororité bienveillante, héritage d’une culture perse où les femmes partagent tout à défaut de voir leur droit à l’équité respecté. D’ailleurs, l’Iran est omniprésent, ne serait-ce à travers les couleurs très vives des peintures. La guerre est un autre sujet intime impossible, à évincer. Il faut dire que Nazanin Pouyandeh est arrivée en France à 18 ans, un an après l’assassinat de son père. 

Peinture sacralisée

Parfois, elle s’autorise à prendre la pose. C’est le cas dans cet Autoportrait au masque et au miroir où le regard se perd. Bien que l’artiste n’aime pas beaucoup parler de ce que l’on voit, elle nous offre un généreux dialogue plastique et sensoriel. Sensuel aussi, avec des corps féminins qui se mettent à nu, non pas pour choquer, plutôt pour se révéler. À l’occasion de cette exposition, l’artiste a dessiné à l’encre de Chine une gigantesque femme pharaon sur le mur immaculé de la galerie. On pourrait y voir une représentation symbolique de la peinture sacralisée, fil conducteur de son travail. Le lieu de tous les combats. Et de toutes les femmes. Regardez-bien. De dos, sur plusieurs tableaux, une femme peint. Libre.

ALICE ROLLAND

Jusqu’au 9 novembre 
Fondation GGL, Hôtel Richer de Belleval, Montpellier 

Marseille, ville amazighe !

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Atelier musique 19 juin

Cette 19e édition illustre, une fois encore, l’engagement d’un homme, Menouar Hammache, directeur artistique et militant en faveur de la culture kabyle depuis plus de 30 ans à Marseille. Il a lancé le festival Tamazgha en 2006 après avoir créé Sud Culture en 1996. L’ancrage méditerranéen de la culture amazighe en France et la vitalité de ses héritages à Marseille sont en grande partie dûs à cette personnalité discrète et tenace sur ses objectifs en matières de droits culturels.

Amachaou ! c’est mon histoire

Cette phrase, bien des Marseillais pourraient la dire. « Les Kabyles à Marseille représentent une migration précoce et durable », comme le disait l’historien Emile Temime. Dès les années 1950, les Algériens sont fortement présents dans les principales entreprises marseillaises (raffineries de Saint-Louis, l’huilerie Rocca Tassy-De Roux ou sur le Port) et constituent une composante majeure du peuplement de Marseille.

Ainsi, une grande partie des habitants actuels des 15 et 16e arrondissements est issue de la Haute Kabylie (Bouzeguène). Dans les baraques du Bassin de Séon, de Lorette aux Riaux, en passant par l’emblématique îlot Pasteur, l’entraide villageoise redessine l’ancrage des douars d’origine. Les Kabyles de l’Estaque partagent la culture dite berbère ou amazighe, tels que les « chaouis » des Riaux, ou les « Ath Smaïl » de Lorette, les « Iberbacen », de Barbacha, originaires de la vallée de la Soummam.

L’exil et l’ancrage

Longtemps marginalisée, réduite à un genre mineur, la chanson kabyle a renoué avec le fonds traditionnel berbère grâce à Lounis Aït Menguellet, dans le sillon du grand Slimane Azem, interdit d’antenne en Algérie durant plus de vingt-cinq ans. L’auteur de Asefru a su créer des formes et des structures propres à sa poésie en jouant sur l’ambiguïté de sens des mots qu’il utilise, permettant une interprétation plurielle de la part de ses auditeurs. Loin de se circonscrire aux seules diasporas, langues et cultures kabyles mobilisent un public large, dont les mélodies autant que les textes, souvent traduits, portent les espoirs des peuples à être reconnus comme légitimes dans leur expression culturelle et artistiques. Son concert le 22 juin au théâtre de la Sucrière dans le 15e arrondissement est un événement pour des générations de Marseillais.

L’exil est une des thématiques principales des chansons d’Idir, de Djamel Allam ou d’Houria Aïchi qui accompagnent les parcours des familles immigrées à Marseille. Elles témoignent d’un matrimoine et d’un patrimoine puissants. Au niveau international, les imaginaires amazighes résonnent dans les textes de Mouloud Mammeri, Kateb Yacine, Taos Amrouche et bien d’autres… C’est ce que chacun pourra découvrir et partager lors d’ ateliers musique ou calligraphie à Campagne Lévêque les 19 et 20 juin (16h-19h), et en assistant au spectacle du conteur Farid Oukala, le 21 juin, Bachir et les sept épreuves, au 15e Art.

SAMIA CHABANI

Festival Tamazgha
Du 19 au 22 juin
Marseille
sudculture.org

South parc

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Du haut de son quart de siècle, le festival Marsatac – sur toutes les bouches du Rhône et d’ailleurs lorsqu’il s’agit d’événements musicaux phocéens – s’efforce d’allier une programmation ultra moderne à la mise en valeur d’artistes émergents, accompagnés ou non par la structure. S’ajoute à cela un désir profond de s’inscrire dans les actuelles préoccupations écologiques ou inclusives. Désormais confortablement installé dans le bucolique écrin de verdure qu’est le parc Borély, le festival se démarque par son attachement tout particulier aux musiques urbaines et électroniques.

Cool, la scène

Du 14 au 16 juin sur quatre scènes, l’événement s’organise avec logique. La scène du Château, au pied dudit monument, est dédiée aux artistes à forte notoriété, leur offrant un système son et un espace scénique d’envergure. Elle accueillera par exemple la révélation marseillaise Achim, rappeur à textes profonds et mélancoliques très suivi (le 15), le tout aussi local et montant Zamdane (le 14), la première tournée de la très médiatique rappeuse belge Shay (le 15), ou bien encore Zola, qui explose les compteurs de vues et platine ses albums depuis ses débuts (le 14).

La scène du Lac, elle, se déploie en une arène où les plus grands fans de BPMs et de basses renversantes pourront apprécier à 360° les artistes électro qui font vibrer leurs cœurs fêtards. Citons par exemple la star allemande de l’acid techno Boys Noize (le 15), l’iconique Patrick Mason (le 14) ou le résurrecteur de l’eurodance Marlon Hoffstadt (le 16).

Décalée et plus intime, la scène Prairie fait, elle, la part belle à l’originalité, à la découverte. Nichée sur un tapis herbeux, comme son nom l’indique, elle est le théâtre d’une liste de concerts en marge de la programmation, en témoigne celui du singulier Roland Cristal, qui appose ses textes folichons sur une techno de foire (le 15), le rap chaâbi live de l’algérois Tif (le 16) ou bien encore le hip-hop r’n’b moderne de la très douée Violet Indigo (le 16).

Enfin, la scène La Frappe, du nom du dispositif monté par Marsatac Agency pour accompagner les jeunes artistes rap, permettra de découvrir les talents repérés : Carlala, Messir, ADM, Flex ou Anan (lauréat du tremplin Planète Mars) ; mais aussi de jeunes et prometteurs artistes électro, tels que Joube ou KE:TR)

Super tremplin

Véritable marche-pied pour les artistes en devenir, Marsatac offre un instantané live sur le travail de plusieurs dispositifs d’accompagnement et de repérage. La frappe, bien sûr, lancé en 2019 par Marsatac et en partenariat avec plusieurs acteurs culturels locaux, mais aussi Rifx : tremplin national qui a vu naître sur ses planches des artistes tels que Siloh ou Pausé, et enfin les Inouïs du Printemps de Bourges, qui verra l’un de ses lauréats se produire pendant le festival. .

LUCIE PONTHIEUX BERTRAM

Marsatac
Du 14 au 16 juin
Parc Borely, Marseille
marsatac.com

L’art des grands écarts

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Zébuline. Si l’on se penche sur le programme des Escapades, que ce soit celui de cette édition ou des années précédentes, on est frappé par leur éclectisme assumé…

Élodie Presles. Absolument, on cultive les grands écarts ! On aime les rencontres, les échanges, les musiques portées par des groupes. Il s’agit d’une musique contemporaine car elle s’écrit aujourd’hui et dans les métissages. Zébuline le sait bien : à Durance on se plaît à bouger les codes ! On joue sur l’idée de parcours, de découverte, en tentant de faire connaître des groupes connus des réseaux professionnels mais peu du grand public. On joue notre rôle de passeurs : les groupes connus et très médiatisés n’ont pas besoin de nous. Avec trois propositions par soir, nous balayons un spectre assez large d’univers. La sélection s’effectue toujours, en collaboration avec Elsa Gobert, dans la perspective de donner envie au public de rester [rires], de réunir des groupes dont les inspirations dialoguent avec celles des autres. Mais avec des points sans concession : il faut que ce soient de très bons musiciens, que la ligne de métissage soit sensible. Bref, c’est ce qui se pratique tout au long de la saison au théâtre : déborder du cadre… Nous ne sommes pas dans le fonctionnement du marché mais nous avons trouvé notre identité. Le projet est porté par toute l’équipe. Le succès ne cesse de s’amplifier, l’an dernier il y avait plus de deux mille personnes par soirée.

Comment va s’articuler l’édition 2024 ?

Comme l’an dernier sur le plateau des Lauzières, il y aura la possibilité de se restaurer avec des produits locaux, de jouer pour les enfants avec des livres, des jeux en bois mis à leur disposition, le tout aux accents du Buffet sonore qui crée des intermèdes entre les concerts en faisant des liens entre les différents groupes. Le premier soir débutera par le cocktail étonnant du duo vielle à roue et percussions de Storm qui revisite le patrimoine traditionnel avec une vielle sonorisée, samplée, pour des morceaux qui oscillent entre la musique bretonne à danser et les Pink Floyd. Avec Kutu, le violon jazz rejoint la chanteuse et son répertoire des chants d’Éthiopie pour une musique fusion aux accents électro et un son groove avant de terminer la soirée par Ladavina et sa pop métissée entre Balkans, chanson française et jazz. La seconde soirée invite au répertoire rafraîchissant des quatre musiciens de Baba Wazo puis au rap latino d’Ana Tijoux dont les chants engagés s’élèvent contre les violences faites aux femmes et aux menaces qui pèsent sur la démocratie dans son pays, le Chili. Enfin on termine par la fanfare festive du Grand Tabazu dont les onze musiciens n’ont qu’une envie, c’est de vous faire faire la fête, un « grand chamboulement » vivifiant ! Et, afin que tout soit accessible à tous, intergénérationnel et convivial, c’est gratuit !

ENTRETIEN RÉALISÉ PAR MARYVONNE COLOMBANI

Les Escapades
16 et 17 juin
Plateau des Lauzières
Château-Arnoux-Saint-Auban
theatredurance.fr