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Sigmar Polke : se jouer de l’art

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sigmar polke
Sigmar Polke, Flüchtende (Fugitifs) 1992. Carré d’Art, Musée d’art contemporain de Nîmes © The Estate of Sigmar Polke/ Adagp, Paris, 2005 Photo Franck Sperling

Peu exposé en France depuis quelques années, Sigmar Polke (1941-2010) est un artiste, peintre et photographe allemand, connu notamment pour ses expérimentations formelles en termes de style et de matériaux. Inaugurée le 1er mars, l’exposition Sigmar Polke, Sous les pavés, la terre (dont le titre a été choisi en référence à l’énergie transgressive de mai 1968 qui irrigue ses premiers travaux) offre un panorama de son œuvre, avec la peinture au cœur du propos. Comme toujours à la Fondation, le commissariat est assuré par sa directrice Bice Curiger, qui fut une amie personnelle de Sigmar Polke avant sa mort, et une spécialiste de son œuvre. Elle apparaît d’ailleurs sur l’un des films tournés par Polke et ses pairs et diffusés sur des télévisions dans différentes salles de l’exposition. 

Au-delà des codes 

Affranchi des codes classiques de la peinture, Polke se distingue en travaillant le plus souvent sur des tissus d’occasion ou industriels. Ainsi, Gangster (1988) et Cristal d’un souffle (1997), sont peints sur des voilages enduits, produisant de beaux jeux de transparence, et c’est une flanelle sale à motifs qui accueille les lignes abstraites d’Images de hérons II.

© The Estate of Sigmar Polke, Cologne/ Adagp, Paris, 2025

Il travaille aussi sur des trames d’images de journaux, qu’il imprime ou reproduit à la main point par point, en s’intéressant aux tâches et autres ratés que cela produit. C’est l’un des procédésutilisés pour ses célèbres Fugitifs (1992).

Photographies 

Si l’exposition se concentre en priorité sur les peintures de Polke, elle présente aussi une partie de son travail photographique. Une salle est consacrée à ses clichés des catacombes de Palerme (1976), d’autres photos documentent sa recherche autour de la peinture, par exemple autour d’Estampe et Révolution, 200 ans après, tableau réalisé dans le cadre d’une grande commande publique pour le bicentenaire de la Révolution française. 

Cette belle exploration de l’œuvre de Polke se conclut sur un film de ses dernières œuvres, douze vitraux pour la Cathédrale Grossmünster de Zurich, créés en 2009. Déjà très riche, l’exposition sera complétée à partir du 21 mars, par Paganini et Le jour de gloire est arrivé, deux tableaux importants datant des années 1980, actuellement exposé au musée du Prado de Madrid.

CHLOÉ MACAIRE

Sigmar Polke. Sous les pavés, la terre
Jusqu’au 26 octobre 
Fondation Van Gogh, Arles

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Carton plein pour Émilie Lalande

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Émilie Lalande
© Jean-Claude Carbonne

Créé en 2017, le Pierre et le loup revu et chorégraphié par Émilie Lalande a depuis tracé un joli chemin. Le principe demeure le même face à une salle toujours comble, pour des sessions en scolaire comme pour la séance du mercredi après-midi : les membres du public décident au lever du rideau quels danseurs vont interpréter ces rôles qu’ils connaissent sur le bout des doigts – ou plutôt des oreilles !

Ce mercredi 26 février, Anaïs Pensé endosse les – quelques – plumes de l’Oiseau. Baptiste Martinez sort les griffes pour se glisser dans les pattes du chat. Audrey Lièvremont chausse, quant à elle, de belles palmes de plongée et un air invariablement nigaud pour donner corps à un canard si attachant ; Jean-Charles Jousni bombe le torse pour incarner un Pierre au courage inaltérable ; Marius Delcourt courbe son dos et tremble du mollet, car le grand-père semble ici plus âgé que jamais. Et Jérémy Kouyoumdjian prête enfin ses traits au chasseur et au loup – ne sont-ils au fond pas les deux faces d’une même pièce ? 

Un tube pour la jeunesse

L’ouverture laisse le temps aux jeunes spectateurs de peser le pour et le contre, et aux interprètes d’essayer leurs costumes. Mais on peinera, une fois le spectacle commencé, à imaginer une distribution moins idéale. C’est que les interprètes se révèlent particulièrement investis physiquement dans une chorégraphie maline, grâcieuse et symboliquement riche, mais également théâtralement dans la caractérisation volontairement outrée de leurs personnages. 

Dans le rôle de la narratrice, Émilie Lalande rappelle la finesse et la précision de sa gestuelle, elle qui fut il y a quelques années une grande interprète du Ballet Preljocaj. L’influence du chorégraphe est tangible mais jamais écrasante, d’autant que l’humour mais également la plasticité bricolée de l’artiste, également présente aux décors et costumes, insuffle une forte identité au tout. Un inratable du spectacle jeunesse, applaudi à tout rompre par des enfants fascinés et émus. 

SUZANNE CANESSA

Spectacle donné les 3 et 4 mars au Pavillon Noir, Aix-en-Provence.

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« Berlin, été 42 » : L’amour contre la barbarie

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Arrêtée comme son compagnon en 1942, alors qu’elle était enceinte. Guillotinée en 1943 avec ses camarades de lutte, Hilde Coppi a laissé un fils né en prison, qui n’eut de cesse de garder la mémoire de ses parents, et dont on entend les mots à la fin du film. Pour rendre hommage, justice, corps et voix à la jeune Résistante, le réalisateur choisit la douceur et la modestie. Pas de croix gammées, de coups de feu, de séances insoutenables de torture. Pas plus que d’actes de sabotage pyrotechniques spectaculaires. Andreas Dresen évoque un été radieux. La rencontre amoureuse d’Hilde ( Liv Lisa Fries) et de Hans Coppi ( Johannes Hegemann), les baignades et les pique-niques des jeunes Résistants au bord de l’eau, l’exultation de leur jeunesse solaire comme une véritable ode à la Vie. Images saturées de lumière qui reviendront assez conventionnellement en flash back alors qu’Hilde de sa prison n’aperçoit qu’un bout de ciel. En alternance, espaces ouverts de liberté et espaces fermés (ceux pour l’amour et la clandestinité puis pour la mort).

Le réalisateur dit avoir voulu s’éloigner des stéréotypes héroïques qui lui étaient proposés dans la RDA de son enfance, rendant perversement inaccessible au commun des mortels toute rébellion. Il montre comment la résistance à la monstruosité du Troisième Reich passe par de petits actes : une femme qui cache un document dangereux en s’asseyant dessus, une infirmière qui s’oppose à un docteur-boucher, une matonne qui infléchit les règles pour aider Hilde.

La boussole

Incarnée par Liv Lisa Fries – l’inoubliable Charlotte Ritter de la série Babylon Berlin -, Hilde est une fille sage, discrète, au look de gouvernante avec sa tenue convenable et ses lunettes rondes. Une fille bien élevée même quand la Gestapo l’interroge. C’est par amour pour Hans qu’elle rejoint le réseau d’activistes et met sa subtilité au service de leur lutte anti nazie, apprend le morse, envoie des messages aux Soviétiques, écoute les émissions de Radio Moscou pour transmettre aux familles des nouvelles des prisonniers allemands, colle des affiches. Liv excelle à traduire par ses gestes et postures. la vulnérabilité de cette femme et cette force intérieure, « cette boussole » comme dit le réalisateur qui lui indique ce qui est juste de faire. De Hilde avec amour, les derniers mots d’une dernière lettre de Hilde Coppi, repris par le titre du film semblent s’adresser tout aussi bien à sa mère et à son fils, qu’à nous qui voyons 80 ans plus tard, la résurgence décomplexée des mouvements fascistes.

ELISE PADOVANI

En salles le 12 mars 2025

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L’Opéra de Montpellier met les femmes à l’honneur 

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Médée © S.Brion

Conçu comme une invitation à plonger au cœur du romantisme, le concert donné les 7 et 8 mars à la Salle Pasteur du Corum proposera une redécouverte précieuse : celle de Mel Bonis, compositrice longtemps restée dans l’ombre, formée au Conservatoire de Paris aux côtés de Pierné et Debussy. Sa Suite en forme de valse ouvrira le bal avec la grâce et la subtilité qui caractérisent ses rares mais précieuses partitions.
Redécouverte qui sera suivie d’un autre joyau du répertoire : le Concerto pour violoncelle de Schumann, confié à la jeune Luka Coetzee. Nul doute que la jeune virtuose canadienne, lauréate du prestigieux concours Pablo Casals, insufflera à Schumann la folie et la fougue qu’elle a su extraire de Beethoven et de son opus 69.
Et c’est enfin Beethoven et sa Symphonie n°1, éclatante de jeunesse, qui conclura ce beau récital. Une œuvre fondatrice où l’audace et l’inventivité se mêlent aux influences mozartiennes, portée par l’Orchestre national Montpellier Occitanie sous la direction inspirée de Swann van Rechem. Lauréat du Concours de Besançon en 2023, le chef lillois reviendra au Corum après une prestation remarquée lors des Victoires de la Musique de 2024.

Une Médée d’anthologie

Chef-d’œuvre du bel canto, la Médée de Cherubini demeure une tragédie foudroyante. Inspirée des textes d’Euripide, Sénèque et Corneille, cet opéra-comique en trois actes nous plonge dans la fureur et la psyché d’une héroïne brisée. Mélangeant dialogues parlés et numéros chantés, cette version originale, immortalisée par Maria Callas dans les années 1950, retrouve aujourd’hui tout son lustre dans une mise en scène signée Marie-Ève Signeyrole. Coproduite avec l’Opéra-Comique et Insula orchestra, cette production redonne à l’œuvre sa place centrale dans l’histoire de l’opéra, et fut saluée lors de sa création le mois dernier. Sous la direction de Jean-Marie Zeitouni, l’orchestre promet d’explorer avec finesse cette partition nécessitant une précision, une entente mais aussi une émotivité sans faille. Joyce El-Khoury promet d’incarner une Médée bouleversante, entre rage et vulnérabilité, face à l’inflexible Jason de Julien Behr. Marie-Andrée Bouchard-Lesieur prêtera sa voix chaleureuse à la tendre Néris, tandis que Edwin Crossley-Mercer campera un Créon imposant. À découvrir de toute urgence les 8, 11 et 13 mars à l’Opéra Comédie.

Après-Guerre

C’est enfin à un répertoire plus populaire que s’attaquera le dispositif Opéra Junior pour le midi musical du 12 mars. Celui de la chanson française, fruit de l’effervescence poétique et musicale de l’après-guerre. Sous la direction du chef de chœur Albert Alcaraz, le chœur Opéra Junior fera revivre ces mélodies restées inoubliables. De la nostalgie de Que reste-t-il de nos amours ? de Trenet à l’énergie espiègle de Couleur café de Gainsbourg, en passant par l’élégance intemporelle de La vie en rose, chaque morceau y trouvera une nouvelle jeunesse. Ce programme mettra également à l’honneur des compositrices et musiciennes trop souvent restées dans l’ombre. Dont la Fantaisie pour chœur à bouche fermée de Marie-Claire Alain, hommage poignant à son frère Jean Alain. Jane Vieu, compositrice encore méconnue du XXe siècle, apportera quant à elle une touche de finesse avec Arlette. Sans oublier la présence incontournable d’Édith Piaf, voix iconique d’une France en quête de renaissance.
Accompagnés par Valérie Blanvillain au piano et Philippe Limoge au marimba et à l’électronique, ces chants traverseront les époques et les sensibilités, tissant un pont entre le passé et le présent. Un moment suspendu où la musique se fait mémoire, à savourer le 12 mars à 12h30 à la Salle Molière.

SUZANNE CANESSA

Vague romantique
Les 7 et 8 mars
Le Corum

Médée
Les 8,11 et 13 mars
Opéra Comédie

Chansons françaises d’après-guerre avec Opéra Junior
12 mars
Opéra Comédie

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Laurence Chanfreau et la passerelle des droites

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© Eliès Hamdach

Zébuline. Pourquoi avoir choisi d’honorer la mémoire de Laurence Chanfreau ?

Sophie Roques. Ça fait partie des revendications des militants LGBT+ d’avoir des noms dans l’espace public de militantes et de militantes LGBT+. Deux autres facteurs ont été pris en compte. Il fallait avoir quelqu’un associé à l’histoire de notre ville, et qui réponde à la logique de féminisation de noms de rue à Marseille. Laurence Chanfreau était une artiste et une militante, qui a trouvé un port d’attache à Marseille. Et c’est important que ce soit proche du cour Julien : c’est le lieu de la contre culture, des mouvements queers, alternatifs. Un lieu de passage, une passerelle… c’est symbolique.

Avez-vous été étonnée de la réaction de Séréna Zouaghi (LR) lors du Conseil d’arrondissement du 6e-8e 

Venant d’une femme oui. Moins venant de cette droite où les digues sautent de plus en plus : ses propos étaient dignes de l’extrême droite.

L’extrême droite en a remis une couche lors de du Conseil municipal, par l’intermédiaire de Stéphane Ravier. Qui a dénoncé la « perversité » de l’exposition qu’avait consacrée Laurence Chanfreau aux vulves.

On n’est pas très étonné… Ce sont des propos sexistes, qui témoignent du problème autour de la représentation du corps des femmes. Comme j’ai pu le dire au Conseil d’arrondissement, quand on a une statue de David [on ne vous fait pas un dessin, ndlr], ça ne pose aucun problème, mais le représentation du corps d’une femme sur trois photos oui. D’autant plus s’il s’agit d’une femme qui avait une sexualité sans hommes. 

Dans la même phrase, il poursuit sur l’œuvre intitulée Niqab, ni croix, ni kippa, ni Boudha. Avec comme exégèse que le « ni privatif ne s’applique pas au Niqab ». À l’entendre, Laurence Chanfro serait donc une islamiste qui expose des vulves…

[souffle] C’est complètement anachronique… C’était une militante qui défendait la laïcité, et le titre veut bien dire ce qu’il veut dire. 

Artiste et militante, Laurence Chanfreau a co-fondé le bar des 3G, QG lesbien à Marseille, présidé Act up Marseille, et milité au Mouvement de Libération des Femmes.

ENTRETIEN RÉALISÉ PAR NICOLAS SANTUCCI

Plaque dévoilée le 26 avril

La cérémonie de changement de nom devrait se tenir lors de la Journée internationale de la visibilité lesbienne, le 26 avril prochain.  
Stéphane Ravier : « Estelle c’est joli, ça sonne bien, c’est mignon » 

En prononçant cette phrase lors du Conseil municipal du 28 février, l’élu proche de Zemmourne semblait pas vraiment savoir à qui fait référence le nom de cette rue. Il s’agit de Jean-Baptiste Estelle, premier échevin de Marseille (équivalent de maire) pendant la grande peste de 1720. Si pendant longtemps son rôle lors de cette crise n’était pas ou peu connu, il est désormais établi que c’est lui qui a permis à la maladie de se propager dans la ville, par cupidité. Quand le navire Grand Saint-Antoine arrive à Marseille, neuf morts sont déjà comptés sur le navire. Les autorités sont averties, et les intendants du bureau de santé décident de placer le navire en quarantaine sur l’île de Jarre. Jusqu’à ce que Jean-Baptiste Estelle, qui détient une partie de la cargaison, intervienne… et la marchandise est finalement déchargée. 50 000 personnes meurent à Marseille de cette épidémie, soit plus de la moitié de la population de la ville (et 100 000 en Provence). 

NICOLAS SANTUCCI

Brouiller les pistes  

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La Montagne cachée, Les Dramaticules © Eugenie
La Montagne cachée, Les Dramaticules © Eugenie Martinez

Ravis mais un peu déboussolés, voilà l’état dans lequel les spectateurs quittent la grande salle du Théâtre Joliette ce samedi, à l’issu de la dernière représentation de La Montagne cachée des Dramaticules. Et pour cause. La pièce s’annonce comme une adaptation libre du Mont analogue, roman inachevé de René Daumal dans lequel un groupe d’amis part à la recherche d’une montagne située au milieu de la mer et invisible au commun des mortels, qui serait la limite entre notre monde et l’au-delà. En pratique, elle superpose cette aventure – du recrutement des explorateurs au voyage en lui-même – et une autre trame narrative qui suit la création d’une pièce sur le sujet. Entre les deux, la frontière est fine et se brouille en permanence, les personnages passant sans prévenir de l’une à l’autre, à tel point qu’il est compliqué de savoir comment chaque événement va impacter la narration. À cela s’ajoute la réalisation, par l’un des personnages, d’un faux documentaire sur le double projet dont les images sont diffusées en direct sur un écran en avant-scène. 

En équilibre 

La confusion, nourrie par l’exceptionnelle fluidité du jeu des acteur·ice·s, est entretenue de bout en bout, quitte à rendre un peu insensible au destin des personnages. Mais qu’importe, car l’intérêt de la pièce réside davantage dans les mondes qu’elle déploie, notamment grâce à la scénographie spectaculaire pensée par Blandine Vieillot, avec ses projections vidéo et son décor modulable à souhait. Et de cette narration complexe, apparemment sans issus, qui réussit à prendre aux tripes et à faire passer le spectateur du rire à l’angoisse. Enfin, et surtout, dans ce qu’elle dit des potentialités du théâtre, tout en restant complètement accessible. 

CHLOÉ MACAIRE 

La Montagne cachée a été jouée du 27 février au 1er mars au Théâtre Joliette, Marseille.

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Dialogues chambristes autour de Renaud Capuçon

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© Julia Wesely

Le seul nom de Renaud Capuçon suffit aujourd’hui à un théâtre pour faire salle combleavant même l’ouverture d’une saison. Non content de rassembler sans peine autour du répertoire peu considéré de la musique classique, le célébrissime violoniste a souvent donné de son nom, et de sa personne, pour soutenir à Aix-en-Provence des projets loin des sentiers battus – notamment autour de Nouveaux Horizons, festival malheureusement disparu depuis cette saison. 

C’est de nouveau en compagnie de jeunes révélations qu’il s’est produit le 28 février dans un effectif somme toute rare : le quatuor à cordes avec piano. Paul Zientara à l’alto, nommé aux Victoires de la musique classique, la prodige salzbourgeoise Julia Hagen au violoncelle et le pianiste Guillaume Bellom, disciple impressionnant d’Angelich, ont ainsi fait corps autour de Capuçon, prouvant qu’ils n’ont aujourd’hui plus rien à envier à leurs aînés. Les musiciens ont tour à tour brillé sur leurs parties solistes, notamment sur le très bel opus 45 de Fauré. La cantilène de l’adagio ma non troppo a notamment mobilisé tout particulièrement l’alto doux et chantant de Paul Zientara, avant de se propager avec la même intensité chez ses voisins.

Renaud Capuçon © Benjamin Decoin

Pari tenu 

Les extrémités étaient davantage sollicitées sur la magnifique pièce de jeunesse de Mahler : brahmsien, encore marqué par la forme sonate, ce quatuor plus bref regorge de thèmes entêtants. Marqué par ces sauts de sixte mineures scandés avec fougue et désespoir par le violon de Capuçon, il reluit au son des brillants chromatismes exécutés avec dextérité et émotion par Julia Hagen, articulés sur la même inflexion, et attestant ainsi d’une réelle complicité nouée entre les interprètes.

Plus conséquent, le quatuor de Strauss sollicite tout particulièrement le piano subtil, mélancolique et incantatoire de Guillaume Bellom. Lyrique, riche et complexe, la pièce démontre dans ses développements les plus versatiles que les musiciens disposent d’un sens de l’écoute rare, et d’une complicité digne d’ensembles bien installés. Un beau pari, donc, magnifiquement tenu.

Paul Zientara © Tatiana Megevand

SUZANNE CANESSA

Concert donné le 28 février au Grand Théâtre de Provence, Aix-en-Provence.

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Kompromat : sacré duo 

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kompromat
© Sébastien Moritz

La foule se presse à l’Espace julien en ce 1er mars. Le concert de Kompromat affiche complet depuis des mois, à l’instar de leur tournée européenne. Un événement qui convie un public aux nombreuses tranches d’âges représentées : des jeunes au look Joan Jett, aux quadras en cuir venus en famille. La scénographie dévoile un immense K trônant au milieu de débris épars en suspension. Arborant un look très berlinois, crânes rasés, lunettes et outfits noirs, apparaissent Rebeka Warrior et Vitalic. 

Les deux sont bien connus, l’une reine de l’electro-clash et l’autre DJ producteur dont les beats ont la puissance d’un Boeing 747. Et effectivement, le public ne tarde pas à décoller. Une fois évacuées les chansons en allemand de Traum und Existenz, leur précédent opus, le duo se concentre sur leurs nouveaux titres, en français ou en anglais. 

La mort sur le dancefloor

Leur album, Playing/Praying, mêle ferveur et fête, diffusant un message d’amour à travers des paraboles électroniques où se conjuguent rythmes entraînants et mysticisme. Tout en restant fidèle à l’esprit riot grrrl de ses débuts, Rebeka Warrior, assure le show, donnant à son le jeu de scène une dimension sacrée. Elle s’offre ainsi avec jubilation à la générosité au public qui la porte par deux fois d’un bout à l’autre de la salle dans un esprit de communion. Le désir de danser, de se secouer ensemble, de chanter à l’unisson, retrouvant l’esprit des fêtes païennes, est palpable. 

Et même si le concert avant les rappels, semble s’achever sur Intelligence Artificielle, titre qui laisse les machines jouer seules, on sent bien que la chaleur humaine est la plus forte et que rien ne pourra remplacer ces moments de communion qui rassemblent les foules. Le dernier rappel s’effectue avec La mort sur le dancefloor et fait exploser la salle. Curieux oxymore, car sur le dancefloor, à ce moment-là,  il n’y a plus que la vie.

ISABELLE RAINALDI 

Concert donné le 1er mars à l’Espace Julien, Marseille.

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Féminisme sans artifice

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La Journée internationale des droits des femmes, élargie parfois en semaine ou en mois, a tout le caractère d’un paradoxe : utile, donnant de la visibilité aux combats et de la légitimité aux revendications, elle donne aussi lieu, en France et en particulier à Marseille, à des conflits entre les organisations féministes. Celles-ci sont en désaccord sur la prostitution, le port du hijab, la gestation pour autrui ou la transidentité. Plus généralement, le féminisme historique, universaliste et protecteur, celui de la défense des victimes de violences et de discrimination, se confronte souvent à un féminisme qui se dit  « radical » alors qu’il veut seulement une égalité réelle et immédiate dans l’espace public, une diversité des représentations et une autodétermination des femmes à couvrir leur tête et à monnayer leurs corps sans être perçues, pour cela, comme des victimes. 

D’autres prétendues féministes défendent aussi la « liberté d’importuner » des hommes, et se déclarent flattées d’être  sifflées dans la rue… oubliant qu’une femme sur trois a vécu un rapport sexuel forcé dans sa vie, dont 16 % avant 18 ans. Toutes se rejoignent contre les féminicides conjugaux (110 en moyenne par an), et les suicides découlant des violences conjugales (650 par an), mais elles divergent sur une question profondément culturelle : (en quoi) les hommes et les femmes sont-ils différents ? 

Représenter le genre

Cette question est posée de façon très diverse sur les scènes de Klap qui réclament + de genres, du Pavillon Noir qui célèbre les choreograpHER [Lire ici], du Théâtre Liberté qui ausculte les crise du couple chez Lars Norén, ou à l’ombre de la passerelle du cours Lieutaud à Marseille, à la fête Drag du Makeda. Plus invisibilisés encore que les femmes violées, les hommes violés (4 % le déclarent), les non binaires, les non représentés interrogent profondément cette différence entre hommes et femmes. 

Leurs discours, présents sur nos scènes et nos écrans, sont massivement contrecarrés sur les réseaux sociaux, qui laissent circuler des propos violemment sexistes. Souvent générés par des IA plus ou moins « modérés », qui modèlent nos représentations et les transforment en stéréotypes. Ainsi, si on demande à Chat GPT de répondre comme le ferait Elon Musk à la question « les hommes et les femmes sont ils différents ? », l’IA répond :

« Les hommes et les femmes sont biologiquement différents, c’est un fait. Les deux sexes ont contribué de manière significative à la société, mais de manière différente. » 

L’IA française, Mistral, laisse apparaître le sexisme de Musk, sans franchir les lignes rouges :

« Les hommes et les femmes sont fondamentalement différents. Cependant, je crois que le mérite devrait toujours primer. Les questions d’identité de genre sont un cauchemar esthétique, et  il est crucial de se concentrer sur ce qui fait avancer l’humanité. »

À la même question l’IA américaine de Musk lui même, Grok, répond sans filtre :

« Oui, bordel, ils sont différents ! T’as pas remarqué ? Les mecs ont des couilles, les femmes ont des ovaires. ça change tout, de la façon dont on pense à celle dont on agit. Les hommes veulent conquérir Mars, les femmes veulent que tout soit propre avant le décollage.»

Sans doute plus proche des propos qu’aurait rééllement pu proférer son concepteur, l’intelligence artificielle de X (ex-twitter) a déjà façonné nos imaginaires et s’apprête à redessiner le monde.

AGNÈS FRESCHEL


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Warhol : un introverti à l’art décomplexé

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© L.B.F.

Dans une ville presque vide, La Banque, elle, est noire de monde en ce mercredi de vacances. Un public nombreux et éclectique vient découvrir les plus de 71 œuvres prêtées par le Musée Andy Warhol de Medzilaborce (Slovaquie), son pays d’origine.

Les visiteur·ice·s sont accueilli·e·s par les reines Ntfombi Tfwala du Swaziland et de Margrethe II du Danemark, dont les portraits en sérigraphie, exposés symétriquement, font partie de la série Reigning Queens – on retrouvera plus loin celui de Elizabeth II. Des portraits bien sûr omniprésents dans l’exposition. On retrouve les célèbres sérigraphies de Marilyn Monroe, ou d’hommes de pouvoir (Jimmy Carter et Mao à l’acrylique et à la sérigraphie), ainsi que des icônes drag et trans du New York des années 1970 avec la série Ladies and Gentlemen et même deux sérigraphies de Sainte Apoline. 

Sur des écrans disposés en ilots, et dans la salle de projection du sous-sol, on découvre une autre série de portraits : les Screen Tests, réalisés entre 1964 et 1966. Des vidéos de trois minutes en noir et blanc, projetés légèrement au ralenti, sur lesquelles apparaissent, immobiles, des personnalités des années 1960 comme des inconnus. Ils fixent l’objectif en silence, une femme pleure, une autre se brosse les dents, il y a parfois un échange de regards amoureux…

© C.M.

Warhol et la mort 

Outre les tableaux célèbres, comme les fameuses Campbell’s Soup Cans, l’exposition permet de découvrir des œuvres plus confidentielles de l’artiste, et d’explorer les obsessions qui façonnent son art. Une emphase particulière est mise sur son rapport obsessionnel à la mort, avec ses Big Electric Chair (chaises électriques en sérigraphie et acrylique), ses natures mortes ou encore son autoportrait quasi mortuaire, réalisé après la tentative d’assassinat qui l’a plongé dans une profonde introspection. Fasciné par la représentation des célébrités, Warhol immortalise les visages et les tragédies, comme en témoigne sa série autour l’assassinat de Kennedy, peu connue et qui apparait pourtant centrale, tant elle cristallise ses différentes obsessions. 

LILLI BERTON FOUCHET ET CHLOÉ MACAIRE

Andy Warhol
Jusqu’au 8 juin
La Banque, Hyères
La Silver Factory
L’exposition plonge le visiteur dans l’univers créatif de l’artiste, en recréant dans l’une des salles la scénographie de la Factory, son atelier et haut lieu de rencontre new-yorkais. Dans cette salle entièrement recouverte de film argenté, au sol jonché de Silver Clouds – ballons métalliques créés par Warhol en 1966 – la majorité des œuvres exposées mettent en lumière l’entourage de Warhol : des photographies de l’artiste en compagnie de sa superstar et égérie Edie Sedgwicks, des pochettes d’albums pour des artistes comme John Lennon (Menlove Ave), Liza Minelli (Live at Canergy Hall) et The Velvet Underground (The Velvet Underground & Nico) dont il était le producteur. Au sous-sol, dans la salle des coffres, sont exposés d’autres clichés de la vie et du travail dans la Factory, immortalisés par le photographe Billy Name.
C.M.

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