lundi 10 novembre 2025
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Que reste-t-il de nos amours ?

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Au Pavillon Noir, Ben Duke passe le mythe de Roméo et Juliette au vitriol

Et si Roméo et Juliette avaient survécu ? Si, vingt ans après, les amants de Vérone se retrouvaient englués dans les compromis, les rancunes et les petits naufrages du quotidien ? Le chorégraphe britannique Ben Duke, figure majeure de la scène contemporaine avec sa compagnie Lost Dog, s’empare du mythe shakespearien pour en faire une comédie désenchantée, drôle et cruelle à la fois, où l’amour s’essouffle dans le mouvement même de sa représentation.

Sur scène, Ben Duke et Solène Weinachter font face à un public érigé en thérapeutes de couple. Ils rejouent, non sans les modifier et les commenter amplement, leurs souvenirs d’adolescents tragiques. Ils se testent, s’interpellent, s’invectivent. Le théâtre et la danse s’entrelacent dans un dialogue efficace nerveux où la physicalité devient langage conjugal : portés qui s’effondrent, étreintes qui virent à la lutte, gestes qui traduisent la fatigue d’aimer. Tout passe par le corps — la transe, le dégoût, le désir, puis la lassitude. Mais aussi par un texte bien senti, qui sait doser humour et émotion.

L’idiot et l’emmerdeuse

La verve anglo-saxonne transparaît dans la virtuosité et la versatilité du jeu : les interprètes sont acteurs autant que danseurs, et manient la parole avec une précision comique et un sens du rythme qui rappellent la rigueur du théâtre britannique. La pièce n’échappe pas à quelques clichés : querelles domestiques, lassitude, traits genrés. Et si ce portrait certes hilarant, mais un peu attendu, faisant de la belle et poétique Juliette une emmerdeuse en puissante, et du querelleur Roméo un idiot patenté, la simplicité du dispositif et la sincérité l’emportent. Là où le Baz Luhrmann de son enfance glorifiait le clinquant et la passion adolescente, Ben Duke montre l’après-coup, le moment où la légende s’effrite et où l’on continue pourtant de jouer sa partition.

Une allusion fugace à The Graduate – l’autre histoire d’un couple désenchanté – vient sceller ce regard tendre et lucide sur l’usure des corps. Roméo et Juliette, devenus quadragénaires, n’ont plus la fougue de leurs vingt ans, mais conservent une beauté mélancolique : celle de ceux qui, ayant aimé trop fort, n’ont plus d’autre choix que d’en chérir le souvenir.

SUZANNE CANESSA

Juliet & Romeo a été joué les 15 et 16 octobre au Pavillon Noir, Aix-en-Provence.

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Un concert bien tissé

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Ce 16 octobre, le Théâtre du Jeu de Paume a accueilli Le Café Zimmermann pour un concert intitulé De Bach à Mozart

Le Café Zimmermann est un ensemble de musique baroque, en résidence dans les théâtres depuis 2011. Jeudi soir, ils sont six : Pablo Valetti (violon), Céline Frisch (clavecin), David Plantier (violon), Peter Biely (alto), Karel Valter (flûte), Ludovico Minasi (violoncelle) et Davide Nava (contrebasse). Le concert se tisse autour du mécène Gottfried van Swieten, qui a eu un rôle majeur dans la transition du baroque au style classique, notamment en introduisant de nombreuses œuvres de Bach à Mozart.

D’un Bach à l’autre

La musique débute avec la Symphonie en sol majeur du fils Bach, Carl Philip Emmanuel. Le baron van Swieten lui commandait volontiers des œuvres, appréciant sa liberté créatrice et lui en laissait champ libre. La pièce est ainsi marquée par un tempo rapide, des contrastes, de nombreuses cadences et la présence de réponses à l’unisson. Ensuite, c’est Céline Frisch au clavecin qui nous interprète le Prélude et fugue en fa dièse mineur de Bach père, et pourrait-on dire le père de tous les musiciens – Johann Sebastian. La pièce est intégrée au deuxième livre du Clavier bien tempéré et elle déploie toute sa maîtrise du contrepoint. La salle entière tend l’oreille et écoute ce petit instrument d’où sort une musique un peu rêveuse, douce et mélancolique. Le Quatuor avec flûte en ré majeur lui succède, et on y devine la même inspiration.

Hommage à un mécène

C’est à ce moment-là que Pablo Valetti nous introduit le sujet du concert : une sorte d’hommage au rôle du mécène, sans qui à l’époque les musiciens n’auraient pu se financer, un message qui sonne comme un rappel dans le climat actuel – l’importance de gratifier et honorer tous les acteurs culturels autour des concerts. Le morceau utilise une flûte traversière en bois à deux clés, et se trouve caractérisé par des articulations reconnaissables du style de Mozart, et une influence audible du morceau précédent lorsque les cordes jouent un contrepoint en pizzicati. Ensuite, en trio, les cordes interprètent l’Adagio & Fugue avant de finir avec La Symphonie n°104 dite « de Londres » de Haydn, la dernière symphonie du compositeur et un parfait exemple de classicisme, et encore une fois, incarne l’importance du baron van Swieten.

LAVINIA SCOTT
Concert donné le 16 octobre au Théâtre du Jeu de Paume, Aix-en-Provence.

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Au bout, la mer… et Kinchasa

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La nouvelle édition d’Au bout la mer, proposée par la mairie des 1er et 7e arrondissements, mettait ce 19 octobre la musique à l’honneur. Le raï de Benzine, la Sicile de Spartenza ou le bouzouki de Deli Teli [lire ci-dessous]. Un tour du monde qui est aussi passé par le Congo et sa capitale Kinshasa, dont est originaire la formation Fulu Miziki.

Sur scène ils sont cinq, au look afro-futuriste qui sent bon la street et la débrouille : jupe plissée faite de dizaine d’accréditations, chemise en cartes à puce… même direction artistique pour leurs instruments, faits de matériaux recyclés.

Et puis il y a la musique, qu’ils nomment « twerkanda », où les rythmiques afro se confrontent à la house, au disco… au punk aussi. Une danse qui a imprégné les milliers de spectateurs réunis devant la scène, au milieu d’une Canebière qui a retrouvé ses origines voyageuses.

NICOLAS SANTUCCI

Battaglia

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Nouvelle création de la compagnie Émile Saar, conçu et mis en scène par Marie Lelardoux, Battaglia (Dessous les œillets) est un spectacle qui interroge l’absence, la trace et le pouvoir évocateur du théâtre. Deux « artéologues » – un homme et une femme – entreprennent de remonter les strates de l’Histoire à travers le fragment d’une œuvre perdue, un tableau de bataille, tandis qu’un enfant en devient la mémoire vivante.
Au cœur du spectacle, la question de la transmission et de la mémoire : que reste-t-il de l’Histoire, des récits intimes, quand l’œuvre tangible a disparu ? L’écriture visuelle de Marie Lelardoux mise sur le hors-champ, sur les voix modérées, « celles qui voient et témoignent plutôt que celles qui dominent la scène ».

M.V.
24 octobre
Théâtre des Halles, Avignon

Kery James

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Figure majeure du rap français, Kery James a débuté dans le groupe Idéal J (avec DJ Mehdi) à la fin des années 1990, puis s’est imposé ensuite en solo, par un ton vif et une plume affûtée, avec des titres tels que Banlieusards, Je ne crois plus en l’illicite ou encore Lettre à la République.

Le vendredi 24 octobre, il est présent sur la scène du Théâtre des Salins pour un concert acoustique intitulé R(résistance) A(amour) P(poésie), accompagné d’une formation réduite : Pierre Caillot à la batterie et aux percussions, Nicolas Seguy aux claviers et Malcolm et Jean-Brice Ardenne aux chœurs. Un concert « sans artifice », dans un format intimiste : scénographie épurée, puissance du texte, musicalité et émotion au premier plan.

M.V.
24 octobre
Les Salins, Scène nationale de Martigues

Le Cartable Rouge

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Le Cartable Rouge est la nouvelle création jeune public (à partir de 5 ans) de la Compagnie Dune. Née d’une fascination pour la façon dont les enfants se racontent des histoires, la pièce adopte leur point de vue pour explorer les temps forts de la vie scolaire : la découverte, la différence, la rencontre avec l’autre. Deux personnages singuliers, Mathéo et Ludovic, tour à tour drôles, tendres et maladroits, apprennent à cohabiter et à se comprendre. Par leurs jeux, leurs conflits et leurs réconciliations, ils invitent le jeune spectateur, dans une pièce mêlant création sonore, théâtre d’objets, jeu clownesque et mime, à réfléchir avec eux sur le respect, l’empathie et la tolérance.

M.V.
24 octobre
Théâtre du Jeu de Paume, Aix-en-Provence

Maroc : « Moins de stades, plus d’hôpitaux ! »

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Difficile de cerner le mouvement #GenZ212, apparu fin septembre sur l’application Discord. Né dans un climat de désillusion politique, il illustre la capacité d’une génération à s’organiser hors des cadres traditionnels. Sans partis ni syndicats, plus de 200 000 jeunes Marocains y débattent et programment des mobilisations, réclamant plus de justice sociale, des services publics dignes et une redistribution équitable des richesses nationales.

Déclenché après la mort de huit femmes enceintes à Agadir, faute de soins adaptés, le mouvement a dénoncé un système sanitaire défaillant et une corruption endémique. Un slogan rassembleur s’est imposé : « Moins de stades, plus d’hôpitaux ». Ces manifestations ont révélé une génération Z, née entre 1997 et 2010 qui refuse la résignation ou l’exil, et veut construire son avenir au Maroc.

Une jeunesse sans relais politiques

Les mobilisations du 27 septembre rappellent la colère accumulée d’une jeunesse sans emploi ni espoir de mobilité sociale. Au Maroc, un quart des jeunes de 15 à 24 ans est classé dans la catégorie des NEET, Not in Education, Employment or Training, sans formation ni emploi. Chez les jeunes femmes rurales, ce taux dépasse 50%. Beaucoup se tournent vers l’émigration, mais la réalité du déclassement à l’étranger rend cet horizon de moins en moins désiré.

La génération #GenZ212 (212 est l’indicatif du Maroc) partage, avec d’autres mouvements du Sud global, népalais ou malgaches, une rupture générationnelle : le rejet du fatalisme et de la peur. Leur révolte rappelle les aspirations portées par le Hirak dans le Rif en 2016. Ces mouvements populaires étaient nés de drames sociaux emblématiques, celui de la mort du vendeur de poisson Mouhcine Fikri, broyé dans une benne à ordures, écho marocain au suicide de Mohamed Bouazizi en Tunisie, déclencheur du Printemps arabe, en 2010.

Crise de gouvernance et colère sociale

Les griefs des manifestants se concentrent aujourd’hui sur le gouvernement d’Aziz Akhannouch, suspecté de conflits d’intérêts et de prédation économique. Son nom est cité dans des affaires liées à des appels d’offres truqués et des subventions publiques détournées. Le mécontentement a également été amplifié par l’appauvrissement de la classe moyenne : chômage à 13,5%, inflation de 80% en cinq ans, et un salaire minimum plafonné autour de 330€.

Le roi Mohammed VI, affaibli par des problèmes de santé, a prononcé un discours au Parlement le 10 octobre, sans aborder directement la contestation. Il y a toutefois appelé à accélérer les réformes sociales, en insistant sur la réduction des inégalités et la lutte contre la corruption. Le mouvement, dans un geste symbolique de loyauté, a suspendu ses actions ce jour-là.

Rupture générationnelle et numérique

Les jeunes du mouvement s’appuient sur une culture numérique fluide : plateformes décentralisées, messageries sécurisées, votations en ligne. Leurs échanges mêlent créativité visuelle, ironie et autodérision. Leur revendication dépasse la politique : ils réclament un cadre de liberté économique et civique, avec accès aux plateformes de paiement international (PayPal, Stripe), des exonérations pour jeunes créateurs, et une simplification administrative.

Mais ces aspirations se heurtent à un État obsédé par le contrôle, où la surveillance numérique se fait plus intrusive. L’usage central de Discord leur permet toutefois de contourner les hiérarchies, de mutualiser les expériences et de créer une forme d’organisation horizontale inédite au Maroc.

Solidarité diasporique

Beaucoup de Marocains résidant à l’étranger soutiennent activement le mouvement #GenZ212, relayant ses appels et renforçant sa visibilité. Partagés entre espoir et inquiétude, la situation de leur pays d’origine leur tient à cœur, ayant constaté l’ampleur de l’inflation, à leur retour estival. Acteurs clés de la stabilité économique, grâce à leurs transferts financiers, ils incarnent un patriotisme critique, exigeant justice et réformes sociales pour la jeunesse marocaine.

Car derrière la colère apparaît une exigence ferme, celle d’un nouveau contrat social.Pour des analystes comme Rachid Achachi, docteur en économie, la sortie de crise passe par un capitalisme d’État réformé, conjugué à une ouverture politique plus radicale. Il plaide en faveur de mesures pour l’entrepreneuriat des jeunes et de l’innovation, dans une perspective à long terme.

Entre colère silencieuse et créativité collective, #GenZ212 incarne le refus d’un Maroc à deux vitesses. Ni révolutionnaire, ni loyaliste, cette génération souhaite un pays à son image : connecté, équitable et libre.

La question désormais est de savoir si le pouvoir prendra en considération les attentes de la jeunesse.

Le mouvement continue
À Rabat ce 18 octobre, quelques dizaines de manifestants se sont rassemblés pour demander la libération des personnes arrêtes pendant le mouvement GenZ212. Les manifestants ont brandi des drapeaux pirates issus du manga One Piece – symbole de la GenZ à travers le monde – et ont scandé « Détenus, restez sereins, nous poursuivons la lutte », rapporte l’Agence France Presse.

SAMIA CHABANI

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Concert Solidaire : la musique sauve des vies

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Alonzo @ X-DR

En Méditerranée et dans la Manche, une catastrophe humanitaire se joue, sans discontinuer depuis plus de 10 ans. Des personnes qui souhaitent un avenir meilleur prennent la mer, dans des conditions extrèmes et souvent contraintes, et sans le secours des États qu’ils espèrent atteindre.

Face aux drames, des associations – comme SOS Méditerranée, Sea Watch, Open Arms ou Sea Eye – se sont constituées pour venir en aide aux naufragés. C’est en faveur de cette action que le nouveau Concert solidaire pour sauver des vies en mer – toujours porté par la Fédération des mutuelles de France, et avec le soutien de la Ville de Marseille – se tient ce 25 octobre au dôme de Marseille, avec pour objectif de collecter 150 000 euros.

Du rap toujours

Comme depuis trois ans, c’est majoritairement la scène rap, emmenée par Zamdane [lire ci-dessous], qui se mobilise pour remplir le Dôme de Marseille et ses 8 500 places. Principale tête d’affiche, le Marseillais Alonzo, capable de remplir à lui tout seul un ou plusieurs Dôme, sera présent avec ses tubes Petit génie, ou Hasta la vista. Un autre rappeur de légende est présent avec Rim’K, une des trois têtes du groupe 113, auteur du mythique Tonton du bled.

Des nouvelles têtes seront aussi sur la scène du Dôme. Il y aura notamment la chanteuse brésilienne installée en France Bianca Costa, et sa musique qui navigue entre le trap, la bossa et le baile funk. Danyl, le jeune rappeur franco-algérien, qui mêle à son rap des influences raï, ou encore Youssef Swatt’s, talent belge engagé, qui avait appareillé plus tôt cette année dans une flottille pour Gaza.

NICOLAS SANTUCCI

Concert solidaire pour sauver des vies en mer 
25 octobre
Dôme, Marseille
Un concert sans SOS Méditerranée 

L’ONG a annoncé se désengager de concert en raison d’une « controverse concernant un artiste de la programmation »

« Pour des raisons indépendantes de notre volonté, nous sommes au regret d'annoncer notre retrait du concert solidaire pour sauver des vies en mer prévu le 25 octobre 2025 à Marseille. » C’est par ce communiqué que SOS Méditerranée a annoncé se retirer du concert solidaire le 14 octobre dernier. La raison, « une controverse concernant un artiste de la programmation » expliquait quelques heures plus tard l’ONG.

Difficile de ne pas faire le lien avec Zamdane, compagnon de route de SOS Méditerranée, et récemment accusé de violences sexuelles et sexistes. Des faits rapportés par le collectif féministe Nous toutes à l’occasion de la Fête de l’Humanité, où il se produisait. Le collectif assure que le rappeur a « fait pression pour faire taire des victimes, qui craignent ses représailles. » Et qu’au cours de ses concerts, « des femmes témoignent de violences sexuelles. »

Quelques jours plus tard, le rappeur s’était défendu sur scène : « on a collé sur mon front une étiquette révoltante et fausse », tout en s’excusant d’avoir publié il y a 8 ans deux tweets comportant « des propos inacceptables » qu’il « regrette amèrement ».

Devant la « controverse », l’ONG a préféré se retirer « en cohérence avec les valeurs et la mission de [l’]association », tout en assurant que 100% des fonds collectés iraient à une autre association de sauvetage en mer. Association dont le nom n’a pas encore été révélé.

Rappeur marocain installé à Marseille, Zamdane assurait la programmation des concerts solidaires depuis 2023.

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Pas d’avenir sans assos

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Le tissu associatif français, indispensable au quotidien de tous et toutes, est gravement mis en danger par le Projet de Loi de Finances 2026. D’autant qu’il s’inscrit après une longue série de restrictions, et au cœur d’une situation internationale de désengagement humanitaire

Sidaction a changé son logo pour un Sidération explicite. Le 11 octobre le secteur associatif, regroupé à l’initiative du Mouvement Associatifétait dans la rue, pour exprimer cet état de stupeur qui s’est emparé des assos face aux prévisions concrètes du Projet de Loi de Finances 2026. Car pour ce qui est de l’aide au développement, celui-ci s’inscrit dans un contexte international où la France s’honorerait à contrebalancer les choix états-uniens, mais où elle choisit au contraire d’emboîter son pas imbécile [voir encadré].

Un tissu indispensable…

Le Mouvement Associatif, qui regroupe et coordonne la vie associative, rappelait lors de la manifestation quelques chiffres qui parlent d’eux mêmes : les associations à but non lucratif regroupent en France 90 % des clubs sportifs, 80 % des établissements culturels et festivals, 90 % des établissements d’accueil des enfants handicapés, 50 % des centres aérés et accueils collectifs de loisir, 40 % des crèches, 30 % des EPHAD, 10 % des hôpitaux… Que serait notre société sans leur secours multiforme ?

À but non lucratif mais acteur essentiel de l’économie, le secteur associatif emploie près de 2 millions de salariés et plus de 20 millions de bénévoles. Il remplit des missions d’intérêt général, d’utilité sociale et pallie très souvent les carences des services publics en matière de sport, de culture, de santé, d’accueil des personnes dépendantes et des enfants. Et coûte beaucoup moins cher : les personnels y sont moins bien payés… quand ils ne sont pas bénévoles.

Pourtant, malgré l’évidence du caractère indispensable d’un secteur qui coûte bien moins qu’il ne rapporte, c’est encore et toujours sur lui que pèsent les restrictions budgétaires : il reste dans l’angle mort du système capitaliste puisque structurellement non lucratif, donc par essence incapable de fournir des dividendes et d’entrer au CAC 40. Invisible, sans poids capitalistique, personne ne réagit à son massacre.

… qui craque de toute part…

« Ça ne tient plus ! ». Le mot d’ordre du Mouvement Associatif le 11 octobre alerte avec des chiffres très concrets : les liquidations d’associations françaises se multiplient (489 liquidations en 2024, 856 en redressement judiciaire), 50 % d’entre elles ont subi des baisses de subventions, plus de 70 % des baisses de dons de particuliers et de mécénat, 1 association sur 10 a procédé à des licenciements économiques dans l’année, 90 000 emplois sont directement menacés, 1/3 des associations a moins de 3 mois de trésorerie, et 40 % d’entre elles ont renoncé à des activités pour tenir.

Ce bilan est le résultat d’une lente érosion suivie d’un coup de frein inédit : la fin des aides à l’emploi a déjà fortement impacté le secteur associatif, et le désengagement de l’État prévu en 2026 peut provoquer une ultime secousse dans un secteur extrêmement fragilisé : le PLF 2026 agit très directement sur les associations nationales en rabotant de 17,6 % l’aide aux associations sportives, de 5,4 % l’aide aux associations culturelles, de 54 % les aides à l’Économie sociale et solidaire (ESS). Benoît Hamon, Président d’ESS France, parle très clairement d’« enterrement de première classe de la stratégie nationale de développement de l’ESS demandée par l’Europe à la France », alertant sur des « conséquences démocratiques et sociales vertigineuses ».

…et atteint tout le pays

Mais les conséquences les plus graves seront sans doute celles qui contraignent les collectivités publiques à des économies qu’elles ne peuvent tenir qu’en les répercutant sur les subventions : demander aux Départements, en charge de l’aide sociale, aux Villes, en charge de la petite enfance, aux Régions, en charge de la jeunesse et de l’ESS, de restreindre leurs budgets, les contraint à opérer à des coupes conséquentes dans des politiques publiques essentielles qu’elles ont confiées aux assos, faisant ainsi de substantielles économies dans les dépenses publiques territoriales.

Contrairement à l’État, les Collectivités ne peuvent proposer de budgets déficitaires, et chaque économie se compense par une coupe dans une politique de soutien. Et les collectivités ont aussi des compétences partagées en matière de culture et de sport, de lutte contre les préjugés, contre la pauvreté, d’aide alimentaire, de l’accueil des victimes de violences, de la facilitation de la vie des handicapés et de leurs aidant·e·s, mais aussi des associations de commerçants, d’artisans, de soignants, d’aides aux devoirs, d’accueil de jour…

Autant d’activité non lucratives, mais dont la fin coûtera très cher, humainement et économiquement. Et qui condamnent l’avenir bien plus sûrement qu’une dette publique ou qu’un fantasme de fuites des capitaux.

Epidémie d’imbécillité
Le retrait de l’administration Trump de l’aide internationale au développement met le monde en danger avec un cynisme qui n’a d’égale que la bêtise intense de décisionnaires abrutis par la haine : arrêter les campagnes de vaccination, ou abandonner les porteurs du VIH africains et asiatiques à l’absence de traitements condamne des millions d’hommes, de femmes et d’enfants. 14 millions d’humains, dont un tiers d’enfants d’ici 2030 d’après les prévisions de l’OMS.

La France, au lieu de chercher à compenser ce désengagement, emboîte le pas du chef d’État hors de contrôle et à une Europe soumise : le Projet de loi de finances (PLF) 2026 prévoit une baisse de 19 % par rapport à 2025, ce qui porte la baisse cumulée de l’aide pour le développement entre 2024 et 2026 à plus de 2,2 milliards d’euros.

Un coup très dur pour les ONG mais surtout pour les peuples à l’heure où les guerres s’installent, les catastrophes climatiques s’enchaînent, des épidémies nouvelles menacent et où un génocide reconnu est en cours. Et puisque les maladies transmissibles ne s’arrêtent pas aux frontières et que les humains ont naturellement tendance à fuir la misère et la mort, les pays européens seront touchés par ces épidémies qui s’annoncent, ces rescapés qui émigrent.

Le monde est global, il est temps que les capitalistes prennent conscience que les virus circulent aussi bien que l’argent, et que les frontières sont bien plus artificielles que l’instinct de survie.
Agnès Freschel

Pour plus de précisions lemouvementassociatif.org
Visuel du Mouvement associatif appelant à la mobilisation © X-DR

Vers la liberté

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La Petite dernière d'Hafsia Herzi © June films Katuh studio Arte France mk2films

« Je m’appelle Fatima. Je porte le nom d’un personnage symbolique en Islam. Je porte un nom auquel il faut rendre honneur. Un nom qu’il ne faut pas “salir” comme on dit chez moi. Chez moi, salir c’est déshonorer. » C’est ainsi que commence le roman de Fatima Daas, La petite dernière, que vient d’adapter Hafsia Herzi [Lire notre entretien ici], son troisième long métrage après Tu mérites un amour et Bonne mère.

Une jeune fille qui fait ses ablutions et sa prière matinale est la séquence initiale du film de cette cinéaste qui, on le sait, filme avec talent les scènes du quotidien. Une journée de printemps comme les autres dans un appartement de banlieue ; une mère et ses trois filles dont Fatima, la petite dernière, autour de la table du petit déjeuner et le père sur un canapé à qui on apporte son café. 

Fatima, qui aime la littérature, est le plus souvent en jogging car elle pratique le foot, mais on lui conseille d’être plus  « féminine ». Elle réussit son bac – fierté de sa mère – mais qui,étouffant ce qu’elle est, souffre de crises d’asthme. Elle réussit à rompre avec le garçon qui veut l’épouser,  puis s’inscrit sur un site de rencontres de filles, sous de faux noms et commence à fréquenter des bars de nuit, des lieux lesbiens.

Un jour, elle tombe amoureuse d’une infirmière rencontrée à « l’école de l’asthme », Ji-Na (Ji-Min Park). Tout n’est pas simple et d’un printemps à l’autre, on va suivre cette fille qui découvre l’amour, son corps. On partage sa vie : les cours de philosophie, ses nouveaux amis étudiants, ses découvertes, ses questionnements, ses doutes, ses chagrins.

Musique des corps

La caméra de Jérémy Attard ne la lâche pas ; elle est de tous les plans dans les repas familiaux, les fêtes étudiantes, les soirées lesbiennes embrasées, la manif des fiertés. Fatima c’est Nadia Melliti, éblouissante dans son premier rôle au cinéma, qui lui a valu le Prix d’interprétation féminine au dernier Festival de Cannes. Souvent filmée en gros plan, elle a su rendre perceptibles tous les sentiments contradictoires qui l’agitent, toutes les émotions qui l’assaillent. La musique d’Amine Bouhafa, discrète, relaie la musique des corps filmés avec beaucoup de sensualité et de pudeur. 

Tantôt drôle comme la séquence où elle reçoit un cours de « spécialités lesbiennes » ou émouvant comme celle avec sa mère au moment de son anniversaire, La petite dernière est un film attachant. Hafsia Herzi a su traiter avec sensibilité un sujet délicat et essentiel ; comment une femme lesbienne, arabe et musulmane peut trouver sa liberté et son épanouissement,comment sortir de la « servitude volontaire. »

ANNIE GAVA

La petite dernière, de Hafsia Herzi
En salles le 22 octobre

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