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Parce qu’on est toujours au sud de quelqu’un…

En prologue de leur 6e édition, Les Suds, en hiver invitent les Ukrainiens de DakhaBrakha. Un choix artistique et symbolique fort qui en introduit d’autres

Le frère cadet et hivernal du festival arlésien de musiques du monde est un bel exemple de ce qu’un opérateur culturel peut impulser et inventer en termes de partenariat et de projet de territoire. La belle aventure des Suds, en hiver affiche sa sixième édition. L’occasion de rayonner d’Arles à Châteaurenard, de Fontvieille à Saint-Martin-de-Crau, à la découverte de propositions culturelles et artistiques subtiles, intimes et fortes à la fois. Si le rythme festivalier bat son plein entre les 8 et 12 février, l’événement s’ouvre quatre semaines plus tôt avec une soirée hautement symbolique. La « tournée pour la paix » du groupe ukrainien DakhaBrakha fait escale au Cargo de nuit (12 janvier), huit ans après leur concert d’anthologie au Théâtre antique, en première partie de Calexico. Déjà dans le cadre des Suds et aussi dans un contexte de tension à Kiev.

Mais la révolution de 2014 n’est pas une guerre et les événements d’alors n’aboutiront pas à la même décision de la part des membres de DakhaBrakha. Car après l’offensive russe en février dernier, Olena Tsybulska, Iryna Kovalenko, Nina Garenetska et Marko Halanevych font le choix de quitter leur pays. Et ce dernier d’expliquer : « On a décidé de partir d’Ukraine, parce qu’on a compris qu’en tant que musiciens, on serait beaucoup plus efficaces à l’étranger pour témoigner, pour nous adresser à différents publics, et porter la parole de la culture ukrainienne. En ce moment précis, nous avons besoin de solidarité, […] et cette rencontre avec l’art est très importante. C’est pour cela que nous partons en tournée en France et dans le monde : pour chanter ce que nous ressentons dans le cœur. » Sur scène, le quartet s’inspire de chants traditionnels de leur pays qu’il accompagne d’un instrumentarium cosmopolite. Dans leurs habits folkloriques, ils offrent une performance esthétiquement influencée par les formes contemporaines du théâtre, nous guidant de leurs voix puissantes vers la transe.

Un espace de virtuosité

C’est un autre moment de caractère et de conscience que constitue la rencontre artistique entre les musicien·nes Shadi Fathi et Zé Luis Nascimiento (11 février, Museon Arlaten). Tel un pacte poétique pour la liberté et la dignité entre la soliste kurde franco-iranienne témoin du soulèvement inédit en cours dans sa terre natale et le percussionniste brésilien dont le pays d’origine vient de faire le choix de la démocratie face à l’extrême droite. Dans un dialogue nourri à la confluence du répertoire classique persan et de compositions contemporaines iraniennes et kurdes, ces deux ami·es du festival font émerger un espace de virtuosité, où les cordes du setâr et du shouranguiz et les peaux du daf et du zarb donnent de l’écho aux poèmes de Mowlânâ Rûmi ou Roberto Juarroz. L’Amérique latine, région du monde où la question de l’émancipation est particulièrement prégnante dans l’expression des artistes, est encore à l’honneur à travers deux femmes engagées à leur manière dans ce souffle des peuples.

Pour célébrer les dix ans de l’album propulseur Viene de Mí, La Yegros (10 février, La Rotonde, Châteaurenard), Argentine installée à Montpellier, réaffirme qu’elle règne sur la nu-cumbia, cocktail irrésistible de rythmes andins et de sonorités mondiales actuelles. Il n’est pas si fréquent de profiter de Dom La Nena seule sur scène (12 février, Chapelle du Méjan). La chanteuse-compositrice-violoncelliste brésilienne de Paris s’échappe de son éblouissant duo avec Rosemary Standley (Birds on a Wire) pour dévoiler son univers sensible, entre bossa, pop et musique de chambre. Changement d’ambiance, de continent mais pas forcément de langue avec Throes + The Shine (11 février, Cargo de nuit). Le trio luso-angolais consacre la rencontre improbable entre le rock noisy et le kudoro. Un rendez-vous immanquable pour se défouler dans un mesclun sonore saturé, assaisonné au zouk, hip-hop et électro. La soirée se poursuit avec l’indomptable et explosif Batida en format DJ set. À en oublier l’hiver.
LUDOVIC TOMAS

Les Suds, en hiver
12 janvier puis du 8 au 12 février
Divers lieux
Arles, Fontvieille, Saint-Martin-de-Crau, Châteaurenard
04 90 96 06 27 suds-arles.com
Musiques au cinéma
Les Suds, en hiver se déploient aussi sur grand écran, avec deux projections de film documentaire suivies d’un échange avec leurs réalisateur·trices. Le premier, Transe, d’Emilio Belmonte (8 février, 21h, Éden Cinéma, Fontvieille), suit le musicien Jorge Pardo, père fondateur de la fusion flamenco-jazz aux côté de Paco de Lucia, pendant la genèse d’un spectacle ayant pour ambition de réunir plusieurs artistes parmi les plus grands du flamenco actuel. Transe (2020) est le deuxième volet de la trilogie que consacre le réalisateur au nouvel âge d’or du flamenco, initiée par Impulso (2017), sur la danseuse phénomène Rocío Molina. Autre invitée, Jacqueline Caux présente Les Bad Girls des musiques arabes du VIIIe siècle à nos jours (11 février, 16 h, Cinémas Le Méjan, Arles). Des grandes figures d’Oum Kalthoum ou Cheikha Remitti, à Soska, jeune rappeuse égyptienne vedette sur internet, le film se penche sur les musiciennes arabes qui, au fil des siècles, ont défié avec courage le patriarcat pour imposer le respect de leur condition féminine autant que leur talent.
L.T.
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