Des festivals et des événements culturels reportés voire annulés en raison de la tenue du grand raout olympique à l’été 2024 ? Il est peu probable que Gérald Darmanin mette ses menaces à exécution. Pour une fois, aurait-on envie d’ajouter. Mais la petite phrase du ministre de l’Intérieur prononcée à l’occasion de son audition au Sénat sur la sécurité des Jeux olympiques de Paris est révélatrice. D’abord de son ignorance du terrain, du savoir-faire des opérateurs culturels en termes de gestion de foule et de leur prise au sérieux de la question de la sécurité des publics. La plupart du temps, ce ne sont pas les forces de l’ordre qui veillent à la protection des spectateurs·trices lors de ces manifestations mais des prestataires professionnels pris en charge par les organisateurs. De plus, établir une hiérarchie entre les besoins sécuritaires d’un événement médiatique à dimension internationale et ceux de rendez-vous attendus chaque été par plusieurs millions de personnes est une mise en concurrence imbécile entre le sport et la culture. C’est encore une fois méconnaître l’apport précieux d’un écosystème – pourtant fragile – au dynamisme économique, au lien social et à l’attractivité de territoires dont le rayonnement repose souvent sur ces festivals. Le plus étonnant est que les risques d’une collusion logistique entre les festivals et les Jeux olympiques ont été soulevés avec insistance par les opérateurs culturels eux-mêmes lors de la réunion de bilan des festivals qui s’est tenu le 3 octobre au ministère de la Culture, en présence de Rima Abdul-Malak. Les difficultés réelles – liées notamment à la suppression de milliers de postes dans la police et la gendarmerie par Nicolas Sarkozy, ancien mentor de Darmanin – appellent des solutions concertées. Pas une énième sortie atterrante d’un ministre dont le maintien au gouvernement reste tout aussi atterrant… Plus sournoisement, ses propos confirment le verdict gouvernemental prononcé pendant la pandémie de Covid-19 à l’encontre de la culture : non essentielle ! « Les JO à Paris, c’est une fois par siècle, chacun doit faire des efforts », a argué le locataire de la place Beauvau. Il est vrai que la culture, les artistes, la jeunesse peuvent bien encore se sacrifier pour Airbnb, Carrefour ou Coca-Cola, partenaires émérites de ce qui reste de l’olympisme.
LUDOVIC TOMAS