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Question de danse met le Klap sur la découverte 

Partager des projets chorégraphiques en cours de création et détecter des nouveaux talents. C’est l’idée de ce projet né en 2006 et toujours porté par Klap, à Marseille

Dès son origine, Klap – Maison pour la danse affirme sa particularité dans le monde des salles de spectacle, justement parce qu’il n’est surtout pas que cela. Certes, le lieu accueille une programmation dense d’une superbe qualité mais il suit aussi avec une attention bienveillante et rigoureuse divers projets de création. Usine à rêves, Klap articule ses missions sur quatre axes : l’action éducative (FestivAnges), la culture chorégraphique (+ de danse à Marseille), des ateliers participatifs liés au quartier Saint-Mauront – tristement étiqueté le plus pauvre d’Europe – dans lequel la structure est implantée et leurs restitutions, enfin et premier temps de l’année, l’ouverture et la découverte d’œuvres en train de se faire, grâce à Question de danse

Un véritable engagement
Michel Kelemenis, danseur, chorégraphe et directeur artistique du lieu, voit dans Question de danse, opération fondée en 2006, une manière de soutenir en tant qu’auteur les autres créateurs et créatrices, faisant de la Maison pour la danse marseillaise un creuset vivant, une ruche où se rencontrent les artistes, où les expériences se partagent, se peaufinent, se réfléchissent, se vivent, passionnément. Les chorégraphies en devenir sont accueillies à différents stades de maturation, de l’esquisse qui cherche à prendre forme au spectacle quasiment achevé pour lequel restent à régler les derniers ajustements de lumières et de matières sonores. Le directeur met à chaque fois en jeu sa propre vision artistique, son intuition qui a déterminé le choix des chorégraphes. Il s’agit d’un réel pari de la découverte, du repérage de nouveaux talents, associé à un travail de fond nourri par la confrontation aux publics et le partage des paroles professionnelles et amateures. La qualité de ces propositions a consacré en « label » Question de danse. La fragilité de la création qui ose éclore est doublée de l’intégrité et de la sincérité des démarches. Les artistes ici, loin de toute compromission, se mettent en jeu. 

Un festival à huit temps
Huit projets sont ainsi mis en lumière. Ont déjà été présentés Ayta de Youness Aboulakoul, « laboratoire pour six danseuses », Daniel et Zobaïr de Cédric Cherdel, performance pour deux interprètes et Rapides de Bruno Benne. Souvent les projets vont par deux, présentés le même jour, regards aux points de vue différents sur une même thématique ou pas, mais toujours dans une relation au monde particulière, qui nous installe dans notre contemporanéité et la confronte à l’aune du temps et de l’évolution.

Hélène Iratchet se sert des rôles endossés par les danseurs comme autant de métaphores. Avec Les Délivrés, elle met en scène des livreurs, incarnations du consumérisme. La relation entre les corps et les objets se tisse dans les décalages, les contretemps, s’inspire des chorégraphies de William Forsythe et plonge dans une réalité sociale marquée au sceau de l’absurde avec le superbe trio composé d’Hélène Iratchet, Tamar Shelef et Julien Ferranti. « En regard » de cette pièce, Matt et moi de Carole Bordes joue sur les mots de la culture jazzique en une vivifiante jubilation. Le duo des danseurs, Carole Bordes et Samuel Ber, est comme accompagné par le chorégraphe américain Matt Mattox, père du modern jazz. Le travail en épure à partir des archives lie autofiction et histoire de la danse. 

Promesse, chorégraphie pour cinq danseurs par la Compagnie HKC, met en évidence la dichotomie entre la supposée revendication de l’égalité des genres actuelle et la réalité des constantes d’invisibilisation et d’hypersexualisation des femmes. Ce déni criant est souligné avec un humour ravageur par l’autrice Anne Rehbinder, le metteur en scène Antoine Colnot et la chorégraphe Tânia Carvalho qui détournent les codes de représentation artistique faisant traditionnellement de la femme un objet. Cette interrogation sur l’identité et ses transcriptions se retrouve dans le « projet relié », Carcass de Marco Da Silva Ferreira, en première française, qui utilise le support de la danse pour mener une recherche approfondie sur la construction d’une identité collective symbolisée par une troupe d’une dizaine de danseurs à la dynamique joyeuse et espiègle. 

Pas de leçon de morale ni de cours magistral pour Happy, duo de Corinne Pontana et François Bouteau, leur pas de deux se situe au cœur des tourments de la planète, évoque le dérèglement climatique, les revendications sociales, allie drôlerie, angoisse, goût de l’étrange avec une fine intelligence. Autre duo, Dog eat dog, I loved to hate you d’Alexis Jestin s’immisce dans l’univers des passions, onirique et fusionnel dans sa gestuelle inspirée de la pratique du Ju-Jitsu brésilien (cette pièce est associée à la précédente, mais comme Carcass, ne fait pas partie de Question de danse). 

Hommage aux danseur·euses
En point d’orgue de ce premier festival de la saison, Michel Kelemenis chorégraphie le Magnificat de Jean-Sébastien Bach qui semble répondre aux deux années particulières de la crise sanitaire. La rencontre entre l’orchestration monumentale et une chorégraphie chorale mêle l’instrumentarium musical aux corps des danseurs, vecteurs d’émotions. La joie du geste et celle de l’écoute se fondent en un même élan. « Un (de mes jeunes) printemps, écoutant Bach, les fenêtres s’ouvrent sur l’extérieur invitant l’air encore frais et le chant des oiseaux à entrer ; plus que le sentiment d’un beau jour, celui d’une belle vie à son début », précise le chorégraphe en avant-propos de sa création, Magnifiques, (« parce que mes danseurs sont magnifiques ») sous-titrée « Une éphémère éternité », véritable hymne à la vie et à ses éternels recommencements. 

MARYVONNE COLOMBANI

Question de danse

28 octobre 
Les délivrés, Hélène Iratchet
Matt et moi, Carole Bordes

8 novembre
Promesse, Compagnie HKC

19 novembre
Happy, Corinne Pontana et François Bouteau

9 décembre
Magnifiques, Michel Kelemenis

Klap, Marseille
04 96 11 11 20 
kelemenis.fr
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