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Quinson : des villages, fantômes du passé 

La nouvelle exposition du musée de Préhistoire des gorges du Verdon s’attache à dévoiler l’invisible. Les sites lacustres jurassiens dissimulent sous leurs eaux les restes des occupations néolithiques, témoins d’une conservation exceptionnelle

L’inscription sur la liste du patrimoine mondial par l’Unesco des lacs de Chalain et Clairvaux-les-Lacs (Jura) en tant que sites palafittiques préhistoriques était une grande avancée. Depuis 2011, elle permet la préservation de sites qui regorgent d’informations précieuses sur la vie des populations du néolithique (5 300 – 2 300 av. J.-C.). 

Rester invisibles pour être préservés

« Ils ont autant de valeur archéologique que les pyramides d’Égypte, les vestiges des occupations palafittiques ! Certes, on a déjà fouillé de nombreux lieux, mais une grande partie est encore à observer. On le fait au rythme de nos moyens. Les conserver dans leur milieu naturel est la meilleure garantie de leur préservation », explique l’archéologue Sylvie Jurietti. Nouvelle directrice du musée, elle est aussi en compagnie d’Annick Greffier-Richard, la commissaire de l’exposition itinérante Néolithique. Les villages de Chalain & Clairvaux, patrimoine de l’humanité, visible à Quinson jusqu’au 10 décembre.

Responsable, lors de son affectation précédente, des collections d’archéologie au musée de Lons-le-Saunier, elle a beaucoup travaillé sur les fouilles menées par Anne-Marie et Pierre Pétrequin. Le milieu gorgé d’eau a permis la conservation exceptionnelle des matières organiques. Ces dernières sont traitées à l’ARC-Nucléart CEA de Grenoble (comme le célèbre chaland du musée de l’Arles antique) puis présentés dans des vitrines dont la température et l’hygrométrie sont contrôlées en permanence. La fragilité des éléments en bois, fibres végétales, cuirs, ne leur autorise pas de traverser les siècles, sauf lors de circonstances environnementales particulières, telles celles offertes par les sites palafittiques. L’exposition se conclut par un focus sur la conservation des sites et la présentation des collections. 

Vue de l’exposition Néolithique. Les villages de Chalain & Clairvaux,patrimoine de l’humanité © JM D’Agruma

Une vision précise de la vie quotidienne

Grâce aux précieux témoignages apportés par les milliers d’objets découverts, se reconstitue la vie quotidienne des êtres du néolithique. Celle des habitants des cités lacustres du Jura est, à quelques variations près, la même que ceux de Provence : savoir faire du feu sans allumettes, chasser à l’arc (un magnifique exemplaire en bois d’if est exposé), façonner des faisselles (avec un pot à trous, tout à fait semblable à ceux que nous trouvons aujourd’hui en plastique !). On monte aussi des cloisons en clayonnage, on fabrique des cordes en fibres végétales, on utilise des meules pour moudre la farine (des épis carbonisés entre 3 200 – 3 100 av. J.-C. témoignent des espèces cultivées) ou un « batteur » pour brasser des bouillies de céréales… 

Les outils de l’agriculture sont là, dans cette époque charnière entre le mode de vie des chasseurs-collecteurs du paléolithique et celui de l’anthropocène (qui selon Jean-Paul Demoule, archéologue et préhistorien, débute avec la révolution néolithique et l’apparition de l’agriculture qui commence à modeler les paysages) : hache pour défricher, ancêtre de l’araire, joug de cornes… La vie quotidienne est déclinée en cinq grandes sections : « prélever dans la nature », « culture et élevage », « construire une maison », « dans la maison », « innovations et importations contrôlées par les élites ». Émouvants les bols de bois, la pelote de fil en lin, les torches en écorce de bouleau, qui laissent imaginer les gestes transcrits en amples panneaux dessinés par Pierre-Yves Videlier, donnant à voir les potières au travail. Ou un travois (dont le fac-similé est présenté) qui montre l’utilisation précoce de la traction animale. Attelé à deux petites vaches vosgiennes, celui-ci pouvait transporter entre cent et deux cents kilos. Les échanges entre populations supposent de longues distances. On retrouve dans le Jura des pierres de Forcalquier, ou des coquillages de l’Atlantique ! Passionnant et éclairant.

MARYVONNE COLOMBANI

Néolithique. Les villages de Chalain & Clairvaux, patrimoine de l’humanité
Jusqu’au 10 décembre
Musée de Préhistoire des gorges du Verdon, Quinson
04 92 74 09 59
museeprehistoire.com
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