vendredi 26 avril 2024
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RENCONTRES D’AVERROÈS : « Périsse la réalité, pourvu que les principes survivent »

L’historien Gabriel Martinez-Gros revient sur son dernier livre controversé La traîne des empires. Impuissance et religions. Sa thèse prospective, envisageant l’apparition d'une religion aux dogmes progressistes, témoigne de son appartenance à un universalisme conservateur

Zébuline. Étant donné le thème de cette 30e édition des Rencontres d’Averroès, et de la thèse développée dans votre dernier livre, peut-on dire que « tout empire périra, mais continuera sous forme de religion » ?

Gabriel Martinez-Gros. Voilà c’est bien ça ! L’empire de dieu est la conséquence de l’empire des hommes et c’est là que les choses deviennent complexes. Dans le sens où les valeurs sont les mêmes. Les deux grandes valeurs de l’empire sont la paix – à laquelle nous avons donné depuis 2000 ans une connotation religieuse, mais qui a une origine impériale avec la pax romana – et l’universalisme. Avant que les religions ne s’adressent à tous sans distinction, les empires font de même. 

Comment est-ce que vous interprétez le lien entre la Méditerranée et les empires?

La Méditerranée est très intéressante. Car il y a dans l’histoire, depuis 2000 ans, fondamentalement deux empires. Il y a l’empire de l’est qui est la Chine, de façon constante. Puis il y a l’empire de l’ouest qui est en revanche beaucoup plus incertain dans ses limites géographiques. La grande nouveauté qu’introduit l’empire romain c’est de déplacer le centre de l’empire achéménide, en lui ajoutant la Méditerranée occidentale. C’est l’Empire romain qui fait la Méditerranée. 

Vous parlez dans votre dernier livre d’une « nouvelle émergence religieuse », à quoi s’apparente-t-elle ? Pourriez-vous donner un autre exemple que celui de l’antiracisme ?

C’est ce qu’on appelle le wokisme, c’est-à-dire l’entrée dans le royaume de l’anathème en contrepartie de l’impuissance réelle. Le système de valeurs se sépare alors de la réalité de l’action. Les actes ne comptent plus, seuls les mots ont de l’importance. La religion pendant 2000 ans n’a presque jamais évité la moindre guerre, et ce n’était pas l’important. Les guerres peuvent avoir lieu mais l’essentiel c’est que les ONG aient le droit de les condamner et d’appeler à la paix. Que cette paix soit impossible, ça n’a aucune importance ! Périsse la réalité pourvu que les principes survivent. Si je parle de l’antiracisme c’est parce que c’en est un exemple central. Devant l’échec politique de l’antiracisme, celui-ci a changé de nature. On est passé d’un programme politique pour combattre le racisme à un problème éternel. Cela devient donc par définition un problème religieux, que le gouvernement des hommes ne peut pas résoudre, pas plus que le christianisme ne peut résoudre le mal. Dès lors que vous avez accepté cela, vous êtes beaucoup mieux car vous avez accepté qu’on ne peut rien faire ! C’est la solution que l’Occident a adopté pendant quinze siècles. Il a adopté le christianisme en se disant que les choses essentielles n’étaient pas dans l’ordre du monde tel que l’imposait l’empire, mais dans le salut individuel. Il est évident que nous allons vers les mêmes échelles de valeurs, le salut de l’individu sera le plus important. La cité sera très largement abandonnée aux violents. 

ENTRETIEN RÉALISÉ PAR RENAUD GUISSANI


AU PROGRAMME
À l’occasion de la première table ronde animée par Jean Christophe Ploquin, intitulée « Empires de Dieu contre empires des hommes », Claire Sotinel, Arietta Papaconstantinou, Annliese Nef et Gabriel Martinez-Gros, débattront de la Méditerranée au prisme de son histoire longue. 
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