Le 17 février, plus une place dans l’auditorium Germaine Tillon pour les retardataires. Comme tous les lundis jusqu’au 17 mars, la 4e saison des Procès du siècle, intitulée « Oser l’utopie », se demande comment « avancer vers plus de démocratie, plus d’écologie, plus de solidarité ». L’affluence montre que l’appétence est là. Pourtant le sujet du jour semble peu familier à une bonne moitié du public, quand la journaliste Nora Hamadi fait un sondage à main levée : qui sait ce qu’est l’éducation populaire ?
Ses deux invités, Hélène Balazard, chercheuse en sciences politiques, et Robin Renucci, directeur du théâtre La Criée, se lancent donc dans un historique. Lui fait remonter ses origines à Condorcet, selon qui l’éducation devait émanciper les citoyens de la sujétion, car « même sous la constitution la plus libre un peuple ignorant est toujours esclave ». Elle évoque le programme du Conseil National de la Résistance et sa volonté de rénovation sociale, après l’emprise fasciste sur le pays durant la Seconde Guerre mondiale.
Quand les fondamentaux se réveillent
L’éducation populaire, c’est « apprendre de tous, par chacun » pour l’un ; « conscientiser ses propres capacités, gagner en pouvoir d’agir », pour l’autre. Depuis une dizaine d’années, les vieilles recettes connaissent un renouveau, relèvent-ils, après des décennies où elles s’étaient assoupies dans les MJC, devenues parfois de simples lieux de consommation de loisirs. Utiliser les méthodes les plus démocratiques possibles, cela devient tellement urgent dans un contexte politique tirant de plus en plus à droite, assorti d’un libéralisme économique qui détruit les services publics. « L’éduc’ pop’ a un bel avenir si l’on lutte encore et toujours contre les dominations », s’enflamme Robin Renucci. « Cela se travaille dans le débat, la reconnaissance de l’opposition, l’acceptation du conflit, du dissensus. Considérer l’altérité comme précieuse, aller chercher la singularité de chacun plutôt que le nivellement qu’apportent les réseaux sociaux. »
Pas facile à mettre en pratique, reconnaît-il, face au rouleau compresseur de l’autoritarisme. Cette difficulté s’est d’ailleurs vue en direct, lors des échanges avec la salle. À peine un auditeur avait-il pris la parole, pour déplorer la réduction de l’éducation populaire au « simulacre participatif », qu’il se faisait sèchement rembarrer par Nora Hamadi. Ce n’est pas en répondant sur ce ton à la critique que l’on va « susciter le désir de s’exprimer », l’un des grands principes fondamentaux de l’éducation populaire. Celui ou celle qui contrôle le micro a décidément le pouvoir…
GAËLLE CLOAREC
Le prochain Procès, Où sont les nouveaux territoires de solidarité ?, réunira Juliette Rousseau, directrice de collection aux éditions du commun, et Kamel Guemari, fondateur de l'Après-M, le 24 février.
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