samedi 27 avril 2024
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Sortir les musiques censurées du silence

Le 18e festival Musiques Interdites propose d’entendre les pages les plus déchirantes des répertoires du XXe siècle : Mahler, Berg, Zaderatski, Chostakovitch

C’est une nouvelle fois sur les lieux des plus grandes dictatures du XXe siècle que le festival des Musiques Interdites nous emmène cette année, avec un détour inhabituel et bienvenu par le Sud. La dix-huitième édition du festival dirigé par Michel Pastore frappera fort avec deux dates importantes en collaboration avec l’Opéra de Marseille les 14 et 18 novembre. Le concert du 14 novembre se tiendra au Silo sous la direction de Lawrence Foster, à la direction de l’orchestre qu’il aura accompagné douze ans durant. La mezzo-soprano Aude Extrémo et le baryton Mathias Hausmann interprèteront chacun à leur tour les Kindertotenlieder de Gustav Mahler. Ces chants pour des enfants morts, inspirés par les poèmes autobiographiques de Friedrich Rückert, participeront à leur tour au destin tragique du compositeur. La jeune enfant de Gustav et Alma Mahler, Anna-Maria, décèdera en effet deux ans après leur création. Le Concerto à la mémoire d’un ange d’Alban Berg s’intercalera entre les deux lectures de ce cycle funèbre. Ici encore, c’est de perte qu’il est question : celle de la seconde fille d’Alma, Manon, proche du compositeur. Puis du compositeur Alban Berg lui-même, qui mourra en 1935, un an avant de voir ce concerto créé. La violoniste Albena Danailova donnera de la voix à ce concerto hanté, marqué par l’inquiétude de ces musiciens viennois face à la montée du nazisme.

De la Russie à l’Argentine

Le concert du 18 novembre se tiendra dans le foyer de l’Opéra de Marseille : les Poésies Populaires Juives de Dmitri Chostakovitch seront interprétées par Aude Extrémo, la soprano Charlotte Despaux et le ténor Samy Camps, accompagnés par le piano de Vladik Polionov. Le geste politique du géant russe, célébrant en 1948 la poésie yiddish au grand dam de la politique stalinienne antisémite, a gardé aujourd’hui toute sa force. La pièce pour piano Patrie de Vsevolod Zaderatski, composée deux ans auparavant, s’empare du langage musical pour dire l’horreur du goulag vécue par le musicien ukrainien. 

Deux autres dates s’annoncent également prometteuses. Celle du 8 novembre accueillera à partir de 18h au Musée d’Histoire de Marseille pour un documentaire dédié à Zaderatski, réalisé par Garard Monchablon, illustré en musique par le Prélude et fugue n°12 du compositeur, écrit lors de son internement au Goulag de Kolyma de tête – aucun piano n’étant évidemment alors à la portée du musicien – et interprété ici de nouveau par Vladik Polionov. 

Et celle du 16 novembre à l’Abbaye Saint-Victor unira de nouveau la voix lyrique d’Aude Extrémo à celle, récitante, de Violeta Sanchez, accompagnées par la guitare de Jérémy Péret. Les poèmes de Federico Garcia Lorca et Atahualpa Yupanqui, poètes brimés par les dictatures d’Espagne et d’Argentine, dialogueront avec les chansons populaires d’alors.

SUZANNE CANESSA

Du 8 au 18 novembre à l’Opéra de Marseille, au Silo, au Musée d’Histoire de Marseille et aux cryptes de l’Abbaye Saint-Victor
Suzanne Canessa
Suzanne Canessa
Docteure en littérature comparée, passionnée de langues, Suzanne a consacré sa thèse de doctorat à Jean-Sébastien Bach. Elle enseigne le français, la littérature et l’histoire de l’Opéra à l’Institute for American Universities et à Sciences Po Aix. Collaboratrice régulière du journal Zébuline, elle publie dans les rubriques Musiques, Livres, Cinéma, Spectacle vivant et Arts Visuels.
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